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Les causes rares
The rare causes
● A. Alves*, M. Boudiaf **, Y. Panis*
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■ Le développement et l’utilisation courante de la tomodensitométrie abdomino-pelvienne en urgence permet
d’améliorer l’efficacité du bilan diagnostique et de mieux
sélectionner les indications chirurgicales.
■ L’appendicite épiploïque est un diagnostic différentiel rare
de la diverticulite sigmoïdienne et de l’appendicite aiguë.
■ L’infarctus segmentaire de l’épiploon peut simuler une
cholécystite aiguë ou une appendicite aiguë.
■ Une hernie interne, en particulier paraduodénale est à
rechercher en cas de syndrome occlusif du grêle chez un
patient sans antécédent chirurgical.
■ Le surdosage en anticoagulants oraux peut être responsable d’un hématome spontané du grêle.
es douleurs abdominales aiguës non traumatiques ont
des causes multiples. La conduite à tenir est toujours
fondée sur les données de l’examen clinique. Fréquemment insuffisantes, elles doivent actuellement être complétées par
les données de l’imagerie, en particulier la tomodensitométrie
(TDM) abdomino-pelvienne. Elle permet ainsi de faire le diagnostic de pathologies rares, incluant l’appendicite épiploïque, l’infarctus segmentaire épiploïque, les hernies internes, les hématomes
spontanés du grêle, les torsions de la vésicule biliaire ou de la rate.
La pratique courante de la TDM permet donc de mieux sélectionner les indications chirurgicales urgentes (1).
L
APPENDICITE ÉPIPLOÏQUE PRIMITIVE
L’appendicite épiploïque primitive, complication la plus fréquente
des appendices épiploïques, correspond à l’inflammation d’un
* Service de chirurgie digestive,
** Service de radiologie,
hôpital Lariboisière, Paris.
appendice épiploïque spontanément, ou par torsion, ou par ischémie.
Plus de 270 cas d’appendicites épiploïques ont été rapportés à ce
jour dans la littérature (2).
Les appendicites épiploïques primitives du sigmoïde sont le plus
souvent observées (41 à 57 % des cas), suivies de la localisation
cæcale (15 à 26 %) ; les autres segments coliques sont plus rarement concernés (3). La majorité des patients ont entre 30 et 50 ans,
et le sex-ratio homme/femme est proche de 1. La surcharge pondérale et l’effort physique intense seraient deux facteurs favorisants.
La douleur abdominale précédée d’un effort physique intense le plus
souvent est constante, localisée à un quadrant de l’abdomen, et elle
est rarement associée à une défense localisée. Elle peut être intermittente ou permanente, et son intensité est variable. L’état général est
toujours conservé. Il n’y a ni fièvre, ni hyperleucocytose dans 80 % des
cas (4). Ailleurs, la température est habituellement inférieure à
38 °C et l’hyperleucocytose discrète. Des nausées ou des vomissements sont rapportés dans 20 à 30 % des cas ; il n’y a pas de troubles
du transit intestinal. Une masse est parfois palpable au niveau de la
région douloureuse. Les deux diagnostics le plus souvent évoqués
sont l’appendicite aiguë et la diverticulite sigmoïdienne.
Ainsi, l’appendicite épiploïque primitive est retrouvée dans 2 à
7 % des cas et chez moins de 1 % des patients ayant eu une TDM
pour une suspicion, respectivement, de diverticulite ou d’appendicite (5). L’échographie met en évidence une masse solide hyperéchogène non compressible, ovoïde, pouvant contenir des zones
hypoéchogènes hémorragiques et entourée d’un halo hypoéchogène,
témoignant de la réaction inflammatoire péritonéale (5). La sémiologie TDM des appendicites épiploïques primitives est actuellement bien corrélée aux lésions anatomopathologiques. Il s’agit
d’une masse arrondie ou ovalaire présentant une atténuation de type
graisseux mais plus dense que la graisse mésentérique, accolée à
la séreuse colique, entourée d’une couronne périphérique d’épaisseur variable, se rehaussant après administration intraveineuse de
produit de contraste iodé : il existe alors des structures linéaires
centrales hyperdenses et la graisse autour de la lésion est densifiée (figure 1). Le diagnostic différentiel, tant en échographie qu’en
tomodensitométrie, est l’infarctus du grand épiploon (6).
Il est actuellement préconisé un traitement conservateur. Les
appendicites épiploïques primitives traitées symptomatiquement
par antalgiques régressent cliniquement de façon spontanée en moins
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Figure 1. Aspects tomodensitométriques d’une appendicite épiploïque aiguë.
d’une semaine avec une diminution précoce des signes inflammatoires en tomodensitométrie et progressive de la masse à l’échographie en un à trois mois. Dans trois séries récentes (2, 7, 8) ayant
inclus respectivement 6, 10, et 14 malades avec une appendicite
épiploïque primitive, seuls 3 patients ont été opérés en raison de
douleurs persistantes. Dans tous les cas, existait en peropératoire
l’aspect œdématié, congestif de l’appendice épiploïque.
INFARCTUS SEGMENTAIRE DU GRAND ÉPIPLOON
La nécrose segmentaire idiopathique du grand épiploon est une
maladie rare, de cause inconnue (9). Elle se distingue des formes
secondaires provoquées par des torsions, incarcérations ou traumatismes. L’obésité, les maladies cardiovasculaires et le sexe masculin sont des facteurs prédisposants. Le principal symptôme est
une douleur de la partie droite de l’abdomen, plus souvent de la
fosse iliaque que de l’hypochondre, très localisée et exacerbée
par certains mouvements ou par la toux. L’intensité de la douleur
contraste avec la conservation de l’état général. La température
est normale ou légèrement augmentée. Les vomissements et les
nausées sont rares. Les examens biologiques peuvent montrer une
hyperleucocytose ou un syndrome inflammatoire modéré. Ainsi,
les diagnostics évoqués initialement sont l’appendicite et la cholécystite aiguë. L’échographie peut montrer une masse ovoïde discrètement hyperéchogène non compressible. La TDM met en évidence
une masse graisseuse, en navette, limitée, à contenu hétérogène,
parsemée de fines opacités linéaires et circonscrite par un liseré
hyperdense. Même si cette affection a des points communs avec
l’appendicite épiploïque, sa sémiologie radiologique est suffisamment caractéristique pour pouvoir être individualisée. En effet, cette
lésion est plus volumineuse et sa situation est sous-pariétale antérieure ou antéro-latérale droite (figure 2), alors que l’appendicite
épiploïque est antérieure ou externe. Par ailleurs, l’imagerie TDM
ne montre pas d’anneau hyperdense, à la différence de l’appendicite épiploïque (10). Toutefois, la prise en charge thérapeutique
dans les deux cas est la même. Le traitement est médical, le traitement chirurgical étant réservé aux formes compliquées.
PANNICULITE MÉSENTÉRIQUE
Il s’agit d’une lésion rare, d’origine inconnue, caractérisée par
une inflammation chronique non spécifique de la graisse mésentérique. Sa prévalence était de 0,6 % dans une série prospective ayant
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Figure 2. Aspects tomodensitométriques d’un infarctus segmentaire du grand
épiploon.
inclus 7 620 patients (11). Dans cette série, l’affection concernait
une femme dans deux tiers des cas, et l’âge moyen était de 62 ans.
Dans 69 % des cas, la panniculite mésentérique était associée à
un cancer. Environ 200 cas de panniculite mésentérique ont été rapportés dans la littérature. Lorsque la composante inflammatoire
ou graisseuse domine, on parle de panniculite mésentérique ; à
l’inverse, lorsque la composante fibreuse domine, on parle de mésentérite rétractile. Les manifestations cliniques sont variables : douleurs
abdominales, obstruction intestinale aiguë, ischémie et diarrhée.
L’âge est variable, allant de 20 à 90 ans, avec un pic à 60 ans.
L’échographie permet de retrouver une large masse hyperéchogène
non compressible contenant des zones hypoéchogènes, similaires
à celles observées dans un infarctus du grand épiploon. La localisation centrale dans le mésentère la différencie ainsi de l’infarctus
mésentérique (12). Les signes tomodensitométriques sont représentés soit par une infiltration mésentérique, soit par une masse graisseuse, englobant le plus souvent les vaisseaux mésentériques. Toutefois, la graisse autour des vaisseaux est préservée. Des calcifications
peuvent être observées au sein de la panniculite. Le traitement est
actuellement empirique, reposant sur les corticostéroïdes, la colchicine, les immunosuppresseurs. La chirurgie d’exérèse est souvent
contre-indiquée en raison de la promiscuité des vaisseaux mésentériques supérieurs (figure 3).
LES HERNIES INTERNES
Elles correspondent à des protrusions de structures abdominales
à travers une zone de défect du péritoine ou du mésentère. Il en existe
essentiellement 6 qui, par ordre de fréquence décroissant sont de
siège paraduodénal, à travers le hiatus de Winslow ou de la région
du ligament de Treitz, péricæcal, transmésentérique, intrapelvien et
intersigmoïdien (13). Ces hernies se manifestent essentiellement lors
d’épisodes d’incarcération par un syndrome abdominal douloureux,
voire un syndrome occlusif, et sont reconnues par la TDM. Les hernies paraduodénales sont les plus fréquentes. Bien que rares (0,2 à
0,9 %), elles représentent 50 % des hernies internes (13). Près de
500 cas ont été publiés dans la littérature. Elles sont trois fois plus
fréquentes à gauche qu’à droite (14). Les hernies paraduodénales
gauches se développent à travers une fossette paraduodénale située
au niveau de l’angle de Treitz. Sur les coupes tomodensitométriques,
la veine mésentérique inférieure est refoulée en dehors et en avant
(figure 4). Les hernies paraduodénales droites se développent à travers la fossette de Waldeyer en arrière du pédicule mésentérique supérieur. La veine colique supérieure droite est alors refoulée en avant.
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Figure 3. Aspects tomodensitométriques de panniculite mésentérique.
Figure 4. Schéma et aspect tomodensitométrique d’une hernie paraduodénale.
HÉMATOME SPONTANÉ DE L’INTESTIN GRÊLE
VOLVULUS DE LA VÉSICULE BILIAIRE
Le surdosage en anticoagulants oraux en est la cause la plus fréquente. Les autres facteurs de risque sont l’hémophilie, le purpura
thrombopénique idiopathique, les hémopathies malignes, la chimiothérapie et les vascularites. Il peut être responsable d’une véritable
occlusion organique du grêle. Abbas et al. ont rapporté récemment
le suivi de 13 patients atteints d’un hématome spontané du grêle
(15). Cet hématome était survenu dans les 10 jours suivant l’instauration du traitement anticoagulant oral. À notre connaissance,
aucun cas d’hématome spontané du grêle n’a été rapporté après
surdosage en héparine. L’hémorragie est habituellement localisée
dans la sous-muqueuse, mais peut associer une hémorragie intraluminale, intramésentérique et rétropéritonéale, notamment lorsqu’il s’agit d’un hématome spontané du duodénum. Dans la série
d’Abbas et al., l’hématome était souvent isolé, atteignant, par ordre
de fréquence décroissant, le jéjunum, l’iléon et le duodénum (15).
Il mesurait en moyenne 23 cm, et rarement moins de 8 cm. Si l’atteinte colique seule était très rare, elle pouvait être associée à
l’atteinte du grêle. La tomodensitométrie permet de faire un diagnostic précoce. En TDM, la paroi digestive apparaît comme
épaissie, parfois de façon très marquée, avec une hyperdensité
spontanée de l’hématome due à l’accumulation d’hématies dans
la sous-muqueuse, visible au premier passage sans injection (16)
(figure 5). L’hyperdensité peut persister plusieurs semaines.
Secondaire à un défaut de fixation du mésocyste, la torsion de la
vésicule biliaire est rare. Elle survient lorsque la vésicule fait un
twist sur son axe avec une occlusion consécutive de la bile et du
Figure 5. Aspect tomodensitométrique d’hématome spontané de l’intestin
grêle.
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flux sanguin. La lithiase vésiculaire n’est associée à la torsion
vésiculaire que dans 25 % des cas et ne joue pas un rôle déclenchant.
La torsion de la vésicule se fait dans le sens horaire ou antihoraire.
La torsion de la vésicule peut simuler un tableau de cholécystite
aiguë. L’échographie et la TDM peuvent aider au diagnostic en
mettant en évidence une distension majeure de la vésicule associée
à un épaississement de la paroi vésiculaire. Certains ont rapporté
l’utilité de l’échodoppler afin de rechercher l’absence de signal
artériel au sein du pédicule cystique. Il s’agit d’une indication
chirurgicale urgente.
VOLVULUS SPLÉNIQUE
Il s’agit d’une pathologie rare secondaire à une fusion incomplète
du mésogastre postérieur, responsable de défauts d’accolement
des ligaments gastrosplénique, splénorénal, et phrénocolique (17).
Toutefois, une torsion de rate est retrouvée dans moins de 0,5 % des
splénectomies (18). La rate est totalement libre dans la cavité péritonéale et risque alors de se tordre autour de son axe vasculaire.
La symptomatologie est caractérisée par une douleur plus ou
moins intense aiguë ou chronique. À l’examen clinique, le tympanisme de l’hypochondre gauche, associé à la palpation d’une
masse abdominale, est évocateur. L’échographie et la TDM mettent en évidence une masse plus ou moins homogène du flanc
gauche, voire pelvienne, alors que l’hypochondre gauche est
déshabité (figure 6).
■
Figure 6. Aspect tomodensitométrique d’une torsion de rate.
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Mots-clés :Appendicite épiploïque - Infarctus épiploïque - Hernie
paraduodénale - Hématome spontané de l’intestin grêle.
Keywords:Epiploic appendagitis - Epiploic infarction - Paraduodenal
hernia - Spontaneous intramural small-bowel hematoma.
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