Le Courrier de la Transplantation - Volume III - n o2 - avril-mai-juin 2003
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thématique
es tumeurs préexistantes en trans-
plantation se rencontrent dans deux
situations différentes :
certaines sont connues et déjà traitées
au moment de l’évaluation prégreffe, et
la question posée est de savoir s’il est légi-
time ou non d’inscrire le patient sur une
liste d’attente, compte tenu du risque de
récidive, et si oui, au terme de quel délai ;
d’autres sont découvertes lors du bilan
prégreffe, et la question posée, en plus des
précédentes, est celle des examens à réa-
liser dans le cadre du bilan prégreffe pour
dépister ces tumeurs occultes.
Il n’y a pas de réponse simple à ces ques-
tions. On aimerait pouvoir donner des
recommandations claires et précises,
mais ce n’est pas possible. De nombreux
facteurs doivent être pris en compte,
comme le type de tumeur, son extension
et le type de transplantation ; le raison-
nement est différent pour un organe vital,
comme le cœur ou le foie, ou un organe
non vital, comme le rein. Il existe peu de
données disponibles dans la littérature, et
elles sont sujettes à caution ; il s’agit soit
d’expériences monocentriques (1-3) sur
un faible nombre de dossiers générale-
ment bien documentés, mais qui ont peu
de valeur statistique, soit d’analyses du
registre de Cincinnati (Cincinnati Trans-
plant Tumor Registry [CTTR])sur un
nombre plus conséquent de patients,
mais dont les données sont souvent très
incomplètes (notamment en termes de
nature histologique précise, de stadifica-
tion TNM, de protocoles immunosup-
presseurs) entraînant un risque d’erreurs
d’interprétation (4). Force est de consta-
ter que chaque cas est particulier et que
le principe de précaution doit s’appliquer,
ce d’autant que les effets des immuno-
suppresseurs sur les différents types de
tumeurs restent largement inconnus. Les
recommandations présentées sont donc à
interpréter avec précaution.
TUMEURS DIAGNOSTIQUÉES
ET TRAITÉES AVANT L’ÉVALUATION
PRÉGREFFE
Données générales du Cincinnati
Tr ansplant Tumor Registry
Les deux publications princeps sur cette
question sont celles de Penn (5, 6) ; elles
concernent des transplantés rénaux.
L
Cancers
et
transplantation
Coordinateur : E. Morelon,
service de néphrologie adultes,
hôpital Necker,
75015 Paris.
Cancers post-transplantation d’organes :
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Épidémiologie des cancers en transplantation rénale -
C. Antoine, P. Landais
Cancers transmis par le greffon -
N. Lefrançois
Conduite à tenir vis-à-vis des tumeurs préexistantes
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Immunosuppression et cancers : effet pro- et antitumoral
des traitements immunosuppresseurs - O. Thaunat, E. Morelon
1. Services d'urologie et de néphrologie, GH Pitié-
Salpêtrière, 75651 Paris Cedex 13.
2. Service d’urologie, CHU Pontchaillou, 35000 Rennes.
Conduite à tenir vis-à-vis des tumeurs
préexistantes en transplantation d’organes
B. Barrou1,K.Bensalah1, 2
,L.Mercadal1,M.O. Bitker 1
L’analyse la plus récente date de 1997 (6)
et porte sur 1 297 tumeurs. Parmi elles,
1137 ont été traitées avant la transplan-
tation, et le taux global de récidive après
transplantation a été de 21 %.
Le délai écoulé entre le traitement de la
tumeur et la transplantation apparaît
déterminant. En effet, pour plus de la
moitié des récidives (54 %), ce délai était
inférieur à 2 ans, alors qu’il était de 2 à
5ans pour 33 % d’entre elles et de plus
de 5 ans pour 13 %.
La récidive survient en général précoce-
ment après la transplantation puisque,
même dans le groupe de patients trans-
plantés après 5 ans d’attente, elle est sur-
venue dans les 2 ans suivant la mise sous
immunosuppresseurs, ce qui suggère l’ef-
fet favorisant de ceux-ci sur la reprise
évolutive de la tumeur.
Le type histologique de la tumeur est éga-
lement déterminant. Les taux de récidive
les plus importants ont été notés pour les
myélomes (63 %), les tumeurs cutanées
(53 %), les cancers de la vessie et les sar-
comes (29 %), les tumeurs du rein symp-
tomatiques (27 %) et les tumeurs du sein
(25 %). Dans une analyse antérieure,
Penn (5) a défini trois groupes de tumeurs
selon le taux de récidive :
Tumeurs à faible taux de récidive
(entre 0 et 10 %) : tumeurs rénales de
découverte fortuite, tumeurs testiculaires,
tumeurs du col de l’utérus, tumeurs de la
thyroïde, lymphomes.
Tumeurs à taux intermédiaire de réci-
dive (11-25 %) : tumeurs du corps utérin,
néphroblastomes (tumeurs de Wilms),
tumeurs du côlon, cancers de la prostate,
cancers du sein.
Tumeurs à fort taux de récidive
(> 25 %) : cancers de la vessie, sarcomes,
mélanomes, cancers du rein symptoma-
tiques, myélomes.
Cette classification peut paraître simple
pour la pratique quotidienne. Elle appelle
néanmoins quelques commentaires. Pour
les cancers du rein, par exemple, le fait
que les tumeurs découvertes fortuitement
n’aient jamais récidivé s’explique parce
qu’elles étaient de petite taille par rapport
aux tumeurs symptomatiques qui, elles,
ont récidivé dans plus d’un cas sur quatre.
Le caractère symptomatique ou non de la
tumeur ne joue probablement aucun rôle.
De même pour les tumeurs du col de
l’utérus, 34 des 59 atteintes (58 %)
étaient des lésions in situ, et une seule a
récidivé. Deux autres récidives sont sur-
venues pour des tumeurs invasives trai-
tées pourtant environ 5 ans avant la trans-
plantation. Le classement des tumeurs du
col utérin dans le groupe à faible taux de
récidives est donc un peu artificiel, et il
serait probablement plus prudent de n’y
classer que les tumeurs in situ du col, cor-
respondant, comme pour les cancers du
rein, à des tumeurs débutantes curables.
Ces deux exemples montrent bien les dif-
ficultés d’interprétation de ces données,
qui sont pourtant les seules disponibles.
Peut-on recommander des délais d’at-
tente dans ces conditions ? Un délai com-
mun à toutes les tumeurs n’est probable-
ment pas adapté. Un délai de deux ans
entre le traitement d’une tumeur et la
transplantation avait pourtant été initia-
lement recommandé. Il aurait certes per-
mis d’éviter 91 % des récidives de
néphroblastomes, mais seulement 60 %
des récidives de cancers de la vessie ou
du rein, 40 % des récidives de cancers de
la prostate et 13 % des récidives de can-
cers colorectaux. À l’opposé, ce délai
paraît excessif pour les tumeurs de petite
taille et, notamment, pour les lésions in
situ qui sont définitivement guéries après
un traitement chirurgical adapté. Si
aucune cellule tumorale ne persiste après
traitement, il n’y a probablement aucune
raison de différer la mise sous immuno-
suppresseurs.
En pratique
La conduite à tenir est à adapter à
chaque cas particulier en concertation
avec les collègues de l’unité pluridisci-
plinaire de cancérologie qui a pris en
charge le patient. Elle doit tenir compte :
Des caractéristiques de la tumeur : type
histologique et degré de différenciation,
taille et degré d’extension, temps de dou-
blement (plus il est court et plus le délai
peut être bref, la récidive étant dépistée
précocement).
De l’efficacité des traitements appliqués.
Du délai écoulé depuis la fin du traite-
ment. Les recommandations du registre
international sont les suivantes, mais elles
doivent être suivies avec beaucoup de dis-
cernement :
délai de 2 ans en cas de tumeurs de
“pronostic favorable” ;
délai de 5 ans en cas de tumeurs du sein,
de la prostate, du côlon, du rein, ainsi
qu’en cas de lymphome ;
pas de délai pour les cancers in situ, les
carcinomes de petite taille comme ceux du
rein par exemple, de découverte fortuite.
Compte tenu de la méconnaissance de
l’effet des immunosuppresseurs sur la
cinétique de croissance tumorale (qui
n’est probablement pas le même pour
toutes les tumeurs), il faut considérer a
priori que l’immunosuppression favorise
la croissance tumorale, et appliquer, par
conséquent, un protocole d’immunosup-
pression aussi léger que possible. Par
exemple, en termes d’induction, il paraît
sage de préférer l’emploi des anticorps
monoclonaux anti-IL-2R à celui des anti-
corps monoclonaux. De même, il semble
prudent d’utiliser largement les corti-
coïdes, même si la tendance actuelle est
de les réduire ou de les supprimer, puis-
qu’ils font partie de bon nombre de pro-
tocoles de chimiothérapie anticancé-
reuse. Ces dernières recommandations ne
sont pas validées au sens strict du terme
par les données de la littérature, et repré-
sentent une opinion personnelle de l’au-
teur. Par ailleurs, la rapamycine est
connue pour ses propriétés antiangiogé-
niques et antitumorales, et de nombreux
centres proposent d’ores et déjà des
modifications de l’immunosuppression
avec introduction de la rapamycine en cas
de tumeur de novo après transplantation.
L’existence d’une tumeur traitée avant
transplantation peut être un argument
pour choisir un protocole d’immunosup-
pression à base de rapamycine, bien que
les données de la littérature ne permet-
tent pas – ou pas encore de valider une
telle attitude.
Enfin, il faut recommander une pru-
dence particulière vis-à-vis des tumeurs
viro-induites, car on connaît le rôle
Le Courrier de la Transplantation - Volume III - n o2 - avril-mai-juin 2003
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thématique
important du système immunitaire dans
leur surveillance (elles font partie des
rares tumeurs “immunosurveillées”) et
leur fréquence élevée parmi les tumeurs
de novo survenant après transplantation.
DÉPISTAGE DES TUMEURS
INFRACLINIQUES
CHEZ LE FUTUR TRANSPLANTÉ
L’augmentation de la fréquence de nom-
breux cancers ainsi que l’âge de plus en
plus élevé des candidats à la transplanta-
tion rendent la question du dépistage des
tumeurs infracliniques avant transplanta-
tion de plus en plus pressante. Il faut, pour
en prendre la mesure, se souvenir des
résultats d’une étude réalisée à Pittsburgh
et publiée en 2001 (7). Les auteurs ont
analysé rétrospectivement les résultats de
375 autopsies pratiquées chez des
patients ayant reçu un organe solide
(231 foies, 52 cœurs, 26 cœurs plus pou-
mons, 32 poumons et 34 reins) et décé-
dés dans les 100 jours suivant la trans-
plantation. La fréquence des tumeurs non
hématopoïétiques occultes était de 2,9 %
(3 cancers de la thyroïde, 3 tumeurs car-
cinoïdes du grêle, 3 carcinomes pulmo-
naires, 1 carcinome du rein et 1 sémi-
nome). Compte tenu du temps moyen de
doublement de la plupart des tumeurs, ces
lésions étaient très vraisemblablement
déjà présentes au moment de la trans-
plantation. Après ajustement pour l’âge,
cette fréquence n’est pas apparue diffé-
rente de celle d’une population témoin
(3,7 %).
Étant donné l’incertitude de l’effet du
traitement immunosuppresseur sur le
développement de ces tumeurs (il est
vraisemblablement différent d’une
tumeur à l’autre) et de la pénurie relative
de greffons, l’idée d’un dépistage aussi
exhaustif que possible de ces tumeurs
s’impose.
Les méthodes à employer et leur efficacité
restent l’objet de nombreux débats. L’im-
pact d’une politique active de dépistage est
toutefois souligné par l’étude de Conraads
et al. (8). Cette équipe a évalué 67 candi-
dats à une transplantation cardiaque au
moyen du bilan préconisé par la 24eConfé-
rence de Bethesda, auquel ont été ajoutés
les examens suivants : PSA, ACE, écho-
graphie abdominale, scanner abdominal et
thoracique, mammographie et échographie
mammaire, frottis cervico-vaginaux,
Hémocult®chographie prostatique en cas
d’anomalie du PSA ou d’hypertrophie
prostatique. Un carcinome a été dépisté
chez 10 des 67 patients. Surtout, 9 des
10 tumeurs ont été mises en évidence
au moyen des examens ajoutés au bilan
standard.
Quelles tumeurs faut-il rechercher ?
La réponse à cette question repose sur
trois séries d’arguments :
Quelles sont les tumeurs les plus fré-
quentes dans la population générale ?
L’insuffisance rénale chronique est-elle
associée à une fréquence accrue de cer-
taines tumeurs ?
Quelles sont les tumeurs les plus fré-
quemment rencontrées après transplan-
tation rénale ?
Tumeurs les plus fréquentes en
France. Une étude épidémiologique
publiée en 2001 par Hill et al. (9) indique
que les quatre localisations les plus fré-
quentes parmi la population générale sont
le sein, le côlon-rectum, la prostate et le
poumon. Les données chiffrées sont pré-
sentées dans le tableau I.
L’insuffisance rénale terminale est-
elle associée plus fréquemment à cer-
taines tumeurs ? Certaines publications
font état d’une augmentation chez le
patient insuffisant rénal chronique d’un
assez grand nombre de tumeurs comme
le carcinome prostatique (10), le méla-
nome, le carcinome utérin (11) ou le car-
cinome hépatique (12). L’origine en est
probablement multifactorielle : déficit
immunitaire, altération des mécanismes
de réparation de l’ADN, accumulation de
facteurs carcinogènes, inflammation
chronique (12).
Deux tumeurs occupent une place à part :
Le cancer du rein, compte tenu de sa
fréquence notablement accrue en cas de
dysplasie multikystique acquise (11,13).
La prévalence a été évaluée à 3,4 % sur
une série de 206 patients (14).
Les tumeurs urothéliales, du fait de leur
fréquence en cas de néphropathie aux
analgésiques. Sur une série de
2371 transplantations rénales, Thon et al.
ont colligé les observations de 65 patients
porteurs d’une néphropathie aux analgé-
siques, dont 10 (15,4 %) ont développé
une tumeur urothéliale (15). Six d’entre
eux en sont décédés. La néphropathie aux
herbes chinoises a également été incri-
minée récemment (16-18). Une des
herbes utilisées, Aristolochia fangchi, est
un puissant inducteur de fibrose rénale et
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DOSSIER
thématique
Tableau I. Nombre de cas de cancers diagnostiqués en 1995 et prévalence en 2000 des
principales localisations de cancers en France (9).
Localisation Nombre de cas diagnostiqués Prévalence
en 1995 en 2000
Sein 34 000 136 000
Côlon-rectum 33 000 91 000
Prostate 26 000 83 000
Poumon 22 000 27 000
Bouche et pharynx 12 750 32 000
Vessie 10 000 34 000
Estomac 7 500 12 000
Lymphome non hodgkinien 7 000 20 000
Rein 5 000 14 000
Col de l’utérus 3 000 12 000
Ovaire 3 000 7 000
Thyroïde 2 500 10 000
Testicule 1 800 8 250
Tous cancers 240 000 620 000
un puissant carcinogène. La prévalence
du carcinome urothélial a été calculée à
46 % (17) chez les patients traités entre
1990 et 1992, période pendant laquelle
cette herbe est entrée dans la composition
de ces traitements amaigrissants.
Quelles sont les tumeurs les plus fré-
quemment rencontrées après trans-
plantation rénale ? L’une des complica-
tions du traitement immunosuppresseur
est l’augmentation de la fréquence de cer-
taines tumeurs. L’effet des immunosup-
presseurs sur la croissance tumorale est
encore imparfaitement connu. Il faut tou-
tefois se souvenir de l’effet de l’immu-
nité en oncologie. Théoriquement, la
“surveillance” exercée par le système
immunitaire devrait éliminer toute cellule
anormale, devenue différente du soi. La
réalité est beaucoup plus complexe, et
seules certaines tumeurs sont “immuno-
surveillées”. Il s’agit essentiellement des
tumeurs provoquées par les agents phy-
siques (comme les rayons UV) ou les
virus. Il n’est donc pas surprenant de
constater que les tumeurs fréquemment
rencontrées après transplantation sont les
tumeurs cutanées, UV-induites, ou les
tumeurs viro-induites. Le bilan prégreffe
doit donc s’attacher à dépister les états
précancéreux, comme les dysplasies viro-
induites, susceptibles d’évoluer rapide-
ment sous immunosuppresseurs. Il s’agit
essentiellement des dysplasies cervico-
vaginales chez la femme.
En résumé, on peut donc établir une liste
de lésions à dépister dans le cadre du
bilan prégreffe, la recherche étant, bien
entendu, à adapter à chaque cas particu-
lier (tableau II).
Comment les rechercher ?
La littérature concernant les méthodes
de dépistage est abondante, et parfois
contradictoire. Il faut recommander la lec-
ture d’une synthèse rédigée par Sasco (19)
et la consultation d’un site regroupant bon
nombre de conférences de consensus sur
le sujet (http://www.bmlweb.org/consen-
sus.html), tout en gardant présent à l’es-
prit que les questions posées par l’éva-
luation prégreffe d’une sous-population
particulière sont bien différentes de celles
du dépistage de masse au sein d’une popu-
lation a priori saine.
Cancer du sein. L’examen préconisé
est la mammographie. Plusieurs essais
randomisés aux États-Unis et en Suède
(20) ont démontré qu’elle permettait de
réduire de 30 % la mortalité par cancer du
sein, en sachant toutefois que les popula-
tions étudiées comprenaient de nom-
breuses femmes ménopausées chez qui la
mammographie est d’interprétation plus
facile. En effet, l’impact de la mammo-
graphie sur une population plus jeune est
moins nette (de l’ordre de 10 %). En
France, la décision a été prise de pratiquer
un dépistage systématique par une mam-
mographie à deux incidences tous les
deux ans chez les femmes de 50 à 69 ans.
Pour les femmes de moins de 50 ans, les
conclusions étant moins claires (21),
aucune décision n’a été prise. Toutefois,
l’objectif d’un dépistage au sein du sous-
groupe à risque (non pas en termes de sur-
venue, mais d’évolutivité) que représen-
tent les candidates à la transplantation
rénale est différent, et il faut recomman-
der la pratique systématique d’une mam-
mographie dès l’âge de 40 ans.
Il n’existe pas de marqueurs utilisables
pour le dépistage.
Cancer du côlon-rectum (CCR). Une
conférence de consensus s’est tenue en
1998 sur le thème de “la prévention, du
dépistage et de la prise en charge des
cancers colorectaux” (http://www.bml-
web.org/plan_consensus_colon.html).
Trois niveaux de risque doivent être pris
en compte :
–risque moyen : absence d’antécédent ;
–risque élevé : antécédent personnel
d’adénome ou de CCR, antécédent fami-
lial (un parent du premier degré atteint de
CCR ou d’adénome supérieur à 1 cm),
rectocolite ulcérohémorragique ou mala-
die de Crohn avec pancolite ;
–risque très élevé : appartenance à une
famille atteinte de cancers à transmission
héréditaire autosomale dominante.
La plupart de nos patients rentrent dans la
première catégorie pour laquelle, après de
nombreux débats, la recherche de sang
occulte dans les selles semble pouvoir être
recommandée (22). Il est important de
rappeler qu’une des difficultés rencon-
trées pour conclure à l’efficacité de ce test
en termes de dépistage de masse étaient
les conditions de sa réalisation. Le test à
utiliser est l’Hémocult II®‚ avec ou sans
(22) réhydratation des lames, qui permet
de dépister environ 50 % des cancers et
20 % des adénomes supérieurs à 1 cm.
Pour le groupe à risque élevé, un consen-
sus existe pour proposer une coloscopie
à l’âge de 45 ans ou 5 ans avant l’âge du
cas index. Cette exploration doit être
répétée tous les 5 ans en l’absence d’an-
técédents personnels.
Cancer de la prostate.Il n’y a pas de
consensus sur l’intérêt de dépister le can-
cer de la prostate dans la population géné-
rale (19, 23). Il est reconnu que l’asso-
ciation toucher rectal et PSA permet de
découvrir des tumeurs localisées, mais le
risque du dépistage systématique est la
morbidité non négligeable des traite-
ments radicaux et du “surtraitement” de
lésions qui seraient par ailleurs restées
silencieuses.
Dans le cas du candidat à la transplanta-
tion rénale, les choses sont encore moins
claires, par manque de données épidé-
miologiques. L’incidence du cancer de la
prostate semble en effet augmentée chez
l’insuffisant rénal chronique (19, 23),
même si toutes les publications ne vont
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DOSSIER
thématique
Tableau II. Tumeurs à rechercher lors du
bilan prégreffe.
Cancer et lésions précancéreuses du sein
Cancer et lésions précancéreuses du côlon
et du rectum
Cancer de la prostate
Cancer du poumon
Maladie multikystique acquise du rein
et tumeurs du rein
Tumeurs urothéliales en cas de néphropathie
aux analgésiques ou herbes chinoises
Dysplasies viro-induites cervicovaginales
Tumeurs cutanées
Cancer de l’utérus
Cancer du foie
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DOSSIER
thématique
pas dans le même sens. Il est difficile de
connaître l’évolution du cancer de la
prostate sous immunosuppression, et la
tendance actuelle est de proposer les
mêmes options thérapeutiques que dans
la population générale (23, 24).
On ne peut, dans l’état actuel des connais-
sances, que recommander de dépister le
cancer de la prostate avant transplanta-
tion par la combinaison toucher rectal
plus PSA, même si les questions soule-
vées par un tel diagnostic restent sans
réponse claire.
Cancer du poumon. La question du
dépistage dans la population générale
reste ouverte, mais la méthode la plus
prometteuse, et qui relance le débat, est
le scanner thoracique à acquisition héli-
coïdale(25). Cette méthode diagnostique
doit certainement être proposée à la sous-
population que représentent les candidats
à une transplantation et qui ont des fac-
teurs de risque, principalement des anté-
cédents de tabagisme.
Dépistage des lésions dysplasiques et
cancéreuses cervicovaginales. L’ana-
lyse cytologique du frottis cervicovagi-
nal est la première méthode mise en place
dans un programme de dépistage, avant
même la réalisation d’essais randomisés.
Depuis, son efficacité a été largement
démontrée. À ce jour, aucune autre
méthode n’a fait preuve d’un intérêt sup-
plémentaire. La colposcopie, notamment,
a une sensibilité et une spécificité infé-
rieures (26).
Dépistage des autres tumeurs
Cancer de l’ovaire. Aucune recom-
mandation pour le dépistage au sein de la
population générale n’existe, compte
tenu du manque de spécificité du mar-
queur sérologique qu’est le CA 125 et de
l’échographie endovaginale. Il faut tou-
tefois proposer ces examens aux candi-
dates à la transplantation qui ont un risque
élevé familial ou génétique.
Autres tumeurs intra-abdominales :
Les tumeurs hépatiques ne peuvent être
détectées précocement que par des
méthodes radiologiques, l’alpha-fœto-
protéine n’ayant pas d’intérêt chez le
patient non cirrhotique (27).
Les tumeurs de la voie excrétrice. Il
n’existe aucune recommandation pour
leur dépistage. Le diagnostic précoce chez
les sujets à risque (fumeurs, néphropathie
aux analgésiques ou herbes chinoises)
repose sur la cytologie urinaire, simple à
mettre en œuvre s’il existe une diurèse
résiduelle, et sur des méthodes plus agres-
sives, telle la cystoscopie, pour les patients
à risque élevé (néphropathie aux analgé-
siques ou herbes chinoises, antécédents
personnels de tumeur urothéliale).
Proposition de protocole de dépistage
On peut donc proposer, au terme de cet
article, le protocole d’explorations sui-
vant :
Examens cliniques : toucher rectal,
examen gynécologique, examen derma-
tologique, examen ORL
Examens biologiques : immunoélec-
trophorèse, PSA, Hémocult II®‚ CA 125
chez les patients à haut risque de cancer
de l’ovaire (antécédent familial, facteur
de risque génétique), frottis cervicovagi-
naux (les autres marqueurs tumoraux ne
sont pas validés en tant qu’outils dia-
gnostiques) (28), cytologie urinaire en
cas de tabagisme, néphropathie aux anal-
gésiques ou herbes chinoises, antécédents
personnels de tumeur urothéliale.
Examens radiologiques : échographie
abdominale, radio de thorax, scanner
abdominal (qui permet par la même occa-
sion de réaliser un bilan vasculaire), scan-
ner thoracique chez les fumeurs, mam-
mographie à deux incidences chez les
femmes de plus de 30 ans, échographie
endovaginale chez les femmes à risque.
Examens endoscopiques : cystosco-
pie et UPR bilatérale en cas de néphro-
pathie aux analgésiques ou aux herbes
chinoises ou en cas d’antécédents de
tumeur urothéliale, coloscopie chez les
patients à risque de cancer colorectal
(antécédent personnel ou familial).
Les progrès réalisés dans le domaine de
l’imagerie vont peut-être, dans un avenir
proche, améliorer la détection des
tumeurs infracliniques. Deux méthodes
sont particulièrement prometteuses : la
tomographie à émission de positrons
(TEP) et l’endoscopie virtuelle. Leur
intérêt est en cours d’évaluation.
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