L’ ARTICLE À CONNAîTRE
La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 1 - vol. II - février 19996
L’étude de Blum et coll. est une étude internationale
multicentrique (nombreux centres situés en Autriche,
Allemagne, Islande, Irlande, Afrique du Sud, Suède et
au Canada) sponsorisée par les Laboratoires Astra. Le
traitement était considéré comme un succès si les
symptômes dyspeptiques étaient absents ou minimes
pendant la période de sept jours précédant la visite à un
an. Les patients n’étaient pas inclus s’ils présentaient
des antécédents de reflux gastro-œsophagien. Dans les
deux études, la qualité de vie était étudiée (SF-36 pour
Mc Coll, GSRS et PGWB pour Blum). L’étude de
Mc Coll comportait la vérification de l’éradication par
test respiratoire un mois puis un an après le traitement
initial (oméprazole 2 x 20 mg + amoxicilline 3 x
500 mg + métronidazole 3 x 400 mg pendant quatorze
jours pour le groupe éradication versus oméprazole seul
pour le groupe contrôle). L’étude de Blum et coll. com-
portait une endoscopie de contrôle à un an, avec biop-
sies permettant de vérifier l’évolution de la gastrite ini-
tialement gradée selon le système de Sydney.
L’éradication était également contrôlée par test respira-
toire trois et douze mois après le traitement (omépra-
zole 2 x 20 mg + amoxicilline 2 x 1 000 mg + clari-
thromycine 2 x 500 mg pendant sept jours versus omé-
prazole seul pour le groupe contrôle). L’éradication a été
obtenue respectivement pour les groupes éradication et
contrôle dans 85 % et 12 % des cas dans l’étude de Mc
Coll et dans 79 % et 2 % des cas dans celle de Blum.
En ce qui concerne l’évolution de la symptomatologie,
les résultats discordants pour les deux études sont résu-
més dans le tableau suivant.
On remarque le taux inhabituellement bas de succès enre-
gistré dans le groupe témoin de Mc Coll et coll. En effet,
dans de nombreuses études, le taux de réponse au place-
bo est de l’ordre de 20 % à 30 %, mais peut atteindre des
taux supérieurs dans les études à court terme. Il est pos-
sible que ce taux s’explique de par l’utilisation du score
de Glasgow, qui est complexe. Celui-ci étant composite,
on ne sait pas quels sont les éléments qui ont le plus varié
entre les deux groupes. En effet, dans l’étude de Mc Coll,
les autres critères étudiés ne présentent pas de différence
significative à l’issue de l’année de surveillance : pas de
différence entre les valeurs moyennes du score dans les
deux groupes, pas de différence de consommation médi-
camenteuse dans les six derniers mois. C’est ainsi qu’un
patient sur deux a pris des médicaments pour la dyspep-
sie dans les six derniers mois de l’étude (25 % et 28 % ont
pris des anti-H2,16% et 22 % ont pris des IPP dans les
groupes éradication et témoin). Un traitement a été néces-
saire durant plus de trois mois sur six pour respectivement
20 % et 30 % de chacun des deux groupes. Enfin, il n’y
avait pas de différence en termes de qualité de vie dans les
deux groupes, résultat comparable à celui de l’étude de
Blum et coll.
En conclusion, les résultats issus de ces deux publica-
tions vont dans le sens d’un rôle mineur sinon nul de
l’éradication d’H. pylori chez les patients souffrant de
dyspepsie non ulcéreuse. En France, la prévalence
d’H. pylori dans la population adulte est de 30 % et
diminue chez l’adulte jeune. Parmi ces patients, un sur
cinq environ est susceptible de bénéficier d’un traite-
ment d’éradication, ce qui représente environ 6 % du
total des patients consultant pour dyspepsie. En outre,
aucun élément clinique ou biologique particulier ne per-
met d’isoler un groupe davantage susceptible de
répondre au traitement. En effet, si dans l’étude de
Mc Coll les patients ayant des symptômes depuis moins
de cinq ans répondaient mieux, il n’y avait pas de diffé-
rence entre ceux infectés par la souche Cag A, plus viru-
lente, et les autres. Il faut noter que, dans la série de
Mc Coll, un pourcentage non négligeable de patients
traités uniquement par oméprazole a développé ulté-
rieurement une maladie ulcéreuse, éventualité rare dans
la série de Blum (3 %). Dans cette dernière, il n’y avait
pas de différence de succès en termes de symptômes
entre les patients chez lesquels la gastrite avait guéri
grâce à l’éradication et ceux qui présentaient une gastrite
avec persistance de l’infection. Il ne fait aucun doute
que les recherches sur la physiopathologie de la dys-
pepsie doivent se poursuivre. Les études sur la sensibi-
lité viscérale permettront peut-être la mise au point de
molécules dans ce domaine.
M.A. Bigard, service d’hépato-gastroentérologie,
CHU de Nancy-Brabois
N
E
N
G
L
J
M
E
D
Groupe éradication Groupe contrôle
Mc Coll 21 % p < 0,001 7 %
Blum 27,4 % n.s. 20,7 %
Taux de succès selon les critères de jugement suivants :
Mc Coll : score de Glasgow (six mois précédant l’évaluation) 0 - 1
Blum : symptômes de dyspepsie (sept jours précédant l’évaluation)
absents ou minimes