a ualité agriculture
Accablée cet été par une sécheresse record,
la Creuse sait, grâce à une étude pionnière, que
ce phénomène se répétera de plus en plus sou-
vent. Le département, agriculteurs en tête, se
mobilise et trouve déjà des solutions. Reportage.
PAR PIERRE WOLFMANDROUX
PHOTOS DUPUY / ANDIA
Sécheresse :
la Creuse relève
le dé climatique
Repères
L’un des départements
les plus secs cet été
La sécheresse aura sévi un peu
partout en France cet été.
Le mois précédent est ainsi
devenu le 3e mois de juillet le plus
chaud depuis 1900. Mais elle aura
particulièrement touché la Creuse.
Le mois de juillet fut le plus sec
relevé dans le département depuis
1979. La moyenne des précipita-
tions s’y élevait à 17 millimètres
pour ce même mois, alors que
la norme est de 74 millimètres.
Le 27 juillet, la Creuse était le seul
département français clas
intégralement par l’État
en situation de crise hydraulique.
1| Sylvie Skrzypczak, pommicultrice,
dans son verger de la ferme
de Fontloup, dont les pommes
sont victimes de la sécheresse.
de Fontloup, dont les pommes
sont victimes de la sécheresse.
2| Gilbert Mazaud, éleveur
de vaches, est contraint de les
nourrir avec ses stocks d’hiver.
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de soleil et sous une cha-
leur de plomb, Sylvie
Skrzypczak contemple,
l’air un peu résigné, son
verger de pommiers. Ce 12 août est un
énième jour de sécheresse (lire encadré)
pour cette arboricultrice de la Creuse.
La pluie fi ne annoncée pour le lende-
main ne su ra pas à sauver la majeure
partie de la récolte. Certaines pommes,
brûlées par le soleil, sont bonnes à jeter.
Et les autres seront de petite taille.
« Nous avons de plus en plus de mal à
obtenir de gros calibres », relève Sylvie.
Au point qu’elle et son mari éleveur,
Claude, sont en pleine réfl exion sur le
devenir de leurs arbres.
Pour les trente prochaines
années, les dés sont jetés
Il fut un temps où les agriculteurs
creusois associaient les aléas météo-
rologiques à la fatalité. Mais la majo-
rité d’entre eux, à l’instar de Sylvie, ont
aujourd’hui conscience qu’ils sont sur-
tout liés au réchau ement climatique.
Vincent Cailliez porte une grande part
de responsabilité dans cette évolu-
tion. Seul climatologue employé par
une chambre d’agriculture française,
il a mené pendant trois ans une étude
pionnière et détaillée sur les consé-
quences du changement climatique
dans la Creuse. « Plutôt que de subir le
réchau ement, nous avons embauché
Vincent Cailliez pour préparer l’ave-
nir, avec notamment l’aide fi nancière
du conseil régional du Limousin »,
explique Olivier Tourand, élu de la
chambre d’agriculture. Le climato-
logue a rendu ses conclusions en juin
dernier. Et elles sont sans appel : la
Creuse connaîtra une transition médi-
terranéenne rapide de son climat.
Les températures devraient monter de
2 degrés en cinquante ans. Les préci-
pitations seront, elles, de plus en plus
fortes l’automne et l’hiver, et de moins
en moins fréquentes le printemps
et l’été. « Il est nécessaire de s’adap-
ter, souligne Vincent Cailliez. Pour les
trente prochaines années, les dés sont
déjà jetés. Même si des mesures dras-
tiques étaient prises dès cette année, le
ralentissement dans la vitesse de l’évo-
lution climatique ne serait perceptible
que dans cinquante ans. »
Dans une terre d’élevage, l’adapta-
tion au réchau ement est cruciale. La
sécheresse de cet été a en partie grillé
le fourrage qui nourrit le bétail. Pour la
première fois, Gilbert Mazaud, éleveur
depuis trente-cinq ans, a été contraint
de nourrir ses vaches limousines avec
ses stocks hivernaux. Il devra rache-
ter du fourrage pour compenser cette
perte, estimée entre 8 000 et 11 000 € par
mois de sécheresse.
Les solutions ne manquent pas pour
prévenir une telle situation. Certaines
d’entre elles, formulées dans l’étude,
ont déjà été mises en place. Claude
Skrzypczak a par exemple commencé
à remplacer une partie de son ray-grass,
une plante fourragère très nourrissante
pour les bêtes mais sensible à la cha-
leur, par de la luzerne et de la dactyle,
plus résistantes à la sécheresse. Une
autre piste réside dans la diversité des
cultures. Faire pousser plusieurs types
de plantes permet de limiter la casse
en cas d’aléas météorologiques. L’étude
recommande aussi aux agriculteurs de
mener leurs troupeaux sur les prairies
de plus en plus tôt au printemps et de les
faire tourner de l’une à l’autre plus rapi-
dement. Il est en e et avéré qu’à cette
saison, le cycle de pâturage devra être
anticipé et durera moins longtemps.
La question du savoir-faire des agricul-
teurs sera incontournable pour venir à
bout du problème. « Nous avons pré-
servé une partie de notre fourrage cette
année grâce au décompactage – aéra-
tion – des sols. C’est la technique et l’ex-
pertise qui sauveront nos récoltes, pas
la Pac (Politique agricole commune) ! »
assure Sylvie Skrzypczak.
Faire des réserves d’eau,
ou réduire les cheptels
Certains agriculteurs devront, eux,
réfl échir à des plantations alterna-
tives. L’étude montre que certains ter-
ritoires de la Creuse seront plus touchés
que d’autres par la sécheresse, tels que
le nord-est, zone la plus chaude du
département. Il deviendra de plus en
plus di cile d’y cultiver du maïs four-
rage. Olivier Tourand, qui en fait pous-
ser dans cette zone, peut en témoigner :
« Cette année est symptomatique de ce
qu’il va se passer. Les plants de maïs ont
grillé. C’est la première fois que nous
aurons une production aussi catastro-
phique. » Des éleveurs, tels que Gilbert
Mazaud, défendent l’idée de capter les
surplus de précipitations automnales
et hivernales pour irriguer les champs
en cas de sécheresse. L’idée est toutefois
controversée. Construire des barrages
ou des retenues collinaires – des micro-
barrages – n’est pas vu d’un bon œil
par les écologistes, qui craignent une
diminution des réserves d’eau, l’impact
sur l’écosystème ou la défi guration du
paysage. Gilbert Mazaud réplique que
les réserves d’eau du département excè-
dent largement les besoins des agri-
culteurs. « Si on ne fait rien, la moitié
des fermes du plateau disparaîtront »,
s’alarme-t-il. Une autre piste, plus dras-
tique, se rapproche de l’idée de décrois-
sance : réduire le nombre de bêtes par
éleveur. Gilbert Mazaud ne voit pas com-
ment il pourrait en aller autrement :
« Avec ma femme, nous augmentons
chaque année le nombre d’animaux
depuis notre installation pour main-
tenir notre pouvoir d’achat. Mais on
arrive au bout du système. On ne peut
pas travailler autant que nous le faisons
maintenant sans sacrifi er la qualité des
animaux. » Sur les trois cents animaux
de son exploitation, la famille Mazaud
se prépare à réduire de quinze têtes son
cheptel. L’étude de Vincent Cailliez aura
eu une dernière conséquence : celle de
la prise de conscience par des territoires
de l’importance d’une anticipation du
réchau ement. Le climatologue entre-
prendra prochainement le même type
de recherche en Aquitaine, Poitou-
Charentes, dans les Pays de la Loire et
en Normandie.
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 N° 6925 20 août 2015 N° 6925 20 août 2015 
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