REVUE DE PRESSE dirigé par le Pr P. Bouche Peut-on différencier une polyradiculonévrite aiguë de type Guillain-Barré d’une forme à début aigu de polyradiculonévrite chronique ? Les auteurs ont réalisé une étude rétrospective (de 1993 à 2007) à partir des dossiers de patients ayant une polyradiculonévrite aiguë de type Guillain-Barré (AIDP) et des formes de polyradiculonévrites chroniques à début aigu (A-CIDP). L’étude a été menée au Health Sciences Centre de London dans l’Ontario (Canada) par l’équipe d’Angelika Hahn. Les diagnostics ont été réalisés selon les critères actuellement acceptés : pour l’AIDP, l’installation des symptômes doit se faire en moins de 4 semaines et, pour l’A-CIDP, elle est également de moins de 4 semaines mais la neuropathie continue de progresser au-delà de 8 semaines, ou il existe plus d’une rechute après amélioration ou disparition des symptômes, ou le maintien du traitement est nécessaire avec plus d’une série supplémentaire d’Igi.v., d’échanges plasmatiques ou d’immuno­suppresseurs. Les paramètres cliniques retenus pour comparer les 2 groupes étaient une ataxie sensitive, une altération marquée de la sensibilité vibratoire, un déficit sensitif superficiel en gants et chaussettes, des symptômes sensitifs marqués, des signes dysautonomiques, une ventilation mécanique, une faiblesse des muscles respiratoires, une paralysie faciale, une atteinte bulbaire, des douleurs dorsales ou radiculaires et des antécédents d’une maladie infectieuse. Les paramètres électrophysiologiques étaient au nombre de 3 : l’épargne du potentiel sensitif du nerf sural, le rapport sensitif supérieur à 1 et la présence d’ondes A au cours de l’étude des ondes F. L’épargne du potentiel sensitif du sural par rapport à l’altération des nerfs médian et/ou radial est considérée comme très évocatrice d’AIDP. Le rapport sensitif consiste à calculer le rapport des amplitudes des nerfs sural + radial sur cubital + médian. Les résultats ont mis en évidence : 15 patients avec A-CIDP et 30 avec AIDP. Sur le plan clinique, les paramètres qui diffèrent de façon significative sont, en faveur d’A-CIDP, l’ataxie sensitive et, pour l’AIDP, l’atteinte dysautonomique et la précession d’une affection infectieuse. En ce qui concerne les paramètres électrophysiologiques, aucun des 3 paramètres retenus ne montre de différence significative entre les 2 groupes. Les auteurs concluent en soulignant que la distinction entre A-CIDP et AIDP est initialement faite uniquement sur des éléments cliniques. P. Bouche, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris Caractéristiques cliniques et pronostic des myasthénies oculaires du sujet âgé Dans la population générale, l’incidence annuelle de la myasthénie est de 21,2 pour 1 million. La récente augmentation de l’incidence montre cependant que celle-ci affecte essentiel­ lement les sujets dont les symptômes commencent après l’âge de 70 ans. Toutes classes d’âge confondues, la myasthénie, dont les premiers symptômes sont purement oculaires, touche 39 à 53 % des patients, évoluant vers une myasthénie généralisée dans 50 % à 80 % des cas. J.A. Allen et al. rapportent les résultats d’une étude réalisée à Boston entre 1980 et 2007, afin de préciser les relations entre la myasthénie oculaire à début tardif, son diagnostic, son évolution et son pronostic avec la mise sous traitement immunomodulateur. Les critères d’inclusion étaient, en plus de la symptomatologie clinique évocatrice, au moins un des critères suivants : un taux positif d’anticorps AChR, un décrément de plus de 10 % au cours de la stimulation répétitive, un jitter positif à l’étude en fibre unique, une réponse clinique certaine à la pyridostigmine et/ou à l’édrophonium. La sévérité de la myasthénie était évaluée selon les critères de la Myasthenia Gravis Foundation of America (MGFA) : classe I, patients dont la maladie est limitée à la sphère oculaire. Les résultats sont les suivants : sur les 91 patients de la base de données de seniors, les formes oculaires pures représentaient 39 cas (43 %), dont 122 | La Lettre du Neurologue Nerf & Muscle • Vol. XIV - n° 4 - avril 2010 Commentaire Il s’agit d’un article bien décevant venant de la part d’une telle équipe. Il y a pourtant un intérêt certain à différencier les formes à début aigu des A-CIDP des vrais syndromes de Guillain-Barré, l’attitude thérapeutique est alors différente car le traitement par Igi.v. (ou autre thérapeutique à visée immunitaire) doit être prolongé. Si les critères cliniques de différenciation paraissent corrects et ne montrent en fait que ce que l’on attendait, c’est-à-dire la plus grande fréquence d’atteinte dysautonomique et respiratoire dans le syndrome de Guillain-Barré et de maladies infectieuses préalables, et, dans les A-CIDP, des formes plus souvent sensitives ataxiantes, ce sont les paramètres électro­physiologiques qui interpellent. On aurait aimé voir pris en compte d’autres paramètres tels que la dispersion des réponses motrices, la présence de blocs de conduction, les amplitudes motrices distales et les ondes F. Une étude plus consistante est ainsi nécessaire et souhaitable, car l’enjeu paraît d’importance. Référence bibliographique Dionne A, Nicolle MW, Hahn AF. Clinical and electrophysiological parameters distinguishing acute-onset chronic inflammatory demyelinating polyneuropathy from acute inflammatory demyelinating polyneuropathy. Muscle Nerve 2010;41:202-7. REVUE DE PRESSE dirigé par le Pr P. Bouche 31 avaient entre 70 et 79 ans et 8, plus de 80 ans. Sur les 39 patients, 27 (69 %) restaient oculaires pures (grade I) sur toute la durée de leur suivi, 12 (31 %) ont progressé vers une myasthénie généralisée (grades II et III). Il n’y avait aucune différence significative entre les deux groupes quant à l’âge, le sexe et le temps de suivi. Parmi les patients avec myasthénie secondairement généralisée, aucun n’a eu besoin de ventilation assistée ou d’alimentation par tube. Il en est de même du taux des anticorps anti-AChR (pour tout le groupe : 89 % de positifs), mais pas de différences entre les deux groupes. Les tests électrophysiologiques n’ont pas montré non plus de différence significative entre les deux groupes. Les affections auto-immunes associées ou la présence de thymome ne sont pas non plus significativement différentes. En revanche, le traitement immunomodulateur semble protéger les patients d’une généralisation de la myasthénie, ce qui paraît constituer ainsi la seule leçon pratique que l’on peut tirer de cette étude. P.B. Commentaire Cette étude apporte des résultats intéressants concernant les patients seniors avec pure myasthénie oculaire, dont 31 % ont développé par la suite une forme généralisée, sans qu’aucun caractère au début permette de prédire la généralisation. Il faut souligner que le traitement immunomodulateur serait un bon moyen de prévenir la généralisation. Les formes oculaires pures du sujet âgé sont fréquentes et sont généralement de pronostic relativement bon, à condition de traiter ces patients. Référence bibliographique Allen JA, Scala S, Jones HR. Ocular myasthenia gravis in a senior population: diagnosis, therapy, and prognosis. Muscle Nerve 2010;41:379-84. Une myopathie immunitaire méconnue et rare, mais traitable : la “SLONM” Les myopathies à bâtonnets (myopathie némaline) sont réparties en deux grands groupes : les formes congénitales héréditaires, qui donnent des tableaux parfois très sévères à la naissance, ou parfois plus bénins, diagnostiqués à l’âge adulte (mais toujours avec un temps initial dans l’enfance et l’adolescence), et les formes acquises, qui surviennent à l’âge adulte et qui sont beaucoup plus évolutives. Des formes ont ainsi été décrites dans le cadre d’une séropositivité au VIH. En dehors de ce cadre, les myopathies à bâtonnets sporadiques tardives (ou Sporadic Late Onset Nemaline Myopathies [SLONM]) sont des atteintes déficitaires motrices subaiguës, souvent assez évolutives et touchant particulièrement les membres supérieurs, le tronc et les muscles du cou (bras ballants, tête tombante, etc.). Le diagnostic suspecté est souvent une polymyosite, mais les CPK sont normales ou peu augmentées, il n’y a pas sur la biopsie musculaire les signes habituels de nécrose et surtout d’inflammation, et pas d’amélioration sous corticoïdes. Le diagnostic repose sur la mise en évidence de bâtonnets dans des fibres atrophiques (figure), présence confirmée en microscopie électronique. Parfois, ces bâtonnets sont difficiles à mettre en évidence et peuvent ne pas être repérés sur une première biopsie musculaire. Il existe souvent, associée à ces cas, une gammapathie monoclonale (IgG ou IgA) sans hémopathie maligne. Ces formes avec gammapathie monoclonale sont d’évolution particulièrement défavorable malgré les corticoïdes et autres immunosuppresseurs associés. Des cas, ayant fait l’objet de publications récentes, ont pu être stabilisés, voire améliorés sous autogreffe de cellules souches. Les auteurs de cet article rapportent deux nouveaux cas associés à des IgG monoclonales, de signification indéterminée : 2 hommes, âgés de 61 et 46 ans, et présentant une forme sévère avec atteinte proximale, axiale (tête tombante) et diplégie faciale. Ces 2 patients ont montré une nette amélioration sous Ig i.v. : pour le premier patient, ce traitement seul a été instauré, mais avec la nécessité de perfusions tous les mois y compris 3 à 4 ans après le début, avec uniquement la possibilité de réduire la dose par cures de 50 g ; le second patient a été placé sous Igi.v. associée à des bolus de méthylprednisolone puis à du mycofénolate mofétil (MMF) jusqu’à une réduction des perfusions tous les 2 mois. La poursuite de l’amélioration après Ig i.v. semblait se maintenir à distance de l’instauFigure. Muscle transversal, congelé, coloration ration du traitement malgré cette dépendance. par le trichrome de Gomori modifié. Présence dans une fibre atrophique d’images fuscinoT. Maisonobe, philes allongées évocatrices de bâtonnets. hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris 124 | La Lettre du Neurologue Nerf & Muscle • Vol. XIV - n° 4 - avril 2010 Commentaire Il est intéressant de constater une thérapeutique active immunitaire sous la forme d’Ig i.v. dans cette affection musculaire acquise sévère et réputée d’évolution très défavorable, allant souvent jusqu’à l’atteinte respiratoire et la nécessité d’une ventilation assistée. Cette expérience ne correspond pas à l’impression des équipes de myologistes américaines, françaises et belges qui ont déjà publié à propos de cette pathologie et qui décrivaient au contraire une résistance à toutes thérapeutiques immunitaires ou alors seulement une sensibilité à des chimiothérapies lourdes – de type melphalan – ou à des greffes de moelle. Il y a trop peu de cas traités par Ig i.v. pour que l’on puisse réellement en tirer une conduite thérapeutique claire. Cependant, l’amélioration de ces 2 patients, qui semble réelle sur l’évolution des scores RMC, est un argument supplémentaire quant à l’origine immunitaire (plus ou moins liée à la gammapathie) de cette myopathie et incite à essayer 2 ou 3 cures d’Ig i.v. systématiques en cas de diagnostic avant de passer à des traitements hématologiques plus lourds en cas d’échec. Référence bibliographique Milone M, Katz A, Amato A et al. Sporadic late onset nemaline myopathy responsive to Igi.v. and immunotherapy. Muscle Nerve 2010;41:272-6. REVUE DE PRESSE Un nouveau phénotype de SLA familiale avec mutation SOD1 (A4V) Commentaire La sclérose latérale amyotrophique (SLA) peut être familiale dans 10 à 15 % des cas. Les mutations sur le gène codant pour l’enzyme superoxyde dismutase cytosolique Cu/Zn (SOD1) expliquent 20 à 25 % de ces formes familiales, dont la plus commune montre une substitution d’une alanine par une valine au codon 4 (A4V). Cette mutation concerne jusqu’à 50 % des formes familiales du Nord des États-Unis. Son phénotype est caractérisé par un mode de début et une évolution rapides, ainsi que par une survie moyenne située entre 0,9 et 1,4 an. Le site de début est le plus souvent aux membres inférieurs, mais il peut être bulbaire. L’atteinte du motoneurone spinal est en général prédominante, et l’atteinte centrale n’est trouvée que dans 10 % des séries. Une hyperacousie et une ophtalmoplégie sont rarement rapportées. Cet article fait état du cas clinique et électrophysiologique d’un homme canadien âgé de 73 ans ayant 2 antécédents familiaux de SLA (grand-père maternel et cousin germain). Le premier symptôme de ce patient est une paralysie faciale unilatérale qui se bilatéralise en quelques semaines, avec dysarthrie et dysphagie. La paralysie d’une corde vocale est constatée en fibroscopie. La diplégie faciale est massive à 4 mois du début de la maladie, accompagnée d’un déficit moteur proximal de 2/5 à la main droite et de 4/5 à la cuisse droite également. Les fasciculations sont notées mais peu abondantes ; les réflexes sont diminués aux membres supérieurs, et sont normaux aux membres inférieurs. Une atteinte diaphragmatique s’installe rapidement et, malgré une trachéotomie, le patient décède moins de 15 mois après le début des signes. N. Le Forestier, hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris En dehors de l’intérêt de ce perturbant nouveau phénotype, les auteurs comparent ce cas aux formes familiales de la maladie du motoneurone associées à une mutation de la sous-unité p150Glued de la dynactine, protéine entrant dans la constitution des microtubules moteurs et essentielle pour le transport rétrograde axonal. La forme clinique commence par une paralysie précoce des cordes vocales, associée plus tardivement à un déficit des muscles de la face, des mains et de la partie distale des membres inférieurs. Les auteurs repportent également les cas de maladie du motoneurone de Madras et de syndrome de Brown-Vialetto-Van Laere qui peuvent se présenter par une atteinte des nerfs crâniens, une perte auditive, une atteinte respiratoire et un déficit moteur des membres inférieurs. Ce court article est à connaître. Dommage, simplement, que rien ne soit dit des deux cas familiaux antérieurs de ce patient. Référence bibliographique Salameh JS, Atassi N, David WS. SOD1 (A4V)-mediated ALS presenting with lower motor neuron facial diplegia and unilateral vocal cord paralysis. Muscle Nerve 2009;40:880-2. Abonnez-vous en ligne ! www.edimark.fr Bulletin d’abonnement disponible page 143 La Lettre du Neurologue Nerf & Muscle • Vol. XIV - n° 4 - avril 2010 | 125