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La Lettre du Gynécologue • n° 351 - avril 2010 | 9
Controverse
quelle place doit-on donner en France au stockage
public et à la mise en banque privée sans compro-
mettre les ressources thérapeutiques du sang de
cordon, en satisfaisant les besoins de la recherche
tout en étant en accord avec les choix des familles
connaissant le réel enjeu médical sans artifices illu-
soires que certaines banques privées à l’étranger
partagent avec un public non avisé ?
Afin de répondre, il est indispensable de :
➤
connaître les besoins en unités de sang de cordon
pour le don autologue et allogénique en s’appuyant
sur la connaissance actuelle des moyens thérapeu-
tiques et en prenant soin d’évaluer le futur potentiel
des cellules souches et, ainsi, ne pas compromettre
les avancées scientifiques. C’est l’analyse scienti-
fique ;
➤
informer clairement et sans mentir sur le réel
enjeu scientifique et sans dérive des cellules souches,
par des spécialistes de la médecine proches des
patients et par de la documentation officielle, afin
de leur permettre de faire le choix du don en toute
connaissance. C’est la transmission de la juste infor-
mation et le rôle des sociétés savantes ;
➤
créer, en fonction des besoins médicaux et
personnels, les structures adaptées en suivant
la ligne de route du système de santé publique
français, c’est-à-dire en développant des réseaux
privés à disponibilité publique et solidaires munis
de programmes d’aide pour les familles désireuses
de faire conserver le sang de cordon de leur enfant.
Le retard français dans le domaine du stockage de
sang de cordon est assez important : la France se
situe au seizième rang pour le nombre de greffons
disponibles en banque pour 10 000 habitants (1).
Cependant, une étude réfléchie conduite par les
scientifiques pourrait mener la France vers une
nouvelle politique optimale en matière de stockage
de sang de cordon.
Comment procéder ?
L’analyse scientifique
Afin de coordonner la réponse juste et véritable à
la question de la modalité du stockage de sang de
cordon en France, il est indispensable d’évaluer et
de prévoir les besoins.
Une publication récente (2) lance un pavé dans la
mare. En effet, le centre pour la recherche inter-
nationale sur la transplantation de sang et de
moelle osseuse (Center for International Blood
suffisent dans la plupart des cas, mais ce domaine
n’est qu’une infime partie des thérapeutiques par
les cellules souches ; de nombreuses applications
déjà présentes et imminentes nécessitent des greffes
autologues ou allogéniques dirigées intrafamiliales.
L’utilisation de sang de cordon peut, rappelons-le,
se présenter sous différentes formes :
➤
le don autologue : il s’agit d’un don personnel.
À la naissance, le sang de cordon est conservé pour
le bébé. Ce sang pourra alors servir à des fins théra-
peutiques pour l’enfant ou l’enfant devenu adulte ;
➤
le don allogénique : il s’agit d’un don anonyme.
Le sang de cordon du bébé est donné par les parents
pour la société, qui peut en disposer comme bon
lui semble et utilisé pour la guérison d’un patient
en attente de greffe de cellules souches si les tests
de compatibilité sont positifs ;
➤
le don allogénique intrafamilial : il s’agit d’un
don dirigé. Le sang de cordon, si l’usage se révèle
nécessaire, est conservé à la disposition d’un frère,
d’une sœur, d’une mère, d’un père, etc.
Parallèlement à ces dons et à la question de leur
ressource thérapeutique, se pose le problème de
l’établissement de banques privées ou publiques
en France. En effet, dans la majorité des pays du
monde, des banques privées proposent et incitent
à la conservation de sang de cordon ombilical. La loi
française interdit pour le moment la mise en place
de ce type de banques lucratives. À ces banques
privées s’opposent, de par leur fonctionnement, les
banques publiques gratuites et anonymes.
En réalité, le conflit réel entre ces deux types de
banque relève d’un problème éthique, mais aussi et
surtout scientifique. La mise en banque systéma-
tique de sang de cordon pour l’usage autologue et/
ou allogénique intrafamilial conduirait évidemment
sur le long terme à un manque cruel d’unités de sang
de cordon pour le don anonyme. En effet, certaines
pathologies ne peuvent se traiter par don autologue
et la grande disponibilité d’unités de sang dans les
banques publiques est nécessaire afin de permettre
facilement l’obtention pour une transfusion compa-
tible de cellules souches et de bénéficier d’un don
allogénique. D’un autre côté, l’unique stockage
dans les banques publiques est handicapant, dans
la mesure où la recherche avance et l’utilisation à
des fins autologues se révèle efficace et nécessaire
dans bon nombre de cas. À terme, l’État français, en
interdisant ces pratiques, pourrait se voir engager
dans des procédures judiciaires parce qu’un enfant
n’aura pas pu bénéficier du stockage des cellules
souches de son sang placentaire.
La problématique actuelle est donc la suivante :