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La Lettre du Sénologue - no15 - janvier/février/mars 2002
Rosero-Bixby au Costa-Rica (9) rapporte une diminution du
risque pour la durée de l’allaitement : chaque année supplé-
mentaire réduit en moyenne le risque de 8 %. Une réduction de
69 % a été rapportée chez les femmes mexicaines ayant allaité
plus de 60 mois (10). En Chine, où environ la moitié des femmes
allaitent pendant au moins trois ans, Tao (11) a retrouvé une
réduction de risque de 64 % pour les femmes ayant allaité
10 ans par rapport aux femmes n’ayant jamais allaité. Chez
les femmes de la cohorte de Shanghai (7) ayant allaité de 37
à 48 mois, on observe une réduction de risque de 30 %
(RR = 0,70 [IC 95 % : 0,49-0,98]) et, au-delà de 49 mois, de
36 % (RR = 0,64 [IC 95 % : 0,45-0,92]).
Un effet protecteur lié à la durée a aussi été rapporté dans un
nombre non négligeable d’études réalisées dans les pays occi-
dentaux. Par exemple, la Cancer and Steroid Hormone Study a
examiné la relation entre cancer du sein et allaitement chez
4500 femmes atteintes et a trouvé que les femmes qui avaient
allaité pour une durée totale de 25 mois et plus avaient une réduc-
tion du risque de cancer du sein de 33 % par rapport à celles qui
n’avaient jamais allaité, après ajustement sur la parité et l’âge à
la première grossesse menée à terme (12). À Los Angeles,
Enger (13) obtient un RR de 0,66 pour les femmes qui ont allaité
au moins 16 mois par rapport à celles qui n’ont pas allaité. Cet
effet protecteur d’un allaitement antérieur sur le risque de can-
cer du sein serait plus fort chez les femmes plus jeunes (1, 2).
Dans la cohorte islandaise, dans l’analyse restreinte aux cas de
cancer du sein diagnostiqués avant 40 ans, un effet protecteur lié
à la durée est démontré, avec une diminution du risque de 23 %
pour chaque période de 6 mois d’allaitement supplémentaire.
Cette diminution est seulement de 5 % sur l’ensemble de l’étude.
Il faut noter que, dans la cohorte norvégienne (3) comme dans
la cohorte des infirmières américaines (5), on ne retrouve pas
d’effet bénéfique lié à la durée de l’allaitement. Dans l’étude
américaine, il n’y avait que 18 % d’allaitements dépassant les
12 mois, ce qui reflète assez la réalité des pays occidentaux. On
peut se demander si la difficulté à détecter un tel effet dans les
populations occidentales n’est pas seulement due à la faible
prévalence des allaitements prolongés.
Après les résultats concernant la contraception orale et le traite-
ment substitutif de la ménopause, on attend la publication des
résultats complémentaires de la méta-analyse du CGHFBC por-
tant sur 51 enquêtes épidémiologiques (15 cohortes, 36 études
cas-témoins) réalisées dans 21 pays (Amérique du Nord, Europe)
et concernant plus de 50 000 femmes avec cancer du sein et plus
de 100 000 femmes indemnes. Elle confirme que l’absence
d’allaitement versus une durée longue fait partie des facteurs de
risque de cancer du sein multipliant le risque par moins de 2 au
même titre que la corpulence postménopausique, les premières
règles avant 12 ans, la ménopause après 55 ans, l’alcool, la taille
et la parité (0 ou 1 enfant versus 6 enfants et plus). Le risque de
cancer du sein diminue significativement avec la durée de l’allai-
tement. Globalement, à parité donnée, le risque décroît de
4%±1% par année d’allaitement supplémentaire (communi-
cation CGHFBC, avril 2000).
Par quels mécanismes biologiques peut-on expliquer l’effet pro-
tecteur de la lactation ?
Tout d’abord, l’effet protecteur apparent pourrait correspondre
à un risque accru chez les femmes n’allaitant pas. On a évoqué
l’augmentation du risque de cancer du sein chez les femmes qui
interrompent rapidement un allaitement ou prennent des médi-
caments pour le stopper, ce qui reste cependant à interpréter avec
prudence. L’étude de Freudenheim (14), entre autres, ne trouve
pas de liaison entre une production de lait insuffisante et l’aug-
mentation du risque ; de plus, cette étude montre une protection
(OR = 0,71 [0,41-0,96]) par la prise de médicament réduisant la
production de lait.
Les mécanismes biologiques expliquant l’effet propre de l’allai-
tement et le fait que cet effet soit marqué en préménopause ne
sont pas connus. Au niveau hormonal, on note une élévation de
la prolactine et une diminution de la production d’estrogènes,
ce qui diminue la durée d’exposition globale aux estrogènes et,
ainsi, leur effet promoteur au niveau des mécanismes de la car-
cinogenèse mammaire. Il faut noter également que l’allaitement
diffère la reprise de l’ovulation et réduit donc le nombre de cycles
ovulatoires, ce qui pourrait expliquer un rôle protecteur. Enfin,
la lactation nécessite une différenciation complète de la glande
mammaire, qui la mettrait à l’abri des carcinogènes.
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RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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