É D I T O R I A L Voie radiale, voie royale... Radial approach, royal road... ● J.P. Batisse* Mots-clés : Voie radiale et fémorale - Coronarographie Angioplastie. Keywords: Radial and femoral approach - Coronary angiography - Coronary angioplasty. e jeu de mots, qui se veut provocant, semble faire de cette voie d’abord du cathétérisme coronaire et de l’angioplastie une méthode de référence. Après vingt ans de voie fémorale, quelques tentatives de voie axillaire forcées par le terrain artériel et l’expérience de deux ans de voie humérale, je pense personnellement que la voie radiale constitue une alternative intéressante à la voie fémorale. Elle est certes techniquement plus difficile, mais, comme nous le verrons, elle présente moins de risques pour le patient, en particulier grâce à l’utilisation de plus en plus fréquente des héparines de bas poids moléculaire et des inhibiteurs de la glycoprotéine IIb/IIIa. C La voie fémorale L’intérêt de la voie fémorale, c’est la simplicité de la ponction, l’utilisation de sondes spécifiques à cette voie d’abord, ce qui facilite largement l’apprentissage de la coronarographie et de l’angioplastie. Dans ces temps encore récents où l’on se contentait d’une dose d’héparine unique injectée en début d’examen, les complications étaient peu fréquentes, bien que les sujets âgés ou les obèses aient payé un tribut non négligeable sous la forme d’hématomes, parfois volumineux, ou de faux anévrismes, justifiant parfois un traitement chirurgical. L’arrivée sur le marché et la nécessité d’utiliser des antiagrégants majeurs et les héparines de bas poids moléculaire en routine ont aggravé la fréquence des accidents, comme on le voit dans le travail du Dr Choussat réalisé en 1999, retrouvant sept accidents fémoraux, versus aucun accident hémorragique par voie radiale, sous abciximab (tableau I). Ces accidents hémorragiques parfois létaux, venant compliquer un geste qui s’était bien déroulé et retardant de toute façon la sortie du patient, constituent la meilleure motivation à la voie radiale. * Institut de cardiologie, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris. La Lettre du Cardiologue - n° 372 - février 2004 Tableau I. Comparaison des deux abords sous abciximab. Voie radiale (n = 67) Voie fémorale (n = 83) Absence d’événement cardiovasculaire majeur 94 % 93,9 % Complication vasculaire majeure 0% 7,4 % Durée du séjour 4,9 j 5j La voie radiale À l’inverse, la voie radiale ne pose quasiment pas de problème hémorragique. Bien que la difficulté soit plus grande pour les sujets âgés et les polyartériels, c’est certainement pour eux que cette voie est la plus utile. C’est en effet ce recrutement qui augmente la difficulté, ce d’autant que la voie radiale droite doit utiliser les mêmes sondes que la voie fémorale et que celles-ci ne sont pas totalement adaptées en termes de courbure, alors que la voie radiale gauche permet, par son abord controlatéral de la crosse aortique, une utilisation plus aisée des sondes classiques fémorales. Mais le vrai problème de la voie radiale se place au niveau de la ponction elle-même et de sa courbe d’apprentissage. La difficulté de cette ponction, qui exige un matériel spécifique, aiguille fine ou cathlon, est liée à la taille de l’artère, le rapport paroi/lumière étant favorable à la dissection. Une anesthésie de contact par pommade Emla® constitue certainement un “plus” pour le patient : elle évite l’injection à l’aiguille de l’anesthésique, douloureuse dans cette région. On doit systématiquement vérifier l’arcade palmaire par un test d’Allen, qui pourra être sensibilisé par oxymétrie ou pléthysmographie. La ponction sera immédiatement suivie de l’injection d’un vasodilatateur et d’énoxaparine (Corvasal®, Isoptine®, Lovenox® 0,5 mg/kg), sauf si le patient est déjà sous dose efficace. Une fois l’artère ponctionnée, tous les problèmes ne sont pas résolus : d’importantes boucles peuvent siéger sur la radiale ou sur l’humérale, la sous-clavière réalise souvent un siphon, la radiale peut être dominée, il peut exister là aussi des sténoses, voire même des thromboses restées asymptomatiques. Le spasme de la radiale, en particulier chez la femme de petite taille dont le réseau est grêle, reste un problème tout au long de la procédure. La voie radiale droite expose moins le praticien au rayonnement, mais, en revanche, elle entraîne des difficultés dans l’utilisation 3 É D I T O R I A L des sondes, stimulant la virtuosité du cathétériseur, la sonde coronaire gauche trouvant parfois la coronaire droite et réciproquement... Rien n’est forcément joué pour la sonde d’angioplastie, car les problèmes de choix de la bonne sonde restent présents. Les temps de procédure s’allongent modérément (tableau II), 38 minutes par voie radiale contre 35 par voie fémorale, avec une légère augmentation du volume de produit de contraste. Cette augmentation du produit iodé, toxique pour le rein, fait préférer la voie fémorale en cas d’insuffisance rénale ; c’est en particulier le cas lorsqu’un passage en dialyse est envisagé et que la conservation des radiales est souhaitable pour l’installation d’une fistule artério-veineuse. On utilisera de préférence des sondes 5F pour la coronarographie et 6F pour l’angioplastie, qui permettent actuellement de réaliser la plupart des techniques, avec un ou deux ballons en simultané pour le traitement des bifurcations ; certains commencent parfois par utiliser le 5F. Tableau II. Comparaison des temps de coronarographie (Mann T. J Invas Cardiol 1996 ; 8 : 40D-44D). Radiale Fémorale Durée du rayonnement (mn) 13 12 Volume de contraste (ml) 131 120 Durée APC (mn) 38 35 Complications locales 0 4 3,6 j 3,5 j Durée du séjour T. Lefèvre, dans un travail rapporté à la réunion High Tech, a montré que la voie radiale pouvait permettre, à l’identique de la voie fémorale, l’utilisation de toutes les techniques, y compris l’athérectomie. C’est en fin de procédure que le praticien tire tout le bénéfice de ces difficultés, quand il peut retirer le désilet en laissant un garrot (figure 1). Ce dernier sera remplacé par un léger pansement permettant à son patient un lever rapide, qui est souhaitable. C’est le côté le plus spectaculaire de la voie radiale, en tout cas pour nos patients... Il reste un seul problème : l’occlusion de la radiale ; elle est asymptomatique, mais survient dans 5 % des cas. C’est la raison qui fait préférer la voie fémorale chez les dialysés, afin d’épargner leur capital artériel. Les hématomes sont rares. La douleur pendant le geste est par contre assez fréquente, favorisée par la mobilisation des sondes et par le spasme. D’ailleurs, certains patients qui ont vécu les deux techniques disent préférer, lorsqu’ils sont interrogés en fin de procédure, la voie fémorale... 4 Figure 1. Une compression simplifiée. CONCLUSION Cette voie royale est bien séduisante, le taux de succès approchant les 97 %. Elle est sécurisante pour le patient, car elle élimine les complications hémorragiques fémorales, elle permet dans certains cas une exploration ambulatoire, et, comme cela a été montré, sans diminuer la capacité à traiter la maladie coronaire par angioplastie. ■ Pour en savoir plus... ❏ Fajadet J, Brunel P, Jordan C, Cassagneau B, Marco J. Transradial coronary stenting : a passing fad or widespread use in the future ? Eighth Complex Coronary Angioplasty Course 1997 ; 247-57. ❏ Louvard Y, Lefevre T, Morice MC. Coronary angiography through radial or femoral approach ? Cathet Cardiovasc Diagn 1997 ; 42 : 467-9. ❏ Louvard Y, Lefevre T, Morice MC. Results of a prospective randomized study. Eur Heart J 2000 ; 21 : abstr. suppl. P2779. ❏ Choussat R, Black A, Bossi I, Fajadet J, Marco J. Vascular complications and clinical outcome after coronary angioplasty with platelet IIb/IIIa receptor blockade. Comparison of transradial vs transfemoral arterial access. Eur Heart J 2000 ; 21 (8) : 662-7. ❏ Mann T. The radial approach for coronary angiography and stenting. Heart 1999 ; 82 : 411-2. La Lettre du Cardiologue - n° 372 - février 2004