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ichtre ! Voilà une vérité bien difficile à héberger, ne
pouvant tomber que de la plume d’un pamphlétaire
grincheux et valétudinaire atteint de poussées hémor-
roïdaires récurrentes et incurables, à une époque où les chirur-
giens n’étaient encore que des barbiers ; d’autant plus difficile à
encaisser, que je ne me remets encore pas de ce tableau d’apo-
calypse survenu le mardi 4 juin 2002 à 10 heures tapantes : le
coq de mon voisin, la crête rasée, le croupion déplumé, aba-
sourdi sur son tas de fumier, hurlant à la place de l’habituel
“cocorico”, “deux-zéro, deux-zéro” ! Pauvre animal, sa souf-
france était intolérable. Il a fallu douze balles à mon voisin pour
le faire taire… Les responsables de cette ignominie devraient
être châtiés, m’a soutenu un fervent adhérent de la SPA. Hélas !
le goudron et les plumes étant passés de mode, les auteurs de
cette forfaiture coulent, toute honte bue, benoîtement et certai-
nement, des vacances (?) insouciantes dans un lieu de villégia-
ture, par contre, lui, bien à la mode !
Mais la douleur patriotique m’égare, et revenons à cette presse
bien-portante, grassement nourrie par les innombrables mani-
festations savantes dont les récits épiques font la une de nos
quotidiens. Par exemple l’ASCO, bien sûr, et la fameuse session
plénière sur le docétaxel, achevée sous une tempête interminable
d’applaudissements à faire mourir de jalousie Pavarotti dans
“l’elisir d’amore”, de Donizetti, son triomphe ! L’auditoire (à
l’ASCO, pas à la Scala !) était à son comble et comblé, et curieu-
sement, les journalistes furent nettement moins dithyrambiques.
Jugez donc : “Cancer du sein: les nouvelles vertus d’une thérapie
connue” (Libération), “Cancer: la recherche évolue” (Libération
Champagne, l’Est Éclair), “Cancer du sein : meilleurs résultats
et affinement des méthodes de lutte” (Le Journal du Centre,
l’Indépendant), “Cancer du sein : des traitements mieux ciblés”
(Le Télégramme), “Cancer du sein : un traitement intéressant”
(Le Populaire du Centre) et seul Sud-Ouest se “lâche” un peu
avec “Un espoir de guérison” ! On nous avait habitués à mieux!
Mais peut-être est-ce parce que des chiffres de 32 % de réduction
du risque de récidive et de 24 % de diminution de la mortalité
font autant d’effet que l’augmentation de la TVA au mois
d’août ? Ou bien parce que, depuis le 21 avril 2002, nos amis les
échotiers ont appris à se méfier bigrement des statistiques ? Ou
bien, tout simplement, parce que, pour nous – médecins –, 10 %
de survie supplémentaire représentent, peut-être, un “petit pas
pour l’homme” mais certainement un plus grand que celui
d’Amstrong pour l’humanité !
Et le Figaro Magazine consacre tout un article à J.M. Nabholtz,
fondateur du Breast Cancer International Research Group, sous
le titre “Un Français qui redonne l’espoir”, présenté comme
l’initiateur de cet essai et le Pancho Villa d’une véritable “révo-
lution copernicienne” (Je sens qu’il y a des mâchoires qui grin-
cent !), à savoir une “force de frappe considérable permettant
d’accélérer les essais cliniques” grâce à des donateurs privés et
surtout à l’industrie pharmaceutique. Ce qui fait dire à Médecine
nouvelle et à La Vie Naturelle relatant le congrès de l’ASCO :
“Des annonces retentissantes destinées avant tout à renforcer la
position en Bourse des multinationales pharmaceutiques.” (Que
se passe-t-il ? Auraient-ils des difficultés à trouver des sponsors
pour un essai thérapeutique sur le cartilage de requin en phase
métastatique ?). Les pieds bien sur terre, la Tribune rappelle
qu’un traitement classique coûte environ 200 euros par patient
et par mois, contre 4 500 euros pour les traitements incluant
Taxotère®; et Libération,le cœur dans les nuages, riposte que cela
n’est rien face au prix d’une rechute : … 60 000 euros ! Ainsi
donc, tout va très bien, boursièrement parlant, pour Aventis,
même si Le Parisien dote Taxotère®d’un chiffre d’affaires
annuel de 5 milliards d’euros (alors qu’il n’en fait qu’un actuel-
lement…) et en profite pour souligner qu’“en clair, faute
d’annoncer la découverte de nouveaux médicaments, le labora-
toire fait du battage pour un produit efficace et utilisé depuis
longtemps” ! (La jalousie est un vilain défaut… oui, je sais, je
sais… mais pas les pruneaux). Il faut bien reconnaître que la
presse n’est pas particulièrement tendre avec certains groupes
pharmaceutiques faisant leurs choux gras (Wall Street Journal,
La Tribune, le Journal des finances) de la déconfiture de Merck,
pris les doigts dans le pot de manipulations comptables sur le
tamoxifène, et de BMS, pris en flagrant délit d’interdiction illé-
gale de générique de Taxol®! Alors que ce blockbuster est
capable de nous asphyxier les tumeurs cancéreuses avec son
dernier produit, Erbitux®(et non pas l’herbe-qui-tue, comme
pourraient le croire certains malentendants…), qui, combiné à un
anticorps monoclonal, type herceptine et à une chimiothérapie,
commence à donner des résultats fort intéressants (La Tribune).
Et quand ce même article énonce des chiffres d’affaires de 43
milliards d’euros en 2010 pour certaines molécules, on com-
prend alors toute la profondeur philosophique de cet apophtegme
de mon maître à penser, Michel Audiard : “Quand on parle
pognon, à partir d’un certain chiffre, tout le monde écoute” ; et
je rajouterai que cela peut en rendre certains très nerveux… (je
veux parler des investisseurs, des autorités sanitaires et des gou-
vernements, bien sûr !).
Si tous les étés nous avons la lambada ou la carioca ou la salsa
pour nous faire tourner sensuellement, eh bien ! nous avons aussi
le JAMA pour nous faire tourner… mais plutôt en bourrique,
avec, de manière endémique, l’éternelle malédiction subversive
du traitement hormonal substitutif, avec comme variante, cette
année, en plus de la sempiternelle cause de cancer du sein, la
menace planante d’infarctus du myocarde et de ramollissement
La Lettre du Sénologue - n° 17 - juillet/août/septembre 2002
RUMEURS
M. Escoute*
Revue de presse grand public
Les savants sont des gens qui,
sur la route des choses inconnues,
s’embourbent un peu plus loin que les autres.
A. Karr
* Clinique Sainte-Catherine, Avignon.
F
RUMEURS
cérébral dus à ces molécules diaboliques (le gallinacé de mon
voisin s’est pris douze balles pour moins que ça…) ! Et alors là,
bien sûr, quand ça a des relents de soufre, forcément ça allèche :
“Soupçons sur les traitements hormonaux substitutifs” (Les
Échos), “Cancer du sein : attention au traitement hormonal” (Le
Parisien), “Un traitement hormonal favoriserait le cancer du sein
et la crise cardiaque” (La Croix), “Des hormones féminines à
haut risque” (Métro), “Hormone therapy poses new health risks”
(Wall Street Journal), “Hormone trials halted over risk of breast
cancer” (Herald Tribune) et son corollaire : “Wyeth chute en
Bourse après la mise en cause de l’un de ses médicaments” (Les
Échos), “Wyeth suffer on drug doubts” (Financial Times), “Hor-
mone replacement study takes a toll on Wyeth” (Wall Street
Journal). En France, l’AFSSPS (Agence française de sécurité
sanitaire des produits de santé) a proposé en réponse un brain-
storming pour une réévaluation des THS européens. En atten-
dant, nos consultations ont repris un goût d’enfer, et l’asialie
chronique devient notre pathologie quotidienne. (Illumination
subite et légèrement paranoïaque : et si ces études avaient été
financées par Enron ?…).
Et je vous fais grâce des interminables polémiques danoises
récurrentes sur le dépistage systématique des cancers du sein qui
enflamment les colonnes de nos quotidiens au moment de la
mise en œuvre des grands chantiers chiraquiens dont un
concerne le cancer (en espérant seulement qu’il sortira plus vite
de terre que la BN…).
C’est un truisme de dire que s’il existait BRCA1 et BRCA2 (et
la Première Guerre mondiale euroaméricaine), il fallait attendre
BRCA3. Voilà c’est fait ! Retrouvé dans Nord Éclair, Le Dau-
phiné Libéré, Vaucluse Matin, L’Est républicain : des cher-
cheurs australiens du Queensland Medical Institut Research,
sous la houlette du Dr Georgia Chenevix-Trench, ont mis en évi-
dence ce gène mutant dérivé d’un autre gène (connu), l’ataxia
telangectasia muté, ou ATM, développant 16 fois plus de risque
de cancer du sein chez les détentrices de cette mutation. Mais ce
n’est pas tout, une autre équipe, américaine, travaillant sur six
gènes responsables de l’anémie de Fanconi, a découvert qu’une
seule erreur dans l’un de ces six gènes augmentait de façon
significative le risque de développer un cancer du sein (Centre
Presse Aveyron, Nouvelles républiques du Centre Ouest) ! Et
encore dans le Wall Street Journal “New breast cancer gene is
revealed” et Le Figaro, où il est question de CHEK2, nouveau
gène impliqué dans 1 % des cancers du sein chez la femme et
9% chez l’homme, découvert par une équipe de Pennsylvanie :
ce qui nous fait un petit total de dix gènes – connus – impliqués
dans le cancer du sein ! Alors Myriad Genetics, on pavane tou-
jours ? À ce rythme-là, ce ne sont plus des myriades de dollars
qu’on va voir mais plutôt des myriades d’étoiles avec des petits
cui-cui autour ! Quel puits de sagesse orientale a dit “assieds-toi
au bord du fleuve et celui-ci t’amènera le cadavre de ton
ennemi” ?
Et, bien sûr, mes perles préférées
Mesdames, que feriez-vous si l’on vous disait que l’on a trouvé
le responsable de la propagation des cancers du sein ? Je suppose
que vous investiriez immédiatement dans une Kalachnikov (pas
très cher et très à la mode en ce moment) pour aller atomiser et
pulvériser l’ignoble responsable de cette vilenie, non ? Eh, bien
pour cela, il va falloir dorénavant descendre d’abord du tabouret
sur lequel vous êtes perchées et arrêter ces cris d’orfraie, pour
vous concentrer sur la visée de cette petite boule blanche, mous-
tachue et velue qui trottine tranquillement sur le carrelage imma-
culé de votre cuisine et répondant au doux nom de mus domes-
ticus, car ce serait elle la responsable (vous pouvez toujours
essayer avec un char d’assaut, mais 1°) c’est beaucoup plus cher,
2°) ça fait plus de dégâts, 3°) c’est pas politically correct du tout
en ce moment). Et puis nous allons pouvoir, enfin, arrêter de
mâchonner du soja, car si les Japonaises font moins de cancers
du sein, cela serait dû au fait que les petits rongeurs qui peuplent
leur habitat, ou mus musculus, ne seraient pas porteurs du
génome contenant le MMTV (voisin du HMTV virus mis en
cause dans les cancers du sein), alors que celui-ci foisonne chez
nos rongeurs européens ! (Le Quotidien du Médecin).
Dans Médecine douce, à propos de jeûne alimentaire et cancer :
“C’est sans doute le seul enseignement utile qu’aient donné les
camps de concentration : très peu de cas de cancers ont été enre-
gistrés dans ces camps, et on a constaté la guérison spontanée de
cancers déjà suffisamment évolués pour avoir été diagnostiqués”
(par Goebbels ?) Y a de l’oxygène sur leur planète ? ? ?…
Vu dans Le Midi Libre : “seins soporifiques”… faites attention,
messieurs, si vous passez par Bogota, méfiez-vous des belles de
nuit aux décolletés vertigineux qui enduisent leurs seins de…
scopolamine et vous délestent de tous vos effets pendant que
vous rêvez (bien endormi) à des étreintes chimériques ! Mais
jusqu’où va se nicher la rouerie féminine ! ! (la convoitise mas-
culine, elle, c’est pas très compliqué…).
Rapporté par une vingtaine de quotidiens sous le titre “Députées
dénudées”, “Les seins siègent”, “Les dessous du Parlement”, etc.
l’initiative de 17 députées polonaises jouant les mannequins fort
décolletées, quand ce n’était pas seins nus, pour sensibiliser les
politiques et les hommes d’affaires à la lutte contre le cancer du
sein ! Succès total! Qui sait si l’électorat masculin des mairies de
Lille et d’Avignon n’aurait pas basculé différemment si les deux
candidates malheureuses avaient eu ce trait de génie… (cf. supra).
La palme d’or de la naïveté et de la crédulité revient incontesta-
blement à quatre Portugaises (qui devaient être, quand même,
légèrement “ensablées”) et qui n’ont pas hésité à se mettre torse
nu sur leur balcon après avoir reçu un coup de fil pseudo-médical
leur promettant une mammographie gratuite… par satellite…
jusqu’à ce qu’elles réalisent qu’elles faisaient le bonheur… d’un
voyeur ! Elles ont porté plainte, et on imagine sans effort
l’ambiance désopilante et l’hilarité totale qui a dû régner dans ce
commissariat ! (Le Nouvel Obs, L’Actu, Nice Matin, Le Répu-
blicain Lorrain, etc.).
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La Lettre du Sénologue - n° 17 - juillet/août/septembre 2002
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