« Être biologiste, c'est protéger les sales bestioles, car être biologiste, c'est être conscient de leur importance ». C'est beau, non ? Lorsque j'ai entendu cette phrase lors de mon premier cours de biologie, j'en ai presque eut la larme à l’œil. Mais force est de constater que non seulement certaines bestioles ne servent à rien, mais en plus elles enquiquinent et bousillent la vie des autres. Ils piquent vos ressources vitales sans aucune forme de respect. Avec ça, vous avez une superbe illustration de ce qu'est un parasite : une bête qui vit au dépend d'une autre. C'est-à-dire un être vivant dont la survie n'est possible que grâce à l'existence d'un autre être vivant, qui lui n'en a absolument pas besoin (à ne pas confondre, donc, avec une situation d'interdépendance, comme la symbiose). L'utilité des vers solitaires dans la nature reste encore à démontrer. Parlons des phthiraptères. Derrière ce nom barbare se cache l'un des plus grands fléaux du monde, celui qui ferait pâlir n'importe quelle institutrice de maternelle : le pou. Et comme ici on fait pas les choses à moitié, on ne va pas traiter que des poux de l'homme mais bien des poux en général. Qu'est-ce qu'un pou ? La première chose qu'il convient de faire quand on veut parler d'un être vivant, c'est de définir la famille à laquelle il appartient (sa phylogénie). Les biologistes ont pris l'habitude de classer les êtres vivants par rapport à leurs caractéristiques en commun : plus vous avez de caractères en commun avec une autre espèce, plus vous êtes proche d'elle. Les Phthiraptères sont des arthropodes, c'est-à-dire qu'ils possèdent, entre autres, des pattes articulées et un système nerveux ventral. Ils sont aussi des insectes : leur corps est composé de trois parties (tête, thorax, abdomen), et ils ont 6 papattes (comme les fourmis). Enfin, les poux sont, comme dit précédemment, des parasites. Et plus précisément, des bestioles qui ne vivent que sur les parties externes de leurs hôtes : des ectoparasites (par opposition aux endoparasites, qui vivent dans vos bides, comme nos amis les vers solitaires). Il existe une très grande panoplie de poux, mais si l'on s'arrête quelques secondes sur l’étymologie du terme «phthiraptère», on comprend que nos bestioles partagent tous une même caractéristique : ils sont dépourvus d'ailes (phteir-aptera : pou-sans ailes !). Ce qui est souvent source de discriminations au sein des insectes Il existe deux grandes familles de poux, que l'on distingue grâce à leur mode de nutrition (suceurs ou masticateurs) : les Anoplures et les Mallophages. Ces derniers étant eux-mêmes divisés en trois familles aux noms imprononçables : les Amblycera, les Ischnoceras et les Rhyncophthirinas. Ça fait beaucoup de familles tout ça, on se croirait dans Game of Thrones Poux suceur (Anoplures) : Le pou suceur est le pou par excellence des mammifères : on en recense près de 540 espèces, dont ceux de l'Homme ! Selon les espèces et au stade adulte, il a une taille comprise entre 0,5 et 8 mm. Il a 6 pattes dotées d'une griffe leur permettant de s'accrocher fermement aux poils et cheveux de leur hôte. Il possède une tête bien plus étroite que son thorax : lorsque tu étais enfant et que tu t'amusais à faire un bonhomme de neige, tu faisais bien en sorte que tes trois boules soient de largeurs différentes, que tu superposais ensuite ? Il n'est pas aussi gros qu'un bonhomme de neige et lui ressemble encore moins, mais c'est un bon moyen de le visualiser. Poux Masticateurs (Mallophages) : Chez le bon vieux pou masticateur, la taille peut varier entre 0,8 et 11 mm (il est donc un rikiki plus grand que son compère). Les femelles sont plus large de 20 % que les mâles. La plupart des espèces des Amblyceras et des Ischnoceras sont des poux que l'on trouve sur les oiseaux, tandis que les Rhyncophthirinas sont des poux que l'on trouve chez les éléphants, les phacochères et les potamochères (donc sur des mammifères). Je comptais vous dessiner un potamochère mais vu le tête du machin, vous ne m’auriez jamais cru. Les poux masticateurs ont pour la plupart des têtes qui sont aussi large que le reste de leur corps, ce qui permet à ces poux d'acquérir un meilleur accrochage aux plumes des oiseaux lors du vol mais aussi une plus grande résistance face aux pansages de leur hôte. La taille de la tête par rapport au thorax est un moyen simple de différencier poux suceurs et masticateurs. Leur thorax supporte une partie du système respiratoire et trois paires de pattes, dont chacune est constituée de deux griffes. Ce thorax, il est composé de trois parties chez les Amblyceras, et de deux chez les Ischnoceras (dû à une fusion entre deux de ces parties). Les Amblyceras possèdent des antennes en quatre parties, contrairement aux Rhyncophthirinas qui eux sont dotés de d’antennes en trois parties. Ischnoceras et Maintenant, vous êtes franchement calé sur les différents types de poux, je suis sûr que vous pourrez briller en société, avec de telles anecdotes. Parler des poux durant un rencard fais toujours très bonne impression S'il y a une chose à retenir, c'est que nos amis les poux sont morphologiquement et physiologiquement adaptés aux êtres qu'ils parasitent et à leur micro-environnement, grâce à une accumulation d’adaptations. Ce constat, il est possible pour tous les parasites, et c'est ce qui les rend aussi coriaces. On trouve des poux qui sont plus agiles que d'autres, capables de se déplacer très vite sur la peau de leurs hôtes, et d'autres, plus larges, aptes à glisser entre les plumes. Selon une étude publiée dans le Journal Of Parasitlogy (oui, il existe des journaux spécialisés dans le parasitisme), on a plus de chance de rencontrer des poux masticateurs dans la nuque, la tête, le dos et les ailes des oiseaux. De même, les poux vont être différents selon les mammifères, ou encore les régions qu'ils parasitent : par exemple, le poux crabe (pthirus pubis pour les intimes) est un parasite de l'homme, qui vit dans la région pubienne, est moins rapide que le poux de tête. Avec une vitesse de pointe de 0,5 cm/s, le poux de tête est un peu le Usain Bolt des poux Mode de vie Nourriture Alors que certains groupes de poux se nourrissent exclusivement de sang (Anoplures et Rhyncophthirinas), d'autres aiment avoir une alimentation plus équilibrée, et, si boire du sang ne leur est pas désagréable, ils préféreront se nourrir des particules (à savoir de très ragoûtantes peaux mortes, entre autres) émises lors du grattage des plumes, qu'ils effectuent grâce à leur mandibules (la plupart des Mallophages sont concernés). Un peu comme chez l'homme, la morphologie interne des poux est dominée par le système digestif : œsophage, intestin, rectum. Mais ce tube digestif, il est aussi composé d'organes propres aux insectes, comme le mésentéron (permet la digestion des aliments) ou le jabot (poche entre l’œsophage et le gésier). Le jabot est plus ou moins grand selon le type d'alimentation : si c'est du sang, il va être très peu développé, tandis que si c'est de la peau, il sera large et développé. Les mandibules des mangeurs de peau permettent de couper ces particules, donc de les mâcher. Une fois mâché, elles vont être poussé vers la cavité pré-orale et être ensuite avalé. Les buveurs de sang possèdent des pièces buccales adaptées au fait que leur aliment principal soit le sang. Chez les Rhyncophtirinas ces mandibules vont couper la peau de leur hôte afin de provoquer un saignement leur permettant de se nourrir, et chez les Anoplures, ces pièces buccales sont acérées, donc pointues et tranchantes, afin de pouvoir percer la peau et sucer le sang. Les poux sont des petits Dracula ambulant Ces poux peuvent sucer une quantité de sang allant jusqu'à trois fois leur poids et ce, chaque heure. Ils ne peuvent pas survivre s'ils ne se nourrissent pas pendant deux jours. Et trois fois son poids, ça fait beaucoup. Reproduction : Les poux ont un appareil génital large et complexe. Les mâles Amblyceras possèdent trois paires de testicules alors qu'on en trouve deux paires chez les autres. Les femelles possèdent des ovaires contenant des œufs pouvant être à des stades différents de développement. Lors de l'accouplement (qui dure jusqu’à 4 heures), le mâle va déposer son spermatophore, une capsule contenant le sperme, qui pourra être utiliser par la femelle jusqu’au prochain accouplement. Et niveau accouplements, ils ne chôment pas : un mâle peut s’accoupler avec 18 femelles à la suite, et sans boisson énergisante. Une femelles enceinte va sélectionner des zones où la température sera propice aux développement des ses œufs, et surtout une zone où ils seront à l’abri. Ainsi, le pou humain colle ses œufs à la base de nos cheveux, tandis que celui du mouton dépose sa progéniture à 6 millimètres de la peau de l’hôte. Les poux masticateurs auront tendance à déposer leurs œufs sur les cous ou entre les bases des plumes de leurs hôtes. Les nouveaux nés passeront par trois stades avant d'atteindre le stade adulte, et ce, en seulement deux semaines. La mue fait office de transition entre les trois phases de développement Un pou humain adulte peut produire près de six œufs par jour, tandis que ceux qui parasitent les animaux du bétail peuvent produire deux œufs par jour. Sachant qu'un pou adulte peut vivre 1 mois, il a la possibilité de pondre près de 300 œufs au cours de sa vie. C'est un rythme à tenir ! On dégage ici une nouvelle caractéristiques des poux, et des parasites en général : leur nutrition, et leur mode de reproduction, sont adaptés à leur hôte, les rendant dépendant. Les générations de poux on ainsi dû s’adapter, au cours de l’évolution, a des hôtes hostiles à leur survie : ils sont dépendants de leur plus grand ennemi. N’est-ce-pas poétique ? Résistance Au fil des millions d’années d’évolution, nos amis les phthiraptères ont su développer une résistance extrême face aux conditions climatiques. Bien que les poux n'aiment pas les variations de température, tant que ces derniers sont en contact avec la peau de leur hôtes, ils peuvent survivre à des températures comprises entre 90°C et -110°C. Oh, vous pouvez essayer de les noyer : ils sont capable de créer une bulle d'oxygène afin de survivre sous l'eau : le record d’apnée d'un pou est de 18h. Dans les années 90, des scientifiques ont découvert une nouveau type de pou, capable de résister aux produits insecticides que nous utilisions pour nous en débarrasser. Et c’est ça qui est assez terrible avec ces parasites : ils ont toujours une longueur d’avance, et si on veut un jour s’en débarrasser définitivement, il va falloir être très inventif. L'hypothèse selon laquelle les poux seraient des cyborgs venus du futur convainc de plus en plus de chercheurs. A creuser. Comme vous pouvez vous en douter, il y a de nombreuses recherches sur le sujet. Après avoir étudié la morphologie des poux de l'homme en particulier, des chercheurs ont réussi a mettre au point des shampoings ayant la capacité de boucher les spiracles que l'on trouve sur leur corps, les empêchant de respirer. Une superbe occasion pour créer des mutants qui respirent par les fesses. Conclusion Les poux sont des parasites redoutables. Qui aurait cru que de si petites choses pouvaient avoir la capacité de pourrir notre vie, et celle d'autres animaux. Maintenant, vous savez que nos 4 « grandes » familles de poux ont le même objectif : SURVIVRE, et ce, au détriment des hôtes qu'ils envahissent. Bien qu'ils ne dépassent pas les 15 mm, ce sont des bêtes dotées d'une morphologie complexe et développée. Et, comme si c’était pas suffisant, ils sont des machines de guerre sur patte, se reproduisant à une vitesse folle, et dotées d'une résistance sur-développée Le meilleur conseil que nous pouvons vous donner, c’est de ne pas vous en approcher. Sources / Bibliographie : Image du potamochère : https://fr.wikipedia.org/wiki/Potamoch%C3%A8re (libre de droit). Johnson, K. P., & Clayton, D. H. (2003). The biology, ecology, and evolution of chewing lice. Illinois Natural History Survey Special Publication, 24, 449476. M. J. Lehane(2005) . The Biology of Blood-Sucking in Insects. 2nd Edition. TRIVEDI M. C., RAWAT B. S. and SAXENA A. K. 1991. The distribution of lice (Phthiraptera) on poultry (Gallus domesticus). International Journal for Parasitology 21: 247249. Jessica E Light, Vincent S Smith, Julie M Allen, Lance A Durden, David L Reed (2010). Light et al.: Evolutionary history of mammalian sucking lice (Phthiraptera: Anoplura). BMC Evolutionary Biology 10:292. On n'est pas que des cobayes #cobayesf5 (2014). Les poux sont-ils invincibles ?. France 5 , vidéo youtube : https://www.youtube.com/watch?v=KIJM1P7PMYc&ab_channel=Onn %27estpasquedescobayes Recherche d’information et synthèse : Anissa Bendifallah. Co-écriture de l’article : Anissa et Tristan Grausi. Illustrations et mise en page : Tristan. Codage : Anissa.