Evaluation ex ante du Plan National de Développement Economique et Social PNDES 2016-2020 Relevé des résultats et recommandations de l’étude de Institut FREE Afrik avec le soutien financier de Contribution aux assises nationales sur le PNDES 20 et 21 Juin 2016 Version de synthèse préliminaire du 20 juin 2016 Veuillez bien nous citez : Institut FREE Afrik (2016), Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 0106-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 Contexte et justification de l’étude Le Plan National de Développement Economique et Social (PNDES) est le nouveau référentiel qui doit guider les politiques publiques au Burkina Faso sur l’horizon 20162020, en relai à la Stratégie de Croissance Accélérée et de Développement Durable (SCADD) arrivée à terme en 2015. Des assises nationales sont convoquées les 20 et 21 Juin 2016 pour soumettre le Plan { l’examen des différents acteurs de la société et des partenaires techniques et financiers du Burkina Faso. L’Institut FREE Afrik, organisme indépendant de recherche en économie, en a réalisé, avec le soutien de Diakonia et de la coopération suisse, une évaluation ex ante ; c'est-à-dire une analyse en amont de la mise en œuvre. Les résultats de l’étude ont été restitués { un atelier le 18 janvier 2016 au Page 1 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 profit des journalistes et des acteurs de la société civile. L’objectif visé est de permettre { des acteurs stratégiques d’avoir une connaissance critique du Plan afin d’améliorer leur contribution aux assises nationales. En effet, il faut éviter que ces assises soient un lieu de monologue gouvernemental sous-couvert d’approche participative (instrumentalisée) ou une foire d’opinions subjectives sans fondement factuel ou rationnel. L’action de l’Institut FREE Afrik est fondée sur la conviction que la démocratie ne saurait être essentialisée dans les seuls processus électoraux et qu’elle doit faire la place légitime aux questions socio-économiques qui habitent le quotidien et l’avenir des populations. C’est en mettant les préoccupations concrètes des burkinabé au cœur du débat démocratique que nous cimenterons les bases du renouveau démocratique en construction. La présente note offre une synthèse des résultats et recommandations de l’évaluation qui s’est appuyée essentiellement sur la version du PNDES en date du 9 juin 2016 soumise aux assises nationales1. Le PNDES et quelques éléments de comparaison avec la SCADD Le document du PNDES, dans sa version du 9 juin 2016, est un texte de 87 pages dont 13 consacrées aux diagnostics qui fonde le Plan, 27 à la Stratégie de développement économique et social et 9 au dispositif de mise en œuvre et au suivi-évaluation. Trois axes stratégiques sont retenus notamment : i) la reforme des institutions et la modernisation de l’administration ; ii) le développement du capital humain ainsi que iii) la dynamisation des secteurs porteurs pour l’économie et les emplois. Un premier constat peut être établi en comparaison avec la SCADD. En effet, les priorités transversales que constituent la question du genre et de l’environnement ne sont pas structurées en un axe comme dans la SCADD. Même si la question du genre est évoquée dans l’analyse diagnostique, ce constat demeure intéressant à noter et peut traduire une importance moindre accordée à la question des droits et du statut des femmes, à la prise en compte des enjeux générationnelles, des jeunes en particulier, et aux enjeux environnementaux. Un trait majeur du PNDES est l’orientation vers l’industrialisation avec un taux de progression du secteur secondaire qui est attendue comme la principale locomotive de la croissance économique prévue, en moyenne sur la période 2016-2020, à 7,3%. Cette cible de 7,3% est bien inférieure { l’ambitieux objectif de 10,4% de croissance planifié par la SCADD et dont seulement la moitié (5,7%) à été réalisée. Le PNDES semble donc plus proche du rythme réel d’évolution du PIB que la SCADD. 1 Une version antérieure avait déj{ été examinée par l’Institut. Page 2 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 Les fondements et la qualité de l’analyse diagnostique du PNDES Le PNDES est fondé sur une analyse diagnostique en trois temps : les constats i) d’une dynamique du système productif vulnérable, peu inclusive et faiblement créatrice d’emplois productifs ; ii) d’un capital humain insuffisant et peu adapté aux besoins de développement du système productif national et iii) d’une gouvernance politique, administrative, économique et locale peu performante. Des défis de la transformation structurelle sont dégagés sur la base des constats { ce triple niveau. L’évaluation de la qualité de cette analyse diagnostique indique plusieurs résultats. La question des inégalités trouve une place à la différence de la SCADD qui les ignorait. Cependant, elle demeure sous-estimée et pas mise en lien avec le modèle de croissance, comme indiqué plus loin. Des diagnostics sommaires, pas systématiques et partiels L’analyse diagnostique est bien souvent sommaire, n’est pas systématique et est donc partielle. Par endroit, les diagnostics sont fondés sur des chiffres imprécis ou éloignés des faits. A titre d’illustration, qu’il suffise d’évoquer des exemples dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’énergie. La faiblesse de l’investissement public dans les centres de santé, qui est une des principales faiblesses du secteur n’est pas diagnostiquée systématiquement. Les hôpitaux sont pourtant en manque cruel d’équipements indispensables à des soins de qualité, en particulier pour les besoins de diagnostic. Les disparités régionales dans l’accès aux soins de santé et { l’éducation ne sont pas également évoquées. Pourtant, on compte, en 2014, un médecin spécialiste pour 411 186 personnes dans la région du Sahel contre un pour 9 680 personnes dans la région du Centre2. Pour l’année scolaire 2013-2014, la région des Hauts Bassins comptait 69 élèves par enseignant au niveau du cycle primaire contre 39 élèves pour un enseignant dans le Sahel3. Par ailleurs, le défi de la gouvernance des centres et laboratoires de santé privés ainsi que des écoles, collèges et universités privés n’est pas identifié. L’essor de l’initiative privée dans ces deux secteurs commande cependant une régulation et une surveillance publiques efficaces pour assurer la qualité des soins et enseignements délivrés ainsi que leur rapport aux prix de ces prestations qui sont de plus en plus chères pour des milliers de patients et d’élèves et étudiants. La massification des effectifs dans les universités notamment le rythme de doublement de la population étudiante dans le public chaque cinq ans n’est pas constatée car le diagnostic de la crise universitaire est fait en une ligne. Calculs de l’Institut FREE Afrik { partir des données de l’annuaire statistique 2014 du ministère de la santé. 3 Calculs de l’Institut FREE Afrik { partir des données de l’annuaire statistique 2013-2014 du MENA. 2 Page 3 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 Un diagnostic faussé de la crise énergétique et des perspectives d’aggravation des délestages Dans le secteur de l’énergie, aucune connaissance systématique du gap en électricité n’est avancée car la demande et l’offre ne sont pas étudiées de façon suffisante. Résultat, la crise énergétique est sous-estimée et les objectifs du plan sont en deçà de ce qui est requis pour sortir des délestages. Ainsi la cible d’augmentation de l’offre d’électricité de 20% d’ici { l’horizon 2020 (page 41) est très peu ambitieuse au regard du rythme réel d’accroissement de la demande d’électricité qui est doublée chaque six ans. En conséquence, cette cible indique que, immanquablement, le pays connaitra une aggravation des ruptures et des délestages d’électricité. La promesse de réduction du prix du Kwh d’électricité méconnait également le fait qu’à ce jour la principale cause des déséquilibres des comptes financiers de la SONABEL réside dans le fait qu’elle vend le Kwh à un prix inférieur à son coût de production et que ce coût est largement déterminé par le cours du pétrole que notre pays ne contrôle aucunement. Un diagnostic faussé de la crise énergétique et des perspectives d’aggravation des délestages Dans le secteur de l’énergie, aucune connaissance systématique du gap en électricité n’est avancée car la demande et l’offre ne sont pas étudiées de façon suffisante. Résultat, la crise énergétique est sous-estimée et les objectifs du plan sont en deçà de ce qui est requis pour sortir des délestages. Ainsi la cible d’augmentation de l’offre d’électricité de 20% d’ici { l’horizon 2020 (page 41) est très peu ambitieuse au regard du rythme réel d’accroissement de la demande d’électricité qui est doublée chaque six ans. En conséquence, cette cible indique que, immanquablement, le pays connaitra une aggravation des ruptures et des délestages d’électricité. La promesse de réduction du prix du Kwh d’électricité méconnait également le fait qu’à ce jour la principale cause des déséquilibres des comptes financiers de la SONABEL réside dans le fait qu’elle vend le Kwh à un prix inférieur à son coût de production et que ce coût est largement déterminé par le cours du pétrole que notre pays ne contrôle aucunement. Des finances publiques peu analysées Le domaine des finances publiques est très peu analysé pour un plan qui, { l’analyse, comme la SCADD, et comme indiqué plus loin, n’est pas véritablement un plan national mais un plan gouvernemental. Les insuffisances, les dysfonctionnements et les manquements dans la mobilisation des recettes publiques, la qualité de la dépense publique, notamment la modestie et le caractère erratique de l’investissement public, variable stratégique déterminant la croissance économique et le progrès social, ne sont pas diagnostiqués. Le débat public, depuis la Transition, a pourtant mis en évidence la fraude et l’évasion fiscales ainsi que l’impératif de l’amélioration de l’efficacité de la dépense publique. Bien que le PNDES évoque plus loin dans son plan d’action quelques mesures relatives à ces points, leur absence dans le diagnostic indique une faible cohérence du Plan (les pistes stratégiques et les actions n’étant pas toujours ancrées à Page 4 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 des diagnostics annoncés) et explique la faiblesse des actions de renforcement des finances publiques. Des paramètres majeurs ignorés ou sous-estimés notamment la « bombe foncière » et le « péril environnemental » Des paramètres et facteurs majeurs de la société n’ont aucune place dans les diagnostics. Il en va ainsi de la « bombe foncière » et du « péril environnemental »4 qui manquent dans l’examen du PNDES. L’énorme contentieux des lotissements frauduleux et magouillés, l’accaparement des terres agricoles et des domaines urbains (y compris publics), la progression dangereuse du désert et la dégradation de l’environnement ne sont donc pas des facteurs qui ont été pris en compte dans les constats de l’état du pays. Pourtant des défis majeurs de stabilité sociopolitique, de justice sociale et générationnelle ainsi que d’efficacité économique sont inhérents { ces facteurs fondamentaux. L’évocation dans le plan d’actions en faveur de l’environnement ne suffit pas à occulter cette limite. Des incohérences internes au PNDES qui en affaiblissent la crédibilité Des incohérences frappantes affaiblissent la qualité du document du PNDES dans sa version soumise aux assises nationales. Deux exemples, choisis parmi une bonne douzaine, permettent d’en prendre la mesure. Ainsi, le PNDES évoque la création « d’au moins 80 000 emplois productifs par an » au dernier paragraphe de la page 29, pendant que quelques pages en arrière, 4ème paragraphe de la page 26, il est fait mention de la « création d’au moins 130 000 emplois productifs par an ». On comprendra que perdre, en chemin, entre 3 pages, 50 000 emplois par an, soit un quart de million d’emplois sur le quinquennat, n’est pas fait pour donner de la crédibilité au document. De même « le coût global de la mise en œuvre du PNDES est de 12 850,8 milliards de francs CFA » (au 4ème paragraphe de la page 52) et ressort trois pages plus loin (2ème paragraphe page 54) à un « coût total du programme estimé à 12 008,2milliards francs CFA ». Cette fois-ci, en l’espace de trois pages, le coût du Plan baisse de plus de 840 milliards ! Il est donc indispensable de revoir rigoureusement la copie. L’ancrage du PNDES dans le programme présidentiel La cohérence entre le programme du Président élu et le PNDES est importante pour créer de la cohérence dans les politiques publiques et assurer la réalisation et le suivi des engagements pris envers les électeurs. A ce niveau, il est indiqué que « la base première de l'élaboration du PNDES en tant que cadre de cohérence, sur la période 2016-2020, des mesures et actions sectorielles et locales, est le programme présidentiel. ». Le programme du candidat Roch Marc Kaboré est cité au moins neuf fois dans le document. Par ailleurs, les axes stratégiques du Plan correspondent aux principales parties du programme présidentiel. Cependant, l’analyse montre une sousestimation des engagements pris par le Président devant les électeurs. 4 Suivant les mots de la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes (CRNR, 2015). Page 5 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 Des engagements du programme présidentiel sous-estimés ou non consolidés dans le PNDES En effet, pour un engagement à réaliser un « taux de couverture en électricité de 85% sur l’ensemble du territoire » (2ème paragraphe, page 79 du programme du Président Kaboré), le Plan prévoit un taux d’électrification « de 45% { l’horizon 2020 » (page 39). Le Plan prévoit 900 forages contre « 7 500 forages neufs » contenus dans le programme électoral du Président (page 50). De même les Bobolais peuvent réclamer les deux échangeurs promis (à la page 77 du 1er paragraphe du programme présidentiel) du et dont le PNDES ne fait pas cas (page 48 du programme). Il en va de même des centres gériatriques promis pour Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Il se pose donc un véritable problème { la réalisation d’engagements importants pris par le Président. Il est indispensable de garder l’exigence de vérité et de redevabilité, y compris et surtout quand il est question d’engagements pris envers les populations, fussent-ils durant la période électorale. Le PNDES, la pauvreté et les inégalités Le « schéma de transformation structurelle » de l’économie accorde une place centrale au secteur secondaire (l’industrie) qui doit être la principale source d’accélération de la croissance. En effet, sur la période 2016-2020, un taux de croissance moyen de 9,6% est attendu pour le secteur industriel contre 7% pour le tertiaire (commerce et services) et 4,5% pour le primaire (l’agriculture). Figures 1 Sources : données extraites du PNDES, Version du 9 juin 2016 L’industrialisation étant la voie du développement économique et une faiblesse structurelle de l’économie burkinabé, l’option de transformation structurelle est louable. Cependant, il faut noter que le diagnostic du recul de l’industrie établi dans le PNDES n’en explique pas les causes. En particulier, l’impact de la fraude et la question stratégique des débouchés (donc des enjeux des politiques de libéralisation commerciale) ne sont pas soulignés. Par ailleurs, à l’analyse, la capacité de ce schéma de croissance à réduire la pauvreté et les inégalités demeure très limitée. En effet, la Page 6 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 croissance fondée principalement sur les secteurs assimilables au secteur urbain (secondaire et tertiaire) qui regroupe un petit tiers de la population (30%), compte non tenu des politiques de redistribution, affaiblit l’impact sur les pauvres qui sont concentrés majoritairement dans le milieu rural. 70% de la population vit en campagne et est essentiellement occupée par l’agriculture. En 2014, 47,5% des ruraux sont considérés comme pauvres. Ce taux est de 13,6% en milieu urbain la même année (Figure 1). Si l’accélération de l’activité économique est plus faible pour la majorité de la population (agricole), le modèle de croissance a une capacité moindre à réduire la pauvreté (milieu rural). Du reste, la cible de 35% de taux de pauvreté en 2020 parait peu ambitieuse, car entre 2009 et 2014, ce taux est passé de 46,7% en 2009 à 40,1% en 2014. La baisse envisagée sur le quinquennat 2016-2020 est de 4,9 points contre une baisse plus marquée de 6,6 points sur le quinquennat 2009-2014 (données PNDES). Figures 2 Il faut noter par ailleurs que cette baisse de la pauvreté en pourcentage de la population ne signifie pas, en raison du croit démographique, un recul du nombre de pauvres, bien au contraire. En appliquant ces taux aux données de populations, il apparait que entre 2014 et 2020, suivant les données du PNDES, le nombre de pauvre devrait augmenter de 7 170 000 à 7 528 000 (Figures 2) soit une hausse de plus de 350 000 personnes. En clair, l’ambition de réduction de la pauvreté est très faible. Figure 3 Page 7 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 En ce qui concerne les inégalités, les résultats sont encore plus préoccupants. En effet, le taux de progression de l’économie pour la majorité des actifs (agriculture) qui sont des ruraux étant plus faible que celui des urbains (tertiaire et secondaire 30% de la population), le schéma de transformation, génère, compte non tenu de putatives politiques de redistribution, des inégalités. Cela est d’autant plus inquiétant que le taux de pauvreté est déjà beaucoup plus élevé en milieu rural (47,5% contre 13,6% en 2014 en ville, figure 3). En somme, les inégalités régionales devraient s’accélérer et la réduction de la pauvreté serait très limitée. C’est moins la priorité accordée au secteur secondaire qui est en cause que le manque d’effet d’entrainement créé sur l’activité agricole. En effet, l’essor industriel envisagé est fondé principalement sur les activités minières et les bâtiments et travaux publics (BTP) (PNDES page 27). La recherche de complémentarité et d’effets d’entrainement plus amples pourrait redonner la priorité { d’autres sous-secteurs pour le développement semi-industriel (semi-industrie dans le textile et l’élevage) et sustenter la capacité du modèle de croissance à réduire la pauvreté et à résorber les inégalités. Cela constitue une voie de recommandation forte de l’étude de l’Institut FREE Afrik. Vulnérabilité de l’économie nationale et PNDES Le PNDES identifie plusieurs risques qui pourraient affecter la réalisation de ses résultats dont les risques climatiques et ceux liés à la conjoncture internationale. Ces risques sont peu documentés et les stratégies d’atténuation de leurs éventuels impacts négatifs sont sommaires. En réalité, si la vulnérabilité climatique de l’économie burkinabé est difficile { prévoir d’année en année, l’observation du passé indique qu’il y a une quasi-certitude de l’avènement d’un choc climatique négatif sur un quinquennat. Il est en effet extrêmement rare que le pays connaisse la succession ininterrompue de 5 bonnes saisons agricoles conjuguée { l’absence d’inondations majeures et d’attaques parasitaires de l’agriculture ou de l’élevage. En conséquence, le Plan devrait accorder plus d’attention { ce paramètre et programmer une occurrence quasi-certaine et en tirer les conséquences dans les actions programmées et budgétisées. Il en va de même des cours des matières premières. Il est en effet peu réaliste de considérer que l’économie nationale ne subira pas des effets négatifs d’une dépréciation des cours des matières premières exportées (or et coton) et d’une appréciation des produits importés (dont les hydrocarbures). Du reste, la conjugaison de ces facteurs est peu cohérente et peu plausible car une hausse des cours du coton par exemple indiquerait une reprise de l’économie mondiale et qui alimenterait un renchérissement du prix du pétrole. En conséquence, il faut tirer toutes les implications de la nature de petite économie ouverte et price taker du Burkina Faso. Page 8 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 Plan national ou plan gouvernemental ? A l’instar de la SCADD, { l’analyse, le PNDES est plutôt un plan gouvernemental. Car, en dehors d’évocations du rôle de certains acteurs, aucune stratégie d’impulsion du secteur privé, par exemple, n’est contenue ou annoncée dans le Plan. Les principales variables macroéconomiques du secteur privé sont peu décrites et l’analyse des blocages de l’initiative privée, la stagnation de l’investissement privé en particulier, ne reçoit pas l’attention requise. Pourtant, au regard des différents chocs négatifs que l’économie a subis sur les deux dernières années (agenda de l’article 37, dégâts en marge de l’insurrection, coût économique du coup d’Etat, impacts des attentats, et le relatif attentisme actuel, etc.), un plan de relance du secteur privé, comme l’avait déj{ recommandé l’Institut FREE Afrik en janvier 2016, est urgent. L’examen des acteurs de la mise en œuvre du PNDES, page 46 et 47 permet de voir clairement que les autorités coutumières et religieuses, dont l’influence dans la société et le rôle majeur durant les récentes crises sociopolitiques sont connus de tous, ne sont pas mentionnés. La fragilité du climat sociopolitique ainsi que les menaces sur la cohésion nationale, paramètres critiques qui peuvent affecter la réalisation du Plan, devraient pourtant incliner à reconnaitre et encourager un rôle de stabilisation à ces forces vives. Recommandations pour l’amélioration du PNDES Sur la base des résultats de l’évaluation, l’Institut FREE Afrik formule plusieurs recommandations visant à améliorer la qualité du PNDES et à renforcer son impact sur la pauvreté et les inégalités. Quelques unes de ces recommandations sont reprises ciaprès. Renforcer l’analyse diagnostique fondant le PNDES Il est important d’approfondir l’analyse de la société et de l’économie dans une perspective temporelle plus longue et plus féconde. Il s’agit de convoquer les trois temps de l’histoire, le passé long, le présent et la longue perspective d’avenir. Cette analyse permettra de saisir le sens historique réel de ruptures majeures comme l’insurrection populaire et d’en tirer les conséquences. Le plan quinquennal pourrait être tiré de façon logique de cette lecture. En plus, l’analyse gagnerait { être plus systématique et plus approfondie sur les principaux secteurs de la vie socio-économique. A cet effet, un recours au rapport de la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes (CRNR), dont une sous-commission a diagnostiqué amplement l’économie nationale, les finances publiques, la question environnementale et foncière, serait d’une grande utilité. Ce rapport a le bénéfice d’une actualité pressante et est la propriété de la Nation. Par ailleurs, les récents rapports sur la fraude et l’évasion fiscales établis par le parlement et le gouvernement de la Transition peuvent être d’un apport essentiel pour identifier les sources de déperdition des ressources publiques et donc les voies de renforcement de la mobilisation des recettes. Page 9 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 Redonner la place transversale requise aux questions du genre, de la jeunesse et de l’environnement La recherche de l’équité évoquée dans le PNDES doit se traduire de façon résolue par une priorité accordée aux questions transversales du genre, de la jeunesse et de l’environnement. Il faut également élargir la reconnaissance du rôle des différents acteurs stratégiques de la société, en particulier corriger l’omission des autorités coutumières et religieuses. Repenser le modèle de croissance pour réduire davantage la pauvreté et les inégalités Une priorité accordée à la semi-industrie dans le secteur textile permettrait de cibler l’activité de centaines de milliers d’artisans qui transforment le coton. Il existe des niches importantes où ce secteur garde une compétitivité certaine notamment pour le pagne évènementiel tissé. Cela élargirait la base sociale du développement industriel en ne focalisant pas sur de grandes unités faiblement créatrices d’emplois et dont la compétitivité est sujette à caution. Il faut sortir de la fétichisation de l’agrobusiness et abandonner la tendance des éléphants blancs. La semi-industrie de l’élevage permettrait également de tenir les deux bouts du développement agropastoral et de l’industrialisation. Il s’agit de miser sur des unités économiques de taille moyenne, maillant une grande population, pour moderniser les productions de l’élevage et servir le marché domestique et les exportations. Après une période de préparation suffisante, on pourrait interdire l’exportation du pays d’animaux sur pied. Le pays possède de réels potentiels dans ce domaine et l’impact social en ville comme en campagne est des plus importants. Comprendre la dimension stratégique de l’investissement public pour la croissance et le progrès socio-économique et accroitre l’effort en la matière Les principaux besoins socio-économiques des populations (santé, éducation, emploi, infrastructure, énergie, etc.) commandent des efforts continus d’investissements publics massifs, car, la progression démographique alimente un cycle de demande soutenue que la qualité actuelle des dépenses publiques ne permet pas de servir. Du reste, toutes les études empiriques montrent le rôle moteur de l’investissement dans la croissance dans notre pays. Mettre la lutte contre l’impunité au cœur des politiques publiques Il s’agit de programmer la mise en œuvre ambitieuse et sincère de la loi anti-corruption et de doter l’Autorité Supérieure de Contrôle d’Etat et de Lutte contre la Corruption (ASCE-LC) dont les moyens actuels ne sont point en rapport avec la charge explosive des missions. La justice économique ainsi que celle sur les crimes de sang devraient être une priorité pour ressouder la légitimité et la crédibilité de l’Etat dangereusement mises à mal. Page 10 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016 Concevoir une stratégie d’impulsion du secteur privé, de relance de l’investissement privé national et étranger Le PNDES pourrait envisager une approche de filière qui permette de définir les paramètres stratégiques à traiter pour fournir un écosystème favorable à l’épanouissement des entreprises. L’investissement privé national ne doit pas être négligé, bien que l’investissement étranger soit très important. Le rôle stratégique des PME/PMI dans le développement, le progrès social et la stabilité devrait être reconnu pour ouvrir la voie à des politiques efficaces en faveur de leur essor. Connaitre les recommandations de la Commission de la Réconciliation Nationale et des Réformes (CRNR) pour éventuellement y puiser les pistes d’actions conformes aux priorités définies par l’autorité politique. Il est curieux que ce rapport ne soit aucunement cité dans le PNDES dans sa version soumise aux assises. Eviter que les assises nationales ne débouchent sur un Plan check-list exhaustif sans priorisation des priorités. A travers ces résultats et ces recommandations, l’Institut FREE Afrik veut apporter une contribution au débat public indispensable pour l’amélioration de la qualité des politiques publiques. Notre conviction est que chacune et chacun, dans sa position, a une contribution essentielle à faire pour l’invention du renouveau et du bonheur dans le pays. Les fatalités sont en réalité les leurres qui cachent nos démissions et nos renoncements. Pour l’Institut FREE Afrik Dr Ra-Sablga Seydou OUEDRAOGO Directeur exécutif Contacts : [email protected] / 25 38 55 80 Page 11 sur 11 Evaluation ex ante du PNDES 2016-2020, Etude FREE Afrik 01-06-2016, Ouagadougou 20 juin 2016