REVUE DE PRESSE dirigé par
le Pr P. Bouche
124 | La Lettre du Neurologue Nerf & Muscle • Vol. XIV - n° 4 - avril 2010
31 avaient entre 70 et 79 ans et 8, plus de 80 ans. Sur les 39 patients, 27 (69 %) restaient
oculaires pures (grade I) sur toute la durée de leur suivi, 12 (31 %) ont progressé vers une
myasthénie généralisée (grades II et III). Il n’y avait aucune différence significative entre les
deux groupes quant à l’âge, le sexe et le temps de suivi. Parmi les patients avec myasthénie
secondairement généralisée, aucun n’a eu besoin de ventilation assistée ou d’alimentation
par tube. Il en est de même du taux des anticorps anti-AChR (pour tout le groupe: 89 %
de positifs), mais pas de différences entre les deux groupes. Les tests électrophysiologiques
n’ont pas montré non plus de différence significative entre les deux groupes. Les affections
auto-immunes associées ou la présence de thymome ne sont pas non plus significativement
différentes. En revanche, le traitement immunomodulateur semble protéger les patients
d’une généralisation de la myasthénie, ce qui paraît constituer ainsi la seule leçon pratique
que l’on peut tirer de cette étude.
P.B.
Une myopathie immunitaire méconnue et rare,
mais traitable : la “SLONM”
Les myopathies à bâtonnets (myopathie némaline) sont réparties en deux grands groupes: les
formes congénitales héréditaires, qui donnent des tableaux parfois très sévères à la naissance,
ou parfois plus bénins, diagnostiqués à l’âge adulte (mais toujours avec un temps initial dans
l’enfance et l’adolescence), et les formes acquises, qui surviennent à l’âge adulte et qui sont
beaucoup plus évolutives. Des formes ont ainsi été décrites dans le cadre d’une séropositivité au
VIH. En dehors de ce cadre, les myopathies à bâtonnets sporadiques tardives (ou Sporadic Late
OnsetNemaline Myopathies [SLONM]) sont des atteintes déficitaires motrices subaiguës, souvent
assez évolutives et touchant particulièrement les membres supérieurs, le tronc et les muscles du
cou (bras ballants, tête tombante, etc.). Le diagnostic suspecté est souvent une polymyosite, mais
les CPK sont normales ou peu augmentées, il n’y a pas sur la biopsie musculaire les signes habi-
tuels de nécrose et surtout d’inflammation, et pas d’amélioration sous corticoïdes. Le diagnostic
repose sur la mise en évidence de bâtonnets dans des fibres atrophiques (figure), présence
confirmée en microscopie électronique. Parfois, ces bâtonnets sont difficiles à mettre en évidence
et peuvent ne pas être repérés sur une première biopsie musculaire. Il existe souvent, associée à
ces cas, une gammapathie monoclonale (IgG ou IgA) sans hémopathie maligne. Ces formes avec
gammapathie monoclonale sont d’évolution particulièrement défavorable malgré les corticoïdes
et autres immunosuppresseurs associés. Des cas, ayant fait l’objet de publications récentes, ont
pu être stabilisés, voire améliorés sous autogreffe de cellules souches. Les auteurs de cet article
rapportent deux nouveaux cas associés à des IgG monoclonales, de signification indéterminée :
2 hommes, âgés de 61 et 46 ans, et présentant une forme sévère avec atteinte proximale, axiale
(tête tombante) et diplégie faciale. Ces 2 patients ont montré une nette amélioration sous Ig i.v.:
pour le premier patient, ce traitement seul a été
instauré, mais avec la nécessité de perfusions
tous les mois y compris 3 à 4 ans après le début,
avec uniquement la possibilité de réduire la dose
par cures de 50 g; le second patient a été placé
sous Igi.v. associée à des bolus de méthylpred-
nisolone puis à du mycofénolate mofétil (MMF)
jusqu’à une réduction des perfusions tous les
2 mois. La poursuite de l’amélioration après Ig
i.v. semblait se maintenir à distance de l’instau-
ration du traitement malgré cette dépendance.
T. Maisonobe,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris
Commentaire
Il est intéressant de constater une thérapeutique
active immunitaire sous la forme d’Ig i.v. dans cette
affection musculaire acquise sévère et réputée
d’évolution très défavorable, allant souvent jusqu’à
l’atteinte respiratoire et la nécessité d’une ventila-
tion assistée. Cette expérience ne correspond pas
à l’impression des équipes de myologistes améri-
caines, françaises et belges qui ont déjà publié à
propos de cette pathologie et qui décrivaient au
contraire une résistance à toutes thérapeutiques
immunitaires ou alors seulement une sensibilité à
des chimiothérapies lourdes – de type melphalan
– ou à des greffes de moelle. Il y a trop peu de cas
traités par Ig i.v. pour que l’on puisse réellement en
tirer une conduite thérapeutique claire. Cependant,
l’amélioration de ces 2 patients, qui semble réelle
sur l’évolution des scores RMC, est un argument
supplémentaire quant à l’origine immunitaire (plus
ou moins liée à la gammapathie) de cette myopathie
et incite à essayer 2 ou 3 cures d’Ig i.v. systématiques
en cas de diagnostic avant de passer à des traite-
ments hématologiques plus lourds en cas d’échec.
Référence bibliographique
Milone M, Katz A, Amato A et al. Sporadic late onset nema-
line myopathy responsive to Igi.v. and immunotherapy.
Muscle Nerve 2010;41:272-6.
Figure. Muscle transversal, congelé, coloration
par le trichrome de Gomori modifié. Présence
dans une fibre atrophique d’images fuscino-
philes allongées évocatrices de bâtonnets.
Commentaire
Cette étude apporte des résultats intéressants
concernant les patients seniors avec pure myasthénie
oculaire, dont 31 % ont développé par la suite une
forme généralisée, sans qu’aucun caractère au début
permette de prédire la généralisation. Il faut souli-
gner que le traitement immunomodulateur serait
un bon moyen de prévenir la généralisation.
Les formes oculaires pures du sujet âgé sont
fréquentes et sont généralement de pronostic rela-
tivement bon, à condition de traiter ces patients.
Référence bibliographique
Allen JA, Scala S, Jones HR. Ocular myasthenia gravis in
a senior population: diagnosis, therapy, and prognosis.
Muscle Nerve 2010;41:379-84.