La lettre du l’hépato-gastroentérologue - n° 5 - vol. V - septembre-octobre 2002
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DOSSIER THÉMATIQUE
malades à fort risque de récidive hémorragique,Villanueva et al.
(2) ont mesuré le gradient de pression veineuse sus-hépatique
chez des malades traités par sclérose pour une rupture de varice
œsophagienne puis par somatostatine ou placebo. Le gradient de
pression sus-hépatique était abaissé seulement chez les malades
n’ayant pas de récidive hémorragique et en particulier si ce gra-
dient était diminué au-dessous de 20 mmHg ou de 20%. Il a été
montré par une autre équipe espagnole qu’un gradient de pres-
sion sushépatique supérieur à 20mmHg était associé à un séjour
plus long en réanimation, à des besoins transfusionnels plus
importants et à une probabilité actuarielle de survie à un an plus
faible (3).
Conduite à tenir à l’admission
Le premier temps de la prise en charge consiste en la pose de
deux voies veineuses de bon calibre afin de perfuser des macro-
molécules en cas de signe de choc hypovolémique puis de trans-
fuser du sang isogroupe isorhésus. Il faut maintenir un taux d’hé-
matocrite entre 25 et 30% et éviter l’excès transfusionnel pouvant
être en partie responsable de la récidive hémorragique précoce.
Les besoins transfusionnels et le rythme des transfusions sont
adaptés à la gravité de l’hémorragie. Le malade doit être correc-
tement oxygéné. La surveillance est clinique (pouls, pression arté-
rielle, respiration, diurèse, conscience) et biologique (hémato-
crite). Les prélèvements urinaires et ascitiques doivent être
systématiques. Une antibiothérapie est justifiée, car elle diminue
le risque d’infections bactériennes et augmente la survie à court
terme (4). Elle devra être débutée avant le geste endoscopique et
continuée durant la période de risque de récidive hémorragique.
On peut soit utiliser une antibiothérapie orale pendant 5 à 7 jours,
comme la norfloxacine ou la ciprofloxacine, ou une antibiothé-
rapie orale et systémique, telle que l’ofloxacine ou l’amoxicil-
line-acide clavulanique. L’endoscopie chez un malade correcte-
ment réanimé sera diagnostique et dans certains cas thérapeutique.
Le diagnostic de rupture de varice est certain lorsqu’il existe un
saignement actif en jet ou en nappe ou des signes d’hémorragie
récente, clou plaquettaire ou caillot au niveau des varices. Lorsque
ces signes n’existent pas, mais si l’on note du sang dans l’esto-
mac sans autre lésion que les varices, le saignement est par
convention lié à une rupture de varice.
Le traitement spécifique associe dans un premier temps un trai-
tement médicamenteux qui est débuté avant l’endoscopie et une
technique endoscopique réservée au saignement actif pour cer-
taines équipes. Le tamponnement œsophagien n’est utilisé qu’en
cas d’hémorragie cataclysmique ou pour servir de pont entre une
technique endoscopique mise en échec et une anastomose porto-
systémique radiologique ou chirurgicale. Les deux grands types
de sonde sont la sonde à deux ballonnets de Sengstaken-
Blakemore et la sonde à un ballonnet de Linton. L’hémostase est
obtenue dans près de 90% des cas, mais avec un risque de réci-
dive hémorragique de 50% lorsque le ballonnet est dégonflé. Le
positionnement et la surveillance de la sonde doivent être très
rigoureux. Les complications fréquentes, pneumopathies d’inha-
lation, plus rarement les ulcères, voire les nécroses de l’œsophage
et la récidive hémorragique, justifient les limites d’utilisation de
ces sondes. Devant l’absence d’efficacité de ces modalités thé-
rapeutiques seront envisagées les techniques de radiologie inter-
ventionnelle telles que le shunt intrahépatique par voie transju-
gulaire (TIPS) ou la chirurgie (dérivation, transplantation). Dans
le cas particulier des varices gastriques, la préférence ira d’em-
blée à la colle biologique ou, à défaut, au TIPS (5, 6).
LES TRAITEMENTS SPÉCIFIQUES
Traitements médicamenteux
Le but des traitements médicamenteux est d’arrêter le saignement
en réduisant le flux sanguin et la pression intravariqueuse entraî-
nant l’hémostase au niveau du site hémorragique. Ces traitements
peuvent être utilisés seuls ou en association à une technique endo-
scopique. Lorsqu’ils sont associés au traitement endoscopique,
ils sont prescrits soit avant l’endoscopie afin d’optimiser le geste,
soit au moment du geste, et prolongés sur une durée de 2 à 5 jours
afin de diminuer le risque de récidive hémorragique précoce. L’in-
térêt de ces traitements médicamenteux est leur immédiate dis-
ponibilité et leur facilité d’emploi. En effet, dans certains centres,
un endoscopiste suffisamment expérimenté n’est pas toujours dis-
ponible pour un geste thérapeutique en urgence.
Les résultats des différentes études ayant utilisé les traitements
vasoactifs ont été rapportés par d’Amico et al. (7). La vasopres-
sine comparée au placebo permet de réduire l’échec du contrôle
hémorragique de 82 à 50% mais sans différence sur la survie. Par
ailleurs, le taux d’effets secondaires varie de 30 à 60 % avec une
nécessité d’arrêt du traitement dans un quart des cas. Pour cette
raison, ce traitement n’est pratiquement plus utilisé en Europe ;
cependant, en l’absence d’alternative thérapeutique, il doit tou-
jours être associé à la trinitrine.
La terlipressine, son dérivé à libération prolongée, est d’emploi
plus facile avec moins d’effets secondaires et peut donc être uti-
lisée seule. Lorsqu’elle a été comparée au placebo ou à un trai-
tement non actif, le taux d’échec de contrôle de l’hémorragie était
de 26% chez les malades traités, comparé à un taux de 50% chez
les malades contrôles (7) avec une diminution de la mortalité
d’environ 20%. Comparé à la sclérose, le traitement par terli-
pressine pendant 6 jours à la dose de 2mg/4heures jusqu’au
contrôle hémorragique initial, puis de 1mg/4heures pendant
5jours était aussi efficace pour le contrôle hémorragique aigu (81
versus 82%) et pour la prévention de la récidive hémorragique
précoce (14%) avec une meilleure tolérance (8). La mortalité à
6 semaines n’était pas différente. Dans l’étude ayant utilisé la ter-