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La Lettre du Gynécologue - n° 288 - janvier 2004
puisse être efficace à 100 % car, si une femme l’utilise dans la
période précédant immédiatement le déclenchement de l’ovu-
lation, le produit n’aura pas le temps d’agir et la fécondation
pourra avoir lieu. Enfin, il est probable qu’une dose unique de
1,5 mg de lévonorgestrel permette aussi le blocage efficace de
l’ovulation (4).
Les autres mécanismes d’action souvent évoqués sont totale-
ment hypothétiques et non démontrés. Il s’agit de l’interfé-
rence avec le processus de fécondation : on sait que les proges-
tatifs ralentissent la migration des spermatozoïdes jusque dans
la cavité utérine par modification de la glaire cervicale. Il est
également possible que les progestatifs aient un effet sur la
fécondation elle-même. On a aussi évoqué un effet délétère
des progestatifs sur le fonctionnement du corps jaune en tout
début de grossesse. Enfin, il pourrait exister une interférence
avec l’implantation de l’œuf fécondé dans la cavité utérine
sous l’effet des progestatifs à fortes doses qui rendraient
l’endomètre impropre à la nidation (5). Ce mécanisme est tou-
tefois douteux quand on sait que les conditions hormonales
nécessaires à l’implantation de l’embryon sont remarquable-
ment peu stringentes, comme l’a bien montré la préparation de
l’endomètre au don d’ovocyte.
L’efficacité de la contraception d’urgence
Les études de la littérature comportant un nombre suffisant de
femmes indiquent que le taux d’échecs de la méthode est infé-
rieur à 5 % (6, 7). Les échecs sont significativement moindres
avec les méthodes utilisant le lévonorgestrel seul qu’avec
celles utilisant l’association estroprogestative de type Yuzpe
classique. Cette efficacité est confirmée par les données obte-
nues lors de la comparaison des deux méthodes de contracep-
tion d’urgence sur une large cohorte de patientes (6, 8).
Toutefois, il est important de préciser que l’efficacité de la
contraception d’urgence est trop faible pour en recommander
l’usage régulier sans autre méthode contraceptive associée. La
contraception d’urgence est d’autant plus efficace qu’elle est
utilisée rapidement après le rapport non protégé : l’efficacité
baisse de près de 10 % au bout de trois jours après le rapport
(9). Ce fait a contribué à autoriser la délivrance de Norlevo®
sans prescription médicale, et gratuite pour les mineures, afin
d’éviter les retards de prise souvent dus à la difficulté d’obten-
tion d’un rendez-vous avec un médecin. Une étude récente a
toutefois montré que l’administration d’une pilule du lende-
main estroprogestative au-delà du délai de 72 heures après le
rapport non protégé conservait plus de 70% d’efficacité entre
72 et 120 heures (10). Il est ici essentiel de souligner l’impor-
tance d’une information détaillée et pratique de l’adolescente,
voire d’une provision par avance du produit, au cours de la
consultation de gynécologie ou de médecine générale en
dehors du contexte d’urgence (11).
Les produits disponibles
Il y a quelques années, la méthode la plus fréquemment
employée était l’administration, en deux prises, de fortes doses
de contraceptifs oraux estroprogestatifs dans les 72 heures sui-
vant le rapport non protégé. En France, il était habituel de
prescrire deux fois deux comprimés de Stédiril®(50 µg d’éthi-
nylestradiol associés à 0,5 mg de norgestrel) à 12 heures
d’intervalle. D’une façon générale, cette méthode était efficace
puisqu’elle évitait plus de 70 % des grossesses non désirées, au
prix toutefois d’importants effets indésirables (nausées et
vomissements dans 5 à 25 % des cas). Il existe actuellement un
produit dédié à la contraception d’urgence correspondant à
cette formulation, Tétragynon®(quatre comprimés contenant
50 µg d’éthinylestradiol associés à 250 µg de lévonorgestrel).
Cette pilule du lendemain impose le respect des contre-indica-
tions habituelles aux estrogènes.
Depuis 1999, il existe également une spécialité qui ne contient
qu’un progestatif, Norlevo®(deux comprimés à 750 µg de
lévonorgestrel). Une étude faite sous l’égide de l’OMS en 1998 a
montré que le lévonorgestrel seul, administré en contraception
d’urgence, était plus efficace et significativement mieux toléré
que l’association éthinylestradiol-lévonorgestrel (6). C’est
l’absence d’éthinyl-estradiol qui confère à Norlevo®ses avan-
tages les plus significatifs : une excellente tolérance (les
vomissements sont très rares), une absence de contre-indications,
vasculaires et métaboliques notamment, en dehors d’une allergie
au lévonorgestrel ou à certains excipients de la spécialité. Ces
avantages ont permis aux pouvoirs publics d’autoriser la déli-
vrance de Norlevo®sans ordonnance médicale. Depuis 1999,
plus de 5 millions de femmes ont eu recours à Norlevo®, sans
souci majeur de pharmacovigilance (12).
À côté des méthodes hormonales par voie orale, certains gyné-
cologues inséraient en urgence un stérilet, technique très effi-
cace mais qui ne peut être appliquée à toutes les femmes et
comportant un risque d’infection et de stérilité ultérieure. Un
stérilet peut être posé jusqu’au dix-neuvième jour du cycle et
jusqu’à cinq jours après la date présumée de l’ovulation quand
les cycles sont réguliers. L’insertion d’un stérilet en urgence
chez une adolescente susceptible d’avoir de fréquents rapports
non protégés ou des partenaires multiples n’est cependant pas
une méthode adaptée parce qu’elle est le plus souvent encore
nullipare et qu’il est important de protéger sa fertilité future.
MODALITÉS D’UTILISATION
On peut utiliser la contraception d’urgence après tout rapport
sexuel non protégé, quelles que soient les circonstances :
absence de contraception, utilisation d’une méthode peu effi-
cace (retrait, méthode des températures), échec de contracep-
tion (préservatif). Les motifs d’utilisation les plus souvent
invoqués sont la rupture de préservatif, une erreur lors de son
utilisation (au moment de l’enlever notamment) et les oublis
de pilule. Rappelons que les échecs de contraception sont une
cause non négligeable d’IVG : environ 10% des motifs d’IVG
en France, actuellement en augmentation inquiétante chez les
adolescentes (13). Les oublis de pilule sont très fréquents, plus
de 12% des femmes indiquent avoir oublié au moins une fois
leur pilule dans les six derniers mois (14). La période la plus
risquée lors d’un oubli de pilule est la première semaine de la
plaquette, car c’est à ce moment que s’établissent les méca-
nismes permettant le blocage de l’ovulation. Il n’y a pas de
recommandation univoque sur la conduite à tenir en cas
d’oubli de pilule. Il ne faut pas hésiter à employer la contra-
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RANSVERSAL