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La Lettre du Gynécologue - n° 285 - octobre 2003
DOSSIER
Bixby au Costa-Rica (9) rapporte une diminution du risque
pour la durée de l’allaitement : chaque année supplémentaire
réduit en moyenne le risque de 8%. Une réduction de 69% a
été rapportée chez les femmes mexicaines ayant allaité plus de
60 mois (10). En Chine, où environ la moitié des femmes allai-
tent pendant au moins trois ans, Tao (11) a retrouvé une réduction
de risque de 64 % pour les femmes ayant allaité 10 ans par rap-
port aux femmes n’ayant jamais allaité. Chez les femmes de la
cohorte de Shanghai (7) ayant allaité de 37 à 48 mois, on
observe une réduction de risque de 30% (RR = 0,70 [IC 95 % :
0,49-0,98]) et, au-delà de 49 mois, de 36 % (RR = 0,64 [IC 95% :
0,45-0,92]).
Un effet protecteur lié à la durée a aussi été rapporté dans un
nombre non négligeable d’études réalisées dans les pays occi-
dentaux. Par exemple, la Cancer and Steroid Hormone Study a
examiné la relation entre cancer du sein et allaitement chez
4500 femmes atteintes et a trouvé que les femmes qui avaient
allaité pour une durée totale de 25 mois et plus avaient une
réduction du risque de cancer du sein de 33 % par rapport à
celles qui n’avaient jamais allaité, après ajustement sur la
parité et l’âge à la première grossesse menée à terme (12). À
Los Angeles, Enger (13) obtient un RR de 0,66 pour les
femmes qui ont allaité au moins 16 mois par rapport à celles
qui n’ont pas allaité. Cet effet protecteur d’un allaitement anté-
rieur sur le risque de cancer du sein serait plus fort chez les
femmes plus jeunes (1, 2). Dans la cohorte islandaise, dans
l’analyse restreinte aux cas de cancer du sein diagnostiqués
avant 40 ans, un effet protecteur lié à la durée est démontré,
avec une diminution du risque de 23% pour chaque période de
6 mois d’allaitement supplémentaire. Cette diminution est seu-
lement de 5% sur l’ensemble de l’étude. Il faut noter que, dans
la cohorte norvégienne (3) comme dans la cohorte des infir-
mières américaines (5), on ne retrouve pas d’effet bénéfique
lié à la durée de l’allaitement. Dans l’étude américaine, il n’y
avait que 18 % d’allaitements dépassant les 12 mois, ce qui
reflète assez la réalité des pays occidentaux. On peut se
demander si la difficulté à détecter un tel effet dans les popula-
tions occidentales n’est pas seulement due à la faible
prévalence des allaitements prolongés.
Après les résultats concernant la contraception orale et le trai-
tement substitutif de la ménopause, on attend la publication
des résultats complémentaires de la méta-analyse du CGHFBC
portant sur 51 enquêtes épidémiologiques (15 cohortes, 36 études
cas-témoins) réalisées dans 21 pays (Amérique du Nord,
Europe) et concernant plus de 50000 femmes avec cancer du
sein et plus de 100000 femmes indemnes. Elle confirme que
l’absence d’allaitement versus une durée longue fait partie des
facteurs de risque de cancer du sein multipliant le risque par
moins de 2 au même titre que la corpulence postménopausique,
les premières règles avant 12 ans, la ménopause après 55 ans,
l’alcool, la taille et la parité (0 ou 1 enfant versus 6 enfants et
plus). Le risque de cancer du sein diminue significativement
avec la durée de l’allaitement. Globalement, à parité donnée, le
risque décroît de 4 % ± 1 % par année d’allaitement supplé-
mentaire (communication CGHFBC, avril 2000).
Par quels mécanismes biologiques peut-on expliquer l’effet
protecteur de la lactation ?
Tout d’abord, l’effet protecteur apparent pourrait correspondre
à un risque accru chez les femmes n’allaitant pas. On a évoqué
l’augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes
qui interrompent rapidement un allaitement ou prennent des
médicaments pour le stopper, ce qui reste cependant à interpré-
ter avec prudence. L’étude de Freudenheim (14), entre autres,
ne trouve pas de liaison entre une production de lait insuffi-
sante et l’augmentation du risque ; de plus, cette étude montre
une protection (OR = 0,71 [0,41-0,96]) par la prise de médica-
ment réduisant la production de lait.
Les mécanismes biologiques expliquant l’effet propre de
l’allaitement et le fait que cet effet soit marqué en préméno-
pause ne sont pas connus. Au niveau hormonal, on note une
élévation de la prolactine et une diminution de la production
d’estrogènes, ce qui diminue la durée d’exposition globale aux
estrogènes et, ainsi, leur effet promoteur au niveau des méca-
nismes de la carcinogenèse mammaire. Il faut noter également
que l’allaitement diffère la reprise de l’ovulation et réduit donc
le nombre de cycles ovulatoires, ce qui pourrait expliquer un
rôle protecteur. Enfin, la lactation nécessite une différenciation
complète de la glande mammaire, qui la mettrait à l’abri des
carcinogènes. ■
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