TRAITEMENT DIFFICILE
rès de15% des enfants souffrent de douleurs abdo-
minales à répétition (DAR) et celles-ci représen-
tent environ 5% des motifs de consultation en
pédiatrie. Les DAR sont particulièrement fréquentes chez les
enfants d’âge scolaire et les adolescents. Elles sont habituelle-
ment définies comme étant d’origine organique, fonctionnelle
ou psychiatrique. Selon cette définition, probablement désuète,
ce n’est que dans une minorité de cas (10 à 15%) que serait
retrouvée une base organique à l’origine de la douleur. En
réalité, selon une approche plus récente, il est possible désor-
mais de mettre en évidence un certain nombre d’anomalies
clairement caractérisées et dont la prise en charge permet, dans
une grande partie des cas, de faire disparaître les douleurs
abdominales.
L’INTERROGATOIRE ET L’EXAMEN CLINIQUE
PERMETTENT DE DÉGAGER DES ÉLÉMENTS
D’ORIENTATION
Les enfants présentant des douleurs abdominales chroniques
doivent faire l’objet d’un examen soigneux, incluant une analy-
se de l’histoire de la maladie, un examen clinique et, probable-
ment dans la majorité des cas, quelques tests de laboratoire qui
permettent un dépistage de certaines affections organiques.
Une évaluation soigneuse de l’environnement social et psycho-
logique de l’enfant doit être conduite, ainsi qu’une recherche
de facteurs de stress scolaires ou familiaux. Il est dans ce but
utile d’interroger séparément parents et enfant de manière à ce
qu’ils puissent s’exprimer plus librement. Parmi les antécé-
dents familiaux, il faut accorder une certaine attention aux
antécédents d’ulcère gastrique ou duodénal dans l’environne-
ment familial de l’enfant, les formes familiales d’infection par
Helicobacter pylori (H. pylori) n’étant pas rares.
Il n’y a pas de traits caractéristiques qui permettent de distin-
guer de façon fiable les douleurs abdominales chroniques fonc-
tionnelles de celles qui présentent une origine organique.
Toutes peuvent être de siège périombilical ou atteindre la totalité
de l’abdomen, être sourdes, ou, au contraire, plus aiguës, inter-
mittentes ou constantes. Seule la localisation épigastrique
constitue un argument d’orientation relativement fiable en
faveur d’une gastrite ou d’une œsophagite. Les douleurs abdo-
minales chroniques d’origine fonctionnelle sont plus fréquem-
ment périombilicales mais peuvent être présentes dans d’autres
localisations. Une étiologie organique peut être suggérée par le
fait que la douleur réveille l’enfant endormi ou qu’elle irradie
vers le dos ou le flanc comme dans la pancréatite ou dans les
infections urinaires sur calcul. L’intensité de la douleur abdo-
minale, qui est souvent le souci majeur du patient et de sa
famille ne trouve pas de bonne corrélation avec la cause de la
douleur et ne permet pas de préjuger de sa nature organique.
Enfin, une évaluation du contexte psychologique est toujours
nécessaire. Une attention toute particulière doit être portée à
l’analyse des relations familiales et scolaires. L’existence d’un
conflit familial, d’une séparation des parents, de modification
récente du cadre de vie constitue un terrain favorisant ces
manifestations douloureuses (1).
LES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES DE BASE
Il ne faut pas considérer comme indispensable la réalisation
systématique d’examens biologiques lorsqu’un enfant présente
des douleurs abdominales chroniques.
Lorsqu’il existe un doute raisonnable sur une potentielle affec-
tion organique, comme peut le suggérer un certain degré de
pâleur, une asthénie, une anorexie etc., quelques examens com-
plémentaires de base peuvent être demandés. Ils incluent une
vitesse de sédimentation (ou, mieux, un profil protéique de
l’inflammation), une numération formule sanguine dont le
compte des plaquettes, un dosage de l’albumine plasmatique,
un dosage des transaminases et de l’amylasémie, un examen
cytobactériologique des urines et la recherche de sang dans les
selles.
Un examen parasitologique des selles à la recherche de Giardia
doit être également systématique, même en l’absence d’élé-
ments cliniques d’orientation.
La radio d’abdomen sans préparation met facilement en évidence
un encombrement stercoral témoignant d’une constipation
chronique dont la plupart du temps ni l’enfant ni les parents ne
sont conscients.
La recherche d’une intolérance au lactose ou d’une pullulation
microbienne du grêle par mesure de la concentration d’H2dans
P
* Hôpital Cochin-Saint-Vincent-de-Paul, Paris.
** Hôpital Saint-Antoine, université catholique de Lille.
Diagnostic et modalités de la prise en charge
des douleurs abdominales récidivantes de l’enfant
N. Kalach*,**, P.H. Benhamou*
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. V - mai-juin 2002 139
TRAITEMENT DIFFICILE
l’air expiré est un examen simple et non invasif, dont la fré-
quente positivité est une découverte de ces dernières années.
L’échographie abdominale n’a que rarement sa place en pre-
mière intention, sauf si un doute existe sur une anomalie pan-
créatique ou urinaire. Dans tous les cas, l’examen doit être
orienté, car l’échographie ne doit en aucun cas être un examen
systématique devant les douleurs abdominales récidivantes
chez l’enfant.
Il existe un consensus pour ne pas recommander la réalisation
d’une endoscopie digestive haute systématiquement chez tous
les enfants présentant des DAR. Compte tenu de l’hétérogénéité
de ce symptôme, une telle démarche aurait un rapport coût/bénéfice
très mauvais. Cependant, peu d’études se sont intéressées à
définir les critères de réalisation d’une endoscopie digestive
haute devant les DAR. Voici quelques situations où une endo-
scopie digestive peut être indiquée: douleurs abdominales loca-
lisées constamment dans la région épigastrique, s’accompa-
gnant d’une sensibilité à la palpation, de douleurs nocturnes ou
rythmées par l’alimentation, d’antécédents familiaux d’ulcère,
avec, pour certains, des nausées et/ou vomissements et/ou une
perte pondérale, enfin lorsqu’il y une hémorragie digestive (2).
En cas de suspicion d’œsophagite peptique ou de pathologie gas-
troduodénale ulcéreuse associée à une infection à H. pylori,il
faut envisager une endoscopie digestive haute avec des biopsies
gastriques perendoscopiques pour une analyse histologique et
une culture bactérienne à la recherche de cette infection.
DOULEURS ABDOMINALES CHRONIQUES
D’ORIGINE ORGANIQUE
Les maladies inflammatoires de l’intestin, notamment la
maladie de Crohn, peuvent se présenter sous la forme de dou-
leurs abdominales chroniques comme seul symptôme pendant
une durée relativement longue (3). Ce diagnostic doit toujours
être envisagé. Les signes associés qui pourront permettre de
faire suspecter le diagnostic sont une perte de poids, un aphte
buccal, une fièvre, une anémie et un retard de croissance, des
épisodes diarrhéiques à répétition, des épisodes douloureux
articulaires, la survenue d’un érythème noueux. La recherche
d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin se fait par
la recherche de sang dans les selles, la recherche d’une hypo-
protéinémie et de signes biologiques d’inflammation (NFS,
CRP, VS, fibrine), enfin et plus récemment, il semble que le
dosage sérique des anticorps antinucléaires cytoplasmiques
(pANCA) et des anticorps antisaccharomyces (ASCA) permet
de guider le diagnostic. La moindre suspicion justifie la mise
en œuvre d’une exploration endoscopique, coloscopie et fibro-
scopie haute, compte tenu de la fréquence des lésions du tractus
digestif supérieur chez l’enfant.
La maladie ulcéreuse est chez l’enfant relativement rare. Les
atteintes plus diffuses de la muqueuse gastrique sont beaucoup
plus fréquentes. Ces gastrites sont le plus souvent liées à une
infection à H. pylori dont l’aspect endoscopique est très
fréquemment caractéristique, sous la forme d’une gastrite
nodulaire, et dont l’association avec des douleurs abdominales
chroniques se révèle désormais très fréquente (4). Clinique-
ment, la localisation épigastrique des douleurs est un argument
d’orientation de valeur et doit faire discuter, en cas de douleurs
persistantes, la pratique d’une fibroscopie œso-gastroduodénale.
Chez un enfant infecté par H. pylori,la responsabilité du germe
dans les symptômes, et plus encore dans les douleurs abdomi-
nales récidivantes, est largement débattue (5). C’est en effet le
plus souvent à l’occasion de telles douleurs que le diagnostic
d’infection à H. pylori est posé. Ces douleurs d’intensité variable
sont observées chez 38 à 78% des patients infectés selon les
séries (4, 6). La localisation épigastrique est pour certains bien
corrélée avec l’infection (5) tandis qu’inversement, chez des
enfants souffrant de douleurs récidivantes à localisation épigas-
trique, une gastrite à H. pylori est identifiée dans plus de la
moitié des cas (7). La forte incidence de l’infection chez les
enfants souffrant de douleurs abdominales récidivantes et celle
de telles douleurs au cours de l’infection à H. pylori ne prou-
vent cependant pas qu’il existe une relation de causalité entre
les douleurs et infection (5) et une méta-analyse de 45 études
cliniques (7) n’a pas établi un lien évident entre douleurs abdo-
minales et infection à H. pylori,montrant le besoin urgent
d’études prospectives randomisées en double aveugle rigou-
reuses en pédiatrie.
L’œsophagite, associée ou non à une hernie hiatale, est très
fréquente chez le nourrisson mais beaucoup plus rare chez le
grand enfant. Les éléments d’orientation clinique sont souvent
disparates (la notion de pyrosis, par exemple, est souvent diffi-
cile à faire préciser), mais ce sont surtout les antécédents de
RGO dans la petite enfance qui permettront de guider le dia-
gnostic et conduiront à réaliser une endoscopie.
L’intolérance au lactose, longtemps négligée, est décrite,
selon les études, chez 40 et 70% des enfants souffrant de dou-
leurs abdominales à répétition (8). Chez environ la moitié des
enfants présentant ce type d’intolérance, les douleurs abdomi-
nales disparaissent lors de la suppression du lactose ou avec le
remplacement du lait par du yaourt, qui, grâce à l’action des
ferments lactiques est dénué de lactose (9, 10). L’intolérance au
lactose est liée à la disparition progressive, dès l’âge de 2 ans,
de la lactase au sommet des villosités duodéno-jéjunales. Elle
est génétiquement déterminée et survient avec une particulière
fréquence dans les populations originaires du bassin méditerra-
néen. Elle autorise généralement la consommation d’une petite
quantité de lactose et n’entraîne que peu de troubles à l’âge
adulte. En revanche, lorsqu’elle survient dans la petite enfance,
lorsque la charge en lactose dans l’alimentation est encore
importante, elle peut être une cause importante de douleurs
abdominales. La recherche d’une intolérance au lactose s’effectue
grâce à un examen simple et non invasif, le test respiratoire au
lactose ou test à l’hydrogène expiré (8). En cas d’intolérance au
lactose, on observe, 2 à 3 heures après l’absorption d’une dose
de charge de lactose, un taux élevé d’hydrogène dans l’air expiré
(4). La lactose agit ainsi comme puissant stimulant du dévelop-
pement d’une flore fermentaire, responsable de DAR et de
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. V - mai-juin 2002
140
TRAITEMENT DIFFICILE
diarrhées à résidu acide. Le test respiratoire au lactose est donc
un examen simple et particulièrement intéressant chez tout
enfant ayant des DAR. La découverte d’une intolérance au lac-
tose doit faire proposer de remplacer le lait par du yaourt ou
des préparations de substitution (lait délactosé ou préparation à
base de soja).
Lorsque l’on observe, lors d’un test au lactose (ou au glucose),
un pic précoce d’hydrogène, cela traduit l’existence d’une flore
fermentative dans l’intestin grêle. Il s’agit d’une éventualité
fréquente en pédiatrie, qui témoigne indirectement d’un trouble
de la motricité intestinale, et plus rarement d’une malformation
du grêle. Ces pullulations microbiennes de l’intestin grêle peu-
vent être confirmées par tubage, mais cette technique est
aujourd’hui rendue inutile par les tests respiratoires au lactose
et au glucose. Elles justifient parfois la réalisation d’un transit
du grêle. Des traitements antibiotiques à visée intestinale
(Flagyl®et Colimycine®) avec du Lactéol®fort ou Ultra-levure®
permettent dans ces cas une amélioration rapide des DAR.
L’allergie alimentaire, longtemps considérée comme l’apanage
des premiers mois de vie, s’avère en réalité représenter une
cause fréquente du côlon irritable, que ce soit dans ses manifes-
tations à type de douleurs abdominales ou dans la diarrhée
chronique non spécifique. Cette allergie alimentaire peut être
suspectée sur un terrain atopique familial et personnel impor-
tant. Il convient de rechercher à l’interrogatoire un aliment
déclenchant, prélude à la mise en œuvre d’explorations plus
spécifiques, tests cutanés, dosage des IgE totales et spécifiques
contre certains aliments et tests de perméabilité intestinale (11).
Ce test simple et parfaitement toléré consiste à faire ingérer à
l’enfant une solution contenant deux sucres de poids molécu-
laire différent (en général, le lactulose et le manitol) et à mesu-
rer leur concentration dans les urines. Lorsqu’il existe un fac-
teur d’agression de la muqueuse, le passage des sucres à travers
la membrane apicale de l’entérocyte est modifié. Le rapport de
la concentration urinaire des deux sucres s’en trouve, par voie
de conséquence, elle aussi modifiée. C’est ainsi que peuvent
être effectués des tests de provocation, consistant à faire ingé-
rer en même temps que le lactulose et le manitol, la substance à
tester. Ce test simple, au mieux orienté par la clinique et par les
tests cutanés, permet d’établir le diagnostic de certitude de l’al-
lergie et de suivre son évolution sous régime d’éviction. La
découverte d’une allergie alimentaire peut faire mettre en route
un régime d’exclusion dans lequel la mise en place d’aliments
de substitution adaptés avec l’aide d’une diététicienne sera
essentielle (12).
La constipation constitue également une cause très fréquente
de douleurs abdominales récidivantes. Dans ses formes les plus
sévères, elle peut entraîner un amaigrissement, une altération
de l’état général et avoir un grave retentissement psycholo-
gique surtout lorsque s’y associe une incontinence fécale. Dans
la plupart des cas, cependant, la constipation est discrète et
n’est pas immédiatement évoquée par l’enfant ni par ses
parents (13). Son rôle dans la genèse des douleurs abdominales
est cependant souvent essentiel. Le diagnostic s’appuie sur l’in-
terrogatoire qui peut cependant être trompeur puisqu’il n’est
pas rare d’observer une surcharge stercorale chez des enfants
ayant une selle quotidienne. L’examen clinique doit impérative-
ment comprendre un examen proctologique. Il peut être utile-
ment complété par une radio de l’abdomen sans préparation
permettant d’apprécier le degré de la surcharge stercorale. Ce
n’est qu’en cas d’échec des mesures thérapeutiques habituelles
que devront être envisagées des explorations plus spécialisées
(temps de transit des marqueurs permettant de distinguer les
fréquentes constipations terminales des constipations par hypo-
dynamie colique qui semblent plus fréquentes chez l’enfant
que chez l’adulte et manométrie rectale). Dans de tels cas, un
traitement par régime riche en fibres se révèle souvent très efficace
(14). L’utilisation de laxatifs à propriété osmotique, comme le
lactulose, ou émolliente, comme l’huile de paraffine qui peut
être facilement employée sous forme de gelée chez l’enfant,
trouve parfaitement sa place à ce stade de la prise en charge.
Dans les cas de constipation plus sévère, l’utilisation des laxatifs
à base de la dernière génération de PEG (Colopeg®,Transipeg®,
Forlax®,etc.) pourrait trouver sa place. Il faut également
recommander l’utilisation de lavement ou de préparation laxa-
tive par voie rectale en cas d’absence de selles pendant plus de
48 heures.
L’appendicite se manifeste par un point douloureux électif
situé le plus souvent dans la fosse iliaque droite avec un petit
fébricule ou sans fièvre. L’examen clinique en faveur de signe
de défense abdominale de McBurney, le coprolithe appendicu-
laire, mis en évidence sur l’ASP et signant une inflammation
chronique de l’appendice, et enfin les signes échographiques
confirmeront le diagnostic. L’appendicectomie est alors le trai-
tement qui fait cesser les DAR.
La colique hépatique est rarement typique chez l’enfant et
plusieurs épisodes sont nécessaires avant que le diagnostic soit
posé. Des circonstances favorisantes, comme une maladie
hémolytique, un dysfonctionnement iléal ou une mucoviscido-
se, doivent être recherchées. L’échographie et le scanner abdo-
minal font le diagnostic. Le kyste du cholédoque se manifeste
par des épisodes ictériques récidivants s’accompagnant de
DAR. Il constitue la première cause de cholestase extra-hépa-
tique chez le grand enfant. L’échographie et le scanner abdomi-
nal en font aisément le diagnostic. Une cholangiographie est
réalisée en peropératoire, le traitement de choix est l’exérèse du
kyste avec anastomose hépato-jéjunale.
Les parasitoses intestinales sont souvent à l’origine de
DAR. Les giardiases sont particulièrement en cause, mais il
peut s’agir d’ascaridose, de taeniasis ou plus fréquemment
d’oxyurose, etc. L’examen parasitologique des selles systématique
aura permis de démontrer une éventuelle infestation à Giardia
intestinalis, dont l’éradication sera assurée par un traitement de
Flagyl®pendant 10 jours. La recherche d’une oxyurose est plus
aléatoire et mérite d’être remplacée par un traitement systématique
par Fluvermal®ou Povanyl®.
Les infections urinaires sont susceptibles de déclencher des
douleurs typiquement de localisation sus-pubienne, les dou-
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. V - mai-juin 2002 141
TRAITEMENT DIFFICILE
leurs plus latérales au niveau du flanc suggérant plus volontiers
une pyélonéphrite. La gravité de laisser évoluer une infection
urinaire ou une malformation urologique justifie au moindre
doute en examen cytobactériologique des urines et une échogra-
phie abdominale.
Certaines pancréatites peuvent être la conséquence de trau-
matismes, d’infection ou de malformation congénitale des
canaux pancréatiques ou encore une réaction à l’ingestion de
certaines drogues. La douleur abdominale liée à la pancréatite
est localisée dans la région sous-costale gauche, avec irradiation
possible vers le dos ou l’épaule gauche. Le diagnostic repose
sur la mise en évidence d’un taux élevé d’amylases dans le
sang, éventuellement complétée par une échographie ou un
scanner abdominal.
D’autres causes, plus rares, de DAR d’origine organique
sont reprises dans le tableau.
DOULEURS ABDOMINALES CHRONIQUES
D’ORIGINE FONCTIONNELLE
Ces douleurs fonctionnelles, appelées aussi “intestin irritable
seraient souvent une cause de DAR sans qu’il soit possible
d’en préciser exactement la fréquence car celle-ci varie consi-
dérablement d’une étude à l’autre. D’autant que des affections
fréquentes telles l’intolérance au lactose et les allergies alimen-
taires sont peu prises en compte par les auteurs. Il reste qu’il
n’est pas rare, après une recherche étiologique très complète
d’aboutir au diagnostic de côlon irritable. Soulignons toutefois
que ce diagnostic est probablement souvent porté par excès et
qu’il fera dans l’avenir, à n’en pas douter, l’objet de nouveaux
démembrements.
Deux voies pathogéniques coexistent dans la compréhension
du côlon irritable, l’une tend à considérer le côlon irritable
comme une maladie digestive (15, 16) et l’autre conduit à
considérer que le côlon irritable est un trouble de la personnalité.
Dans le premier cas, c’est l’inventaire des troubles intesti-
naux qui semble devoir fournir la solution. Il est désormais
acquis que les troubles moteurs ne sont pas uniquement
coliques mais qu’ils atteignent l’ensemble de l’intestin dont le
grêle, qu’ils ne sont ni constants ni spécifiques et enfin que les
troubles de la sensibilité pourraient s’y associer, voire occuper
le premier plan des anomalies à prendre en charge (17).
Pour certains auteurs, on observe dans certains cas d’intestin
irritable, des troubles moteurs survenant consécutivement à une
modification du seuil de sensibilité intestinale à la distension
et/ou à la stimulation par des substances, comme la cholécysto-
kinine par exemple. D’autres facteurs, comme le stress, peu-
vent agir d’une façon concomitante pour révéler ou exacerber
ces troubles neuro-hormonaux.
Dans le deuxième cas, ce sont les conflits psychologiques
que subit l’enfant qui pourraient occuper le devant de la scène,
leur somatisation sous forme de douleur abdominale est alors
l’expression d’une maladie psychosomatique dont il convient
d’organiser la prise en charge psychiatrique.
Il est probable que ce soit à la croisée de ces deux concep-
tions que se situe le côlon irritable de l’enfant: à stimulation
émotionnelle égale, l’enfant atteint de côlon irritable pourrait
en raison d’un seuil de sensibilité à la douleur abaissé, subir un
désordre moteur et les symptômes qui en découlent là où un
enfant normal ne subira aucun préjudice physique.
Au cours de l’intestin irritable, il n’est pas rare de noter l’existence
d’une riche histoire familiale de douleurs abdominales. Dans la
littérature, les études longitudinales menées sur de nombreuses
La lettre de l’hépato-gastroentérologue - n° 3 - vol. V - mai-juin 2002
142
ATTEINTES DIGESTIVES
Affections du tractus digestif haut Œsophagite, gastrite,
ulcère gastrique ou duodénal
Obstacle anatomique Défauts d’accolement, mésentère
commun, duplication digestive,
volvulus, brides, diverticule de Meckel,
hernies, invagination intestinale aiguë
Atteintes inflammatoires Maladie de Crohn, rectocolite,
purpura rhumatoïde, tuberculose,
colites inflammatoires non spécifiques
Malabsorption, maldigestion Intolérance au lactose, maladie
cœliaque, allergie alimentaire,
pullulation microbienne du grêle
Affections hépatobiliaires
Affections pancréatiques Mucoviscidose, pancréatite
Constipation
Infection ou parasitose
Appendicite
DAR fonctionnelles
ATTEINTES EXTRA-DIGESTIVES
Atteintes rénales Malformation, infection, syndrome
néphrotique
Affections gynécologiques Kyste ovarien, hématocolpos, salpingite,
corps étranger intravaginal
Atteintes neurologiques Épilepsie, myélite, tumeur cérébrale,
migraine
Atteintes métaboliques Diabète, Insuffisance surrénale,
hypoglycémie, porphyries, déficit
en C1 estérase, hyperlipémie
avec calcification pancréatique
Maladie périodique
Drépanocytose
Intoxication au plomb, botulisme
et chlorpromazine
Tableau. Douleurs abdominales récidivantes: principales étiologies.
A
TRAITEMENT DIFFICILE
années permettent d’observer la persistance des douleurs abdo-
minales à l’âge adulte chez plus de la moitié des enfants
atteints d’intestin irritable. Ces diverses études suggèrent qu’un
nombre non négligeable d’enfants présentant des douleurs
abdominales à répétition ont une prédisposition constitution-
nelle à ce type de problème qui ne semble pas changer au cours
de la vie. Ce que représente cette prédisposition est actuelle-
ment flou. L’expression “douleurs abdominales chroniques
est mal interprétée par de nombreux médecins qui peuvent être
amenés à remettre en cause la réalité même de la douleur.
Celle-ci est cependant présente réellement, même si sa cause
ne semble pas relever d’une étiologie organique.
CONCLUSION
La prise en charge d’un enfant présentant des douleurs abdomi-
nales doit respecter certains principes. En premier lieu, l’exa-
men clinique soigneux doit dépister toute affection organique
et au moindre doute faire mettre en œuvre les explorations
hématologiques ou d’imagerie adaptées. Cette éventualité est
toutefois rare en pratique quotidienne. En second lieu, si une
affection sérieuse est rare, la découverte d’une anomalie orga-
nique sinon sérieuse, du moins accessible à un traitement spé-
cifique est fréquente: il n’est donc pas raisonnable d’invoquer
d’emblée une origine psychosomatique sans avoir au préalable
éliminé une constipation, une intolérance au lactose, une pullu-
lation microbienne ou une allergie alimentaire.
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