Fusion des données multi-
modales
L’évolution actuelle des différentes
modalités d’imagerie fonctionnelle va
dans le sens de la fusion (ou recalage)
des données, autrement dit, de la
superposition des images anato-
miques, fonctionnelles ou d’activa-
tions. Le but n’en est pas seulement
esthétique. De tels recalages permet-
tent d’affiner la localisation anato-
mique des modifications observées,
de comparer ces modifications en
fonction du marqueur utilisé et de
mieux comprendre les mécanismes
conduisant à de tels changements.
Ainsi, il est maintenant courant d’étu-
dier les modifications de la perfusion
cérébrale lors d’une crise par la sous-
traction du SPECT critique au SPECT
intercritique et le recalage sur une
IRM 3D (SISCOM) (1). Un tel reca-
lage permet de contourner le manque
de résolution spatiale du SPECT.
Selon le même principe, les données
des examens PET étudiant le métabo-
lisme cérébral sont aussi recalées sur
l’IRM morphologique. Pour étudier
les corrélations entre les modifica-
tions de perfusion et les anomalies
métaboliques, il est tout a fait possible
de les comparer sur une même IRM.
Une telle étude a fait l’objet d’un tra-
vail récent, comparant région par
région les patterns fonctionnels obte-
nus en SISCOM et en PET chez des
patients présentant une épilepsie tem-
porale. Ce travail a permis de retrou-
ver un taux de concordance élevé dans
les anomalies fonctionnelles obser-
vées entre ces deux examens dans les
lobes temporaux homo- et contro-
latéraux, dans le gyrus orbitofrontal et
dans le cortex insulaire (2). De la
même manière, la topographie des
régions activées en IRM fonctionnelle
est précisée grâce à la fusion de ces
données sur l’IRM morphologique.
Toutes les modalités de fusion
d’images sont théoriquement pos-
sibles (SPECT, PET, IRMf, spectro,
MEG, etc.). Il est donc possible d’étu-
dier les intrications, au sein de la zone
épileptogène, dans les modifications
fonctionnelles observées, et de mieux
appréhender les mécanismes physio-
pathologiques conduisant à de tels
changements.
Quantification des anomalies
en imagerie
Obtenir des images a constitué une
première étape. Quantifier les modifi-
cations observées n’a pas été immé-
diat. Si la quantification en elle-même
n’est pas réellement une technique
nouvelle, les modalités de cette quan-
tification ont terriblement évolué.
Initialement réalisée par régions d’in-
térêt, elle a maintenant évolué vers des
techniques beaucoup plus globales. En
effet, les régions d’intérêt ne permet-
taient de s’intéresser qu’à une ou
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Actualités
Actualités
V. Bouilleret
a survenue de crises
entraîne au sein des circuits
initiateurs des crises une
cascade d’événements molécu-
laires. La décharge épileptique se
propage à travers des circuits
spécifiques qui peuvent ne jouer
qu’un rôle passif ou, au contraire,
être comme les circuits initia-
teurs, le siège de phénomènes
de réorganisation et de plasticité,
constituant ainsi de véritables
réseaux épileptogènes. L’imagerie
fonctionnelle a complètement
transformé les stratégies d’inves-
tigation des épilepsies, en parti-
culier celle des épilepsies tempo-
rales pharmacorésistantes. Elle
permet de mettre en évidence
différents types d’anomalies
fonctionnelles et structurelles,
parfois subtiles, sous-tendant les
tissus épileptogènes et de les
confronter aux données cli-
niques et électroencéphalogra-
phiques du patient.
Le but de ce bref article n’est pas
de reprendre les modalités, les
indications et les limites de cha-
cune des explorations fonction-
nelles du système nerveux cen-
tral. L’objectif est simplement ici
de mettre l’accent sur un certain
nombre d’évolutions ponctuelles
et récentes dans le traitement
des données, sans chercher à
être exhaustif.
L
Les actualités de l’imagerie
cérébrale dans l’épilepsie
V. Bouilleret*
Praticien hospitalier dans le service de
neurophysiologie clinique et d’épilepto-
logie du Kremlin-Bicêtre. Ses centres
d’intérêt sont l’épileptologie de l’adulte
et de l’enfant (à travers la clinique, la
neurophysiologie, la neuro-imagerie
fonctionnelle anatomique) et les méca-
nismes physiopathologiques.
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Actualités
Actualités
plusieurs régions données en fonction
d’une hypothèse a priori en étudiant
seulement, étant donné la lourdeur de
la technique, une région limitée du
cerveau. Actuellement, un certain
nombre de logiciels permettent une
telle quantification sur l’ensemble du
cerveau et sans hypothèse a priori, ce
qui limite le risque de biais. Le logi-
ciel SPM (Statistical Parametric
Mapping) est l’un des plus utilisés.
L’analyse statistique est effectuée en
chaque point de l’image (voxel par
voxel). Chaque contraste donne ainsi
lieu à une carte statistique attribuant
une valeur statistique à chaque voxel.
Cette analyse nécessite une étape
préalable de correction des artefacts
de mouvements, de normalisation des
images dans un espace référentiel
(espace de Talairach), et de lissage
spatial et temporel du signal. Si ces
techniques ont une puissance éton-
nante et une accessibilité rapide, elles
ne sont pas dénuées de pièges, néces-
sitant toujours de retourner à l’image
native. La quantification des données
en IRM fonctionnelle a la première
utilisé ces logiciels qui sont mainte-
nant valables aussi pour les données
PET (3, 4) et, plus récemment, pour
celles de SPECT (5). Entre autres, un
travail récent en PET, utilisant SPM
sur l’ensemble du cerveau, a montré
l’implication de l’insula dans les épi-
lepsies de sa face interne avec, en par-
ticulier, sa participation à la sympto-
matologie clinique (6).
La multiplication des
différentes modalités d’IRM
Il est actuellement difficile de parler
d’imagerie fonctionnelle sans faire
une large place aux différentes tech-
niques d’IRM. Cette modalité d’ima-
gerie, qui n’utilise aucune radiation
ionisante ni aucun traceur, permet des
études répétées et se révèle, du fait de
sa grande sensibilité et de son excel-
lente résolution spatiale et temporelle,
un instrument de choix pour l’étude
des réseaux neuronaux impliqués dans
les fonctions cognitives et l’éventuelle
plasticité induite par les crises.
IRMf
L’IRMf repose sur l’augmentation
locale transitoire du débit sanguin liée
à l’activation cérébrale. Ainsi l’IRMf
donne accès à la fois à la fonction et à
l’anatomie. Cette technique est d’au-
tant plus séduisante que potentielle-
ment accessible dans tous les centres
équipés d’une IRM, mais elle reste
limitée par le confinement dans l’ai-
mant et la nécessité d’éviter tout mou-
vement. Dans un premier temps, seuls
les cortex primaires (visuel, sensori-
moteur et auditif) ont été explorés. Par
la suite, l’IRMf a permis de détecter
les aires corticales impliquées dans les
processus cognitifs supérieurs comme
le langage, l’idéation ou l’imagerie
mentale. Ainsi, dans les épilepsies chi-
rurgicales, l’IRMf du langage permet
de latéraliser le langage et devrait
donc, à moyen terme, remplacer les
procédures invasives utilisées, dont le
test de Wada qui repose sur l’injection
carotidienne de barbituriques ou le
placement d’électrodes sous-durales
préopératoires (7). Actuellement,
l’utilisation de stimulus unique (para-
digme événementiel) offre la possibi-
lité d’étudier des réponses indivi-
duelles et d’examiner l’origine des
différences de réponses cérébrales, en
d’autres termes des stratégies indivi-
duelles. Au-delà des processus
conscients, l’IRMf donne également
accès aux stimulations subliminales
(8). Ces derniers domaines d’explora-
tion en sont encore au stade de la
recherche.
EEG sous IRM
Cette technique est apparue récem-
ment. Elle consiste à enregistrer
l’EEG directement dans l’aimant, en
posant des électrodes amagnétiques
sur la tête du sujet. L’intérêt, ici, est de
pouvoir combiner des signaux possé-
dant une haute résolution temporelle à
une modalité d’imagerie de haute
résolution spatiale. Cependant, il
s’agit d’une technique très difficile du
fait des contraintes de l’IRM. Les
signaux EEG, très perturbés par les
gradients de champ magnétique, doi-
vent être expurgés de nombreux arte-
facts avant de pouvoir être interprétés.
Néanmoins, les premières études
appliquées aux patients épileptiques
ont pu montrer qu’il était possible,
après détection des événements inter-
critiques sur l’EEG, de reconstruire en
IRMf un réseau épileptogène (9).
IRM de diffusion/tracking de
fibres
L’IRM de diffusion est une technique
non invasive et non traumatique, qui
permet de caractériser les mouve-
ments browniens microscopiques des
molécules d’eau. Elle rend possible
l’étude in vivo de la diffusion de ces
molécules au sein de l’espace extra-
cellulaire. Dans le cerveau, il existe
une orientation préférentielle de la dif-
fusion due aux fibres de substance
blanche dont chaque faisceau possède
une orientation propre. Ainsi, l’eau
diffuse plus volontiers parallèlement
au grand axe des fibres que perpendi-
culairement. Cette caractéristique
définit l’anisotropie cérébrale. La
technique de tenseur de diffusion per-
met de mettre en évidence une direction
préférentielle de diffusion aqueuse,
donc de caractériser morphologique-
ment la direction des faisceaux de fibres
(tracking de fibres). Ainsi, la neuroplas-
ticité entraînée par la répétition des
crises épileptiques devrait, à moyen
terme, être visualisée. Cette technique
reste du domaine de la recherche.
Diversification des marqueurs
Le traceur le plus utilisé en TEP est le
[18F]-désoxy-glucose (FDG) qui
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 8, octobre 2002
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