
tionne manifestement toute décision sur l’essentiel, même là où il ne semble
avoir joué historiquement aucun rôle. La simple question de savoir s’il est
« acceptable » d’assumer un domaine de propositions ontologiquement sépa-
rables serait inintelligible si on ne devait pas sous-entendre quelque chose de
semblable à ceci : comme il est inacceptable d’assumer sans motifs valables
l’existence d’un certain type d’entités, l’attitude acceptable est de renoncer à
de telles entités.
Plus spécialement, cette étude trouvera son point de départ dans la
théorie des états de choses développée par Roderick Chisholm dans les
années 1970, laquelle, comme va le voir, est motivée centralement par un
souci d’économie ontologique. Il s’agira moins d’étudier cette dernière pour
elle-même que d’en faire usage à la manière d’un cas d’école en vue de
formuler plus précisément la question de la parcimonie ontologique. Dans les
sections 1 et 2, je donnerai un aperçu du traitement de la récurrence événe-
mentielle chez Chisholm et en présenterai quelques conséquences générales
concernant l’ontologie des propositions. Dans la section 3, je contrasterai
cette conception avec des conceptions concurrentes, en particulier avec celle
de Husserl dans les Recherches logiques. Enfin, je conclurai par des ré-
flexions générales sur la manière dont on peut trancher de telles alternatives à
la lumière du principe de parcimonie ontologique, ce qui m’amènera à intro-
duire un certain nombre de distinctions nouvelles.
1. Comment se débarrasser des propositions fregéennes
Les analyses qui suivent se focaliseront principalement sur quelques textes
de Chisholm écrits dans le contexte d’une controverse avec Davidson1. Ces
textes — qui reflètent des positions qui ont fluctué ultérieurement — sont
consacrés à l’élaboration d’une ontologie des états de choses. Le fait qui nous
intéressera est que Chisholm y tente de définir la proposition en termes
d’états de choses et, par ce biais, de repenser au moins partiellement la
logique comme une théorie des états de choses. Le résultat de cette tentative
1 R. Chisholm, « Events and propositions », Noûs, 4/1 (févr. 1970), p. 15-24 (désor-
mais abrégé en EP) ; D. Davidson, « Events as particulars », Noûs, 4/1 (févr. 1970),
p. 25-32 (désormais abrégé en EaP) ; R. Chisholm, « States of affairs again », Noûs,
5/2 (mai 1971), p. 179-189 (désormais abrégé en SAA) ; R. Chisholm, « Events
without times: An essay on ontology », Noûs, 24/3 (juin 1990), p. 413-427. Une part
de cette controverse relève de la théore de l’action et ne nous intéressera pas ici.
Bull. anal. phén. X 6 (2014)
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