La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue - n° 4 - vol. II - septembre 1999 193
le lit d’une AAP est très faible : dans l’expérience de l’institut
Gustave-Roussy, le taux des résections R0 a été de 10 % en cas
de RLR présacrée. Dans notre expérience, la survie globale à cinq
ans, observée après résection des récidives endoluminales, a été
significativement supérieure à celle observée après résection des
récidives cellulo-ganglionnaires extra-murales (28 % versus
14 %) (5). Nous avons réséqué de façon curative, près de la moi-
tié des récidives périanastomotiques au prix d’un taux élevé d’exé-
rèses élargies de nécessité (près de la moitié des malades), et avec
une survie comparable à celle observée après exérèse non élar-
gie (5). L’envahissement histologique des organes de voisinage
est un facteur péjoratif qui multiplie par 4 le risque de décès (18),
mais comme cela a été montré pour les cancers primitifs colo-
rectaux “fixés”, 10 à 50 % des organes réséqués présentent des
lésions non néoplasiques (21) ;
– le caractère symptomatique de la RLR et, en particulier, la pré-
sence de douleurs au moment du diagnostic. Dans la série de
Huguier et Houry (8), la survie est divisée par trois en cas de
symptômes (8 % contre 28 % pour les RLR asymptomatiques) ;
dans la série de Gagliardi et coll. (28), la médiane de survie est
de 37 mois en l’absence de douleurs contre 14 mois en cas de
douleurs préopératoires ; enfin, dans la série de la Mayo Clinic,
le taux des résections R0 est corrélé au caractère asymptomatique
des RLR, et la survie à trois et cinq ans est significativement supé-
rieure après résection des récidives asymptomatiques ou symp-
tomatiques sans douleur (68 % et 37 %, contre 32 % et 26 %
lorsque la RLR s’accompagne de douleurs) (10). Ces résultats
peuvent donner à penser que l’intensification du suivi des malades
opérés d’un cancer du rectum est susceptible de modifier l’his-
toire naturelle des RLR (dépistage plus précoce des récidives
anastomotiques, augmentation du taux des RLR asymptomatiques
et des résections curatives), mais la rentabilité du suivi intensif
après résection curative des adénocarcinomes colorectaux reste
très discutée (22, 23). D’ailleurs, dans notre expérience, les taux
de survie sont comparables après résection des RLR symptoma-
tiques et asymptomatiques (5).
Les résections palliatives qui laissent en place de la tumeur contre
les parois pelviennes ou le sacrum sont discutables ; dans notre
expérience, la survie médiane a été de douze mois et la survie
globale inférieure à 15 % à trois ans, ce qui est comparable aux
survies des RLR non réséquées ou non opérées. Dans la série de
Touboul et coll. (9), la survie des malades qui ont eu une exérèse
incomplète avant irradiation et celle des malades qui ont eu une
irradiation exclusive de leur RLR était comparable (11 %-13 %).
Cependant, les résections palliatives peuvent dans quelques cas
contribuer à l’amélioration du confort de survie, en particulier en
cas d’invasion vésicale symptomatique et de fistules surinfectées
(25) ; dans notre série, près de 40 % des malades qui ont eu une
résection palliative sont restés ambulatoires et asymptomatiques
pendant six mois. Par ailleurs, comme le suggèrent les résultats
des résections R1 et R2 rapportés par le groupe de la Mayo Cli-
nic (27 % et 15 % de survie sans récidive à trois ans), les traite-
ments combinés donnent probablement de meilleurs résultats que
la chirurgie exclusive (7).
L’amélioration des résultats obtenus par la chirurgie exclusive
pourrait venir des associations thérapeutiques. L’irradiation, puis,
plus récemment, l’irradiation combinée à la chimiothérapie ont
été utilisées en préopératoire pour permettre de réséquer des
tumeurs rectales “fixées” et des RLR, souvent regroupées dans
les essais de phase II (26, 27). Il faut distinguer deux situations
cliniques :
– le patient n’a pas été irradié avant la chirurgie initiale, et il
semble logique de recourir à une irradiation ou à une radio-
chimiothérapie avant la résection d’une RLR (24, 27). Dans la
série de Shumate et coll. (27), vingt-six récidives ont reçu une
radio-chimiothérapie préopératoire : le taux de résécabilité était
proche de 80 % et le taux de résections curatives était de 53 %
avec un contrôle local de 74 % à deux ans. Par ailleurs, une étude
monocentrique récente a montré qu’une radio-chimiothérapie pré-
opératoire améliorait la survie des RLR réséquées (24) ;
– le malade a déjà été irradié, et il est plus difficile d’envisager
un traitement préopératoire en raison de la toxicité aiguë et du
risque secondaire de complications majeures induites par les
lésions radiques ; cependant, la faisabilité a été démontrée dans
une étude récente incluant 39 malades, déjà irradiés avec une dose
médiane de 50 Gy, qui ont reçu une nouvelle irradiation avec une
dose médiane de 36 Gy, huit à douze semaines avant la chirurgie
de la RLR ; il y a eu sept interruptions thérapeutiques en raison
de la toxicité aiguë du traitement et six complications tardives
graves ; il n’y a pas eu de mortalité postopératoire ; la médiane
de survie a été de quarante-cinq mois et la survie à trois et cinq
ans de 60 % et 24 % ; le taux de contrôle local à cinq ans était de
45 %, et 17 % des malades avaient des métastases (28). L’irra-
diation postopératoire donne elle aussi des résultats intéressants,
mais la toxicité est supérieure à celle de l’irradiation préopéra-
toire. Le repérage par des clips peut permettre d’irradier un résidu
tumoral après exclusion pelvienne, quel que soit le procédé uti-
lisé pour la radioprotection du grêle. Dans le collectif français de
Touboul et coll. (9), lorsque l’irradiation a été réalisée chez les
malades qui avaient eu une résection R0, la survie a été de 39 %.
Enfin, la radiothérapie peropératoire (RTPO) ou la curiethérapie
dans le lit de l’exérèse (29-32) sont associées le plus souvent à
l’irradiation pré ou postopératoires. Elles semblent augmenter le
taux de contrôle local après résection des RLR, mais les résultats
sont différents selon qu’il existe ou non un reliquat tumoral après
la résection. En cas de résections R1 et R2, le groupe de la Mayo
Clinic rapporte des survies à trois ans (voir supra), mais pour
d’autres, il n’y a pas de survivants sans récidive à deux ans lorsque
les marges de résection sont positives (31) : en effet, dans une
série de 46 RLR réséquées, le taux de contrôle local à deux ans
était supérieur à 60 % mais il était de 82 % en cas de résection
R0 et de 19 % en cas de résection R1 ; le taux de survie sans réci-
dive était de 47 % à deux ans mais il était de 71 % en cas de résec-
tion R0 et de 0 % en cas de résection R1. Pourtant, il a été rap-
porté la possibilité d’un contrôle local prolongé chez des malades
opérés mais dont les RLR n’ont pas été réséquées : dans une série
de 30 patients traités par RTPO et irradiation externe, le taux de
contrôle local à cinq ans était de 26 % et la survie était de 19 %