Act. Méd. Int. - Gastroentérologie (12), n° 4, avril 1998
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Conséquence
de la politique
sécuritaire sur
un établissement
de soins privé
J. Cassigneul*
Le concept sécuritaire évolue
Une tribune s'effronde, des écoliers sont
pris dans un lacher de barrage, une grue
tombe sur un lycée, un camping est
emporté par une crue, un escalier s'ef-
fondre sous le poids d'étudiants ... A la
suite de procès retentissants, de nom-
breux textes réglementaires sont appli-
qués aux lieux qui reçoivent du public.
Du sang contaminé, des respirateurs dont
les gazs sont inversés, des infections de
prothèses, et voilà d'autres procès et
d'autres réglements. On peut regretter
que les médecins ne soient pas les
auteurs prévisionnels de ces réglements.
Les patients et leur famille veulent et
parfois exigent, même dans les cas médi-
caux les plus graves, un sécurité de
100 % et les procès intentés à des méde-
cins et à des établissements de soins se
multiplient.
Au-delà de ces réglements, de ces procès
et de la peur du gendarme, il faut bien
prendre conscience que la sécurité fait
totalement partie de la qualité des soins
et ne doit pas être négligée. Primum non
nocere.
L'établissement de soins privé n'y échap-
pe pas, car il reçoit du public et un public
particulier, le patient où comme il fau-
drait dire, le client. Autour du patient,
l'établissement des soins est comme une
cellule. Le patient en est le moyau et il
est relié à des organistes qui font partie
intégrante de la cellule, organite/bloc
opératoire, hôtellerie, salles d'examens et
de radio, traitements médicaux, le tout
baignant dans un cytoplasme de person-
nel de soins médico-chirurgical et de ser-
vice, entouré par une membrane cellulai-
re qui est la structure immobilière de la
clinique elle même reliée au monde exté-
rieur. La sécurité s'adresse à chacun des
composants de cette cellule, pour la
sécurité du noyau patient ou malade.
Quelles en sont les consé-
quences ?
Les conséquences réglementaires en sont
multiples et non réservées aux établisse-
ments privés. Cela va de la sécurité
incendie à la pharmacovigilance, de la
chaîne alimentaire à l'hémovigilance, de
la sécurité informatique au développe-
ment de l'usage unique, sans parler du
CLIN et autres matériovigilance...
Les contraintes sont donc multiples, en
pleine expansion, régulièrement modi-
fiées et ont un poids financier de plus en
plus lourd.
Les conséquences touchent aussi le
mode de pensée et de fonctionnement
médical. L'époque du médecin incontes-
table et incontesté, par ses infirmières,
les patients et leur famille et son admi-
nistration chargée pour une bonne part de
faire appliquer les réglement est révolue.
Le médecin tout en gardant une lourde
responsabilité, prépondérante dans tout
La rubrique "Vie professionnelle" est aussi la vôtre. En dehors des articles de fond, nous sou-
haitons qu’elle puisse aussi laisser la place à une tribune libre dans laquelle chacun des
acteurs de notre spécialité s’exprime. Si donc vous voulez faire connaître vos idées, vos
réflexions, si vous souhaitez communiquer des informations qui vous paraissent utiles pour nos
collègues, n’hésitez pas à nous écrire : Thierry Vallot, rédacteur en chef, revue
Gastroentérologie
, Médica-Press, 62-64, rue Jean-Jaurès, 92800 Puteaux.
Vie professionnelle
*Toulouse
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ce qui peut survenir à son patient, n'est
plus omnipotent car les réglements sécu-
ritaires impliquent aussi les infirmières,
les aides-soigantes, le pharmacien, le
laboratoire, l'encadrement infirmier et la
direction.. Quel médecin oserait deman-
der à ce que l'on racourcisse les temps de
décontamination des endoscopes, que
l'on néglige la double détermination du
groupe sanguin avant transfusion, que
l'on réutilise la même pince à biopsie
pour deux patients consécutifs, que l'on
ne tienne pas compte des prélèvements
d'eau réalisés dans son unité de soins ?
C'est une véritable révolution culturelle
pour les plus anciens d'entre nous qui
exclue définitivement les phrases du
type : “j'ai toujours fait comme cela et je
n'ai jamais eu de problème”.
Un élément fondamental de cette révolu-
tion est représenté par le dossier médical
auquel nos instances contrôleuses, et à
juste titre, sont si attachées. Il contient
entre autres éléments le jour et l'heure de
toutes prescription, confirmées par la
signature du médecin et contresigné par
l'exécutant. La prescription, tute la pres-
cription et rien que la prescription. En
cas de problème, c'est dans ce dossier
que les magistrats chercheront à savoir si
toutes les garanties de sécurité ont été
prises pour le patient.
La sécurité doit être aussi évaluée dans
des démarches de qualité, celà fait partie
des objectifs en vue d'obtenir les accrédi-
tations. Des comité de piulotage pour la
qualité,se mettent en place dans nos cli-
niques privées.
Les conséquences sont aussi financières,
puisque le but a priori de l'entreprise pri-
vée est d'équilibrer ses comptes ou
d'avoir un minimum de résultats bénéfi-
ciaires de façon à entretenir la structure
et de renouveller les matériels. Cette idée
mérite d'être discutée et nuancée.
L'augmentation du coût de la sécurité
étant exponentielle, et la sécurité 100 %
n'existant pas, les dépenses pourraient
progresser à l'infini de façon asympto-
tique, mettant en péril l'équilibre finan-
cier des établissements privés. Ceci sans
compter que la politique des quotas
ferme l'échappatoire qui serait représenté
par l'augmentation des actes au niveau
des plateaux techniques ; ceci sans comp-
ter qu'au fil du temps de nombreux actes
sont moins bien rémunérés, voire stag-
nent alors que les contraintes de sécuité
augmentent fortement les prix de revient.
De nombreux établissements ont été
rachetés, d'autres ont fermé leurs portes
où se sont regroupés en des structures
plus lourdes. Les structures privées sont
donc fragiles et le développement de la
sécurité obligatoire, par son poids finan-
cier peut entraîner des faillites, et par son
poids réglementaire des fermetures disci-
plinaires.
Peut-on rester optimiste ? Je le voudrais
mais ne le sait pas. Ce que je sais c'est
que la mentalité du public et des
clients/patients ne changera pas, que les
réglements risquent de se multiplier, que
leurs conséquences financières seront de
plus en plus lourdes. Je sais aussi que
l'évaluation et l'accréditation seule la
qualité peut permettre aux établissements
de soins privés d'exister. A moins que des
réformes structurelles plus radicales nous
soient imposées : accréditation et dimi-
nution des lits, regroupement spécifique
public/privé avec un seul système de
délivrement des soins.
Calcul des dépenses des
praticiens libéraux : une
affaire de panel ?
Lorsque les caisses affirment que
les spécialistes ont dépassé leur
enveloppe budgétaire, elles se
basent sur l'évolution des dépenses
d'un panel de spécialistes, et non
pas les dépenses réelles. Ce procé-
dé n'est pas nouveau, mais il ne
reste plus qu'à espérer que le panel
soit bien représentatif de la popula-
tion des spécialistes et que les éva-
luateurs de la CNAM ont des four-
chettes plus fines que les spécia-
listes des sondages électoraux !
Les 35 heures à l'hôpital :
un coût de 4 milliards !
Ce sont les estimations des experts
de la SANESCO. Cela coûterait de 3
à 3,3 % d'augmentation des
dépenses hospitalières lors de l'ap-
plication de la Loi sur les35 H puis
1,5 % par an des dépenses hospita-
lières,à condition en plus qu'il n'y ait
aucune création d'emploi. Que va-t-
il se passer dans les établissements
privés ? Mauvais présage.
Les hôpitaux n'ont guère le choix : investir pour restruc-
turer .
Le même rapport de la SANESCO dresse le bilan de l'investissement dans les
hôpitaux publics et des besoins prévisibles. La politique d'adaption du patrimoine
hospitalier d'ici 2005 nécessiterait un effort de 23 millliards sur 7 ans. Compte
tenu des charges salariales sur la même période, il n'y a que 3 scénari possibles :
Investir tout en maintenant l'emploi mais au prix d'une augmentation annuelle des
dépenses de 2,9 à 6,2 %. Investir tout en contenant les dépenses d'exploitation
mais au prix de 72 000 suppressions d'empoi. Maintenir l'emploi et les dépenses
d'exploitation mais avec une réduction de 8 milliards par an au niveau des inves-
tissements alors que le besoin serait de 23 milliards.
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