Dossier thématique D ossier thématique 왘 Encadré Les critères de qualité en anatomie pathologique pour la prise en charge d’un cancer colique L. Antunes* Le pathologiste doit formuler une réponse adaptée aux modalités opératoires de la lésion qu’il est amené à examiner. La mise en évidence d’un adénocarcinome infiltrant la sous-muqueuse développé sur un polype réséqué endoscopiquement justifie une résection chirurgicale complémentaire si la tumeur comporte plus de 50 % de contingent peu différencié ou mucineux, s’il existe des emboles lymphatiques ou veineux, si la marge d’exérèse est à moins de 1 mm et si la tumeur infiltre le tiers le plus profond de la sous-muqueuse (SM3) ou si elle atteint le milieu de la sous-muqueuse (SM2) sur adénome sessile. Chacun de ces items doit donc figurer dans le compte-rendu du pathologiste. La prise en charge d’une pièce de colectomie carcinologique obéit à une démarche standardisée depuis 1998 avec la mise en place de référentiels indiquant quelles informations doivent figurer dans le compte-rendu. C’est d’ailleurs l’une des premières pathologies à avoir bénéficié d’une véritable approche pluridisciplinaire ayant permis la mise en place d’une fiche standardisée en anatomie pathologique. Une telle fiche facilite la lecture par le clinicien, le gastroentérologue ou le chirurgien, améliore la reproductibilité d’examen d’un pathologiste à l’autre et permet d’éviter tout oubli dans l’analyse. Le recul actuel valide l’utilisation d’un tel document qui, s’il est informatisé, va permettre, en outre, une extraction des données collectées à visée épidémiologique. La fiche qui a été conçue en 1998 est toujours utilisable actuellement (lire document ci-contre). Il convient toutefois d’apporter des informations complémentaires si la tumeur est de siège rectal en précisant la marge tumorale latérale, l’épaisseur et la qualité d’exérèse du mésorectum. Comme dans tout compte-rendu d’analyse d’une pièce réséquée pour cancer, le pathologiste confirme (après biopsie) ou affirme le diagnostic de malignité. Le reste de l’examen consiste à évaluer l’extension de la maladie (staging TNM), à rechercher des critères histopronostiques indépendants et à réaliser, le cas échéant, des techniques complémentaires, immunohistochimiques ou par biologie moléculaire à visée diagnostique ou thérapeutique selon le contexte clinique. 왘 Dans le cadre du diagnostic, il convient de recher- cher une mutation dans les gènes de prédisposition aux cancers colorectaux chaque fois qu’un patient répond à des critères retenus depuis 2001 par le réseau national HNPCC (hereditary non polyposis colorectal cancer) [tableau]. Le clinicien et le pathologiste doivent y penser chaque fois qu’ils sont confrontés à un tel patient. Pour ce faire, l’attitude la plus pragmatique consiste à demander en même temps, à partir du même bloc d’inclusion en paraffine ayant permis le diagnostic d’adénocarcinome, une recherche d’instabilité des microsatellites et une étude immunohistochimique de l’expression des quatre protéines MMR (hMLH1, PMS2, hMSH2 et hMSH6). La fixation doit être formolée, l’utilisation du liquide de Bouin étant proscrite depuis l’utilisation courante de techniques d’immunohistochimie et de biologie moléculaire. Ces deux examens sont rapides (quelques jours) et peu coûteux (moins de 20 euros par batterie complète). L’utilisation d’un pentaplex constitué de cinq marqueurs mononucléotidiques permet d’étudier l’instabilité de la tumeur sans avoir à effectuer une comparaison à celle de l’ADN normal. L’immunohistochimie va confirmer l’anomalie et permettre d’identifier la ou les protéine(s) anormale(s) et donc, conséquemment, le ou les gène(s) incriminé(s). Il faut noter que des anomalies non géniques, comme une hyperméthylation anormale des gènes contrôlant la synthèse des protéines MMR, peuvent être responsables d’une instabilité mais, dans ce cas, le contexte clinique est généralement différent, avec des patients nettement plus âgés. Pour affirmer le diagnostic de mutation HNPCC, il est possible, dans un deuxième temps, de rechercher par génétique moléculaire, de façon sélective, une mutation germinale du ou des gène(s) ainsi sélectionné(s) à partir d’un prélèvement de sang veineux. Cette investigation doit être particulièrement réfléchie, car longue (6 mois pour une recherche de mutation germinale par DHPLC/séquençage chez un cas index) et coûteuse (500 euros). 왘 Dans le cadre de la thérapeutique, le pathologiste peut être amené, à la demande de l’oncologue, à effectuer, parfois de manière différée, une recherche sur coupes déparaffinées de l’expression par les cellules tumorales de l’expression du récepteur de EGF dans le traitement du cancer colorectal métastatique après échec d’une chimiothérapie à base d’irinotécan afin de permettre l’administration, si l’épitope est exprimé, d’un anticorps monoclonal anti-EGFR1, le cétuximab. L’AMM exige la mise en évidence sur coupe tissulaire de l’expression par les cellules tumorales du récepteur de EGF en l’absence de seuil minimal d’expression. L’avènement de nouvelles thérapies biologiques va ainsi davantage impliquer le pathologiste dans la stratégie du choix thérapeutique permettant de véritables traitements sur mesure adaptés au profil biologique de la tumeur. Enfin, chaque fois que le pathologiste le pourra (tumorothèque à disposition), un fragment de tumeur sera congelé si les critères de qualité sont réunis (moins de 1 h 30 entre l’ischémie de la tumeur et le conditionnement final du prélèvement). ■ Tableau. Critères de sélection de cas index pour une recherche de mutation HNPCC. Bethesda : un critère Amsterdam I et II : tous les critères • < 50 ans. • < 50 ans. • Cancer colorectal ou du spectre HNPCC (intestin grêle, endomètre, voies urinaires excrétrices) associé synchrone ou métachrone. • Deux générations atteintes. • Instabilité microsatellite (MSI+) et histologie suggestive (infiltrat lymphocytaire du stroma, différenciation mucineuse ou bague à chaton, architecture médullaire) chez un patient < 60 ans. • PAF exclue. • Trois parents atteints (un premier degré des deux autres). • Certitude histologique d’adénocarcinome. • Cancer colorectal diagnostiqué chez un parent de premier degré atteint d’un cancer HNPCC avant 50 ans ou de deux cancers HNPCC, quel que soit l’âge. * Cabinet d'anatomie et de cytologie pathologiques, Thionville. 14 La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 1-2 - janvier-février 2007 Dossier thématique D ossier thématique La Lettre de l’Hépato-gastroentérologue - Vol. X - nos 1-2 - janvier-février 2007 15