Implantation d’un stimulateur cardiaque C OBSERVATION CLINIQUE

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Implantation d’un stimulateur cardiaque
et anomalie congénitale de la veine cave supérieure
● F. Bernard, F. Revel, C. Plotton, O. Hélie, M. Lerecouvreux, J.P. Ollivier*
OBSERVATION CLINIQUE
M. Pierre B., âgé de 73 ans, est porteur d’une dysfonction sinusale symptomatique nécessitant l’implantation d’un stimulateur
cardiaque. L’examen clinique est sans particularité. Lors de l’implantation du stimulateur, on est surpris par l’impossibilité de
faire progresser les sondes de stimulation auriculaire et ventriculaire dans les cavités cardiaques par un abord veineux conventionnel sous-clavier droit. Cela nécessite une évaluation du retour
veineux cave. La radiographie pulmonaire est sans particularité.
L’échocardiographie met en évidence une ectasie du sinus coronaire sans visualisation précise de la veine cave supérieure (VCS).
L’angio-IRM thoracique révèle une veine cave supérieure gauche
unique s’abouchant dans l’oreillette droite à son pôle supéro-latéral homolatéral sans autre anomalie cardiaque. (figure 1).
La pose du stimulateur cardiaque a pu être réalisée par un abord
sous-clavier gauche grâce à une sonde appropriée permettant une
implantation dans l’oreillette et dans le ventricule droit. Le
contrôle échocardiographique post-implantation retrouve une
image insolite du passage des deux sondes dans le sinus coronaire en incidence parasternale avec une superposition des deux
sondes perpendiculaires à l’axe du cœur en incidence apicale
(figures 2a et 2b).
Figure 2a. Échocardiographie en incidence parasternale révélant une
dilatation du sinus coronaire traversé par les deux sondes de stimulation.
Figure 1. Angio-IRM thoracique : veine cave supérieure gauche unique
s’abouchant dans l’oreillette droite avec ectasie du sinus coronaire.
* Service de cardiologie, hôpital militaire du Val-de-Grâce, 75005 Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 353 - mars 2002
Figure 2b. Échocardiographie en incidence apicale montrant un faux
aspect des deux sondes de stimulation perpendiculaires à l’axe du cœur.
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DISCUSSION
La persistance de la veine cave supérieure gauche ou duplication
cave supérieure est la plus fréquente des anomalies caves supérieures. Elle est due à la persistance de la veine cardinale antérieure. Elle est détectée dans environ 3 % des autopsies et chez
2 à 4 % des patients atteints de cardiopathie congénitale (1). Dans
une série de 661 implantations de stimulateurs cardiaques, Zerbe
a trouvé cette anomalie congénitale de la VCS chez 4 patients,
soit une incidence de 0,6 % (2). La veine cave supérieure gauche
coexiste normalement avec la VCS droite, une veine innomée
permettant la communication entre les deux veines dans 60 %
des cas. La VCS droite a en général un calibre inversement proportionnel à celui de la VCS gauche, comme dans l’observation
rapportée. En cas de VCS droite absente ou très hypoplasique, la
totalité du retour veineux systémique de la partie supérieure du
corps se draine par la VCS gauche dans un sinus coronaire dilaté.
Les cardiopathies congénitales qui lui sont fréquemment associées sont les communications interauriculaires et interventriculaires et la tétralogie de Fallot (3).
La persistance de la VCS gauche n’affecte pas l’hémodynamique
cardiaque et ne donne pas lieu à des manifestations cliniques spécifiques, hormis une pulsation plus marquée à gauche qu’à droite
de la veine jugulaire.
Il peut cependant y avoir des arythmies supraventriculaires
sévères, et la prévalence de la préexcitation ventriculaire est
dix fois supérieure à ce qu’elle est dans le reste de la population
(1). Cela est attribué à la probable persistance d’un aspect fœtal
du tissu de conduction.
Le mode de découverte de la persistance de la VCS gauche est le
plus souvent fortuit, à l’occasion d’un cathétérisme veineux jugulaire ou sous-clavier droit ou de l’implantation d’un stimulateur
cardiaque (4). L’échocardiographie est aussi un mode de révélation : l’attention est attirée par une dilatation notable du sinus
coronaire en arrière de l’oreillette gauche. L’examen peut être
sensibilisé par une injection de produit de contraste révélant
l’abouchement de la VCS gauche (4).
Lors d’une intervention chirurgicale, et notamment lors de l’implantation d’une circulation extracorporelle, la méconnaissance
de la persistance d’une VCS gauche peut avoir des conséquences
catastrophiques et nécessiter de clamper et de canuler les deux
VCS, la veine cave inférieure et le sinus coronaire (5).
Comme nous l’avons vu dans notre observation, l’implantation
d’un stimulateur cardiaque en cas de persistance d’une VCS
gauche nécessite un abord veineux gauche avec, compte tenu du
trajet à travers le sinus coronaire, l’utilisation d’une sonde appropriée incurvée facilitant l’introduction de l’extrémité de la sonde
à travers l’orifice tricuspidien.
■
Bibliographie
1. Vaquez-Perez J, Salvador-Sanz A. Anomalies des veines caves et du retour veineux systémique. Éditions Techniques, Encycl Med Chir (Paris-France),
Cardiologie-Angéiologie, 11-041-G-20, 1994, 7 p.
2. Page Y, Tardy B, Comtet C, Bertrand M, Bertrand JC. Cathétérisme veineux et
anomalies congénitales de la veine cave supérieure. Ann Fr Anesth Reanim 1990 ;
9 : 450-5.
3. Fisher D, Zuberbuhler JR. Anomalous systemic venous return. In : Anderson
RH, McCartney FJ, Shinebourne EA, Tynan M eds. Pediatric cardiology.
Churchill Livingstone. Edinburgh. 1987 ; 497-508.
4. Zerbe F, Bornakowski J, Starnowski W. Pacemaker electrode implantation in
patients with persistent left superior vena cava. Br Heart J 1992 ; 67 : 65-6.
5. Gensini GG, Caldini P, Casaccio F, Blount SG Jr. Persistent left superior vena
cava. Am J Cardiol 1959 ; 4 : 677-85.
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