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Correspondance en médecine
P.F. Pradat
Méningites chroniques :
pour ne pas partir battu…
P.F. Pradat*
Le contexte peut parfois
orienter
◗ Une immunodépression doit faire
rechercher, bien sûr, une cause infectieuse (tuberculose, cryptococcose,
candidose, toxoplasmose, méningite à
HIV) mais également un lymphome
(sida).
◗ Un séjour outre-mer oriente vers
une mycose endémique (coccidioïdomycose, histoplasmose, blastomycose)
ou une parasitose (angiostrongylose,
bilharziose).
◗ Un antécédent de cancer fait évoquer une méningite infiltrative tumorale (figure 1).
◗ Une exposition peut orienter vers
une brucellose (éleveurs de bétail),
une maladie de Lyme (exposition à
des tiques) ou toute autre pathologie
infectieuse (notion de contage).
◗ Une cause iatrogène peut être res-
* Pierre-François Pradat est neurologue,
spécialisé dans la SLA. Il travaille actuellement au Harvard center for neurodegeneration and repair (Cambridge, ÉtatsUnis).
Figure 1. L’IRM
rachidienne
peut mettre en
évidence des
nodules méningés en faveur
d’une méningite
cancéreuse.
ponsable d’une méningite chronique :
– la présence d’un shunt de dérivation ventriculaire doit bien sûr faire
rechercher une infection chronique.
L’isolement du germe est souvent difficile. Il est important de ne pas
conclure à une contamination accidentelle lorsqu’un germe habituellement
considéré comme non pathogène est
isolé. En effet, l’agent le plus souvent
en cause est un Staphylococcus epidermidis. D’autres germes commensaux, comme certaines corynébactéries ou des champignons, sont
responsables de tableaux insidieux
dont le diagnostic est particulièrement
difficile ;
– une injection intrathécale de médicaments ou d’agents de contraste ;
– une méningite immuno-allergique,
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 7, septembre 2002
qui survient essentiellement chez les
patients présentant une connectivite, a
été décrite avec divers médicaments :
AINS (ibuprofen, sulindac), antibiotiques (sulfamides, triméthoprime),
anticorps OKT3 et immunoglobulines
polyvalentes.
Un examen clinique général
est indispensable
Les signes neurologiques de méningite chronique sont aspécifiques donc
souvent peu informatifs pour le diagnostic étiologique.
En revanche, l’examen général est
capital, car il serait notamment impardonnable de passer à côté d’une lésion
aisément biopsiable (hépatomégalie,
adénopathies, lésions cutanées).
L’examen ophtalmologique ne doit pas
être oublié : recherche d’une uvéite
(sarcoïdose, Behçet, syndrome de
Vogt-Koyanagi-Harada) et d’un syndrome sec oculaire (syndrome de
Gougerot-Sjögren).
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S
itué au confluent des
pathologies infectieuse,
tumorale et inflammatoire,
le diagnostic étiologique d’une
méningite chronique soumet le
neurologue à une expérience
déstabilisante. Il lui faudra sortir
du domaine rassurant de sa
chère spécialité pour s’aventurer
dans les sentiers mal balisés de la
médecine interne. Notre objectif
ne sera pas d’être exhaustif
(on peut recenser au moins
69 causes… [1-3]) mais plutôt
de proposer quelques conseils
pratiques.
Le bilan complémentaire doit
être large (tableau et figure 1)
Le bilan est négatif
Tableau.
Causes
Infectieuses
Bactérienne
Tuberculose
LCR
Autres
Cultures, PCR
Radio et scanner thoracique, fibroscopie bronchique, IDR
Sérologie sanguine
Sérologie sanguine
Sérologie sanguine
Recherche d’une porte
d’entrée
Brucellose
Lyme
Syphilis
Bactérienne décapitée
Sérologie
Sérologie
Sérologie
Antigènes solubles, amélioration
sous antibiothérapie adaptée
Infection d’un shunt du LCR Culture
Whipple
Cytologie (macrophages PAS+),PCR Biopsie jéjunale
Mycose
Cryptococcose
Antigène soluble, encre de Chine
Candidose
Culture, sérologie
Sérologie sanguine
Parasitaire
Cysticercose
Sérologie
Sérologie sanguine, IRM
cérébrale (kystes)
Virale
HIV
Sérologie
Tumorales
Carcinomatose
Cytologie, marqueurs tumoraux
IRM cérébrale et médullaire
(nodules tumoraux)
Leucose
Cytologie, immunomarquage,
Scanner thoracoβ2microglobuline
abdominal (lymphome)
Gliomatose
Cytologie
IRM cérébrale et médullaire (nodules)
Inflammatoires Sarcoïdose
Enzyme de conversion
Scanner thoracique,enzyme
de conversion, etc.
Behcet, lupus, GoujerotIDR,FAN,LWR,anti-SSA/SSB,
Sjögren, Sharp
anti-RNP, biopsie des
glandes salivaires
Angéite primitive du SNC
Artériographie cérébrale
Figure 2. Arbre décisionnel lorsque le bilan est négatif.
◆ Complication ?
◆ ou hypoglycorachie ?
◆ ou pléiocytose > 200 ?
◆ ou immunodépression ?
non
oui
Surveillance
(clinique, LCR, IRM)
Prise de contraste
méningée en IRM ?
Aggravation à 6 mois ?
non
oui
Surveillance
non
oui
traitement
antituberculeux
d’épreuve (3 mois)
Discuter biopsie
méningée
amélioration
oui
Poursuite des antituberculeux (1 an)
non
Discuter biopsie méningée
Répéter le bilan infectieux
Corticothérapie d’épreuve ( 3 mois)
Act. Méd. Int. - Neurologie (3) n° 7, septembre 2002
Ne pas désespérer et rester pragmatique.
◗ Il s’agit d’un cas de figure fréquent
(au moins un tiers des cas [2]).
◗ Ne pas hésiter à répéter les PL en
prélevant de grandes quantités de
LCR. La cytologie, dans les méningites tumorales, et les cultures, dans
les méningites infectieuses, peuvent
ne se positiver qu’après plusieurs prélèvements.
◗ Trois attitudes sont envisageables
(figure 2) :
– Réaliser une biopsie méningée.
• Il s’agit d’un geste invasif qui sera
essentiellement envisagé lorsqu’il
existe des complications de l’inflammation méningée (hydrocéphalie,
paralysie des nerfs crâniens, etc.).
• Elle a plus de chances d’être positive, elle peut être dirigée sur une zone
de prise de contraste en IRM.
• Il peut s’agir du seul moyen de faire
le diagnostic (angéite isolée du SNC,
neurosarcoïdose isolée).
• Mais elle est souvent non spécifique
(2) (inflammation méningée, etc.).
– Surveiller et répéter les bilans cliniques et complémentaires. Cette attitude est tout à fait justifiée lorsqu’il
n’existe pas de complication et que les
anomalies du LCR sont modérées. Il
existe en effet des méningites lymphocytaires chroniques dites “bénignes”
qui disparaissent spontanément.
– Instituer un traitement d’épreuve
n’a rien de déshonorant. Les difficultés d’isolement du BK dans le LCR et
le danger de laisser évoluer une
méningite tuberculeuse justifient pleinement un traitement d’épreuve antituberculeux. Dans un second temps,
l’existence de méningites chroniques
corticosensibles justifie un essai de
corticothérapie.
POUR EN SAVOIR PLUS
1. Pradat PF, Delatte JY. Méningites chroniques. Encycl Med Chir Neurologie1995;
17-160-C-30.
2. Anderson NE, Willoughby EW. Chronic
meningitis without predisposing illness.
A review of 83 cases. Q J Med 1987 ; 63 :
283-95.
3. Ellner JJ, Benett JE. Chronic meningitis. Medicine 1976 ; 55 : 341-69.
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