Grossesse et accouchement après traitements d’un cancer : le point de vue de l’obstétricien Pregnancy and delivery after cancer therapy: the obstetrician opinion Dossier D ossier D. Hamid*, J.J. Baldauf** L a survenue d’une grossesse après traitement d’un cancer est une situation peu fréquente mais dont l’incidence augmente eu égard à l’efficacité des traitements et à la possibilité de maintenir la fertilité des patientes. Les réticences du monde médicale à “autoriser” le principe d’une grossesse après la prise en charge d’un cancer sont, depuis quelques années, déjà battues en brèche, puisque plusieurs études ont montré que la grossesse n’aggravait pas le pronostic des maladies cancéreuses (1, 2). La survenue d’une grossesse chez une femme suivie pour un cancer individualise deux catégories de patientes. La première catégorie est représentée par les jeunes filles guéries d’une pathologie cancéreuse pédiatrique (lymphomes, hémopathies ou tumeurs solides) ayant conservé une fertilité. La seconde catégorie de patientes concerne celles ayant été traitées pour un cancer à l’âge adulte et qui sont enceintes. Une attention toute particulière est alors portée dans les cas de cancers gynécologiques et sénologiques, mais aussi lorsque d’éventuelles conséquences des traitements peuvent retentir sur les régions pelvi-périnéale ou mammaire. L’obstétricien doit alors évaluer les risques maternels et fœtaux au cours de la grossesse, mais aussi les risques au moment de l’accouchement et dans la période du post-partum. ruptures prématurées des membranes ainsi qu’une diminution du poids de naissance des nouveau-nés (3-5). Dans une méta-analyse récente (3), il apparaît que seules les résections laser n’augmenteraient pas de manière significative le nombre d’accouchements prématurés et de naissances d’enfants de faible poids. La longueur cervicale des patientes traitées mesurée à l’échographie est plus courte que celle des patientes témoins et comparable à celle de patientes présentant un antécédent d’accouchement prématuré (tableau) [5]. Les patientes ayant été traitées par ERAD ou conisation présentent un taux d’accouchement prématuré supérieur au groupe témoin (OR : 3,45 ; IC95 : 1,28-10). La conisation au bistouri froid est significativement associée à une augmentation du taux de césariennes (5). Les grossesses survenant chez des patientes ayant été traitées par trachélectomies radicales sont également associées à une augmentation du risque d’accouchement prématuré et de rupture prématuré des membranes (6-8). L’échec du cerclage prophylactique, mais surtout le risque de chorioamniotite, conduisent actuellement à proposer une fermeture chirurgicale dès la fin du premier trimestre dans le but de diminuer la contamination du pôle inférieur de l’œuf, l’accouchement se faisant habituellement par césarienne. Grossesse et accouchement après chirurgie Grossesse et accouchement après radiothérapie Les conséquences obstétricales des traitements chirurgicaux concernent essentiellement la chirurgie des néoplasies intracervicales (CIN) et les trachélectomies radicales pour les cancers micro-invasifs et invasifs du col utérin. Les études portant sur les conséquences obstétricales des traitements chirurgicaux des CIN (éléctroconisations, résection laser, conisation et cryothérapie) montrent fréquemment une augmentation du taux des accouchements prématurés et des Il s’agit le plus souvent de patientes guéries d’un cancer pédiatrique pour lesquelles le traitement comportait une radiothérapie dont la dose et les champs d’irradiation ont respecté la fonction ovarienne. De rares cas de grossesse avec don d’ovocytes sont également envisageables sur utérus radique. Il apparaît chez ces patientes un taux plus important d’accouchements prématurés (21,1 % vs 12,6 % ; OR : 1,9 ; IC95 : 1,4-2,4 ; p < 0,001) ; ce chiffre augmente de manière plus importante chez les enfants nés d’une mère ayant eu de Tableau. Cervicométrie échographique en fonction des traitements la radiothérapie (50,0 % versus 19,6 % ; OR : 3,5 ; IC95 : chirurgicaux des CIN. 1,5-8,0 ; p = 0,003) (9, 10). Ce surrisque apparaîtrait dès Témoins ERAD Conisation Cryothérapie Antécédent la dose de 0,25 gray sur le pelvis. Il existe également un n = 81 n = 75 n = 21 n = 36 d’accouchement taux de fausse couche spontanée légèrement plus imporprématuré n = 81 p < 0,05 tant que celle du même âge (11). Cela s’expliquerait par L = 4,21 cm L = 3,54 cm L = 3,69 cm L = 3,75 cm L = 3,78 cm une diminution de la vascularisation de l’ensemble de la paroi utérine et de la muqueuse endométriale (11, 12). * Service de gynécologie obstétrique, clinique Adassa, 13, place Haguenau, L’utilisation en cours de radiothérapie de pentoxifylline et de 67082 Strasbourg. tocophérol permettrait de diminuer le risque d’altération ana** Département de gynécologie obstétrique, hôpital de Hautepierre, hôpitaux universitaires tomique utérine et ainsi de préserver sa fonction (11, 14). Ces de Strasbourg, 1, avenue Molière, 67100 Strasbourg. La Lettre du Gynécologue - n° 323 - juin 2007 27 Dossier D ossier altérations anatomiques et fonctionnelles induisent un risque d’hypoplasie utérine favorisant les menaces d’accouchements prématurés, d’insertion placentaire anormale et de dystocie mécanique. Par ailleurs, les conséquences sur la qualité des tissus périnéaux sont peu décrites, mais à rechercher en cas de souhait d’un accouchement par les voies naturelles. Grossesse et accouchement après chimiothérapie Il semble que la chimiothérapie n’entraîne pas de risques supplémentaires de fausses couches ou d’anomalies de caryotype pour les grossesses à venir (15). En revanche, lors d’un antécédent d’exposition aux anthracyclines, la surveillance par échographie cardiaque semble nécessaire, afin d’éliminer la présence d’une cardiomyopathie dilatée pouvant déséquilibrer l’état hémodynamique en cours de grossesse (15). Les enfants nés de mères ayant été traitées par une chimiothérapie ont un développement psychomoteur comparable à ceux de la même tranche d’âge (16). Allaitement après traitement La situation la plus fréquemment rencontrée est celle d’une femme ayant eu un traitement conservateur pour cancer du sein et qui souhaite allaiter à l’issue de sa grossesse. Il n’existe pas de facteurs péjoratifs influençant la maladie cancéreuse (18). Il faut noter, actuellement, une diminution de la lactation du côté du sein traité avec un taux plus important d’engorgement mammaire. Il n’y a pas de conséquences controlatérales sur l’autre sein. Conséquences néonatales Il n’existe aucune modification dans l’évolution psychomotrice des enfants nés de mères ayant été traitées pour un cancer du sein. Seuls des cas d’irradiation en cours de grossesse montrent, en fonction de la dose et du terme de l’irradiation, des séquelles psychomotrices (17). Synthèse Après chirurgie cervicale, les patientes sont à considérer comme celles ayant des facteurs de risque d’accouchements prématurés. Un traitement conservateur du col utérin impose une surveillance de la longueur cervicale par échographie répétée. Un traitement radical conservateur de l’utérus impose la réalisation d’un cerclage au cours de la chirurgie initiale complété par une fermeture du col après le premier trimestre. Les autres mesures de prévention de l’accouchement prématuré sont à réaliser. La corticothérapie systématique avant 34 semaines pour diminuer le risque de maladie des membranes hyalines néonatales pourrait être proposée. La survenue d’une grossesse sur un utérus radique expose le fœtus aux risques de la prématurité mais également de l’hypotrophie vasculaire. De ce fait, un traitement par aspirine pour28 rait être proposé dès la quatorzième semaine d’aménorrhée et poursuivie jusqu’à 35 SA. Une surveillance par vélocimétrie doppler des vaisseaux utérins est au minimum nécessaire. L’utérus radique expose la mère aux risques d’anomalies d’insertion placentaire qui doivent faire l’objet d’une évaluation échographique, complétée éventuellement par une IRM au troisième trimestre à la recherche d’un placenta praevia ou accreta. Conclusion La surveillance d’une grossesse après traitement d’un cancer vise à dépister les conséquences vasculaires, cervicales des traitements. Cette surveillance nécessite plus souvent le recours aux examens échographiques et à la prévention par les n mesures maximales visant à diminuer la prématurité. Références bibliographiques 1. Kasum M. Breast cancer treatment-later pregnancy and survival. Eur J Gy- naecol Oncol 2006;27(3):225-9. 2. Blakely LJ, Buzdarm AU, Lozada JA et al. Effects on pregnancy after treatment for breast carcinoma on survival and risk of recurrence. Cancer 2004;100:465-9. 3. Kyrigiou M, Koliopoulos G, Martin-Hirsch P et al. 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