Reçu le : 21 mai 2013 Accepté le : 26 septembre 2013 Disponible en ligne 31 octobre 2013 Disponible en ligne sur ScienceDirect www.sciencedirect.com Recommandations Conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de gale§ Management of one or several cases of scabies D. Bitara, E. Caumesb,*, F. Chandrec, P. Del Guidiced, J.-F. Gehannoe, C. Le Goasterf, G. Monselg, B. De Wazieresh, C. Rabaudc a Institut de Veille Sanitaire, 12, rue du Val d’Osne, 94441 Saint-Maurice cedex, France Comité des maladies liées aux voyages et des maladies d’importation du Haut Conseil de la santé publique, 14, avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, France c Commission spécialisée des maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique, 14, avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, France d Centre hospitalier de Fréjus-Saint-Raphaël, 240, avenue de Saint-Lambert, 83600 Fréjus, France e Commission spécialisée Sécurité des patients du Haut Conseil de la santé publique, 14, avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, France f Secrétariat Général du Haut Conseil de la santé publique, 14, avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, France g Hôpital Saint-Louis, 1, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France h Comité technique des vaccinations du Haut Conseil de la santé publique, 14, avenue Duquesne, 75350 Paris 07 SP, France b 1. Introduction La gale est connue depuis Aristote (384–322 BC). Elle est toujours d’actualité et fait l’objet de mises au point régulièrement dans les grands journaux médicaux. La gale humaine est due à un arthropode, acarien, dénommé Sarcoptes scabiei. var. hominis. Il s’agit d’une maladie infectieuse contagieuse, d’expression dermatologique. Son diagnostic est difficile, les épidémies fréquentes et le traitement mal codifié. 2. Traitement – Recommandations du groupe de travail 2.1. Traitement individuel 2.1.1. Gale commune En l’état actuel des connaissances, il n’y a pas de niveau de preuve suffisant pour recommander préférentiellement le § Extraits du Rapport du groupe de travail du 9 novembre 2012, présidé par Éric Caumes, de la Commission spécialisée des maladies transmissibles du Haut Conseil de la santé publique (HCSP). Résumé : O. Romain. * Auteur correspondant. e-mail : [email protected] (E. Caumes). 0929-693X/$ - see front matter ß 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2013.09.027 Archives de Pédiatrie 2013;20:1358-1363 1358 traitement per os ou celui par voie locale ou une association des deux. Cependant, il existe un certain nombre d’arguments en faveur du traitement par voie générale par l’ivermectine : la facilité d’utilisation avec une observance attendue meilleure, argument qui emporte la conviction en cas d’épidémie en collectivité, dans les situations de précarité et pour les patients handicapés ; seul l’ivermectine est remboursable par l’assurance maladie ; la commission de transparence de la Haute Autorité de santé estime important le rapport efficacité/tolérance de l’ivermectine dans le traitement de la gale. En cas de traitement local, le benzoate de benzyle (BB)/ sulfiram semble le traitement à privilégier mais il n’est pas remboursé par la sécurité sociale, car classé dans la catégorie « autres produits et substances pharmaceutiques réglementées, chapitre insecticides et acaricides ». En l’état actuel des connaissances, il n’y a pas de niveau de preuve suffisant pour recommander préférentiellement 2 doses plutôt qu’1 pour le traitement per os ou 2 applications plutôt qu’1 pour le traitement local. Cependant un deuxième traitement paraı̂t nécessaire avec 3 arguments : les différents produits utilisés par voie topique ou générale sont très probablement inefficaces sur les œufs et peut être les formes larvaires immatures ; Conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de gale les taux de succès en cas de traitement unique sont moins élevés ; les anglo-saxons utilisent la perméthrine, anti-gale de référence dans leurs pays, en traitement renouvelé 1 semaine plus tard. Dans tous les cas, la durée entre 2 traitements ou 2 applications ne doit pas être inférieure à 7 jours et pas supérieure à 14 jours. La proposition est de retraiter 1 semaine plus tard. 2.1.2. Gale profuse et hyperkératosique En cas de gale hyperkératosique, le traitement per os est indispensable et un traitement local doit être associé, en milieu spécialisé dermatologique. Les 2 traitements doivent être répétés ; en l’absence de consensus, l’intervalle entre 2 doses et la durée du traitement pourront varier en fonction des résultats des prélèvements parasitologiques cutanés et seront décidés par le spécialiste (dermatologue). À ce jour, il n’existe pas d’argument pour interrompre le traitement avant la négativation des prélèvements parasitologiques. En cas de gale profuse, une stratégie thérapeutique combinant traitement local et général pourrait être discutée. 2.2. Traitement de l’entourage Il dépend du degré de proximité avec le cas index et de la forme clinique de gale. En ce qui concerne la proximité, les sujets contacts sont définis en 3 cercles. Le premier cercle inclut les personnes ayant eu un contact cutané, direct, prolongé avec un cas (ex : entourage familial proche, relations sexuelles, soins de nursing,. . .). La gale doit être considérée comme une maladie sexuellement transmissible. Le deuxième cercle inclut les personnes vivant ou travaillant dans la même collectivité. Le troisième cercle inclut les personnes visitant occasionnellement la collectivité, et l’entourage familial des personnes fréquentant régulièrement la collectivité. En cas de gale commune, tous les sujets contacts du premier cercle, même s’ils sont asymptomatiques, doivent être traités. En cas de gale profuse ou hyperkératosique, les sujets contacts du premier cercle et du deuxième cercle et, le cas échéant, ceux du troisième cercle doivent être traités car la définition des cas à traiter doit être plus large en raison de la très forte contagiosité et du risque de contamination indirecte par le partage d’un même mobilier ; le nombre de cas secondaires dans les 2 premiers cercles peut également orienter la décision. 2.3. Mesures d’hygiène Le traitement de l’environnement comprend, d’une part, le traitement du linge et, d’autre part, une éventuelle désinfection par un acaricide de l’environnement général (literie, mobilier absorbants,. . .). 2.3.1. Traitement du linge Il est important de désinfecter dans le même temps les vêtements et le linge de lit de toutes les personnes vivant sous le même toit, utilisé depuis moins de 72 heures en cas de gale commune et depuis moins de 10 jours en cas de gale profuse/hyperkératosique. Un simple lavage du linge en machine à 60 8C permet de décontaminer efficacement le linge. Dans le cas où le linge ne peut être lavé en machine à cette température, l’utilisation d’un acaricide permet de procéder à une désinfection du linge dans un délai relativement court. Le linge peut également être laissé dans un sac pendant au moins 72 heures à température intérieure (> 208). 2.3.2. Traitement de l’environnement Le traitement de l’environnement est indiqué en cas de gale profuse, et est probablement inutile en cas de gale commune. Ainsi pour la plupart des gales communes le traitement environnemental n’apparaı̂t pas nécessaire. Il est éventuellement à envisager en fonction du contexte : nombre important de cas, contexte socio-économique, répétition des épisodes,. . . Il n’y a pas de consensus concernant le choix du moment optimal de traitement de l’environnement : avant, pendant ou après la prise du traitement individuel. Mais il paraı̂t préférable de traiter l’environnement alors que les individus sont protégés par un traitement actif, soit dans les 12 heures suivant la prise d’ivermectine ou le badigeon de BB. Avec la prise d’un traitement individuel au coucher, la désinfection de l’environnement peut être effectuée le lendemain matin. Par ailleurs, il est nécessaire de respecter un délai de 12 heures avant de pouvoir réutiliser une literie qui ayant été désinfectée par un acaricide. Tous les éléments du mobilier constitués de matériaux absorbants et potentiellement en contact avec des sujets atteints, doivent être traités (pas de risque de contamination par le biais de surfaces froides et inertes telles que la vaisselle, les couverts, les stylos ou les cahiers,. . .). Après la pulvérisation de l’acaricide, un nettoyage complet des locaux et du mobilier doit être réalisé. En milieu hospitalier, il est souvent préconisé d’effectuer ce nettoyage des locaux avant de pulvériser l’acaricide. 2.4. Institutions Les recommandations pour le traitement des cas groupés en institution ne sont pas développées ici. 3. Les médicaments utilisés Le traitement repose sur l’utilisation d’acaricides par voie locale ou générale. Les acaricides neurotoxiques, qu’ils agissent par voie topique ou systémique, perturbent le fonctionnement du système nerveux des acariens (larves, nymphes et 1359 D. Bitar et al. adultes) en provoquant leur paralysie puis leur mort. Aucune étude n’a été faite spécifiquement sur les œufs de sarcoptes. On raisonne donc par analogie avec ce que l’on sait de l’efficacité de ces molécules chez les insectes (poux, moustiques) ; en effet les insectes sont différents des acariens mais les 2 sont des arthropodes. Ces molécules ne sont pas actives sur les œufs mais peuvent tuer les jeunes larves à l’éclosion tant que le produit persiste [90–92]. Bien que le délai entre la ponte et l’éclosion ne soit que de quelques jours, une partie des larves qui naissent tardivement peut échapper au traitement si les concentrations en principe actif ne sont plus suffisantes au niveau de l’épiderme. C’est une des raisons pour lesquelles un second traitement peut être considéré comme nécessaire. Les molécules discutées ci-dessous ne sont pas toutes disponibles en France mais ont été étudiées afin d’avoir un tableau le plus complet possible de l’arsenal thérapeutique existant. 3.1. BB/sulfiram (AscabiolW) L’AscabiolW est le traitement de référence en France et dans les pays francophones d’Afrique (mais il connaı̂t actuellement des problèmes de disponibilité en France). Il comprend 2 principes actifs : le BB (10 %) et le sulfiram. Les données concernant la toxicité animale et humaine sont considérées comme insuffisantes aux États-Unis où le produit n’est donc pas recommandé par la Food and Drug Administration (FDA). Il agit à la fois sur les adultes et les larves. L’efficacité sur les œufs n’est pas prouvée. Les données scientifiques concernant l’efficacité du BB sont rares et difficilement comparables. BB versus ivermectine per os : les études sont très hétérogènes ; elles ne permettent pas d’affirmer actuellement la supériorité d’une molécule sur l’autre. BB versus perméthrine : dans une étude utilisant le BB à 25 % ; il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes après 1 semaine. BB versus pyréthrine : aucune différence significative entre les 2 groupes n’a été mise en évidence à 4 semaines. Une application de BB versus 2 applications : une seule étude a comparé une application de 24 heures de BB à 12,5 % à 2 applications de 24 heures chacune à 24 heures d’intervalle. À j14, il n’y avait pas de différence significative entre les 2 groupes (68,8 % groupe BB2 versus 54,4 % groupe BB1, RR = 2 ; 0,89–4,66 ; 108 patients). Mais la différence en faveur d’une double application était plus importante à j28 (95,8 % groupe BB2 versus 76,5 % groupe BB1). Finalement, les données actuelles sont insuffisantes pour pouvoir comparer l’efficacité du BB à l’ivermectine ou aux autres traitements topiques. Toutefois l’étude comparative la plus rigoureuse à ce jour plaide en faveur de l’application de BB renouvelée à 24 heures. Même si cette étude menée au Sénégal concluait qu’un seul badigeon pouvait suffire, cette conclusion était adaptée aux pays en développement en prenant en compte le paramètre économique. Le produit est laissé en place 24 heures, puis rincé. L’efficacité et la tolérance du BB chez l’enfant 1360 Archives de Pédiatrie 2013;20:1358-1363 sont comparables à celles de l’adulte. La durée d’application doit être inférieure à 12 heures chez l’enfant âgé de moins de 2 ans, voire 6 heures chez les très jeunes enfants. 3.2. Imervectine (StromectolW) L’ivermectine est le premier traitement systémique de la gale humaine. Il agit en induisant une paralysie des arthropodes et des nématodes en interrompant la neurotransmission. Actuellement selon le libellé de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) une prise unique d’ivermectine est recommandée, une deuxième prise étant possible en cas d’échec. Néanmoins, si l’on considère que l’ivermectine n’est probablement pas actif sur les œufs et que le délai d’éclosion des œufs est de quelques jours, il serait logique de proposer d’emblée une deuxième dose entre le 7e et le 14e jour. D’ailleurs, dans la majorité des études, les taux de guérisons ne dépassent pas 70–75 % avec une prise unique et atteignent 90–95 % avec 2 prises. L’ivermectine systémique constitue une option complémentaire du fait de sa bonne tolérance et de sa simplicité d‘administration en une prise à jeun, permettant une observance optimale par rapport au traitement topique plus fastidieux. Son association avec un traitement topique mériterait d’être évaluée. 3.3. La perméthrine La perméthrine (ratio cis:trans 25/75) est un pyréthrinoı̈de de synthèse recommandé pour le traitement de la gale dans de nombreux pays sous forme de crème à 5 % (États-Unis, Royaume Uni, Belgique,. . .). La perméthrine est appliquée sur l’ensemble du corps (sauf tête et cuir chevelu) pendant 12 heures la nuit puis rincée au matin. Un second traitement doit être effectué après 8–15 jours. Elle est recommandée pour le traitement des adultes, des enfants (> 2 ans) et des personnes âgées. Du fait de sa faible toxicité elle est aussi recommandée pour les femmes enceintes, les femmes allaitantes, et les enfants âgés entre 2 mois et 2 ans de préférence sous-surveillance médicale. 3.4. Esdépalléthrine Le SprégalW est l’association de l’esdépalléthrine et du butoxyde de pipéronyle. Il agit en perturbant le fonctionnement du canal sodique voltage-dépendant du parasite, provoquant la paralysie et la mort du parasite. La présentation du SprégalW en aérosol facilite son utilisation sur la majorité du corps par simple pulvérisation. Les données concernant l’efficacité de l’esdépalléthrine sont rares ; 2 études italiennes suggèrent que l’efficacité de ce pyréthrinoı̈de n’est pas différente de celle du benzoate de benzyle. 4. Données épidémiologiques En France, la déclaration de la gale n’est pas obligatoire. Il n’existe pas de système de surveillance spécifique permettant Conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de gale d’estimer l’incidence de l’infection en population générale. Les cas communautaires incluent les cas de gale isolés ou les cas groupés (intrafamiliaux ou en collectivités telles que crèches, écoles, clubs de sport, centres d’aide par le travail, etc.). Les cas de gale survenant dans les établissements de santé doivent être signalés dans le cadre du signalement réglementaire des infections nosocomiales. En France, l’incidence a été estimée indirectement à un minimum de 328 cas de gale/105 par an. 5. Transmission Le parasite est strictement humain. La transmission interhumaine se fait principalement par contact direct, « peau contre peau ». Les facteurs favorisant la transmission sont les contacts physiques rapprochés et prolongés : vie familiale, contacts sexuels, vie en collectivité. Une transmission indirecte à partir du linge, de la literie ou même de canapés en tissu ou en cuir, etc., est parfois évoquée. La transmission indirecte à partir du linge est difficile mais a été discutée dans différentes circonstances. 6. Entomologie Le cycle parasitaire dure environ de 10–15 jours. Après l’accouplement, le mâle meurt et la femelle creuse un sillon dans la couche cornée de l’épiderme. Sa progression dans l’épiderme peut aller de 0,5 mm à 5 mm/jour. Quelques heures après avoir débuté son sillon la femelle commence à pondre au rythme de 2 à 3 œufs chaque jour. Au cours de sa vie, en moyenne d’1 mois, une femelle peut produire jusqu’à 40 œufs. Les larves éclosent 2 à 4 jours après la ponte et migrent à la surface de la peau où elles creusent un nouveau sillon. La durée d’incubation est d’environ 3 semaines mais est réduite à moins de 3 jours lors d’une réinfestation. Dans une étude historique, humaine et expérimentale, conduite dans les années 1940, la symptomatologie se déclarait en moins de 24 heures chez plus de 95 % des personnes réexposées. Ceci s’explique par un mécanisme d’hypersensibilité vis-à-vis du sarcopte. Ce mécanisme met beaucoup plus de temps à se mettre en place en cas de primo exposition. Il existe également une immunité protectrice qui expliquerait la moindre symptomatologie en cas de réinfestation ainsi qu’une charge parasitaire plus faible. conjugal est très évocateur du diagnostic de gale. Certaines lésions cutanées sont secondaires : eczématisation ou lésions induites par le grattage (papules, nodules, érosions, ou stries de grattage). Certaines lésions cutanées sont plus spécifiques : sillons, vésicules perlées et nodules scabieux. Le sillon scabieux est un signe clinique spécifique. Il réalise une petite lésion cutanée sinueuse, filiforme progressant de 5 mm par jour environ. Il correspond au trajet de l’acarien femelle dans la couche cornée. Il s’observe surtout aux régions interdigitales des mains et sur les faces antérieures des poignets. À l’une des extrémités du sillon, peut exister parfois une surélévation de la taille d’une tête d’épingle, qui correspond à la position de la femelle adulte. Chez le nourrisson, le prurit se traduit initialement par une agitation, puis surviennent les lésions de grattage. Il existe certaines particularités : les lésions vésiculeuses pustuleuses sont typiquement localisées aux régions palmoplantaires et les nodules scabieux sont plus volontiers localisés aux régions inguinogénitales et aux creux axillaires. La complication la plus répandue est l’impétiginisation du fait du grattage. Les principales bactéries en cause dans cette surinfection sont Streptococcus pyogenes et Staphylococcus aureus. 8. Diagnostic positif En pratique le diagnostic de gale commune est souvent clinique mais il faut encourager sa confirmation microscopique par un examen dermoscopique ou parasitologique. Le diagnostic de gale profuse et hyperkératosique (croûteuse) doit être parasitologique. 8.1. Diagnostic clinique Dans les formes communes, le diagnostic est, essentiellement clinique : interrogatoire à la recherche d’un contage et de cas dans l’entourage (le caractère conjugal ou familial est très évocateur), prurit à recrudescence nocturne et localisations caractéristiques des lésions cutanées (au mieux, lésions vésiculeuses, voire sillons). Le traitement d’épreuve à visée diagnostique doit être évité. Il peut cependant être justifié de traiter une gale en présence de symptômes classiques, de lésions caractéristiques et d’éléments de contexte épidémiologique, même en l’absence de confirmation parasitologique. 8.2. Diagnostic microscopique 7. Formes cliniques Il faut garder à l’esprit que la maladie peut recouvrir des entités différentes, de la gale des gens propres et des gales débutantes sans lésion cutanée jusqu’aux gales profuses avec nombreuses lésions cutanées sans pour autant être hyperkératosiques. Le prurit d’abord localisé peut ensuite se généraliser, de façon plus ou moins intense selon les individus. Habituellement il est à recrudescence nocturne. Le caractère collectif, familial ou 8.2.1. Prélèvement parasitologique avec examen au microscope En cas de gale hyperkératosique ou de gale profuse, et en cas d’épidémie en collectivité, il est indispensable, de prélever le cas index (ou, à défaut, les cas les plus anciens si non traités) afin d’avoir une confirmation parasitologique. Le prélèvement parasitologique permet de visualiser le sarcopte, les œufs, les larves et/ou les scybales (excréments) par l’examen au microscope du 1361 D. Bitar et al. produit de grattage des lésions spécifiques. La négativité du prélèvement parasitologique n’élimine pas le diagnostic de gale commune car la sensibilité de cette technique est faible. 8.2.2. Dermoscopie La dermoscopie est utilisée dans le diagnostic de la gale depuis quelques années. À fort grossissement (40), elle permet de visualiser le sarcopte comme une structure triangulaire ressemblant à un avion vu du ciel (« jet with contrail »). À plus faible grossissement (10 ou 20), avec un dermoscope de poche, moins coûteux et beaucoup plus simple d’utilisation, le sarcopte se visualise sous la forme d’un triangle noir de très petite taille (signe dit du deltaplane). 8.2.3. Scotch Test Les avantages de cette technique sont sa simplicité, réalisable par tout médecin, et sa rapidité. Elle permet de visualiser directement le sarcopte. Son principal inconvénient est son manque de sensibilité (68 %). Cette technique n’est pas utilisée en routine. 8.2.4. Microscopie confocale La microscopie confocale, permettant de visualiser la totalité de l’adulte et de distinguer les formes larvaires des formes adultes, pourrait être intéressante pour le diagnostic. Son utilité reste à démontrer (faible reproductibilité entre différents opérateurs) mais son utilisation est de toute façon limitée par le coût de l’appareil. 8.3. Diagnostic immunologique Il n’existe pas en routine de diagnostic biologique pour la gale. L’intérêt du dosage des immunoglobulines E spécifiques dirigées contre des antigènes du sarcopte est en cours d’évaluation. Cette méthode n’est pas utilisée en pratique courante. 8.4. Anatomopathologie La biopsie cutanée réalisée afin d’éliminer des diagnostics différentiels peut parfois aider au diagnostic. 8.5. Biologie moléculaire La sensibilité de la réaction de polymérisation en chaı̂ne (PCR) appliquée sur des prélèvements cutanés est variable avec des taux de positivité de 100 % en cas d’examen parasitologique direct positif, de 58 % en cas d’examen négatif chez des patients avec gale, et de 38 % en cas d’examen négatif chez des patients seulement suspects de gale. 9. Diagnostic différentiel Les principaux diagnostics différentiels de la gale commune sont les dermatoses prurigineuses telles que la dermatite 1362 Archives de Pédiatrie 2013;20:1358-1363 atopique, le lichen plan, les eczémas généralisés, le prurigo. 10. Conduite pratique du traitement 10.1. Benzoate de Benzyle/Sulfiram (AscabiolW) 10.1.1. J0 – Jour du traitement médical Le jour du traitement médical, il faut : prendre un bain ou une douche le soir et se sécher ; W appliquer l’Ascabiol avec un pinceau large – (7 cm) ou à la main (ne pas utiliser de coton ou de lingette) en 2 applications successives (une seule application pour les enfants de moins de 2 ans et les femmes enceintes) à 10–15 minutes d’intervalle (temps de séchage) sur la totalité de la surface corporelle en insistant sur les lésions, sans oublier les plis cutanés, sous les seins, le nombril, les parties génitales, sous les ongles et en évitant le visage ; puis un temps de contact de 24 heures doit être respecté. Il est réduit à 12 heures dans les cas particuliers de l’enfant de moins de 2 ans (voire 6 heures pour les plus jeunes) et de la femme enceinte. Remarques : dans le cas où un lavage des mains aurait été nécessaire, il faut réaliser une nouvelle application ; chez l’enfant en bas âge, il est recommandé d’envelopper les mains dans des moufles afin d’éviter l’ingestion du produit et limiter les lésions de grattage ; le jour du traitement, il est important d’utiliser du linge propre (vêtements ; serviette de bain) et de changer le linge de lit afin d’éviter la poursuite d’une contamination éventuelle. 10.1.2. J1 – Traitement de la literie, du linge et de l’environnement 10.1.2.1. Traitement de l’environnement Le lendemain matin, procéder au nettoyage classique des locaux, et en cas de gale profuse ou hyperkératosique à une désinfection par un acaricide des matelas, sommiers et autres mobiliers absorbants. 10.1.2.2. Traitement du linge et de la literie Rassembler le linge utilisé jusqu’à ce jour – (y compris serviettes de toilette, draps, taies,. . .) et le laver en machine à 60 8C ou le désinfecter avec un acaricide (stockage en sac plastique avec produit acaricide pendant au moins 3 heures) ou par mise en quarantaine de 3 jours (gale commune) à 8 jours (gale profuse) dans un sac plastique qui sera gardé à température ambiante intérieure à 20 8C. Vingt-quatre heures après l’application d’AscabiolW, prendre une douche et rincer le produit abondamment. Il est de nouveau nécessaire de prendre une serviette de bain propre (1er changement effectué avant le traitement). Prendre des vêtements propres et changer les draps du lit une nouvelle fois. Conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de gale 10.1.3. J 8 – 2e application du traitement médical selon les mêmes modalités que la 1re prise Remarques : après traitement, le prurit régresse le plus souvent en 2 à 3 jours. Cependant, les démangeaisons peuvent persister quelques semaines sans pour autant être un signe d’échec du traitement. Après le traitement de l’environnement, prendre sa douche avec un savon liquide, se rincer abondamment et se sécher avec une serviette propre. Utiliser du linge de lit propre. 10.2. Ivermectine (StromectolW) 10.2.1. J0 – Jour du traitement médical Le jour du traitement médical, il faut : au réveil, prendre son petit-déjeuner puis rester à jeun pendant 2 heures, jusqu’à la prise du traitement ; W prise du Stromectol à la dose prescrite (doit être adaptée au poids de l’enfant) (tableau I) en une seule fois avec un grand verre d’eau. Respecter une période de jeûne de 2 heures avant et après l’administration ; au coucher, prendre sa douche avec un savon liquide, se rincer abondamment et se sécher avec une serviette propre. Utiliser du linge de lit propre. Tableau I Posologie du StromectolW en fonction du poids. Poids corporel (kg) Dose en nombre de comprimés à 3 mg 15 à 24 25 à 35 35 à 50 51 à 65 66 à 79 > 80 1 2 3 4 5 6 Source : Vidal. 10.2.2. J1 – Traitement de la literie, du linge et de l’environnement le lendemain matin Traitement de l’environnement : procéder à un nettoyage classique des locaux et en cas de gale profuse ou hyperkératosique à une désinfection par un acaride des matelas, sommiers et autres mobiliers absorbants. Traitement de la literie, et du linge : rassembler le linge utilisé jusqu’à ce jour (y compris serviettes de toilettes, draps, taies,. . .) et le laver en machine à 60 8C ou le désinfecter avec un acaricide (stockage en sac plastique avec produit acaricide pendant au moins 3 heures) ou par mise en quarantaine de 3 jours (gale commune) à 8 jours (gale profuse) dans un sac plastique qui sera gardé à température ambiante intérieure à 20 8C. 10.2.3. J8 – 2e prise du traitement médical selon les mêmes modalités que la 1re prise Remarque : après traitement, le prurit régresse le plus souvent en 2 à 3 jours. Cependant, les démangeaisons peuvent persister quelques semaines sans pour autant être un signe d’échec du traitement. Pour en savoir plus http://www.hcsp.fr/Explore.cgi/Telecharger?NomFichier=hcspr201222 09_conduitegale.pdf. Walton SF, Currie BJ. Problems in diagnosing scabies, a global disease in human and animal populations. Clin Microbiol Rev 2007;20: 268–279. Ly F, Caumes E, Ndaw CAT, et al. Ivermectin versus benzyl benzoate applied once or twice to treat human scabies in Dakar, Senegal: a randomized controlled trial. Bull World Health Organ 2009;87: 424–430. Fontan I, Taı̈eb A, Klene C, et al. Revue critique des traitements de la gale. Ann Dermatol Venereol 1986;113:593–596. Sharma R, Singal A. Topical permethrin and oral ivermectin in the management of scabies: a prospective, randomized, double blind, controlled study. 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