la marge anale, toucher ano-rectal (toni-
cité, douleur, sang, tumeur, fécalome),
anuscopie ± rectoscopie, palpation des
aires ganglionnaires inguinales. Les
symptômes conduisant à consulter sont
les mêmes que ceux de l’adulte jeune
mais leur fréquence paraît se modifier
avec l’avance en âge : la pathologie
sphinctérienne et périnéale est en effet
au premier plan (suintement, pertes
fécales, glaires, faux besoins, pesanteur,
“boule anale”) alors que les hémorra-
gies, la douleur ou le prurit sont plus rares.
La constipation :
fréquence des fécalomes
La fréquence des fécalomes est plus
élevée chez les personnes âgées. La
symptomatologie est souvent atypique
ou insidieuse, voire trompeuse : consti-
pation rebelle, syndrome rectal (associant
faux besoins, ténesme, douleurs anales
ou abdomino-pelviennes), fausse diar-
rhée ou fausse incontinence anale ; la
prescription de ralentisseur du transit sans
avoir vérifié la vacuité du rectum ne pou-
vant qu’accentuer le trouble, syndrome
occlusif aigu ou de constitution pro-
gressive à bas bruit, troubles urinaires
(dysurie, incontinence ou rétention), voire
neuropsychiques (agitation, confusion).
Facile à diagnostiquer quand il est acces-
sible au toucher rectal ou palpable sous
la paroi abdominale, le fécalome n’est
parfois mis en évidence que sur une
radiographie de l’abdomen sans prépa-
ration (image colique granitée, arron-
die). De nombreux facteurs prédispo-
sent le sujet âgé au fécalome :
– l’alitement et la perte de mobilité ;
– l’accessibilité difficile des toilettes ;
– les troubles de la progression colique
(régime pauvre en fibres, hydratation
insuffisante) et fréquence de la dyschésie ;
– les difficultés intellectuelles ;
– la prescription d’un médicament ralen-
tisseur du transit, notamment un antal-
gique de classe II ou III. Citons aussi les
antiacides à base d’alumine et de calcium,
les anticholinergiques, les antiépilep-
tiques, les antidépresseurs (dont les
IMAO) et les neuroleptiques, la colesty-
ramine, les diurétiques, les hypoten-
seurs, les sels de fer et les antiparkin-
soniens.
L’objectif du traitement du fécalome est
d’évacuer l’ampoule rectale. Le traite-
ment médicamenteux fait appel, chez
les sujets âgés, aux laxatifs osmotiques
(la déglutition des mucilages est sou-
vent difficile) ou à l’huile de paraffine
(avec précaution en cas de troubles de
la déglutition). Il faut souvent y asso-
cier un lavement (huileux ou hyper-
tonique sous faible pression en cas de
fécalome mou) ; la fragmentation ± l’éva-
cuation manuelle et/ou instrumentale
du fécalome peut s’avérer nécessaire
s’il est trop dur. Dans des situations
assez exceptionnelles, 10 à 12 cuillères
à soupe d’huile de ricin font parfois des
miracles, en sachant attendre un délai
d’efficacité de 48 heures. Dans les cas
difficiles, notamment pour traiter les
fécalomes abdominaux, il faut préconi-
ser des évacuations coliques par des
grands lavements (utiliser des solutions
à base d’eau non bouillie sans jamais
d’addition de savon ou d’eau oxygé-
née). La prévention du fécalome est
capitale, reposant sur la surveillance
objective du transit des personnes âgées
de 85 ans, puisque, dans 20 à 30 % des
cas, il y a une altération des fonctions
intellectuelles. On ne peut se fier à l’in-
terrogatoire, il faut donc pratiquer, à
intervalles réguliers chez ces malades
âgés, un toucher rectal.
L’incontinence anale
C’est un handicap très déstabilisant,
vécu comme une infirmité honteuse, qui
conduit souvent à l’isolement familial
et social. C’est un problème fréquent,
qui retentit de façon importante sur
l’équilibre physique et psychologique
des patients qui en souffrent (11).
Pour donner une estimation, selon les
résultats d’une étude épidémiologique
réalisée auprès de plus de 10 000 per-
sonnes âgées, l’incontinence fécale,
définie par la survenue d’au moins un
épisode d’incontinence par semaine,
concerne 30 % des personnes âgées
vivant en institution, 50 % des per-
sonnes ayant une perte d’autonomie
résidant, par exemple, dans un secteur
de psychogériatrie, et 90 % des per-
sonnes âgées démentes et grabataires (11).
Dans la population des personnes âgées
vivant au domicile, on estime la fréquence
de l’incontinence fécale entre 2 % et
4 %. Ce chiffre de prévalence est proba-
blement sous-estimé, compte tenu du
nombre de malades âgés ayant une incon-
tinence fécale dont ils nient l’existence.
Dans la population générale, chez les
sujets de moins de 75 ans, il y a une pré-
dominance féminine (deux tiers de
femmes) ; après 75 ans, la proportion
d’hommes incontinents est aussi élevée
que celle des femmes. Un quart des
incontinents urinaires ont aussi une
incontinence anale, et, après 75 ans, les
deux pathologies sont pratiquement
toujours associées (11).
Chez les femmes, l’accouchement cons-
titue une cause prédominante (rupture
sphinctérienne surtout, parfois neuro-
pathie périnéale) pouvant rester latente
plusieurs années, l’incontinence ne se
révélant qu’à la cinquantaine, favorisée
par le vieillissement naturel des tissus et
la carence en estrogènes. Une première
étude, ouverte, non randomisée, a
d’ailleurs montré une amélioration des
épreuves manométriques du sphincter
de l’anus après six mois d’estrogéno-
thérapie chez des femmes ménopausées
(12).
Chez les hommes, la cause est essentiel-
lement traumatique post-chirurgicale
proctologique. Chez les deux sexes, les
troubles du transit exposent à l’inconti-
nence (diarrhée aussi bien que fécalome).
En gériatrie, les pathologies neurolo-
giques centrales dues à la dégénérescence
ont comme conséquence des perturba-
tions du contrôle nerveux extrinsèque des
fonctions urinaires et ano-rectales, à
l’origine d’incontinence (13). De plus,
certaines circonstances cliniques sont
associées à la survenue d’une inconti-
nence fécale :
– la perte d’autonomie, étroitement liée
aux compétences cognitives ;
165
Le sujet âgé
Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (17), n
os
8-9, nov.-déc. 2003
Le sujet âgé