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Le contexte peut parfois
orienter
Une immunodépression doit faire
rechercher, bien sûr, une cause infec-
tieuse (tuberculose, cryptococcose,
candidose, toxoplasmose, méningite à
HIV) mais également un lymphome
(sida).
Un séjour outre-mer oriente vers
une mycose endémique (coccidioïdo-
mycose, histoplasmose, blastomycose)
ou une parasitose (angiostrongylose,
bilharziose).
Un antécédent de cancer fait évo-
quer une méningite infiltrative tumo-
rale (figure 1).
Une exposition peut orienter vers
une brucellose (éleveurs de bétail),
une maladie de Lyme (exposition à
des tiques) ou toute autre pathologie
infectieuse (notion de contage).
Une cause iatrogène peut être res- ponsable d’une méningite chronique :
– la présence d’un shunt de dériva-
tion ventriculaire doit bien sûr faire
rechercher une infection chronique.
L’isolement du germe est souvent dif-
ficile. Il est important de ne pas
conclure à une contamination acciden-
telle lorsqu’un germe habituellement
considéré comme non pathogène est
isolé. En effet, l’agent le plus souvent
en cause est un Staphylococcus epi-
dermidis. D’autres germes commen-
saux, comme certaines corynébacté-
ries ou des champignons, sont
responsables de tableaux insidieux
dont le diagnostic est particulièrement
difficile ;
– une injection intrathécale de médi-
caments ou d’agents de contraste ;
– une méningite immuno-allergique,
qui survient essentiellement chez les
patients présentant une connectivite, a
été décrite avec divers médicaments :
AINS (ibuprofen, sulindac), antibio-
tiques (sulfamides, triméthoprime),
anticorps OKT3 et immunoglobulines
polyvalentes.
Un examen clinique général
est indispensable
Les signes neurologiques de ménin-
gite chronique sont aspécifiques donc
souvent peu informatifs pour le dia-
gnostic étiologique.
En revanche, l’examen général est
capital, car il serait notamment impar-
donnable de passer à côté d’une lésion
aisément biopsiable (hépatomégalie,
adénopathies, lésions cutanées).
L’ e xamen ophtalmologique ne doit pas
être oublié : recherche d’une uvéite
(sarcoïdose, Behçet, syndrome de
Vogt-Koyanagi-Harada) et d’un syn-
drome sec oculaire (syndrome de
Gougerot-Sjögren).
* Pierre-François Pradat est neurologue,
spécialisé dans la SLA. Il travaille actuel-
lement au Harvard center for neurodege-
neration and repair (Cambridge, États-
Unis).
Méningites chroniques :
pour ne pas partir battu…
P. F. Pradat*
itué au confluent des
pathologies infectieuse,
tumorale et inflammatoire,
le diagnostic étiologique d’une
méningite chronique soumet le
neurologue à une expérience
déstabilisante. Il lui faudra sortir
du domaine rassurant de sa
chère spécialité pour s’aventurer
dans les sentiers mal balisés de la
médecine interne. Notre objectif
ne sera pas d’être exhaustif
(on peut recenser au moins
69 causes… [1-3]) mais plutôt
de proposer quelques conseils
pratiques.
S
P. F. Pradat
Figure 1. L’IRM
rachidienne
peut mettre en
évidence des
nodules ménin-
gés en faveur
d’une méningite
cancéreuse.
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 7, septembre 2002
Correspondance en médecine
Correspondance en médecine
Correspondance en médecine
166
Le bilan est négatif
Ne pas désespérer et rester pragmatique.
Il s’agit d’un cas de figure fréquent
(au moins un tiers des cas [2]).
Ne pas hésiter à répéter les PL en
prélevant de grandes quantités de
LCR. La cytologie, dans les ménin-
gites tumorales, et les cultures, dans
les méningites infectieuses, peuvent
ne se positiver qu’après plusieurs pré-
lèvements.
Trois attitudes sont envisageables
(figure 2) :
Réaliser une biopsie méningée.
• Il s’agit d’un geste invasif qui sera
essentiellement envisagé lorsqu’il
existe des complications de l’inflam-
mation méningée (hydrocéphalie,
paralysie des nerfs crâniens, etc.).
• Elle a plus de chances d’être posi-
tive, elle peut être dirigée sur une zone
de prise de contraste en IRM.
• Il peut s’agir du seul moyen de faire
le diagnostic (angéite isolée du SNC,
neurosarcoïdose isolée).
• Mais elle est souvent non spécifique
(2) (inflammation méningée, etc.).
Surveiller et répéter les bilans cli-
niques et complémentaires. Cette atti-
tude est tout à fait justifiée lorsqu’il
n’existe pas de complication et que les
anomalies du LCR sont modérées. Il
existe en effet des méningites lympho-
cytaires chroniques dites “bénignes”
qui disparaissent spontanément.
– Instituer un traitement d’épreuve
n’a rien de déshonorant. Les difficul-
tés d’isolement du BK dans le LCR et
le danger de laisser évoluer une
méningite tuberculeuse justifient plei-
nement un traitement d’épreuve anti-
tuberculeux. Dans un second temps,
l’existence de méningites chroniques
corticosensibles justifie un essai de
corticothérapie.
POUR EN SAVOIR PLUS
1. Pradat PF, Delatte JY. Méningites chro-
niques. Encycl Med Chir Neurologie1995;
17-160-C-30.
2. Anderson NE, Willoughby EW. Chronic
meningitis without predisposing illness.
A review of 83 cases. Q J Med 1987 ; 63 :
283-95.
3. Ellner JJ, Benett JE. Chronic meningi-
tis. Medicine 1976 ; 55 : 341-69.
Causes LCR Autres
Infectieuses
Bactérienne Tuberculose Cultures,PCR Radio et scanner thora-
cique,fibroscopie bron-
chique,IDR
Brucellose Sérologie Sérologie sanguine
Lyme Sérologie Sérologie sanguine
Syphilis Sérologie Sérologie sanguine
Bactérienne décapitée Antigènes solubles,amélioration Recherche d’une porte
sous antibiothérapie adaptée d’entrée
Infection d’un shunt du LCR Culture
Whipple Cytologie (macrophages PAS+),PCR Biopsie junale
Mycose Cryptococcose Antigène soluble,encre de Chine
Candidose Culture,sérologie Sérologie sanguine
Parasitaire Cysticercose Sérologie Sérologie sanguine, IRM
cérébrale (kystes)
Virale HIV Sérologie
Tumorales Carcinomatose Cytologie,marqueurs tumoraux IRM cérébrale et médullaire
(nodules tumoraux)
Leucose Cytologie,immunomarquage, Scanner thoraco-
β2microglobuline abdominal (lymphome)
Gliomatose Cytologie IRM cérébrale et médul-
laire (nodules)
Inflammatoires Sarcoïdose Enzyme de conversion Scanner thoracique,enzyme
de conversion,etc.
Behcet,lupus,Goujerot- IDR,FAN,LWR, anti-SSA/SSB,
Sjögren,Sharp anti-RNP, biopsie des
glandes salivaires
Angéite primitive du SNC Artériographie cérébrale
Tableau.
Le bilan complémentaire doit
être large (tableau et figure 1)
Complication ?
ou hypoglycorachie ?
ou pléiocytose > 200 ?
ou immunodépression ?
non
Aggravation à 6 mois ?
Surveillance
(clinique,LCR,IRM)
Prise de contraste
méningée en IRM ?
oui
ouinon
amélioration
oui
Poursuite des anti-
tuberculeux (1 an)
non
non
Surveillance
oui traitement
antituberculeux
d’épreuve (3 mois)
Discuter biopsie
méningée
Discuter biopsie méningée
Répéter le bilan infectieux
Corticothérapie d’épreuve ( 3 mois)
Figure 2. Arbre décisionnel lorsque le bilan est négatif.
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 7, septembre 2002
Correspondance en médecine
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