Ciclosporine

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Ciclosporine
La ciclosporine (CsA ; Sandimmun® et microémulsion
Néoral®) est un produit du métabolisme fongique
(Tolypocladium inflatum Gams). C’est un polypeptide
cyclique, neutre, très lipophile, de masse relative 1 201,
constitué de 11 acides aminés dont un original (MeBmt
ou C9), spécifique à l’ensemble des ciclosporines. La
CsA subit un métabolisme hépatique intense dépendant
exclusivement des cytochromes CYP3A4, conduisant à
plus de 20 métabolites différents essentiellement éliminés par voie biliaire. Elle possède une demi-vie de 6 à
16 heures.
La CsA est un immunosuppresseur utilisé dans la plupart des protocoles de transplantation (rein, foie, cœur,
poumon, pancréas, intestin grêle, moelle osseuse) afin
d’améliorer la survie du greffon et de prévenir la réaction du greffon contre l’hôte (GVH). Ses propriétés
immunosuppressives étendent son utilisation à de nombreuses affections autoimmunes ou inflammatoires :
diabète insulinodépendant, polyarthrite rhumatoïde,
psoriasis, uvéites, dermatites atopiques, cirrhose biliaire
primitive…
La CsA inhibe la prolifération des lymphocytes T, normalement induite par toute stimulation antigénique.
Cette inhibition n’intervient qu’à la phase initiale de
l’activation lymphocytaire (lymphocytes T naïfs) : la
CsA supprime la biosynthèse de plusieurs cytokines,
principalement l’interleukine 2 (IL2). La production
d’IL2 par les premiers lymphocytes T helpers activés
est indispensable à la prolifération secondaire et à la
différenciation des lymphocytes T helpers et cytotoxiques.
La CsA, après pénétration dans le lymphocyte, se lie à
une protéine cytoplasmique, la cyclophiline. Le complexe CsA-cyclophiline se fixe au niveau du site régulateur de la calcineurine, inhibant ainsi la transcription
du gène IL2. Cette inhibition est réversible et dosedépendante. Par ailleurs, la CsA n’exerce pas d’effet
cytotoxique sur l’hématopoïèse, n’entrave pas la
phagocytose, ni les mécanismes de défense antiinfectieuse. Les défenses anti-tumorales sont majoritairement préservées.
Plusieurs raisons majeures imposent la surveillance des
taux circulants de CsA :
• sa néphrotoxicité, directement liée aux concentrations sanguines obtenues (et non à la posologie, la
biodisponibilité dépendant de susceptibilités métaboliques individuelles), est le principal facteur qui
limite son utilisation. Cette néphrotoxicité est réver-
sible pendant la phase précoce ou aiguë de l’atteinte
tubulaire rénale ;
• la marge thérapeutique est étroite et variable selon le
type de greffe et les périodes post-transplantations ;
• la biodisponibilité est médiocre et variable en fonction d’une absorption intestinale lente et incomplète
(surtout pour la forme Sandimmun®), des variations
de l’hématocrite (grande affinité pour le milieu intraérythrocytaire) et du taux des lipoprotéines sanguines
notamment HDL (lipophilie de la CsA). De nombreux autres facteurs : thérapeutiques associées, état
physiologique, pré- et post-transplantation sont également susceptibles de modifier la pharmacocinétique
de la CsA. L’innovation galénique apportée par la
forme microémulsion a amélioré la résorption du produit et sa régularité, permettant de s’affranchir de la
présence des sels biliaires lors de l’absorption. L’aire
sous la courbe est significativement plus élevée avec
cette forme.
Les métabolites principaux de la CsA (AM1, AM9,
AM1c…) interviennent très peu sur l’activité thérapeutique. En revanche, leur toxicité, notamment rénale,
n’est pas définitivement écartée, même si elle apparaît
plutôt faible aujourd’hui. De ce fait, c’est la seule détermination du taux de la molécule-mère inchangée qui est
actuellement recommandée. Cette détermination peut
être effectuée par CLHP et par LC-MSMS (qui permet la
détermination simultanée des anticalcineurines et des
inhibiteurs mTOR) ou par de nombreux immunoessais
dont les spécificités ont été largement améliorées : FPIA®,
EMIT®, CEDIA®, ACMIA® etc. Des biais positifs (20 à
25 %) sont cependant constatés entre les méthodes
immunomarquées et les méthodes chromatographiques.
Le suivi thérapeutique des patients greffés tient compte
à la fois des paramètres généraux communs à tout traitement (date d’instauration, posologie, voie d’administration, traitement immunosuppresseur associé ou non,
statut immunitaire du patient, état du greffon…) et des
paramètres dépendant directement du type de greffe
(toxicité, métabolisme), ainsi que des interactions médicamenteuses.
Les concentrations plasmatiques de CsA sont très influencées par les variations de température (qui conditionnent la répartition plasma/cellules du médicament) ;
par conséquent, les dosages de ciclosporine doivent
impérativement être effectués sur sang total. La mesure
de la concentration sanguine résiduelle n’est interprétable qu’en période d’équilibre, soit environ 48 heures
après la mise en route du traitement ou une modification de posologie. Dans ces conditions, la valeur attendue juste avant une nouvelle prise orale, ou à l’état
d’équilibre en cas de perfusion, est variable selon le type
de greffe (tableau 22).
Tableau 22
Zone thérapeutique de la concentration résiduelle (C0) après transplantation rénale
Délai post-transplantation (jours)
Zone cible (μg/l)
1–14
200–400
15–42
43–84
150–350
125–275
85–182
100–200
183–365
100–150
> 365
75–150
Zone thérapeutique de la concentration résiduelle (C0) en fonction de l’indication
Type de transplantation
Phase aiguë (μg/l)
Long terme (μg/l)
Cardiaque
250–350
120–200
Hépatique
Rénale
250–350
150–300
100–200
75–150
Pulmonaire
220–320
140–220
Zone thérapeutique de la concentration au C2 en fonction de l’indication et du délai postgreffe
Type de transplantation
Délai postgreffe
Valeurs de C2 recommandées
Hépatique
0–6 mois
800–1200
6–12 mois
> 12 mois
640–960
480–720
Rénale
1 mois
1 360–2 040
2 mois
1 200–1 800
3 mois
1 040–1 560
4–6 mois
880–1 320
7–12 mois
> 12 mois
720–1 080
640 - 960
D’après : Marquet P, Léger F, Pisano P, Billaud EM. – Suivi thérapeutique de la ciclosporine. – In : Marquet P. – Suivi thérapeutique pharmacologique pour l’adaptation
de posologie des médicaments. – Paris : Elsevier, 2004 ; p. 285.
Les imperfections de la surveillance de l’exposition individuelle par la concentration en C0 ont conduit à
recommander maintenant la mesure de la concentration
sanguine au C2 (2 heures après la prise médicamenteuse) pour la forme microémulsion.
Des interactions d’ordre pharmacocinétique avec la
ciclosporine impliquent une correction de la posologie en
fonction des résultats du dosage sanguin : ainsi, la compétition au niveau du métabolisme par le cytochrome
P450 entraîne un risque de surdosage en ciclosporine
avec les macrolides et apparentés (érythromycine), les
antifongiques imidazolés (kétoconazole), les inhibiteurs
calciques (diltiazem), les corticoïdes IV (prednisolone),
les contraceptifs oraux. À l’inverse, les médicaments
inducteurs enzymatiques diminuent la concentration sanguine de la ciclosporine : antituberculeux
(rifamycine), anticonvulsivants (phénobarbital, phénylbutazone).
Son association avec le tacrolimus de même activité
pharmacodynamique est contre-indiquée. De même, la
consommation de produits à base de millepertuis (propriétés antidépressives) est contre-indiquée en raison de
la forte induction enzymatique sur le CYP3A4 qui risque
de diminuer la concentration sanguine de la CsA. Inversement, la naringénine contenue dans le jus de pamplemousse inhiberait le CYP3A4 qui intervient dans le
métabolisme intestinal de la CsA et augmenterait fortement la biodisponibilité.
☞
(
Immunosuppresseurs, Mycophénolate mofétil, Sirolimus,
Tacrolimus
Marquet P, Léger F, Pisano P, Billaud EM.
Suivi thérapeutique de la ciclosporine.
In : Marquet P.
Suivi thérapeutique pharmacologique pour l’adaptation de posologie des
médicaments.
Paris : Elsevier, 2004 ; pp. 279-293.
Oellerich M, Armstrong VW, Schutz E, Shaw LM.
Therapeutic drug monitoring of cyclosporine and tacrolimus.
Clin Biochem 1998 ; 31/5 : 309-316.
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