Une nouvelle organisation du paysage sanitaire se met en place
en France depuis quelques mois. Elle repose sur de nouvelles
institutions et de nouvelles
règles de sécurité sanitaire créées par
la loi sanitaire du 1er juillet 1998
relative au “renforcement de la
veille sanitaire et au contrôle de la sécurité sanitaire des pro-
duits destinés à l’homme”, dont les décrets sont parus en mars-
avril 1999.
S’agissant de la veille sanitaire, un Institut de Veille Sanitaire
(InVS), créé sous la forme d’un établissement public national
sous la tutelle du ministre chargé de la Santé, prend le relais du
Réseau national de la santé publique (RNSP) mis en place en
1992.
Une réforme ambitieuse
La mission confiée par la loi à l’InVS est une mission d’en-
vergure, puisqu’il s’agit de réaliser la
surveillance et l’observation perma-
nentes de l’état de santé de la population
afin, notamment, de détecter toute
menace pour la santé publique et d’en
avertir les pouvoirs publics.
À cet effet, l’InVS n’a pas vocation
d’être lui-même l’opérateur des sys-
tèmes d’information qui concourent aux
missions de veille sanitaire, mais de s’ap-
puyer sur des réseaux d’acteurs de santé
publics ou privés qu’il est chargé d’ani-
mer, de coordonner, de renforcer.
Cette réforme ambitieuse du dispositif
français de surveillance épidémiologique s’est, en fait, dérou-
lée en deux étapes. La première, qui remonte à 1992 avec la
création du RNSP, était partie du constat que les responsables
de la santé publique ne disposaient pas toujours en temps utile
d’informations épidémiologiques validées sur lesquelles baser
leurs décisions relatives à la prévention et au contrôle des mala-
dies. Si la France disposait bien de nombreuses sources d’in-
formation en matière d’épidémiologie, celles-ci restaient sou-
vent cloisonnées, peu standardisées, insuffisamment valorisées
et donc peu utilisables pour la décision et l’action de santé
publique. Il était donc apparu nécessaire de mettre en place une
structure chargée, non pas de se substituer au dispositif exis-
tant, mais de le coordonner et de le renforcer.
Deux champs d’action ont été confiés au RNSP : tout d’abord,
la surveillance et l’investigation des maladies infectieuses,
ensuite la surveillance des effets de l’environnement sur la
santé.
Le RNSP a ainsi développé son action, en priorité dans le
domaine des maladies infectieuses. Il pilote le système des
maladies à déclaration obligatoire dont les données sont actua-
lisées chaque semaine et accessibles à tous via Internet
(http://www.rnsp-sante.fr).
Il développe des partenariats avec les professionnels de santé
(médecins praticiens, biologistes, chercheurs...), afin de ren-
forcer le dispositif de surveillance et la connaissance des déter-
minants de la transmission des maladies infectieuses au travers
de réseaux de laboratoires (Centres nationaux de référence et
réseaux de laboratoires de diagnostic), réseaux “sentinelles” de
médecins généralistes, réseaux de spécialistes hospitaliers.
Il doit par ailleurs répondre à tout instant aux demandes d’in-
tervention épidémiologique urgentes émanant du ministre chargé
de la santé et des préfets. Dans ce cadre, le RNSP traite chaque
année cinq à six épidémies de dimension interrégionale ou natio-
nale (salmonellose, listériose, trichinose, hépatites virales...).
Fort de cette expérience, le Sénat, à l’origine de la loi du
1er juillet 1998, constatait à l’occasion d’une mission d’infor-
mation conduite par la Commission des Affaires sociales en
1997 (présidée par Charles Descours et animée par Claude
Huriet) que le RNSP devait être considéré
comme la première pierre d’un édifice de
veille sanitaire qu’il convenait de mettre en
place. C’est donc vers la création d’un Ins-
titut de Veille Sanitaire, structure aux mis-
sions élargies, au pouvoir d’investigation
renforcé et aux moyens accrus, que les
réflexions des parlementaires ont abouti.
Le développement d’un réseau national de
surveillance des maladies infectieuses
L’InVS poursuit ainsi l’entreprise du RNSP.
L’ensemble des champs de la santé publique
lui sont ouverts (santé et travail, maladies
chroniques, accidents, santé et environnement, maladies infec-
tieuses...).
Afin d’assurer ses missions, l’InVS doit devenir – selon l’ex-
pression sénatoriale – “une tête de réseau de la veille sanitaire
en France”. En matière de maladies infectieuses, de nouveaux
et imposants “chantiers” vont constituer ses priorités de déve-
loppement : surveillance nationale des infections par le VIH,
des hépatites B et C, de la résistance bactérienne aux antibio-
tiques ; renforcement de la surveillance des infections nosoco-
miales (dont la déclaration fait l’objet d’une disposition spéci-
fique dans la loi du 1er juillet 1998) ; renforcement de la
surveillance et de l’évaluation des risques infectieux d’origine
alimentaire...
Dans tous ces thèmes d’infectiologie, l’InVS va donc recourir
à l’expertise et aux compétences diverses existantes dans un
esprit de partenariat ouvert et transparent.
Ce nouvel élan donné aux missions de veille sanitaire consti-
tue une opportunité pour l’ensemble des acteurs de la santé
(humaine et animale) concernés par le contrôle et la prévention
des maladies infectieuses de fédérer leurs ressources et leurs
actions autour d’objectifs ambitieux de santé publique.
Il représente également un enjeu international dans le contexte
actuel de développement européen en matière de santé
publique, dont la création récente du Réseau européen de sur-
veillance et de contrôle des maladies transmissibles illustre
bien la réalité. !
Le renforcement
de la
veille sanitaire
en France
J. Drucker
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ÉDITORIAL
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIV - n° 5 - mai 1999
*Institut de Veille Sanitaire, Saint-Maurice.