La Lettre du Gynécologue • n° 351 - avril 2010 | 7
Controverse
Traitement des leucémies
D’un strict point de vue médical et scientifique,
l’utilisation autologue, c'est-à-dire pour le donneur
lui-même, est totalement inutile, et rien ne laisse
penser que cela pourrait changer dans le futur,
proche ou lointain. En effet, pour les patients
atteints de leucémie, cela n’a aucune utilité, car
on sait que les cellules conservées à la naissance
sont susceptibles de présenter la maladie que l’on
veut traiter ; on réinoculerait alors au patient ces
cellules leucémiques en pensant le guérir ! De plus,
qu’elles contiennent ou non la maladie, les CSH du
patient n’ont pas non plus les éléments immunitaires
capables de vaincre la leucémie. C’est seulement
lorsque les cellules greffées viennent d’un donneur
différent que cela peut se produire.
Médecine régénérative
À partir des cellules du sang placentaire, on fait
miroiter aux parents qu’il serait possible de régé-
nérer des tissus pour remplacer ou réparer tel ou
tel organe et que cela sera plus facile à partir des
cellules du sang de cordon autologue. Cela ne repose
pas sur des bases scientifiques solides. Les cellules
souches mésenchymateuses (CSM) qui auraient un
intérêt pour la médecine régénérative ne sont que
peu ou pas présentes dans le sang du cordon et leur
capacité de résistance à la cryopréservation à très
long terme n’est pas garantie. Les CSM issues du
cordon ou du placenta sont en revanche efficaces
et non toxiques ; ainsi, n’importe quelle unité de
CSM de cordon pourrait être greffée à n’importe
quel patient sans que le greffon ne soit rejeté ou
qu’il induise une réaction contre l’hôte. Si les travaux
publiés se confirment, ces cellules seraient donc
utilisables de façon allogénique pour leur propriétés
potentiellement intéressantes en médecine régé-
nérative (2).
Notons enfin que :
➤
aucune étude ne démontre l’utilité des greffes
de cellules du sang de cordon dans autre chose que
l’allogreffe pour hémopathie maligne ; en particulier,
il n’y aucune preuve de l'efficacité dans la correction
d'un défaut somatique ;
➤
les chercheurs ont abandonné les études sur les
possibilités de transformation des cellules souches
du sang placentaire. Aucune publication scientifique
sérieuse n’a été recensée depuis 2004 ;
➤
aucune maladie cancéreuse n’a été guérie par
injection de sang placentaire autologue, ni bien
entendu aucune maladie génétique ;
➤
aucune unité de sang placentaire stockée dans
une banque à usage autologue n'a été utilisée
pour un usage allogénique, ce qui leur élimine tout
objectif de solidarité.
Pour un service public étendu
et efficace
Les hématologues, les spécialistes de la thérapie
cellulaire et les professionnels de la naissance
pensent qu’il est indispensable de promouvoir
le don de ces cellules souches de cordon à visée
altruiste pour permettre la réalisation des greffes
allogéniques, dont le nombre et l’efficacité augmen-
tent. Ces greffes de cellules utilisées pour guérir
une autre personne que le donneur ont largement
démontré qu’elles permettaient de sauver des vies
depuis des années. Les collèges français ne sont pas
seuls à défendre l’utilisation allogénique des cellules
souches de sang de cordon ; c’est aussi l’avis du Royal
College en Angleterre, des collèges américain et
canadien de gynécologie obstétrique ou de pédiatrie.
Alors qu’il convient de développer un réseau public
de banque de sang de cordon en leur attribuant les
moyens financiers pour poursuivre leurs recherches
et les traitements actuellement validées, il nous
paraît illogique de promouvoir des initiatives privées
à but lucratif. Cet accroissement du réseau français
de sang placentaire, piloté par l’Agence de la biomé-
decine, est en cours en France avec l’ouverture de
nouvelles banques, associées à de nouvelles mater-
nités partenaires, et soutenues par un financement
public très important.
En confiant cette mission de service public à des
sociétés privées, on s’exposerait à un risque de dérives
mercantiles nuisibles pour la recherche et pour l’éga-
lité d’accès aux soins. ■
Références bibliographiques
1. Le don de sang placentaire. Paris : Agence de la biomédecine,
2009.
2. Caen J, Jouannet P. Les cellules souches du cordon ou du placenta :
de la recherche aux applications thérapeutiques. Paris : Académie
nationale de médecine, 2010.