Gastro 4/98 12/05/04 15:57 Page 156 Vie professionnelle L a rubrique "Vie professionnelle" est aussi la vôtre. En dehors des articles de fond, nous souhaitons qu’elle puisse aussi laisser la place à une tribune libre dans laquelle chacun des acteurs de notre spécialité s’exprime. Si donc vous voulez faire connaître vos idées, vos réflexions, si vous souhaitez communiquer des informations qui vous paraissent utiles pour nos collègues, n’hésitez pas à nous écrire : Thierry Vallot, rédacteur en chef, revue Gastroentérologie , Médica-Press, 62-64, rue Jean-Jaurès, 92800 Puteaux. Conséquence de la politique sécuritaire sur un établissement de soins privé J. Cassigneul* Le concept sécuritaire évolue Une tribune s'effronde, des écoliers sont pris dans un lacher de barrage, une grue tombe sur un lycée, un camping est emporté par une crue, un escalier s'effondre sous le poids d'étudiants ... A la suite de procès retentissants, de nombreux textes réglementaires sont appliqués aux lieux qui reçoivent du public. *Toulouse Du sang contaminé, des respirateurs dont les gazs sont inversés, des infections de prothèses, et voilà d'autres procès et d'autres réglements. On peut regretter que les médecins ne soient pas les auteurs prévisionnels de ces réglements. Les patients et leur famille veulent et parfois exigent, même dans les cas médicaux les plus graves, un sécurité de 100 % et les procès intentés à des médecins et à des établissements de soins se multiplient. Au-delà de ces réglements, de ces procès et de la peur du gendarme, il faut bien prendre conscience que la sécurité fait totalement partie de la qualité des soins et ne doit pas être négligée. Primum non nocere. L'établissement de soins privé n'y échappe pas, car il reçoit du public et un public particulier, le patient où comme il faudrait dire, le client. Autour du patient, l'établissement des soins est comme une cellule. Le patient en est le moyau et il est relié à des organistes qui font partie intégrante de la cellule, organite/bloc opératoire, hôtellerie, salles d'examens et de radio, traitements médicaux, le tout baignant dans un cytoplasme de personnel de soins médico-chirurgical et de service, entouré par une membrane cellulai- Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (12), n° 4, avril 1998 156 re qui est la structure immobilière de la clinique elle même reliée au monde extérieur. La sécurité s'adresse à chacun des composants de cette cellule, pour la sécurité du noyau patient ou malade. Quelles en sont les conséquences ? Les conséquences réglementaires en sont multiples et non réservées aux établissements privés. Cela va de la sécurité incendie à la pharmacovigilance, de la chaîne alimentaire à l'hémovigilance, de la sécurité informatique au développement de l'usage unique, sans parler du CLIN et autres matériovigilance... Les contraintes sont donc multiples, en pleine expansion, régulièrement modifiées et ont un poids financier de plus en plus lourd. Les conséquences touchent aussi le mode de pensée et de fonctionnement médical. L'époque du médecin incontestable et incontesté, par ses infirmières, les patients et leur famille et son administration chargée pour une bonne part de faire appliquer les réglement est révolue. Le médecin tout en gardant une lourde responsabilité, prépondérante dans tout Gastro 4/98 12/05/04 15:57 Page 157 ce qui peut survenir à son patient, n'est plus omnipotent car les réglements sécuritaires impliquent aussi les infirmières, les aides-soigantes, le pharmacien, le laboratoire, l'encadrement infirmier et la direction.. Quel médecin oserait demander à ce que l'on racourcisse les temps de décontamination des endoscopes, que l'on néglige la double détermination du groupe sanguin avant transfusion, que l'on réutilise la même pince à biopsie pour deux patients consécutifs, que l'on ne tienne pas compte des prélèvements d'eau réalisés dans son unité de soins ? C'est une véritable révolution culturelle pour les plus anciens d'entre nous qui exclue définitivement les phrases du type : “j'ai toujours fait comme cela et je n'ai jamais eu de problème”. Un élément fondamental de cette révolution est représenté par le dossier médical auquel nos instances contrôleuses, et à juste titre, sont si attachées. Il contient entre autres éléments le jour et l'heure de toutes prescription, confirmées par la signature du médecin et contresigné par l'exécutant. La prescription, tute la prescription et rien que la prescription. En cas de problème, c'est dans ce dossier que les magistrats chercheront à savoir si toutes les garanties de sécurité ont été prises pour le patient. La sécurité doit être aussi évaluée dans des démarches de qualité, celà fait partie des objectifs en vue d'obtenir les accréditations. Des comité de piulotage pour la qualité,se mettent en place dans nos cliniques privées. Les conséquences sont aussi financières, puisque le but a priori de l'entreprise privée est d'équilibrer ses comptes ou d'avoir un minimum de résultats bénéficiaires de façon à entretenir la structure et de renouveller les matériels. Cette idée mérite d'être discutée et nuancée. L'augmentation du coût de la sécurité étant exponentielle, et la sécurité 100 % n'existant pas, les dépenses pourraient progresser à l'infini de façon asymptotique, mettant en péril l'équilibre financier des établissements privés. Ceci sans compter que la politique des quotas ferme l'échappatoire qui serait représenté par l'augmentation des actes au niveau des plateaux techniques ; ceci sans compter qu'au fil du temps de nombreux actes sont moins bien rémunérés, voire stagnent alors que les contraintes de sécuité augmentent fortement les prix de revient. De nombreux établissements ont été rachetés, d'autres ont fermé leurs portes où se sont regroupés en des structures plus lourdes. Les structures privées sont donc fragiles et le développement de la sécurité obligatoire, par son poids financier peut entraîner des faillites, et par son poids réglementaire des fermetures disciplinaires. Peut-on rester optimiste ? Je le voudrais mais ne le sait pas. Ce que je sais c'est que la mentalité du public et des clients/patients ne changera pas, que les réglements risquent de se multiplier, que leurs conséquences financières seront de plus en plus lourdes. Je sais aussi que l'évaluation et l'accréditation seule la qualité peut permettre aux établissements de soins privés d'exister. A moins que des réformes structurelles plus radicales nous soient imposées : accréditation et diminution des lits, regroupement spécifique public/privé avec un seul système de délivrement des soins. ☛ Calcul des dépenses des praticiens libéraux : une affaire de panel ? Lorsque les caisses affirment que les spécialistes ont dépassé leur enveloppe budgétaire, elles se basent sur l'évolution des dépenses d'un panel de spécialistes, et non pas les dépenses réelles. Ce procédé n'est pas nouveau, mais il ne reste plus qu'à espérer que le panel soit bien représentatif de la population des spécialistes et que les évaluateurs de la CNAM ont des fourchettes plus fines que les spécialistes des sondages électoraux ! ☛ Les 35 heures à l'hôpital : un coût de 4 milliards ! Ce sont les estimations des experts de la SANESCO. Cela coûterait de 3 à 3,3 % d'augmentation des dépenses hospitalières lors de l'application de la Loi sur les35 H puis 1,5 % par an des dépenses hospitalières, à condition en plus qu'il n'y ait aucune création d'emploi. Que va-til se passer dans les établissements privés ? Mauvais présage. ☛ Les hôpitaux n'ont guère le choix : investir pour restructurer . Le même rapport de la SANESCO dresse le bilan de l'investissement dans les hôpitaux publics et des besoins prévisibles. La politique d'adaption du patrimoine hospitalier d'ici 2005 nécessiterait un effort de 23 millliards sur 7 ans. Compte tenu des charges salariales sur la même période, il n'y a que 3 scénari possibles : Investir tout en maintenant l'emploi mais au prix d'une augmentation annuelle des dépenses de 2,9 à 6,2 %. Investir tout en contenant les dépenses d'exploitation mais au prix de 72 000 suppressions d'empoi. Maintenir l'emploi et les dépenses d'exploitation mais avec une réduction de 8 milliards par an au niveau des investissements alors que le besoin serait de 23 milliards.