ex ante National de Développement Economique et Social

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Evaluation ex ante du Plan
National de Développement
Economique et Social
PNDES 2016-2020
Relevé des résultats et
recommandations de
l’étude de
Institut FREE Afrik
avec le soutien financier de
Contribution aux assises
nationales sur le PNDES
20 et 21 Juin 2016
Version de synthèse préliminaire du 20 juin 2016
Veuillez bien nous citez :
Institut FREE Afrik (2016), Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 0106-2016, Ouagadougou 20 juin 2016
Contexte et justification de l’étude
Le Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) est le nouveau
référentiel qui doit guider les politiques publiques au Burkina Faso sur l’horizon 20162020, en relai à la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable
(SCADD) arrivée à terme en 2015. Des assises nationales sont convoquées les 20 et 21
Juin 2016 pour soumettre le Plan { l’examen des différents acteurs de la société et des
partenaires techniques et financiers du Burkina Faso. L’Institut FREE Afrik, organisme
indépendant de recherche en économie, en a réalisé, avec le soutien de Diakonia et de la
coopération suisse, une évaluation ex ante ; c'est-à-dire une analyse en amont de la mise
en œuvre. Les résultats de l’étude ont été restitués { un atelier le 18 janvier 2016 au
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Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016
profit des journalistes et des acteurs de la société civile. L’objectif visé est de permettre {
des acteurs stratégiques d’avoir une connaissance critique du Plan afin d’améliorer leur
contribution aux assises nationales. En effet, il faut éviter que ces assises soient un lieu
de
monologue
gouvernemental
sous-couvert
d’approche
participative
(instrumentalisée) ou une foire d’opinions subjectives sans fondement factuel ou
rationnel. L’action de l’Institut FREE Afrik est fondée sur la conviction que la démocratie
ne saurait être essentialisée dans les seuls processus électoraux et qu’elle doit faire la
place légitime aux questions socio-économiques qui habitent le quotidien et l’avenir des
populations. C’est en mettant les préoccupations concrètes des burkinabé au cœur du
débat démocratique que nous cimenterons les bases du renouveau démocratique en
construction. La présente note offre une synthèse des résultats et recommandations de
l’évaluation qui s’est appuyée essentiellement sur la version du PNDES en date du 9 juin
2016 soumise aux assises nationales1.
Le PNDES et quelques éléments de comparaison avec la SCADD
Le document du PNDES, dans sa version du 9 juin 2016, est un texte de 87 pages dont 13
consacrées aux diagnostics qui fonde le Plan, 27 à la Stratégie de développement
économique et social et 9 au dispositif de mise en œuvre et au suivi-évaluation. Trois
axes stratégiques sont retenus notamment : i) la reforme des institutions et la
modernisation de l’administration ; ii) le développement du capital humain ainsi que iii)
la dynamisation des secteurs porteurs pour l’économie et les emplois. Un premier
constat peut être établi en comparaison avec la SCADD. En effet, les priorités
transversales que constituent la question du genre et de l’environnement ne sont pas
structurées en un axe comme dans la SCADD. Même si la question du genre est évoquée
dans l’analyse diagnostique, ce constat demeure intéressant à noter et peut traduire une
importance moindre accordée à la question des droits et du statut des femmes, à la prise
en compte des enjeux générationnelles, des jeunes en particulier, et aux enjeux
environnementaux.
Un trait majeur du PNDES est l’orientation vers l’industrialisation avec un taux de
progression du secteur secondaire qui est attendue comme la principale locomotive de
la croissance économique prévue, en moyenne sur la période 2016-2020, à 7,3%. Cette
cible de 7,3% est bien inférieure { l’ambitieux objectif de 10,4% de croissance planifié
par la SCADD et dont seulement la moitié (5,7%) à été réalisée. Le PNDES semble donc
plus proche du rythme réel d’évolution du PIB que la SCADD.
1
Une version antérieure avait déj{ été examinée par l’Institut.
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Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016
Les fondements et la qualité de l’analyse diagnostique du PNDES
Le PNDES est fondé sur une analyse diagnostique en trois temps : les constats i) d’une
dynamique du système productif vulnérable, peu inclusive et faiblement créatrice
d’emplois productifs ; ii) d’un capital humain insuffisant et peu adapté aux besoins de
développement du système productif national et iii) d’une gouvernance politique,
administrative, économique et locale peu performante. Des défis de la transformation
structurelle sont dégagés sur la base des constats { ce triple niveau. L’évaluation de la
qualité de cette analyse diagnostique indique plusieurs résultats. La question des
inégalités trouve une place à la différence de la SCADD qui les ignorait. Cependant, elle
demeure sous-estimée et pas mise en lien avec le modèle de croissance, comme indiqué
plus loin.
Des diagnostics sommaires, pas systématiques et partiels
L’analyse diagnostique est bien souvent sommaire, n’est pas systématique et est donc
partielle. Par endroit, les diagnostics sont fondés sur des chiffres imprécis ou éloignés
des faits. A titre d’illustration, qu’il suffise d’évoquer des exemples dans les domaines de
la santé, de l’éducation et de l’énergie. La faiblesse de l’investissement public dans les
centres de santé, qui est une des principales faiblesses du secteur n’est pas
diagnostiquée systématiquement. Les hôpitaux sont pourtant en manque cruel
d’équipements indispensables à des soins de qualité, en particulier pour les besoins de
diagnostic. Les disparités régionales dans l’accès aux soins de santé et { l’éducation ne
sont pas également évoquées. Pourtant, on compte, en 2014, un médecin spécialiste
pour 411 186 personnes dans la région du Sahel contre un pour 9 680 personnes dans la
région du Centre2. Pour l’année scolaire 2013-2014, la région des Hauts Bassins
comptait 69 élèves par enseignant au niveau du cycle primaire contre 39 élèves pour un
enseignant dans le Sahel3. Par ailleurs, le défi de la gouvernance des centres et
laboratoires de santé privés ainsi que des écoles, collèges et universités privés n’est pas
identifié. L’essor de l’initiative privée dans ces deux secteurs commande cependant une
régulation et une surveillance publiques efficaces pour assurer la qualité des soins et
enseignements délivrés ainsi que leur rapport aux prix de ces prestations qui sont de
plus en plus chères pour des milliers de patients et d’élèves et étudiants. La
massification des effectifs dans les universités notamment le rythme de doublement de
la population étudiante dans le public chaque cinq ans n’est pas constatée car le
diagnostic de la crise universitaire est fait en une ligne.
Calculs de l’Institut FREE Afrik { partir des données de l’annuaire statistique 2014 du ministère de la
santé.
3
Calculs de l’Institut FREE Afrik { partir des données de l’annuaire statistique 2013-2014 du MENA.
2
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Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016
Un diagnostic faussé de la crise énergétique et des perspectives d’aggravation des
délestages
Dans le secteur de l’énergie, aucune connaissance systématique du gap en électricité
n’est avancée car la demande et l’offre ne sont pas étudiées de façon suffisante. Résultat,
la crise énergétique est sous-estimée et les objectifs du plan sont en deçà de ce qui est
requis pour sortir des délestages. Ainsi la cible d’augmentation de l’offre d’électricité de
20% d’ici { l’horizon 2020 (page 41) est très peu ambitieuse au regard du rythme réel
d’accroissement de la demande d’électricité qui est doublée chaque six ans. En
conséquence, cette cible indique que, immanquablement, le pays connaitra une
aggravation des ruptures et des délestages d’électricité. La promesse de réduction du
prix du Kwh d’électricité méconnait également le fait qu’à ce jour la principale cause des
déséquilibres des comptes financiers de la SONABEL réside dans le fait qu’elle vend le
Kwh à un prix inférieur à son coût de production et que ce coût est largement déterminé
par le cours du pétrole que notre pays ne contrôle aucunement.
Un diagnostic faussé de la crise énergétique et des perspectives d’aggravation des
délestages
Dans le secteur de l’énergie, aucune connaissance systématique du gap en électricité
n’est avancée car la demande et l’offre ne sont pas étudiées de façon suffisante. Résultat,
la crise énergétique est sous-estimée et les objectifs du plan sont en deçà de ce qui est
requis pour sortir des délestages. Ainsi la cible d’augmentation de l’offre d’électricité de
20% d’ici { l’horizon 2020 (page 41) est très peu ambitieuse au regard du rythme réel
d’accroissement de la demande d’électricité qui est doublée chaque six ans. En
conséquence, cette cible indique que, immanquablement, le pays connaitra une
aggravation des ruptures et des délestages d’électricité. La promesse de réduction du
prix du Kwh d’électricité méconnait également le fait qu’à ce jour la principale cause des
déséquilibres des comptes financiers de la SONABEL réside dans le fait qu’elle vend le
Kwh à un prix inférieur à son coût de production et que ce coût est largement déterminé
par le cours du pétrole que notre pays ne contrôle aucunement.
Des finances publiques peu analysées
Le domaine des finances publiques est très peu analysé pour un plan qui, { l’analyse,
comme la SCADD, et comme indiqué plus loin, n’est pas véritablement un plan national
mais un plan gouvernemental. Les insuffisances, les dysfonctionnements et les
manquements dans la mobilisation des recettes publiques, la qualité de la dépense
publique, notamment la modestie et le caractère erratique de l’investissement public,
variable stratégique déterminant la croissance économique et le progrès social, ne sont
pas diagnostiqués. Le débat public, depuis la Transition, a pourtant mis en évidence la
fraude et l’évasion fiscales ainsi que l’impératif de l’amélioration de l’efficacité de la
dépense publique. Bien que le PNDES évoque plus loin dans son plan d’action quelques
mesures relatives à ces points, leur absence dans le diagnostic indique une faible
cohérence du Plan (les pistes stratégiques et les actions n’étant pas toujours ancrées à
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Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016
des diagnostics annoncés) et explique la faiblesse des actions de renforcement des
finances publiques.
Des paramètres majeurs ignorés ou sous-estimés notamment la « bombe foncière »
et le « péril environnemental »
Des paramètres et facteurs majeurs de la société n’ont aucune place dans les diagnostics.
Il en va ainsi de la « bombe foncière » et du « péril environnemental »4 qui manquent
dans l’examen du PNDES. L’énorme contentieux des lotissements frauduleux et
magouillés, l’accaparement des terres agricoles et des domaines urbains (y compris
publics), la progression dangereuse du désert et la dégradation de l’environnement ne
sont donc pas des facteurs qui ont été pris en compte dans les constats de l’état du pays.
Pourtant des défis majeurs de stabilité
sociopolitique, de justice sociale et
générationnelle ainsi que d’efficacité économique sont inhérents { ces facteurs
fondamentaux. L’évocation dans le plan d’actions en faveur de l’environnement ne suffit
pas à occulter cette limite.
Des incohérences internes au PNDES qui en affaiblissent la crédibilité
Des incohérences frappantes affaiblissent la qualité du document du PNDES dans sa
version soumise aux assises nationales. Deux exemples, choisis parmi une bonne
douzaine, permettent d’en prendre la mesure. Ainsi, le PNDES évoque la création « d’au
moins 80 000 emplois productifs par an » au dernier paragraphe de la page 29, pendant
que quelques pages en arrière, 4ème paragraphe de la page 26, il est fait mention de la «
création d’au moins 130 000 emplois productifs par an ». On comprendra que perdre, en
chemin, entre 3 pages, 50 000 emplois par an, soit un quart de million d’emplois sur le
quinquennat, n’est pas fait pour donner de la crédibilité au document. De même « le coût
global de la mise en œuvre du PNDES est de 12 850,8 milliards de francs CFA » (au 4ème
paragraphe de la page 52) et ressort trois pages plus loin (2ème paragraphe page 54) à
un « coût total du programme estimé à 12 008,2milliards francs CFA ». Cette fois-ci, en
l’espace de trois pages, le coût du Plan baisse de plus de 840 milliards ! Il est donc
indispensable de revoir rigoureusement la copie.
L’ancrage du PNDES dans le programme présidentiel
La cohérence entre le programme du Président élu et le PNDES est importante pour
créer de la cohérence dans les politiques publiques et assurer la réalisation et le suivi
des engagements pris envers les électeurs. A ce niveau, il est indiqué que « la base
première de l'élaboration du PNDES en tant que cadre de cohérence, sur la période
2016-2020, des mesures et actions sectorielles et locales, est le programme
présidentiel. ». Le programme du candidat Roch Marc Kaboré est cité au moins neuf fois
dans le document. Par ailleurs, les axes stratégiques du Plan correspondent aux
principales parties du programme présidentiel. Cependant, l’analyse montre une sousestimation des engagements pris par le Président devant les électeurs.
4
Suivant les mots de la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes (CRNR, 2015).
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Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016
Des engagements du programme présidentiel sous-estimés ou non consolidés dans
le PNDES
En effet, pour un engagement à réaliser un « taux de couverture en électricité de 85%
sur l’ensemble du territoire » (2ème paragraphe, page 79 du programme du Président
Kaboré), le Plan prévoit un taux d’électrification « de 45% { l’horizon 2020 » (page 39).
Le Plan prévoit 900 forages contre « 7 500 forages neufs » contenus dans le programme
électoral du Président (page 50). De même les Bobolais peuvent réclamer les deux
échangeurs promis (à la page 77 du 1er paragraphe du programme présidentiel) du et
dont le PNDES ne fait pas cas (page 48 du programme). Il en va de même des centres
gériatriques promis pour Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Il se pose donc un véritable
problème { la réalisation d’engagements importants pris par le Président. Il est
indispensable de garder l’exigence de vérité et de redevabilité, y compris et surtout
quand il est question d’engagements pris envers les populations, fussent-ils durant la
période électorale.
Le PNDES, la pauvreté et les inégalités
Le « schéma de transformation structurelle » de l’économie accorde une place centrale
au secteur secondaire (l’industrie) qui doit être la principale source d’accélération de la
croissance. En effet, sur la période 2016-2020, un taux de croissance moyen de 9,6% est
attendu pour le secteur industriel contre 7% pour le tertiaire (commerce et services) et
4,5% pour le primaire (l’agriculture).
Figures 1
Sources : données extraites du PNDES, Version du 9 juin 2016
L’industrialisation étant la voie du développement économique et une faiblesse
structurelle de l’économie burkinabé, l’option de transformation structurelle est louable.
Cependant, il faut noter que le diagnostic du recul de l’industrie établi dans le PNDES
n’en explique pas les causes. En particulier, l’impact de la fraude et la question
stratégique des débouchés (donc des enjeux des politiques de libéralisation
commerciale) ne sont pas soulignés. Par ailleurs, à l’analyse, la capacité de ce schéma de
croissance à réduire la pauvreté et les inégalités demeure très limitée. En effet, la
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Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016
croissance fondée principalement sur les secteurs assimilables au secteur urbain
(secondaire et tertiaire) qui regroupe un petit tiers de la population (30%), compte non
tenu des politiques de redistribution, affaiblit l’impact sur les pauvres qui sont
concentrés majoritairement dans le milieu rural. 70% de la population vit en campagne
et est essentiellement occupée par l’agriculture. En 2014, 47,5% des ruraux sont
considérés comme pauvres. Ce taux est de 13,6% en milieu urbain la même année
(Figure 1). Si l’accélération de l’activité économique est plus faible pour la majorité de la
population (agricole), le modèle de croissance a une capacité moindre à réduire la
pauvreté (milieu rural). Du reste, la cible de 35% de taux de pauvreté en 2020 parait peu
ambitieuse, car entre 2009 et 2014, ce taux est passé de 46,7% en 2009 à 40,1% en
2014. La baisse envisagée sur le quinquennat 2016-2020 est de 4,9 points contre une
baisse plus marquée de 6,6 points sur le quinquennat 2009-2014 (données PNDES).
Figures 2
Il faut noter par ailleurs que cette baisse de la pauvreté en pourcentage de la population
ne signifie pas, en raison du croit démographique, un recul du nombre de pauvres, bien
au contraire. En appliquant ces taux aux données de populations, il apparait que entre
2014 et 2020, suivant les données du PNDES, le nombre de pauvre devrait augmenter de
7 170 000 à 7 528 000 (Figures 2) soit une hausse de plus de 350 000 personnes. En
clair, l’ambition de réduction de la pauvreté est très faible.
Figure 3
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En ce qui concerne les inégalités, les résultats sont encore plus préoccupants. En effet, le
taux de progression de l’économie pour la majorité des actifs (agriculture) qui sont des
ruraux étant plus faible que celui des urbains (tertiaire et secondaire 30% de la
population), le schéma de transformation, génère, compte non tenu de putatives
politiques de redistribution, des inégalités. Cela est d’autant plus inquiétant que le taux
de pauvreté est déjà beaucoup plus élevé en milieu rural (47,5% contre 13,6% en 2014
en ville, figure 3).
En somme, les inégalités régionales devraient s’accélérer et la réduction de la pauvreté
serait très limitée. C’est moins la priorité accordée au secteur secondaire qui est en
cause que le manque d’effet d’entrainement créé sur l’activité agricole. En effet, l’essor
industriel envisagé est fondé principalement sur les activités minières et les bâtiments
et travaux publics (BTP) (PNDES page 27). La recherche de complémentarité et d’effets
d’entrainement plus amples pourrait redonner la priorité { d’autres sous-secteurs pour
le développement semi-industriel (semi-industrie dans le textile et l’élevage) et
sustenter la capacité du modèle de croissance à réduire la pauvreté et à résorber les
inégalités. Cela constitue une voie de recommandation forte de l’étude de l’Institut FREE
Afrik.
Vulnérabilité de l’économie nationale et PNDES
Le PNDES identifie plusieurs risques qui pourraient affecter la réalisation de ses
résultats dont les risques climatiques et ceux liés à la conjoncture internationale. Ces
risques sont peu documentés et les stratégies d’atténuation de leurs éventuels impacts
négatifs sont sommaires. En réalité, si la vulnérabilité climatique de l’économie
burkinabé est difficile { prévoir d’année en année, l’observation du passé indique qu’il y
a une quasi-certitude de l’avènement d’un choc climatique négatif sur un quinquennat. Il
est en effet extrêmement rare que le pays connaisse la succession ininterrompue de 5
bonnes saisons agricoles conjuguée { l’absence d’inondations majeures et d’attaques
parasitaires de l’agriculture ou de l’élevage. En conséquence, le Plan devrait accorder
plus d’attention { ce paramètre et programmer une occurrence quasi-certaine et en tirer
les conséquences dans les actions programmées et budgétisées. Il en va de même des
cours des matières premières. Il est en effet peu réaliste de considérer que l’économie
nationale ne subira pas des effets négatifs d’une dépréciation des cours des matières
premières exportées (or et coton) et d’une appréciation des produits importés (dont les
hydrocarbures). Du reste, la conjugaison de ces facteurs est peu cohérente et peu
plausible car une hausse des cours du coton par exemple indiquerait une reprise de
l’économie mondiale et qui alimenterait un renchérissement du prix du pétrole. En
conséquence, il faut tirer toutes les implications de la nature de petite économie ouverte
et price taker du Burkina Faso.
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Plan national ou plan gouvernemental ?
A l’instar de la SCADD, { l’analyse, le PNDES est plutôt un plan gouvernemental. Car, en
dehors d’évocations du rôle de certains acteurs, aucune stratégie d’impulsion du secteur
privé, par exemple, n’est contenue ou annoncée dans le Plan. Les principales variables
macroéconomiques du secteur privé sont peu décrites et l’analyse des blocages de
l’initiative privée, la stagnation de l’investissement privé en particulier, ne reçoit pas
l’attention requise. Pourtant, au regard des différents chocs négatifs que l’économie a
subis sur les deux dernières années (agenda de l’article 37, dégâts en marge de
l’insurrection, coût économique du coup d’Etat, impacts des attentats, et le relatif
attentisme actuel, etc.), un plan de relance du secteur privé, comme l’avait déj{
recommandé l’Institut FREE Afrik en janvier 2016, est urgent.
L’examen des acteurs de la mise en œuvre du PNDES, page 46 et 47 permet de voir
clairement que les autorités coutumières et religieuses, dont l’influence dans la société
et le rôle majeur durant les récentes crises sociopolitiques sont connus de tous, ne sont
pas mentionnés. La fragilité du climat sociopolitique ainsi que les menaces sur la
cohésion nationale, paramètres critiques qui peuvent affecter la réalisation du Plan,
devraient pourtant incliner à reconnaitre et encourager un rôle de stabilisation à ces
forces vives.
Recommandations pour l’amélioration du PNDES
Sur la base des résultats de l’évaluation, l’Institut FREE Afrik formule plusieurs
recommandations visant à améliorer la qualité du PNDES et à renforcer son impact sur
la pauvreté et les inégalités. Quelques unes de ces recommandations sont reprises ciaprès.
Renforcer l’analyse diagnostique fondant le PNDES
Il est important d’approfondir l’analyse de la société et de l’économie dans une
perspective temporelle plus longue et plus féconde. Il s’agit de convoquer les trois temps
de l’histoire, le passé long, le présent et la longue perspective d’avenir. Cette analyse
permettra de saisir le sens historique réel de ruptures majeures comme l’insurrection
populaire et d’en tirer les conséquences. Le plan quinquennal pourrait être tiré de façon
logique de cette lecture. En plus, l’analyse gagnerait { être plus systématique et plus
approfondie sur les principaux secteurs de la vie socio-économique. A cet effet, un
recours au rapport de la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes
(CRNR), dont une sous-commission a diagnostiqué amplement l’économie nationale, les
finances publiques, la question environnementale et foncière, serait d’une grande utilité.
Ce rapport a le bénéfice d’une actualité pressante et est la propriété de la Nation. Par
ailleurs, les récents rapports sur la fraude et l’évasion fiscales établis par le parlement et
le gouvernement de la Transition peuvent être d’un apport essentiel pour identifier les
sources de déperdition des ressources publiques et donc les voies de renforcement de la
mobilisation des recettes.
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Redonner la place transversale requise aux questions du genre, de la jeunesse et de
l’environnement
La recherche de l’équité évoquée dans le PNDES doit se traduire de façon résolue par
une priorité accordée aux questions transversales du genre, de la jeunesse et de
l’environnement. Il faut également élargir la reconnaissance du rôle des différents
acteurs stratégiques de la société, en particulier corriger l’omission des autorités
coutumières et religieuses.
Repenser le modèle de croissance pour réduire davantage la pauvreté et les
inégalités
Une priorité accordée à la semi-industrie dans le secteur textile permettrait de cibler
l’activité de centaines de milliers d’artisans qui transforment le coton. Il existe des
niches importantes où ce secteur garde une compétitivité certaine notamment pour le
pagne évènementiel tissé. Cela élargirait la base sociale du développement industriel en
ne focalisant pas sur de grandes unités faiblement créatrices d’emplois et dont la
compétitivité est sujette à caution. Il faut sortir de la fétichisation de l’agrobusiness et
abandonner la tendance des éléphants blancs.
La semi-industrie de l’élevage permettrait également de tenir les deux bouts du
développement agropastoral et de l’industrialisation. Il s’agit de miser sur des unités
économiques de taille moyenne, maillant une grande population, pour moderniser les
productions de l’élevage et servir le marché domestique et les exportations. Après une
période de préparation suffisante, on pourrait interdire l’exportation du pays d’animaux
sur pied. Le pays possède de réels potentiels dans ce domaine et l’impact social en ville
comme en campagne est des plus importants.
Comprendre la dimension stratégique de l’investissement public pour la croissance
et le progrès socio-économique et accroitre l’effort en la matière
Les principaux besoins socio-économiques des populations (santé, éducation, emploi,
infrastructure, énergie, etc.) commandent des efforts continus d’investissements publics
massifs, car, la progression démographique alimente un cycle de demande soutenue que
la qualité actuelle des dépenses publiques ne permet pas de servir. Du reste, toutes les
études empiriques montrent le rôle moteur de l’investissement dans la croissance dans
notre pays.
Mettre la lutte contre l’impunité au cœur des politiques publiques
Il s’agit de programmer la mise en œuvre ambitieuse et sincère de la loi anti-corruption
et de doter l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption
(ASCE-LC) dont les moyens actuels ne sont point en rapport avec la charge explosive
des missions. La justice économique ainsi que celle sur les crimes de sang devraient être
une priorité pour ressouder la légitimité et la crédibilité de l’Etat dangereusement mises
à mal.
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Concevoir une stratégie d’impulsion du secteur privé, de relance de l’investissement
privé national et étranger
Le PNDES pourrait envisager une approche de filière qui permette de définir les
paramètres stratégiques à traiter pour fournir un écosystème favorable à
l’épanouissement des entreprises. L’investissement privé national ne doit pas être
négligé, bien que l’investissement étranger soit très important. Le rôle stratégique des
PME/PMI dans le développement, le progrès social et la stabilité devrait être reconnu
pour ouvrir la voie à des politiques efficaces en faveur de leur essor.
Connaitre les recommandations de la Commission de la Réconciliation Nationale et
des Réformes (CRNR) pour éventuellement y puiser les pistes d’actions conformes
aux priorités définies par l’autorité politique.
Il est curieux que ce rapport ne soit aucunement cité dans le PNDES dans sa version
soumise aux assises.
Eviter que les assises nationales ne débouchent sur un Plan check-list exhaustif
sans priorisation des priorités.
A travers ces résultats et ces recommandations, l’Institut FREE Afrik veut apporter une
contribution au débat public indispensable pour l’amélioration de la qualité des
politiques publiques. Notre conviction est que chacune et chacun, dans sa position, a une
contribution essentielle à faire pour l’invention du renouveau et du bonheur dans le
pays. Les fatalités sont en réalité les leurres qui cachent nos démissions et nos
renoncements.
Pour l’Institut FREE Afrik
Dr Ra-Sablga Seydou OUEDRAOGO
Directeur exécutif
Contacts : [email protected] / 25 38 55 80
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