devant la Commission nationale. Nombre de ces “mises en
demeure” sont d’ailleurs discutables – et discutées par les firmes
– , et l’administration exerce là un contrôle arbitraire qui ne
repose pas toujours sur une correcte analyse méthodologique
des articles scientifiques contestés. Il en résulte des contentieux
donnant lieu à des échanges de courrier, des demandes de ren-
dez-vous, etc., qui représentent une consommation d’“énerg i e ”
importante pour les firmes et l’administration.
En conclusion, il s’agit d’un système lourd, centralisateur et
dépensier (jacobino-napoléonien), ne concernant qu’une toute
petite partie de la masse d’informations que reçoivent aujour-
d’hui les prescripteurs de médicaments.
Un dernier problème est fréquemment soulevé par les firmes
pharmaceutiques, concernant les résultats des essais cliniques.
L’évaluation de ces résultats par la Commission d’AMM et la
Commission de la transparence prend du temps. Il n’est donc
pas rare que 12 à 18 mois soient nécessaires pour intégrer dans
le RCP ou l’avis de la Transparence les résultats d’un essai
clinique d’un médicament qui a fait l’objet au moment de sa
publication d’un grand battage médiatique. Les médecins, les
pharmaciens et, de plus en plus souvent, les malades eux-mêmes
sont au courant de ces résultats. Or, pendant ces 12 à 18 m o i s ,
les seuls qui ne peuvent officiellement pas parler de cet essai sont
les représentants de la firme pharmaceutique exploitant la spé-
cialité en question (alors que leurs concurrents ne s’en privent pas ! ) .
Ces inconvénients étant identifiés, comment envisager une évo-
lution possible du système français dans le domaine du contrôle
de la publicité ? Une piste à explorer serait de s’inspirer du
modèle britannique (Code of Practice for the Pharmaceutical
I n d u s t ry. Prescription medicines code of practice authority.
2003 edition. ABPI Éditeur, Londres), en confiant en premier
lieu le contrôle de la publicité aux professionnels eux-mêmes,
l’administration n’exerçant qu’un contrôle “en deuxième ligne”
du fonctionnement du système et se réservant le droit d’appli-
quer des sanctions économiques si le “premier contrôle” venait
à défaillir ou s’avérait complaisant. Les principes d’un tel sys-
tème pourraient être les suivants :
✓L’ o r ganisation du contrôle de la publicité serait confiée à une
Association française des firmes pharmaceutiques, qui serait
c h a r gée de nommer un groupe d’experts indépendants en charg e
de ce contrôle (l’autorité de contrôle).
✓Les contestations sur une publicité médicale devraient être
adressées à cette autorité de contrôle et pourraient provenir de
n’importe quelle personne physique ou morale, y compris d’une
firme pharmaceutique concurrente de celle qui est mise en
cause, voire même d’une administration.
✓Le dossier de contestation ferait l’objet d’une instruction
menée par des experts indépendants nommés par l’autorité de
contrôle avant d’être présenté devant cette dernière, qui se pro-
noncerait en première instance. Si la firme pharmaceutique était
déclarée fautive “en première instance”, elle aurait la possibi-
lité de faire appel devant une commission mixte regroupant des
experts médecins et pharmaciens indépendants ainsi que des
représentants de firmes pharmaceutiques. Après un débat
contradictoire entre les “attaquants” et les “défenseurs” de la
firme, la Commission d’appel prononcerait un jugement “en
deuxième instance” qui serait définitif.
✓Si une firme pharmaceutique était sanctionnée pour une
publicité pour un médicament, elle risquerait diverses sanc-
tions : la réprimande publique, l’audit interne visant à amélio-
rer le contrôle interne de la publicité dans cette firme, l’obli-
gation de publication d’un rectificatif, et, au maximum,
l’exclusion de la firme de l’association. Si la firme pharma-
ceutique était exclue de l’association, l’autorité de contrôle de
la publicité informerait l’agence gouvernementale (AFSSAPS)
que cette firme a été sanctionnée et que l’autorité de contrôle
n’est plus responsable du contrôle de la publicité de la firme
en question.
✓Toutes ces décisions seraient communiquées à l’AFSSAPS,
qui vérifierait le bon fonctionnement du contrôle, gardant la
possibilité d’intervenir en cas d’anomalie grave.
✓Le dossier complet de chaque sanction serait rendu public,
ce qui permettrait à tout le monde d’être informé des motivations
de la décision.
Il est facile de dire que ce type de système anglo-saxon n’est
pas adaptable à la France, où les professionnels ne seraient soi-
disant pas capables de se plier à cet autocontrôle. Il faut recon-
naître que cette évolution nécessite un changement culturel très
important, aussi bien pour l’administration que pour les firmes
pharmaceutiques françaises. Elle implique également que soit
modifiée la loi de 1994 sur le contrôle de la publicité, et que la
représentativité de l’instance professionnelle soit telle que le
risque d’exclusion ait un sens, voire même des conséquences
économiques. Mais ne voit-on pas dans la France de 2004 une
évolution dans certains domaines où l’administration confie de
plus en plus aux professionnels eux-mêmes le soin de contrô-
ler leurs pratiques, en se réservant la mission de veiller seule-
ment au bon fonctionnement du système, sans être en “première
ligne” en permanence ? Cette piste de réflexion anglo-saxonne
ne manquera pas de déclencher des réserves ou des réticences,
aussi bien chez les industriels que chez les administratifs. Mais
si cette perspective n’était pas sérieusement envisagée, nous ne
voyons pas comment le système de contrôle de la publicité “à
la française” pourrait réellement s’améliorer sans atteindre des
coûts prohibitifs.
CONCLUSION
Les interdictions de publicité pour les médicaments à l’usage
des professionnels de santé sont motivées, en ordre décrois-
sant, par l’absence du respect de l’AMM, la critique de la
méthodologie des essais cliniques cités dans la publicité et l’ab-
sence de conformité avec les avis de la Commission de la trans-
parence. Le droit français a organisé le contrôle de la publicité
sur le modèle centralisateur de l’administration, et ce système
présente de nombreux défauts. Or, ces trois grands types de
motifs d’interdiction pourraient très bien être détectés dans un
autre système de contrôle, organisé à l’anglo-saxonne. Il serait
possible de s’inspirer du modèle britannique, qui confie à l’As-
sociation des firmes pharmaceutiques le soin d’organiser un
autocontrôle professionnel indépendant, sous le regard vigilant
de l’administration. Cette évolution du droit nous semble la
seule envisageable si l’on veut réformer le contrôle de la publi-
cité pour les médicaments en France.
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La Lettre du Pharmacologue - Volume 18 - n° 2 - avril-mai-juin 2004
P
U B L I C I T É