Dossier thématique Les anévrismes de l’aorte abdominale (AAA) Coordonné par Pierre Julia (Service de médecine vasculaire hôpital Georges-Pompidou, Paris) Scanner d’AAA montrant le thrombus endoanévrysmal. I Dossier thématique Les anévrismes de l’aorte abdominale (AAA) Pierre Julia* Épidémiologie Il semble exister une augmentation de fréquence des AAA dans la population des pays industrialisés et en particulier dans la population âgée. Les chiffres de décès liés à un AAA sont en augmentation dans de nombreux pays, en particulier aux États-Unis, mais aussi en Grande-Bretagne, au Danemark et en Australie. Dans une étude de la Mayo Clinic, il est fait état d’une augmentation d’un facteur 7 de l’incidence des AAA, passant L ’anévrisme aortique se définit comme une dilatation aortique avec perte du parallélisme des bords et augmentation du diamètre aortique de plus de 50 % par rapport au diamètre de l’aorte saine en amont de cette dilatation. Sa prévalence dans la population générale a augmenté ces dernières années, au moins partiellement du fait, d’une pratique plus répandue du dépistage systématique en particulier par échographie-doppler. La plupart des anévrismes de l’aorte abdominale (AAA) sont totalement asymptomatiques et leur histoire naturelle est restée un sujet de controverse en particulier en ce qui concerne leur risque de rupture qui était estimé de façon globale à environ 6 % par an, mais qui dépend essentiellement de leur diamètre maximal. La chirurgie conventionnelle est représentée essentiellement par la mise à plat-greffe effectuée selon des modalités variables. Le traitement endovasculaire développé depuis 1991 repose sur l’utilisation d’ endoprothèses aortiques qui ont démontré leur faisabilité, mais dont le bénéfice réel pour le patient demande encore à être précisé. Enfin le traitement des anévrismes rompus reste décevant, la chirurgie conventionnelle fait état de quelques progrès, mais avec une mortalité encore très élevée, le traitement endovasculaire en est encore à ses débuts, mais les premières expériences font penser qu’il pourrait s’agir de la méthode de choix quand elle est réalisable. II de 4,7 pour 100 000 dans les années 1950, à 32 pour 100 000 à la fin des années 1970. Le sex-ratio est variable de 3 à 8 hommes pour une femme, mais la prédominance masculine est une constante remarquable de toutes les études. L’âge est aussi un facteur influençant notablement l’incidence des AAA : de 83 pour 100 000 chez l’homme de 50 à 60 ans, celle-ci atteint 500 pour 100 000 chez l’homme de plus de 80 ans. Le sex-ratio diminue avec l’âge, mais la prédominance masculine reste significative. Il existe également une prévalence plus importante des AAA chez les sujets de race blanche comparés aux sujets de race noire, cette différence étant surtout nette chez les sujets de sexe masculin. L’augmentation de la fréquence observée des AAA pourrait être due en partie à l’amélioration des outils diagnostiques et en particulier l’échographie-Doppler, cela étant particulièrement vrai pour les petits anévrismes asymptomatiques non compliqués. Il semble cependant que la prévalence des anévrismes plus volumineux et compliqués soit, elle aussi, en augmentation, puisque la mortalité standardisée, liée à un AAA, a augmenté de façon majeure entre les années 1950 et les années 1980. Tout cela pouvant faire conclure à une augmentation vraie de l’incidence des AAA. Au cours de ces dernières Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 3, juillet/août/septembre 2002 années, de nombreuses études de dépistage ont été publiées, qui ont permis de mieux évaluer l’incidence épidémiologique des AAA. Ces études reposent principalement sur l’échographieDoppler. Elles ont surtout permis de mettre en évidence des différences notables en rapport avec le diamètre anévrismal. En effet, chez les hommes de 60 à 70 ans, on retrouve un très petit AAA (2,5 à 3 cm) chez 5 à 9 % de la population. Un anévrisme clinique de 5 cm de diamètre et plus n’est retrouvé que dans 0,5 à 1,5 % de la population. Les petits anévrismes (3,5 à 4 cm) sont retrouvés dans 1,5 à 4 % de cette population. De plus, une étude anglaise récente a montré le bénéfice d’une mesure unique du diamètre de l’aorte abdominale à l’âge de 65 ans. En utilisant comme valeur seuil 3 cm de diamètre, cette étude a montré que cette mesure unique permettait d’évaluer les patients qui seront à risque dans les dix ans à venir et qui doivent bénéficier de contrôles par échographiedoppler régulièrement. Une étude danoise a montré, sur plus de 12 000 patients, le bénéfice du dépistage systématique des AAA dans une population d’hommes âgés de 65 à 73 ans. Le dépistage semble efficace en permettant une réduction de la * Service de médecine vasculaire, hôpital Georges-Pompidou, Paris. Dossier thématique mortalité hospitalière des AAA et apparaît comme un moyen rentable de réduire les coûts liés à cette mortalité. Des résultats comparables ont été publiés récemment au Royaume-Uni sur une population plus réduite (6 058 patients). Un point important souligné dans cette dernière étude était le fait que le bénéfice du dépistage était largement dépendant de la compliance des patients aux examens avec près de 80 % des décès du groupe contrôle attribuables au refus des patients de passer la première échographie ou à leur inobservance du suivi du protocole. D’autres études ont souligné l’intérêt de dépister les patients de sexe masculin, jumeaux d’un patient porteur d’un AAA. En revanche, le dépistage systématique des AAA dans la population féminine ne semble rentable ni cliniquement ni économiquement. Les facteurs de risque des AAA ont longtemps été source de controverses multiples. L’étude ADAM (Aneurysm Detection and Management) a permis de mieux les préciser : parmi eux, le tabagisme est le plus fortement corrélé à un AAA de plus de 40 mm de diamètre. L’association entre AAA et tabagisme croît avec le nombre d’années d’intoxication. À l’opposé, le sexe féminin, la race noire et la présence d’un diabète sont corrélés négativement avec la présence d’un AAA. Les facteurs familiaux sont for- tement influents mais étaient présents chez seulement 5 % des participants ; ils ont donc une influence individuelle forte, mais une influence réduite à l’échelle d’une population. D’autres facteurs, tels l’âge, la présence d’une atteinte coronarienne, d’une atteinte athéromateuse de n’importe quel territoire, d’une hypercholestérolémie et d’une hypertension ont été corrélés positivement avec la présence d’un AAA, mais de façon moins importante. Quoi qu’il en soit, tous les anévrismes dépistés ne doivent pas systématiquement être traités rapidement. En effet, en dehors des complications évolutives, telles un syndrome de compression de voisinage ou des accidents emboliques, la principale complication est la rupture, et celle-ci survient dans un délai très variable en fonction de la taille anévrismale. Le risque de rupture a été évalué en fonction de la taille depuis plusieurs années : faible pour les AAA inférieurs à 5 cm, atteignant 9 et 12,5 % par an respectivement sur des modélisations pour des diamètres respectifs de 6,5 et 7,5 cm. Les études récentes sur les petits anévrismes effectuées au Royaume-Uni et dans les Veterans Hospitals aux ÉtatsUnis ont permis d’affiner singulièrement ces modèles. En effet, dans ces études, le risque annuel de rupture des AAA inférieurs à 5,5 cm de diamètre était de l’ordre de 1 %. À l’inverse, le suivi de patients inopérables ou ayant refusé l’intervention, récemment rapporté par l’équipe des “Veterans”, conclut de façon formelle à un risque de rupture évoluant exponentiellement avec le diamètre : 9,4 % par an pour des diamètres compris entre 5,5 et 5,9 cm, 19 % par an pour des diamètres compris entre 6,5 et 6,9 cm et 32 % par an si le diamètre est supérieur ou égal à 7 cm. L’étude anglaise sur les petits anévrismes publiée en 1998 dans le Lancet a porté sur plus de 1 000 patients randomisés entre 1991 et 1995. Avec un suivi de plus de 4 ans et une mortalité opératoire de 5,8 %, cette étude n’a pas mis en évidence de différence de mortalité entre le groupe des opérés et le groupe suivi par échographie à tous les intervalles de temps considérés. La conclusion de cette étude fut l’absence de bénéfice apporté par une chirurgie précoce pour le groupe des anévrismes compris entre 4 et 5,5 cm de diamètre. À noter que parallèlement les auteurs ont suivi des patients porteurs d’anévrismes plus larges et n’ayant pas été opérés : leur conclusion est clairement en faveur d’une augmentation considérable du risque de rupture lorsque le diamètre anévrismal dépasse 6 cm. Au mois de mai 2002 sont parus dans le même numéro du New England Journal of Medicine deux articles complémentaires sur le même thème. Le premier rapporte les résultats de l’étude ADAM III Dossier thématique sur la survie relative de deux groupes de patients opérés précocement ou surveillés tous les six mois par échoArtériographie de l’aorte abdomi- graphie-Doppler. Malgré une nale anévrysmale. mortalité opératoire faible de 2,7 %, aucun bénéfice en termes de survie ne fut mis en évidence dans le groupe opéré par rapport au groupe surveillé. Ces résultats étant remarquablement parallèles à ceux de l’étude anglaise de 1998. Le deuxième article rapporte les résultats à long terme de cette même étude anglaise avec un suivi de huit ans. La stabilité des résultats obtenus est remarquable avec encore une fois une survie moyenne comparable dans les deux groupes. Il faut noter cependant que la mortalité globale à huit ans fut inférieure dans le groupe des opérés, et qu’une des raisons possibles pour expliquer cette différence était un meilleur contrôle des facteurs de risque et en particulier l’arrêt de l’intoxication tabagique dans le groupe des patients opérés précocement. Au total, ces études montrent que la surveillance des anévrismes inférieurs à 5,5 cm de diamètre est une attitude fournissant des résultats équivalents de ceux de la chirurgie précoce à condition d’assurer un suivi parfait des patients par échographie-Doppler biannuelle. La cure chirurgicale peut cependant être proposée en particulier chez les femmes ou chez les patients désirant fortement se faire opérer et sous couvert d’une excellente espérance de vie. Les IV équipes chirurgicales doivent avoir des résultats plus que corrects avec, en particulier, une mortalité nettement inférieure à 5 %. Une remar-que cependant est la forte proportion des patients qui, avec le temps, rejoignent le groupe chirurgical (80 % si le diamètre initial de l’anévrisme était compris entre 5 et 5,5 cm). Ce fait traduit simplement l’évolution naturelle des AAA. Les indications opératoires de la majorité des équipes chirurgicales ne vont pas être radicalement modifiées par ces résultats : en effet, aujourd’hui, nous opérons les patients pour des anévrismes de diamètre égal à 5 cm ou plus. La grande majorité de ces anévrismes atteindront la valeur fatidique de 5,5 cm au cours de l’année suivante ; il semble donc licite de proposer à ces patients un traitement chirurgical relativement rapide. Circonstances de découverte des anévrismes Il peut s’agir de complications plus ou moins bruyantes : embolie artérielle, compression urétérale, syndrome douloureux abdominal, dysphagie. Rarement, c’est la palpation d’une masse battante abdominale par le patient lui-même ou un praticien. Le plus souvent actuellement, les AAA sont découverts fortuitement lors d’examens pratiqués pour d’autres causes. Il peut s’agir de causes cardiovasculaires : Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 3, juillet/août/septembre 2002 échographie-Doppler aortique demandée pour le bilan d’une autre atteinte athéromateuse coronarienne ou carotidienne. Il s’agit également souvent d’une échographie abdominale ou prostatique pour des pathologies abdominales ou urologiques ; ou d’un scanner du rachis lombaire lors d’un bilan pour lombalgies. En fonction de la taille du diamètre maximal mesuré lors de ce premier examen morphologique, l’une des deux attitudes suivantes est adoptée : surveillance échographique régulière ou bilan préopératoire rapide. Bilan préopératoire d’un anévrisme de l’aorte abdominale Lorsque la décision d’intervenir a été prise, un double bilan est nécessaire : général du patient et morphologique de l’anévrisme. Le bilan général doit comporter l’étude des autres territoires artériels touchés potentiellement par l’athérome : essentiellement les coronaires et les troncs supra-aortiques. En ce qui concerne les coronaires, il n’y a pas de consensus général sur les examens nécessaires en préopératoire. Chez les patients symptomatiques cliniquement ou avec des signes électrocardiographiques d’atteinte coronaire, la coronarographie sera systématique. Chez les patients asymptomatiques, certaines équipes, comme la nôtre, sont favorables à la corona- Dossier thématique rographie systématique, doublée dans les cas difficiles d’une épreuve d’ischémie myocardique type scintigraphie ou plutôt actuellement échographie-dobutamine. Pour d’autres, ce sont les épreuves d’ischémie myocardique qui sont faites en première intention et la coronarographie n’est pratiquée qu’après les résultats positifs de la première épreuve. Le but de ce dépistage de lésions coronariennes n’est pas tant une réduction du risque périopératoire d’événements myocardiques qu’une amélioration de la survie à moyen et long termes de ces patients. En effet, l’étude de la survie des patients opérés d’AAA montre que les événements cardiaques sont responsables de plus du tiers des décès lors du suivi. En ce qui concerne les troncs supra-aortiques, la pratique d’une échographie-Doppler est systématique en préopératoire afin de dépister une sténose carotidienne interne serrée (supérieure à 70 %), dont la cure chirurgicale pourra être nécessaire soit avant, soit pendant le geste sur l’anévrisme. Parmi les autres examens complémentaires nécessaires, les épreuves fonctionnelles respiratoires sont essentielles et devront conduire à faire pratiquer des séances de kinésithérapie respiratoire préopératoires. L’utilité de celles-ci a été démontrée avec pour conséquence principale une réduction du temps d’intubation postopé- ratoire des patients insuffisants respiratoires. Un bilan biologique standard aura surtout pour but de dépister une insuffisance rénale préopératoire pouvant limiter les examens complémentaires iodés, et dont on sait qu’elle est un facteur aggravant du pronostic. Le bilan morphologique de l’anévrisme repose sur l’échographie initialement, mais la référence actuelle est la tomodensitométrie. Les scanners multibarettes actuels permettent l’acquisition de très nombreuses images en des temps très courts et d’effectuer des reconstructions très précises. Ils nécessitent cependant une irradiation et l’injection de produit de contraste iodé. L’angio-IRM est en cours d’évaluation pour les bilans d’anévrismes ; elle ne nécessite pas de produits iodés et n’entraîne pas d’irradiation, mais elle est très peu performante sur les calcifications et n’est pas aussi disponible que les scanners. L’artériographie est aujourd’hui de moins en moins utilisée ; elle permet cependant de visualiser parfaitement les artères rénales, les artères digestives, les lombaires et les iliaques. De plus, actuellement, elle est l’examen le plus fiable pour effectuer les mesures précises de longueur des collets et des segments artériels nécessaires quand on évoque la possibilité de traitement endovasculaire par mise en place d’une endoprothèse aortique. C’est dans ces cas que le bilan morphologique doit être le plus précis, et parmi les critères nécessaires, on retiendra surtout l’existence d’un collet sous-rénal d’au moins 15 mm de long, faisant un angle de moins de 40 ° avec l’axe aortique, peu calcifié, et ne contenant pas de thrombus. Le deuxième critère incontournable, avec les endoprothèses commercialisées actuellement, est l’existence d’artères iliaques larges avec tortuosités et calcifications réduites. Le bilan morphologique avant chirurgie conventionnelle peut être plus limité et réduit à un scanner ou à une IRM seule. Les points importants à connaître en préopératoire sont le nombre et la topographie des vaisseaux rénaux, l’existence éventuelle d’anomalies veineuses rénales ou caves et l’état des artères iliaques pour prévoir à l’avance le geste probable qui sera réalisé. Le traitement des anévrismes de l’aorte abdominal est aujourd’hui partagé entre la mise à plat-greffe chirurgicale et le traitement endovasculaire par mise en place d’endoprothèses réalisant l’exclusion du sac anévrismal. La mise à plat-greffe C’est le traitement classique réalisé initialement par voie xypho-pubienne et actuellement de plus en plus par voie mini-invasive, voire totalement laparoscopique. Après contrôle et clampage de l’aorte sous-rénale et des artères iliaques, l’anévrisme est ouvert longitudinalement et les caillots sont évacués. Les reflux sanguins prove- V Dossier thématique nant des artères lombaires et de l’artère mésentérique inférieure sont aveuglés par des sutures. Une prothèse tubulaire ou bifurquée est ensuite anastomosée en mode termino-terminal sur l’aorte sous-rénale en haut et sur la bifurcation aortique en bas ou bien sur les artères iliaques ou fémorale selon l’état des artères iliaques primitives et externes. Une fois l’étanchéité des sutures confirmée, les clamps sont enlevés et la poche anévrismale refermée sur la prothèse vasculaire. Les résultats de cette chirurgie sont excellents dans les publications des centres spécialisés avec des mortalités entre 1 et 4 %. Les études de population plus larges font état de résultats moins brillants, avec des mortalités comprises entre 5 et 10 %. Les principaux facteurs de risque de mortalité périopératoire sont actuellement : une insuffisance respiratoire cardiaque ou rénale préopératoire et la survenue d’une hémorragie ou d’une ischémie colique postopératoire. L’expérience du chirurgien et le volume opératoire du centre sont aussi des facteurs reconnus, ce qui explique la disparité des chiffres cité ci-dessus. La morbidité de cette chirurgie n’est pas nulle avec, en particulier, la possibilité de survenue d’une décompensation respiratoire postopératoire nécessitant une ventilation prolongée et la survenue d’une insuffisance VI rénale nécessitant des séances de dialyse transitoire, voire définitive. Les résultats à moyen et long termes de cette chirurgie sont cependant très bons avec des survies de 75 % à 5 ans et de 50 % à 10 ans, les principales causes de décès à distance étant d’origine cardiaque ou néoplasique. Les complications tardives liées à la prothèse vasculaire sont très rares sont dominées par les faux anévrismes anastomotiques et les fistules prothétodigestives. Le suivi morphologique d’un malade opéré d’un AAA se résume principalement à un examen échoDoppler annuel pour vérifier le maintien de la qualité du résultat obtenu et l’état du lit artériel d’aval. Actuellement, de nombreuses équipes réalisent cette intervention par voie mini-invasive en limitant la longueur des incisions et en s’aidant des technologies de vidéochirurgie. Les résultats sont en faveur d’une réduction de la douleur postopératoire et de la durée d’hospitalisation, mais aucune étude randomisée n’a été publiée à ce jour. La technique totalement laparoscopique est difficile et nécessite un apprentissage long et, encore actuellement, une augmentation substantielle des temps de clampage pour réaliser les anastomoses. Elle reste aujourd’hui en expérimentation dans certains centres spécialisés. Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 3, juillet/août/septembre 2002 Le traitement endovasculaire par mise en place d’endoprothèses Depuis les premières expériences de Parodi en 1991, les endoprothèses aortiques se sont développées très vite et ont évolué pour répondre aux besoins très particuliers de cette technique. Le principe général est l’exclusion du sac anévrismal de la circulation sanguine au moyen d’une endoprothèse constituée d’un treillis métallique recouvert d’une mince enveloppe de tissu : dacron ou PTFE. L’étanchéité est obtenue au niveau du collet sous-rénal et le plus souvent au niveau des iliaques primitives par application de la prothèse sur la paroi artérielle saine. Les différentes endoprothèses utilisées nécessitent un abord chirurgical d’une ou des deux artères fémorales communes aux Scarpa. Les prothèses le plus souvent utilisées sont de type modulaire, c’est-àdire composées de deux parties : une pièce principale comportant le corps prothétique et un jambage, d’une part, un jambage controlatéral, d’autre part. La mise en place s’effectue en deux étapes : montée de la pièce principale sous les artères rénales et largage de celleci, le moignon du jambage controlatéral s’ouvre librement dans le sac anévrismal. La deuxième étape comprend le cathétérisme de ce moignon par voie contro- Dossier thématique latérale, puis la montée et le largage du jambage controlatéral. Le temps moyen de procédure est très variable selon les difficultés techniques rencontrées : il peut varier de 70 minutes à plusieurs heures. Cette procédure peut s’effectuer sous anesthésie générale, mais aussi sous anesthésie locorégionale, voire locale. La faisabilité de cette technique n’est plus à démontrer, et le nombre d’endoprothèses posées ces dernières années n’a fait qu’augmenter. Le succès technique primaire, défini comme la mise en bonne place de l’endoprothèse est actuellement atteint dans plus de 90 % des cas en respectant les conditions et les contre-indications anatomiques et en pratiquant un “sizing” parfait de l’anévrisme et de l’endoprothèse en préprocédure. Le plus souvent les suites immédiates sont très simples et les patients peuvent regagner leur domicile dans les jours suivant la mise en place de la prothèse. La morbidité immédiate n’est cependant pas nulle, les complications les plus fréquentes sont : locales aux Scarpa, une insuffisance rénale surtout si celle-ci est préexistante, ischémiques aux membres inférieurs, des manifestations d’insuffisance coronarienne, une ischémie colique en particulier si une ou les deux artères hypogastriques ont été sacrifiées. Les complications artérielles graves sont devenues rares : mauvaise position de l’endoprothèse, couverture d’une artère rénale, lésions artérielles iliaques, voire rupture aortique. Elles étaient dues essentiellement à une mauvaise appréciation des mesures artérielles en préprocédure. Le suivi repose sur l’examen clinique : les battements doivent disparaître au niveau de l’anévrisme lui-même, mais surtout sur les examens morphologiques qui devront être répétés régulièrement et indéfiniment. • Les clichés d’abdomen sans préparation : ils permettent de surveiller le squelette métallique de l’endoprothèse, le maintien de son intégrité au cours du temps et l’absence de déformation à son niveau. C’est aujourd’hui le meilleur examen pour détecter les ruptures de stent dues aux forces de contrainte qui s’appliquent sur l’endoprothèse. • L’échographie-Doppler : examen non invasif et non irradiant, il permet de surveiller le diamètre anévrismal et ses modifications au cours du temps. Grâce à la couleur, la détection de fuites endoanévrismales ou endofuites est possible. Il reste cependant moins performant que le scanner. • Le scanner abdominal sans et avec injection de produit de contraste est aujourd’hui le meilleur examen de contrôle des endoprothèses aortiques. Malgré l’irradiation et la néphrotoxicité des produits de contraste, il doit être pratiqué tous les six mois initialement, puis une fois par an au minimum en cas d’évolution favorable, plus souvent devant la survenue de complications. Il permet la mesure précise des différents diamètres anévrismaux, en particulier antéropostérieur et transversal, et leur évolution dans le temps. Il visualise parfaitement l’endoprothèse au sein du sac anévrismal et le positionnement des jambages. Aux temps tardifs, il est actuellement le meilleur moyen de détecter des endofuites. Endoprothèse aortique abdominale. Celles-ci ont été classées en quatre types : Type I : ces fuites, survenant au niveau des collets aortique ou iliaques, sont donc proximales ou distales ; elles n’ont aucune tendance à la disparition spontanée et nécessitent un geste de correction le plus souvent endovasculaire : angioplastie pour mieux appliquer l’endoprothèse sur la paroi artérielle ou le plus souvent mise en place d’une endoprothèse supplémentaire en pont pour assurer l’étanchéité. Type II : ces fuites par réinjection sont liées à la perméabilité persistante d’artères lombaires et/ou de l’artère mésentérique inférieure. Très fréquentes en postprocédure immédiate (jusqu’à 30 % des cas), elles n’auraient pas pour certains le même effet délétère que les autres types. Elles sont traitées par voie endovasculaire en réalisant des embolisations hyper-sélectives des artères concernées. Type III : ces fuites sont liées à l’endoprothèse ellemême. Elles sont dues à une dégradation de l’enveloppe VII Dossier thématique de dacron ou de PTFE, ou à une disjonction entre deux composants : corps principal et jambage, par exemple. Leur traitement peut souvent être réalisé par voie endovasculaire au prix de la mise en place d’endoprothèses supplémentaires, mais parfois une conversion chirurgicale est nécessaire. Type IV : ce type de fuite très particulier est lié à la minceur des matériaux employés pour la constitution des endoprothèses et à leur porosité. Importantes initialement pour certains types de dacron, et considérées comme nulles pour le PTFE, elles évolueraient spontanément vers la disparition dans l’immense majorité des cas. Le but du traitement des anévrismes est de faire disparaître le risque de rupture. Celui-ci est lié au diamètre anévrismal et à son augmentation progressive au cours du temps. Dans plus d’un tiers des cas après mise en place d’endoprothèse, on note une réduction progressive des diamètres anévrismaux avec parfois une quasi-disparition de l’anévrisme, la paroi aortique venant se collaber contre les parois de l’endoprothèse. Dans ces cas extrêmement favorables, l’efficacité du traitement est certaine, et une simple surveillance annuelle par scanner est suffisante. Dans plus de la moitié des cas, les diamètres anévrismaux ne changent quasiment pas et on peut considérer que la croissance anévrismale a été stoppée par la mise en place de l’endoprothèse. Une surveillance régulière est cependant nécessaire car une dilatation progressive au niveau des collets peut survenir, en particulier au niveau proximal, pouvant conduire à l’apparition de fuites secondaires. Enfin, dans 10 % des cas environ, malgré l’absence de toute fuite visible, l’anévrisme continue à augmenter de volume. Ce phénomène est dû au maintien d’une pression trop importante à l’intérieur du sac anévrismal et a reçu le nom d’endotension. Sa cause principale serait la persistance de communications entre le sac anévrismal et les vaisseaux afférents (lombaires et mésentérique inférieure) par l’intermédiaire de thrombus. Ces caillots empêcheraient la survenue d’une fuite visible mais pourraient transmettre la pression systémique au thrombus endoanévrismal et ainsi à la paroi de l’anévrisme. Le risque de rupture n’est bien sûr pas prévisible chez ces patients, et une conversion chirurgicale est nécessaire. Au total, aujourd’hui, on peut considérer que le traitement endovasculaire des anévrismes de l’aorte abdominale est réalisable dans de bonnes conditions anatomiques chez environ 60 % des patients présentant cette pathologie. Les avantages de cette méthode sont bien définis : meilleur confort pour le patient et réduction de la morbimortalité immédiate par rapport à la chirurgie conventionnelle. Les VIIILe Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 3, juillet/août/septembre 2002 inconvénients sont cependant non négligeables : nécessité d’une surveillance lourde poursuivie indéfiniment, absence de critères permettant d’affirmer une prévention définitive du risque de rupture car, dans les grandes séries type EUROSTAR, le risque de rupture annuelle est d’environ 1 %, ce qui est à peu près le risque spontané pour la taille des anévrismes traités. Les indications sont donc difficiles à poser, et les recommandations de l’AFSSAPS sont les suivantes : âge supérieur à 65 ans et existence d’au moins un critère de comorbidité important de la chirurgie conventionnelle. En pratique, une insuffisance respiratoire majeure, une insuffisance cardiaque grave ou un abdomen hostile représentent actuellement les meilleures indications en respectant bien sûr les contraintes anatomiques de la méthode et en particulier la qualité du collet sous-rénal. Les ruptures d’anévrisme de l’aorte abdominale Les principaux facteurs de risque de rupture d’un AAA sont en premier lieu la taille, les autres facteurs moins importants sont le sexe féminin, le tabagisme, une hypertension artérielle et une altération de la fonction respiratoire. Ces facteurs sont retrouvés dans la plupart des grandes séries Dossier thématique d’AAA rompu. Concernant la physiopathologie de la rupture, de nombreuses inconnues persistent, avec en particulier le rôle exact du thrombus intra-anévrismal. On a longtemps pensé qu’il avait un effet protecteur purement mécanique en diminuant la tension pariétale au niveau des parois anévrismales. Mais son rôle délétère semble actuellement prédominant, en particulier au niveau des collets, de par l’activation enzymatique qui a lieu à son niveau et la présence de métalloprotéinases MMP 9 et MMP 2 corrélées respectivement à l’évolution vers la rupture et à l’expansion. Clinique L’aspect le plus typique est celui d’un syndrome douloureux abdominal brutal accompagné au moins d’une lipothymie ou au maximum d’un choc hémorragique. La douleur est quasiment constante, mais sa localisation est variable : périombilicale évoquant une urgence chirurgicale digestive ou lombaire avec d’éventuelles irradiations lombo-sacrées ou vers les organes génitaux pouvant faire évoquer une pathologie rhumatologique ou urologique. L’hémodynamique est fonction du caractère contenu ou non de la rupture : effondrée dans les ruptures en péritoine libre, elle peut être stable dans les formes contenues dans le rétropéritoine. En pratique, ces deux formes extrêmes résument bien les situations cliniques rencontrées : grande urgence hémorragique où le patient est transféré directement en salle d’opération pour une laparotomie immédiate ; ou syndrome douloureux abdominal à hémodynamique stable permettant la réalisation d’examens complémentaires et l’installation d’une réanimation parentérale dans les meilleures conditions : c’est dans ces formes que les résultats opératoires sont les meilleurs. Examens complémentaires L’échographie abdominale est souvent l’examen le plus rapidement accessible. Elle permet le diagnostic de rupture d’AAA dans 90 % des cas en mettant en évidence l’anévrisme lui-même et un hématome rétropéritonéal. Elle peut être gênée par l’obésité, le météorisme et l’intensité du syndrome douloureux abdominal. Dans les formes à hémodynamique instable, c’est souvent le seul examen dont on disposera en préopératoire. La tomodensitométrie est aujourd’hui le meilleur examen préopératoire quand l’état hémodynamique du patient le permet. Les appareils multibarettes permettent la réalisation de l’examen en des temps très courts, dès l’arrivée du patient aux urgences du centre hospitalier. Elle montre l’hématome rétropéritonéal et souvent donne une bonne indication sur le point de rupture. Par ailleurs, elle définit parfaitement les limites de l’anévrisme, sa localisation par rapport aux artères rénales, l’implication ou non des artères iliaques primitives et l’existence d’anomalies veineuses particulièrement redoutables dans ce contexte de chirurgie d’urgence. Récemment, des signes de prérupture chez des patients présentant un syndrome douloureux abdominal sans hématome rétropéritonéal ont été mis en évidence par des équipes radiologiques. Il s’agit de la disparition du thrombus en regard d’une zone de la paroi aortique, et du “signe du croissant” : opacification en demi-lune d’une portion du thrombus signifiant une fragilisation de celui-ci et devant conduire à une intervention en semi-urgence. L’artériographie n’est quasiment plus utilisée aujourd’hui dans le contexte des ruptures d’anévrisme de l’aorte abdominale. Formes cliniques particulières Du fait des adhérences possibles entre l’anévrisme et les structures de voisinage, la rupture peut se faire de façon rare dans le tube digestif ou dans la veine cave inférieure donnant lieu à des tableaux cliniques particuliers. Les fistules aorto-digestives primaires sont très rares et s’expriment par des hémorragies digestives de formes très variables. Il peut s’agir d’hémorragies massives de sang rouge, extériorisées par voie haute ou basse ou au contraire d’hémorragies de faible abondance le plus sou- IX Dossier thématique vent sous forme de maelena. Le collapsus hémodynamique peut être au premier plan, associé aux hémorragies abondantes, le pronostic est ici particulièrement sombre. Plus souvent, il est minime, sous forme d’une lipothymie initiale, l’attention étant attirée secondairement par les hémorragies digestives basses ultérieures. Le diagnostic repose sur les examens complémentaires : échographie en urgence dans les formes cataclysmiques mettant en évidence l’AAA en préopératoire immédiat. Quand aucun examen n’a pu être réalisé, le diagnostic peut être fait en peropératoire. Dans les formes plus chroniques, le diagnostic de fistule aorto-digestive peut être très difficile et repose sur la mise en évidence d’une fuite de produit de contraste dans le tube digestif à partir d’une zone d’adhérence entre celui-ci et l’anévrisme. La tomodensitométrie et l’artériographie sont actuellement les deux examens le plus utilisés. Les fistules artérioveineuses Elles sont dominées par les ruptures dans la veine cave inférieure mais peuvent concerner les veines iliaques ou la veine rénale gauche. Leur fréquence est d’environ 3 %. La tolérance hémodynamique est souvent bonne, et les signes cliniques sont représentés par une douleur abdominale, une masse battante et un souffle continu à renforcement systolique. Les signes d’hyperpression veineuse sont parfois impor- X tants avec dilatations veineuses majeures des deux membres inférieurs et du petit bassin, et même hématurie avec insuffisance rénale. Une surcharge cardiaque droite avec insuffisance cardiaque aiguë peut se voir dans les fistules à gros débit. Les examens complémentaires sont ici dominés par l’échographie-Doppler qui permet le diagnostic, le plus souvent en mettant directement en évidence la fistule. L’angioscanner, dans les cas difficiles, montrera une opacification quasi simultanée de la veine cave inférieure et de l’aorte aux temps précoces affirmant ainsi le diagnostic. Dans les formes hémodynamiquement graves, le diagnostic pourra n’être fait qu’en peropératoire. Indications thérapeutiques Tout anévrisme de l’aorte abdominale rompu justifie a priori d’un traitement urgent qui repose aujourd’hui, le plus souvent, sur la chirurgie conventionnelle, mais où la place du traitement endovasculaire pourrait se développer dans un avenir proche. La prise en charge adaptée de ces patients est essentielle dès la phase initiale. En effet, ils se présentent le plus souvent avec une hypotension qu’il faut savoir respecter, une pression systolique comprise entre 50 et 70 mmHg étant tout à fait compatible avec une survie sans séquelles. La réanimation doit donc être adaptée et doit éviter l’usage trop abondant de perfusion de solutés crystalloïdes abou- Le Courrier de Médecine Vasculaire (2), n° 3, juillet/août/septembre 2002 tissant à la dilution des facteurs de coagulation et, par ailleurs, au maintien de l’hémorragie par une élévation artificielle de la pression artérielle. Le transfert rapide en centre chirurgical spécialisé doit être effectué dès que possible et le malade conduit en salle d’opération immédiatement si le diagnostic est fait, comme nous l’avons vu précédemment. La voie d’abord est une laparotomie médiane xyphopubienne et l’aorte doit être clampée au niveau supracœliaque. L’anévrisme peut alors être ouvert, et une prothèse rapidement implantée, le plus souvent au niveau sous-rénal. On déclampe alors l’aorte cœliaque et la perfusion rénale et digestive est reprise après une interruption d’environ 30 minutes. La suture distale est faite soit si possible sur la terminaison aortique, soit si nécessaire sur les artères iliaques, voire les artères fémorales. La première possibilité semblant la meilleure du fait d’un temps plus court de réalisation. Dès le déclampage effectué et l’hémostase assurée, des unités plaquettaires et des facteurs de coagulation sont transfusés au patient de même que les unités de globules rouges nécessaires. Malgré les progrès de la prise en charge médicalisée, des structures d’accueil d’urgences et de centres spécialisés effectuant un grand nombre de ces interventions, il est important de noter que les conséquences sur les chiffres de mortalité sont limi- Dossier thématique tées. En effet, tout d’abord, environ la moitié des patients avec une rupture d’AAA n’atteignent pas vivants une structure hospitalière. Parmi les patients opérés jusqu’à une période récente, il était admis que la mortalité variait entre 30 et 70 % selon les séries, avec une moyenne autour de 50 %. Une métaanalyse récente a montré qu’il existe une réduction modérée mais constante avec le temps d’environ 3,5 % tous les dix ans de la mortalité. Pour l’année 2001, la mortalité de l’ensemble des cas publiés est de 41 %. Dans ces conditions, il est logique de s’interroger sur les facteurs de risque de mortalité afin de déterminer quels sont les patients les plus graves et d’en tirer les conséquences nécessaires pour une prise en charge optimale. Parmi les nombreuses publications présentant des données sur ce sujet, on peut retenir celle de Hardman et al., qui fait état, dans une série de 154 patients, d’une mortalité de 39 %. Les auteurs retrouvent cinq facteurs indépendants principaux associés à une surmortalité : l’âge (> 76 ans), créatinine > 190 mmole/l, une perte de connaissance après l’arrivée à l’hôpital, une hémoglobine < 9 g, et des signes ischémiques à l’ECG. Quand un seul facteur était présent, la mortalité fut de 37 % ; elle a atteint 72 % avec deux facteurs, et 100 % avec trois facteurs ou plus. Chez les quelques patients sans aucun de ces facteurs, la mortalité fut de 16 %. L’intérêt de ce papier est double : d’abord, les facteurs sont simples à déterminer en préopératoire et donnent d’emblée une idée du pronostic général du patient. Plus important encore, ces facteurs ont été confirmés par une autre étude ultérieure qui les a appliqués rétrospectivement à une série de 79 patients avec des résultats tout à fait similaires. Il ne semble pas éthique de refuser une intervention à des patients se présentant avec une rupture d’anévrisme sur la base de tels critères, mais ils sont une bonne aide à l’évaluation du pronostic et à une prise de décision postopératoire en particulier sur l’arrêt de la réanimation dans les formes particulièrement graves. Actuellement les endoprothèses aortiques sont largement utilisées pour le traitement des anévrismes présentant des critères anatomiques favorables. Compte tenu des résultats de la chirurgie conventionnelle, il était logique de s’interroger sur la faisabilité de cette méthode pour le traitement des AAA rompus. Après des travaux initiaux, l’équipe de Veith, à New York, a publié en 2000 une série de 25 patients avec une rupture d’AAA dont 20 ont pu être traités par une endoprothèse, la mortalité a été de 8 %. Plus récemment Lachat et l’équipe de Zurich ont publié une série de 21 patients traités sous anesthésie locale après un bref passage au scanner afin de préciser la taille de l’endoprothèse nécessaire. Leurs résultats sont remarquables, avec une mortalité à 30 jours de 9,5 %. Il est possible que, dans les années à venir et pour les patients dont l’anatomie est favorable, le traitement endovasculaire devienne la règle. Conclusion Les anévrismes de l’aorte abdominale sont une pathologie dont l’incidence augmente avec le vieillissement de la population ; ils sont devenus un problème de santé publique majeur. Leur dépistage de masse semble réalisable par échographie et un examen unique chez tous les hommes âgés de 65 ans permet une détection des aortes anormales et la mise en place d’un suivi échographique. Les études récentes sur les petits anévrismes (< 5,5 cm) ont montré qu’une surveillance échographique régulière, avec une excellente compliance des patients, permettait d’obtenir une survie globale équivalente de la chirurgie précoce. Les indications se partagent entre la chirurgie conventionnelle et les endoprothèses, ces dernières devant encore faire la preuve de leur efficacité à long terme pour la prévention du risque de rupture qui est le but ultime du traitement. En ce qui concerne la complication majeure de cette pathologie qui est la rupture, les progrès de la chirurgie et de la réanimation ne se traduisent que par une amélioration modérée des chiffres de mortalité. Il est possible que le traitement endovasculaire prenne le pas sur la chirurgie conventionnelle. Références bibliographiques 1. Long-term outcomes of immediate repair compared with surveillance of small abdominal aortic aneurysms. N Engl J Med 2002 ; 346 (19) : 1445-52. 2. 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