La Lettre du Gynécologue - n° 323 - juin 2007
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Grossesse et accouchement après traitements
d’un cancer : le point de vue de l’obstétricien
Pregnancy and delivery after cancer therapy: the obstetrician opinion
IP D. Hamid*, J.J. Baldauf**
* Service de gynécologie obstétrique, clinique Adassa, 13, place Haguenau,
67082 Strasbourg.
** Département de gynécologie obstétrique, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires
de Strasbourg, 1, avenue Molière, 67100 Strasbourg.
La survenue d’une grossesse après traitement d’un cancer est
une situation peu fréquente mais dont lincidence augmen-
te eu égard à lefficacité des traitements et à la possibili
de maintenir la fertilité des patientes. Les réticences du monde
dicale à autoriserle principe d’une grossesse après la prise
en charge d’un cancer sont, depuis quelques années, battues
en brèche, puisque plusieurs études ont montré que la grossesse
naggravait pas le pronostic des maladies cancéreuses (1, 2).
La survenue d’une grossesse chez une femme suivie pour un
cancer individualise deux catégories de patientes.
La première catégorie est représentée par les jeunes filles gué-
ries d’une pathologie cancéreuse pédiatrique (lymphomes,
hémopathies ou tumeurs solides) ayant conservé une fertilité.
La seconde catégorie de patientes concerne celles ayant été
traitées pour un cancer à l’âge adulte et qui sont enceintes.
Une attention toute particulière est alors portée dans les cas
de cancers gynécologiques et sénologiques, mais aussi lorsque
d’éventuelles conséquences des traitements peuvent retentir
sur les régions pelvi-périnéale ou mammaire.
Lobstétricien doit alors évaluer les risques maternels et fœtaux
au cours de la grossesse, mais aussi les risques au moment de
l’accouchement et dans la période du post-partum.
GROSSESSE ET ACCOUCHEMENT APRÈS CHIRURGIE
Les conséquences obstétricales des traitements chirurgicaux
concernent essentiellement la chirurgie des oplasies intra-
cervicales (CIN) et les trachélectomies radicales pour les can-
cers micro-invasifs et invasifs du col utérin.
Les études portant sur les conséquences obstétricales des trai-
tements chirurgicaux des CIN léctroconisations, résection
laser, conisation et cryothérapie) montrent fréquemment une
augmentation du taux des accouchements prématurés et des
ruptures prématurées des membranes ainsi quune diminu-
tion du poids de naissance des nouveau-nés (3-5). Dans une
méta-analyse récente (3), il apparaît que seules les sections
laser naugmenteraient pas de manière significative le nombre
d’accouchements prématurés et de naissances d’enfants de fai-
ble poids. La longueur cervicale des patientes traitées mesurée
à l’échographie est plus courte que celle des patientes témoins
et comparable à celle de patientes présentant un antécédent
d’accouchement pmatu (tableau) [5]. Les patientes ayant
été traitées par ERAD ou conisation présentent un taux d’ac-
couchement prématuré supérieur au groupe témoin (OR : 3,45
; IC95 : 1,28-10). La conisation au bistouri froid est significative-
ment associée à une augmentation du taux de césariennes (5).
Les grossesses survenant chez des patientes ayant été traitées
par trachélectomies radicales sont également associées à une
augmentation du risque d’accouchement prématuré et de
rupture prématuré des membranes (6-8). Léchec du cerclage
prophylactique, mais surtout le risque de chorioamniotite,
conduisent actuellement à proposer une fermeture chirurgi-
cale dès la fin du premier trimestre dans le but de diminuer la
contamination du pôle inférieur de l’œuf, l’accouchement se
faisant habituellement par césarienne.
GROSSESSE ET ACCOUCHEMENT
APRÈS RADIOTHÉRAPIE
Il s’agit le plus souvent de patientes guéries d’un cancer pédia-
trique pour lesquelles le traitement comportait une radio-
thérapie dont la dose et les champs d’irradiation ont respec
la fonction ovarienne. De rares cas de grossesse avec don
d’ovocytes sont également envisageables sur utérus radique.
Il apparaît chez ces patientes un taux plus important d’ac-
couchements prématurés (21,1 % vs 12,6 % ; OR : 1,9 ; IC95 :
1,4-2,4 ; p < 0,001) ; ce chiffre augmente de manière plus
importante chez les enfants nés d’une mère ayant eu de
la radiothérapie (50,0 % versus 19,6 % ; OR : 3,5 ; IC95 :
1,5-8,0 ; p = 0,003) (9, 10). Ce surrisque apparaîtrait dès
la dose de 0,25 gray sur le pelvis. Il existe également un
taux de fausse couche spontanée légèrement plus impor-
tant que celle du même âge (11). Cela s’expliquerait par
une diminution de la vascularisation de l’ensemble de la
paroi utérine et de la muqueuse endométriale (11, 12).
L’utilisation en cours de radiothérapie de pentoxifylline et de
tocophérol permettrait de diminuer le risque d’altération ana-
tomique utérine et ainsi de préserver sa fonction (11, 14). Ces
Tableau.
Cervicométrie échographique en fonction des traitements
chirurgicaux des CIN.
Témoins
n = 81
ERAD
n = 75
Conisation
n = 21
Cryothérapie
n = 36
Antécédent
d’accouchement
prématuré n = 81 p < 0,05
L = 4,21 cm L = 3,54 cm L = 3,69 cm L = 3,75 cm L = 3,78 cm
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altérations anatomiques et fonctionnelles induisent un risque
d’hypoplasie utérine favorisant les menaces d’accouchements
prématurés, d’insertion placentaire anormale et de dystocie
mécanique. Par ailleurs, les conséquences sur la qualité des
tissus périnéaux sont peu crites, mais à rechercher en cas de
souhait d’un accouchement par les voies naturelles.
GROSSESSE ET ACCOUCHEMENT
APRÈS CHIMIOTHÉRAPIE
Il semble que la chimiothérapie nentraîne pas de risques sup-
plémentaires de fausses couches ou d’anomalies de caryotype
pour les grossesses à venir (15). En revanche, lors d’un anté-
cédent d’exposition aux anthracyclines, la surveillance par
échographie cardiaque semble cessaire, afin d’éliminer la
présence d’une cardiomyopathie dilatée pouvant déséquili-
brer l’état hémodynamique en cours de grossesse (15).
Les enfants s de mères ayant été traitées par une chimio-
thérapie ont un veloppement psychomoteur comparable à
ceux de la même tranche d’âge (16).
ALLAITEMENT APRÈS TRAITEMENT
La situation la plus fréquemment rencontrée est celle d’une
femme ayant eu un traitement conservateur pour cancer du sein
et qui souhaite allaiter à l’issue de sa grossesse. Il nexiste pas de
facteurs péjoratifs influençant la maladie cancéreuse (18). Il faut
noter, actuellement, une diminution de la lactation du cô du sein
traité avec un taux plus important d’engorgement mammaire. Il
ny a pas de conséquences controlatérales sur l’autre sein.
CONSÉQUENCES NÉONATALES
Il n’existe aucune modification dans l’évolution psychomotrice
des enfants nés de mères ayant été traitées pour un cancer du
sein. Seuls des cas d’irradiation en cours de grossesse mon-
trent, en fonction de la dose et du terme de l’irradiation, des
séquelles psychomotrices (17).
SYNTHÈSE
Après chirurgie cervicale, les patientes sont à considérer comme
celles ayant des facteurs de risque d’accouchements prématu-
rés. Un traitement conservateur du col utérin impose une sur-
veillance de la longueur cervicale par échographie pétée. Un
traitement radical conservateur de l’utérus impose la alisation
dun cerclage au cours de la chirurgie initiale complété par une
fermeture du col après le premier trimestre. Les autres mesures
de prévention de l’accouchement pmatusont à réaliser.
La corticothérapie systématique avant 34 semaines pour dimi-
nuer le risque de maladie des membranes hyalines néonatales
pourrait être proposée.
La survenue d’une grossesse sur un utérus radique expose le
fœtus aux risques de la prématurité mais également de l’hypo-
trophie vasculaire. De ce fait, un traitement par aspirine pour-
rait être proposé dès la quatorzième semaine d’aménorrhée et
poursuivie jusqu’à 35 SA. Une surveillance par vélocimétrie
doppler des vaisseaux utérins est au minimum nécessaire.
Lutérus radique expose la mère aux risques d’anomalies d’inser-
tion placentaire qui doivent faire l’objet d’une évaluation écho-
graphique, complétée éventuellement par une IRM au troisme
trimestre à la recherche d’un placenta praevia ou accreta.
CONCLUSION
La surveillance d’une grossesse après traitement dun can-
cer vise à dépister les conséquences vasculaires, cervicales
des traitements. Cette surveillance nécessite plus souvent le
recours aux examens échographiques et à la prévention par les
mesures maximales visant à diminuer la prématurité. n
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