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Compte-rendu de la littérature
C ompte-rendu de la littérature
Évaluation du rapport bénéfice/risque de la moxifloxacine
IP P. Veyssier*
RÉSUMÉ. La moxifloxacine est une fluoroquinolone active
sur le pneumocoque actuellement indiquée par voie orale
dans le traitement des sinusites aiguës bactériennes correctement documentées, des exacerbations aiguës de bronchite chronique et des pneumopathies communautaires non
sévères. Trois études post-AMM, SCALA, MOSAIC et IZIPAC, ont
récemment confirmé ses bénéfices thérapeutiques dans ces
indications. L’étude MOSAIC a, en particulier, démontré que la
moxifloxacine utilisée dans le traitement des exacerbations
de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO)
apporte, avec une efficacité clinique comparable à court
terme à une antibiothérapie classique, un bénéfice significatif en termes d’allongement de l’intervalle libre jusqu’à la
survenue d’une récidive. D’autres données indiquent que
la moxifloxacine possède un profil de tolérance favorable.
L’étude observationnelle française IMMEDIAT a notamment
montré chez 13 578 patients adultes traités en pratique de
ville que la tolérance cardiaque du produit est bonne, avec
un risque minime (0,14 %) d’événement clinique pouvant
correspondre à une manifestation d’un trouble du rythme
ventriculaire par allongement de l’espace QT. L’ensemble
des données disponibles permet de conclure à un rapport
bénéfice/risque favorable dès lors que sont respectées les
recommandations de bon usage.
Les fluoroquinolones sont des antibiotiques dotés de remarquables propriétés pharmacocinétiques et pharmacodynamiques,
et sont d’une incontestable efficacité dans le traitement de
nombreuses infections, notamment urinaires ou respiratoires (1, 2).
Leur utilisation en pratique quotidienne, dans les indications
qui sont les leurs, est cependant parfois limitée par la crainte
de problèmes de tolérance, notamment ceux liés aux effets
indésirables potentiellement sévères avec certaines molécules
de la classe (par exemple, la phototoxicité et la cardiotoxicité
induites par la sparfloxacine) [1, 3]. Qu’en est-il en réalité du
rapport bénéfice/risque des fluoroquinolones actuellement
sur le marché ? L’objet de cet article est de répondre à cette
question au travers de l’exemple de la moxifloxacine, l’une des
deux fluoroquinolones actives sur les pneumocoques avec des
indications respiratoires actuellement disponibles en France,
et pour laquelle viennent d’être publiés les résultats d’une
vaste étude observationnelle post-AMM de tolérance, l’étude
IMMEDIAT (4, 5). Pour évaluer le rapport bénéfice/risque de la
* Département de médecine interne et de pathologie infectieuse, centre hospitalier de
Compiègne, Compiègne.
160
moxifloxacine, nous présenterons successivement des résultats d’efficacité récemment obtenus avec la forme orale, des
données de tolérance, dont celles de tolérance cardiaque issues
de l’étude IMMEDIAT, des données permettant d’apprécier les
éventuels problèmes écologiques microbiens causés par l’utilisation clinique du produit, et, enfin, des données provenant
de l’expérience acquise avec la forme intraveineuse1.
Efficacité de la moxifloxacine par voie orale
dans ses indications respiratoires
La moxifloxacine orale dispose en France d’une autorisation
de mise sur le marché (AMM) chez l’adulte dans le traitement
des sinusites aiguës bactériennes correctement documentées,
des exacerbations aiguës de bronchite chronique et des pneumopathies communautaires non sévères (4). Dans le cadre de
ces indications, elle possède une place bien codifiée dans la
stratégie antibiotique de prise en charge en pratique courante
(tableau), avec une activité microbiologique et une pharmacologie reconnues supérieures à celles de la lévofloxacine
(6, 7). Trois études récentes, réalisées en post-AMM, ont fourni des
résultats originaux concernant son profil d’efficacité, complétant
ceux des travaux versés au dossier d’enregistrement (8-10).
Tableau. Place de la moxifloxacine dans la prise en charge en pratique
courante des infections respiratoires de l’adulte selon les recommandations actuelles de l’HAS (6, 7).
1
Sinusites aiguës (6)
- En première intention dans les sinusites frontales,
sphénoïdales, éthmoïdales, pansinusites - En deuxième intention, dans les sinusites maxillaires,
en cas d’échec d’une première antibiothérapie
Exacerbations
de BPCO (7)
Option possible en cas de BPCO de stade III ou de BPCO de
stades I ou II avec facteur(s) de risque associé(s) [au moins
4 exacerbations/an, corticothérapie systémique au long
cours, comorbidité, antécédent de pneumonie]
Pneumonies
communautaires (7)
Option possible :
- en première intention, chez l’adulte > 65 ans et/ou
avec comorbidité, sans signe de gravité
- en deuxième intention, chez l’adulte présumé sain,
sans signe de gravité, en l’absence d’amélioration clinique
ou en cas d’aggravation après 48-72 h de traitement
par un antibiotique de première intention
Actuellement non commercialisée en France, mais disponible dans d’autres pays.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Efficacité de la moxifloxacine dans le traitement des sinusites
maxillaires aiguës en situation d’échec et dans les sinusites
aiguës à haut risque de complications : étude SCALA
✓ Méthodologie. L’étude SCALA est une étude multicentrique
française prospective ayant inclus 258 patients adultes recrutés
par 52 médecins ORL de ville (8). Les patients présentaient soit
une sinusite maxillaire aiguë en situation d’échec, diagnostiquée
sur la persistance de la symptomatologie initiale malgré l’administration d’un traitement antibiotique probabiliste de première
intention pendant au moins trois jours, soit une sinusite aiguë à
haut risque de complications, telle qu’une sinusite frontale, une
sinusite sphénoïdale ou une pansinusite. Pour tous les patients,
le diagnostic de sinusite et de sa localisation était confirmé par
radiologie lors de l’inclusion. Le protocole prévoyait également
la réalisation d’un prélèvement bactériologique au méat moyen
à l’inclusion, au 3e ou 4e jour de traitement et 7 à 10 jours après
la fin du traitement en cas de persistance de pus. Conformément
au libellé d’AMM, la moxifloxacine était administrée à raison d’un
comprimé par jour dosé à 400 mg pour une durée de 7 jours.
Le critère principal d’efficacité était la disparition de tous les
signes cliniques de la sinusite (guérison clinique), 7 à 10 jours
après la fin du traitement (8).
✓ Efficacité clinique. Dans la population per protocole (n = 216,
dont 175 cas de sinusite maxillaire aiguë en situation d’échec
et 41 cas de sinusite à haut risque de complications), 92,6 %
des patients (200/216) ont été considérés en guérison clinique
7 à 10 jours après la fin du traitement (8).
✓ Efficacité bactériologique. Chez les patients de la population
per protocole qui avaient à l’inclusion une sinusite bactériologiquement documentée (n = 92), l’éradication bactériologique
(documentée ou présumée) a été obtenue dans 95,7 % des cas
(88/92) au 3e/4e jour de traitement. Sept à 10 jours après la fin
du traitement, le succès bactériologique a été confirmé chez
97,2 % (69/71) des patients traités pour une sinusite maxillaire
aiguë en situation d’échec et chez 95,2 % (20/21) des patients
qui présentaient une sinusite à risque de complications. Aucun
échec bactériologique n’a été constaté lorsqu’une souche de
pneumocoque avait été initialement isolée (30 souches sur
102), y compris en cas de souche de sensibilité diminuée ou
résistante à la pénicilline (18 souches) [8].
✓ Conclusion. L’étude SCALA a démontré que la moxifloxacine, à
raison d’un comprimé à 400 mg par jour pendant 7 jours, constitue
un traitement efficace des sinusites maxillaires aiguës en situation d’échec d’une antibiothérapie antérieure et des sinusites à
haut risque de complications (sinusites frontales, sphénoïdales,
pansinusites). Elle a également documenté pour la première fois
l’efficacité clinique et bactériologique d’une fluoroquinolone
antipneumococcique dans ces indications, confirmant ainsi les
recommandations actuelles d’utilisation (6, 8).
Efficacité de la moxifloxacine comparée à celle d’une
antibiothérapie classique dans les exacerbations aiguës
de bronchite chronique : étude MOSAIC
✓ Méthodologie. L’étude MOSAIC est un essai multicentrique international randomisé en double aveugle et en groupes parallèles,
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ayant comparé les résultats à court et à long terme d’un traitement des exacerbations de BPCO par la moxifloxacine (400 mg/j)
pendant 5 jours ou par une antibiothérapie classique (amoxicilline
500 mg x 3/j, clarithromycine 500 mg x 2/jour, céfuroxime axetil
250 mg x 2/j) pendant 7 jours (9). La population incluse comportait
1 935 patients ambulatoires âgés d’au moins 45 ans, atteints d’une
BPCO d’origine tabagique (tabagisme ≥ 20 paquets-années) en
état stable, avec un VEMS inférieur à 85 % de la valeur théorique
et ayant présenté au cours de l’année précédente au moins deux
épisodes d’exacerbation. Parmi les patients inclus, 733 en ont
présenté un au cours des 12 mois suivant leur inclusion et ont été
randomisés à l’occasion de ce nouvel épisode pour recevoir soit la
moxifloxacine (n = 357), soit l’antibiothérapie classique (n = 376).
Le protocole prévoyait une évaluation 7 à 10 jours après l’arrêt
du traitement et un suivi à long terme, jusqu’à la survenue d’un
nouvel épisode d’exacerbation ou jusqu’au 9e mois suivant la
randomisation. Ce suivi prolongé était destiné à évaluer le recours
éventuel à une antibiothérapie complémentaire après traitement
et le délai de survenue d’un nouvel épisode d’exacerbation. Le
critère principal d’efficacité était le taux de réponses cliniques
7 à 10 jours après la fin du traitement (guérison clinique avec
retour à l’état clinique antérieur ou amélioration clinique avec
retour incomplet à l’état clinique antérieur, sans nécessité d’une
antibiothérapie complémentaire) [9].
✓ Résultats à court terme. Les taux de réponses cliniques 7 à
10 jours après la fin du traitement ont été comparables dans les
groupes moxifloxacine et antibiothérapie classique, aussi bien
dans la population en intention de traiter (n = 730) que dans
celle per protocole (n = 572) : respectivement 87,6 % versus
83 % et 87,2 % versus 84,2 % (9).
✓ Résultats à long terme. Au cours de la période de suivi, le
pourcentage de patients ayant nécessité une antibiothérapie
complémentaire a été significativement plus faible dans le groupe
moxifloxacine que dans le groupe antibiothérapie classique
(p = 0,006 dans la population en intention de traiter et p = 0,045
dans celle per protocole). Parallèlement, dans la population en
intention de traiter n’ayant pas nécessité d’antibiothérapie
complémentaire (n = 643), la durée moyenne de l’intervalle libre
sans nouvel épisode d’exacerbation a été significativement plus
longue dans le groupe moxifloxacine que dans le groupe antibiothérapie classique : 132,8 jours contre 118 jours (p = 0,03).
Enfin, sur un critère d’analyse concernant le pourcentage de
patients n’ayant présenté ni un échec thérapeutique à l’issue du
traitement de l’exacerbation initiale, ni le besoin d’un recours à
une antibiothérapie complémentaire, ni la survenue d’un nouvel
épisode d’exacerbation au cours du suivi, la moxifloxacine a été
significativement supérieure à l’antibiothérapie classique chez
les patients dont la dernière exacerbation avant randomisation
remontait à six mois ou moins (p < 0,01) [figure 1] (9).
✓ Conclusion. L’étude MOSAIC a démontré que la moxifloxacine utilisée dans le traitement des exacerbations de BPCO
apporte, avec une efficacité clinique comparable à court terme
à une antibiothérapie classique, un bénéfice significatif à long
terme, marqué par un allongement de l’intervalle libre jusqu’à
la survenue d’un nouvel épisode d’exacerbation (9).
Compte-rendu de la littérature
C ompte-rendu de la littérature
161
162
Moxifloxacine (date de la dernière exacerbation ≤ 6 mois)
Antibiothérapie classique (date de la dernière exacerbation ≤ 6 mois)
Moxifloxacine (date de la dernière exacerbation > 6 mois)
Antibiothérapie classique (date de la dernière exacerbation > 6 mois)
100
Pourcentage de patients avec absence
de critère composite
compte-rendu de la littérature
c ompte-rendu de la littérature
90
80
70
p = 0,01
60
50
40
30
0
1
2
3
4
5
6
Temps (mois)
7
8
9
10
Figure 1. Résultat à long terme de l’étude MOSAIC : pourcentage
de patients n’ayant présenté ni un échec thérapeutique à l’issue
du traitement de l’exacerbation initiale, ni le besoin d’un recours à
une antibiothérapie complémentaire, ni la survenue d’un nouvel
épisode d’exacerbation au cours du suivi, en fonction de la date
de survenue du dernier épisode d’exacerbation de BPCO avant
randomisation (9).
efficacité de la moxifloxacine comparée à celle de l’association amoxicilline-acide clavulanique + roxithromycine
dans le traitement des pneumopathies communautaires
de l’adulte avec facteurs de risque : étude iZipac
✓ Méthodologie. L’étude IZIPAC est une étude française prospective multicentrique randomisée, conduite chez 349 patients
adultes atteints d’une pneumopathie communautaire sans signe
de gravité, présentant au moins un facteur de risque de mortalité
(âge > 65 ans, consommation d’alcool > 80 g/j, épisode récent de
pneumonie, infection virale récente, hospitalisation au cours de
l’année précédant l’étude, comorbidité) [10]. Après randomisation,
les patients ont été assignés à recevoir pendant 10 jours soit la
moxifloxacine 400 mg par jour une fois par jour (n = 174), soit
l’association amoxicilline-acide clavulanique 1 000 mg/125 mg
trois fois par jour + roxithromycine 150 mg deux fois par jour
(n = 175). Le critère principal de jugement était le taux de succès
clinique (disparition ou amélioration de la symptomatologie sans
nécessité de poursuivre l’antibiothérapie) dans la population per
protocole, 7 à 10 jours après la fin du traitement (10).
✓ Efficacité clinique. Les taux de succès clinique 7 à 10 jours après
la fin du traitement dans la population per protocole (n = 289)
ont été de 86,8 % (131/151) dans le groupe moxifloxacine et de
87 % (120/138) dans le groupe amoxicilline-acide clavulanique
+ roxithromycine, sans différence significative entre les deux
groupes de traitement (10).
✓ Efficacité bactériologique. Chez les patients présentant une
pneumonie documentée sur le plan bactériologique à l’inclusion (n = 61), l’équivalence des deux traitements en termes de
succès clinique a été confirmée par les résultats bactériologiques. Les taux de succès bactériologique (résolution complète
de la symptomatologie clinique associée à l’absence d’expectoration ou d’échantillon de sécrétions broncho-pulmonaires
lors des prélèvements et à l’absence de surinfection) observés
7 à 10 jours après la fin du traitement ont été de 76,7 % (23/30)
dans le groupe moxifloxacine et de 74,2 % (23/31) dans le
groupe amoxicilline-acide clavulanique + roxithromycine
(non significatif ) [10].
✓ Conclusion. L’étude IZIPAC a démontré pour la première fois
que la moxifloxacine en monothérapie et l’association orale
amoxicilline-acide clavulanique + macrolide, deux des traitements antibiotiques possibles en cas de pneumopathie non
sévère potentiellement liée à un germe intracellulaire chez les
patients avec comorbidités, ont une efficacité clinique et bactériologique comparable (10).
données de tolérance
Ce chapitre développe plus particulièrement les données concernant les tolérances cutanée, ostéo-articulaire et cardiaque de la
moxifloxacine, aspect de la sécurité d’emploi des fluoroquinolones souvent considéré comme le plus préoccupant.
tolérance cutanée
La phototoxicité des fluoroquinolones dépend essentiellement
de la nature du radical présent en position 8 de leur structure
chimique (11). Grâce à sa structure comportant un radical
méthoxy en position 8, la moxifloxacine ne présente quasiment
aucun potentiel de phototoxicité (1, 12) :
– dans une étude randomisée en double aveugle chez des volontaires sains (n = 30), son index de phototoxicité, mesuré après exposition à des UVA entre le 5e et le 7e jour de traitement (400 mg/j),
a été comparable à celui observé sous placebo (13) ;
– à plus grande échelle, aucun cas de phototoxicité n’a été rapporté
dans des données de pharmacovigilance concernant 7,2 millions de
patients traités, dont 36 000 inclus dans des études de surveillance
post-AMM et 6 178 dans des études cliniques (14).
Compte tenu de ces résultats, la moxifloxacine est considérée
comme la fluoroquinolone possédant le plus faible potentiel
de phototoxicité (15).
tolérance ostéo-articulaire
Le risque de tendinopathies lié à la prise de fluoroquinolones
a initialement émergé avec la notification spontanée de cas
observés sous péfloxacine (16). Il a ensuite été montré que le
risque pouvait concerner d’autres molécules de la classe, mais
qu’il variait d’une molécule à l’autre et était, de façon générale,
plus élevé en présence de facteurs de risque comme l’âge ou la
prise d’une corticothérapie associée (15, 17-19). Pour la moxifloxacine, les éléments disponibles indiquent de façon concordante que la survenue d’une tendinopathie est un événement
rare, voire très rare (4, 11, 18, 19) :
– en Italie, le principal système national de pharmacovigilance a
recensé entre 1999 et 2001 seize cas de tendinopathies survenus sous
fluoroquinolones, dont aucun ne concernait la moxifloxacine (18) ;
– aux États-Unis, les données enregistrées entre 1997 et 2001
par le système de pharmacovigilance de la FDA, ont estimé
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
l’incidence des tendinopathies pour 100 000 prescriptions
à 1,17 pour la lévofloxacine et à 0,5 pour la moxifloxacine (11) ;
– à l’échelle mondiale, les données de pharmacovigilance de
l’OMS colligées jusqu’en août 2004 ont permis d’identifier la
moxifloxacine comme l’une des molécules les mieux tolérées
de sa classe sur le plan ostéo-articulaire, avec seulement 77 cas
de tendinopathies rapportés, contre 1 276 sous lévofloxacine,
838 sous ciprofloxacine, 469 sous ofloxacine, 331 sous péfloxacine et 179 sous norfloxacine (19).
tolérance cardiaque
Comme d’autres médicaments, notamment d’autres fluoroquinolones, la moxifloxacine peut entraîner un allongement de
l’espace QT sur l’électrocardiogramme de certains patients, ce
phénomène exposant théoriquement à un risque d’arythmie
ventriculaire, notamment de torsade de pointes (4, 20-22). De
nombreux résultats, provenant en particulier de vastes études
observationnelles post-AMM, indiquent qu’en pratique clinique, la
tolérance cardiaque de la moxifloxacine est bonne, avec un risque
d’événement cardiaque minime ou absent (3, 5, 14, 22-27).
✓ Sources d’information. De façon générale, les différentes
sources d’informations permettant d’apprécier la sécurité d’emploi d’un médicament sont les études cliniques, les données des
systèmes de pharmacovigilance rassemblant les notifications
spontanées d’effets indésirables et les études observationnelles
post-AMM (28). Celles-ci ont l’intérêt d’évaluer le médicament
dans une large population et dans les conditions de la pratique
courante, prenant en compte en particulier les facteurs favorisant
l’émergence d’effets indésirables comme les comorbidités ou
les coprescriptions (16, 28). De ce fait, elles représentent actuellement le standard d’évaluation des médicaments, notamment
des fluoroquinolones (28, 29). La moxifloxacine est à ce jour la
seule fluoroquinolone disponible en France pour laquelle existent des données favorables de tolérance cardiaque issues, non
seulement des systèmes de pharmacovigilance, mais également
d’études observationnelles post-AMM à la fois internationales
et françaises (5, 22-27). En complément, sont également disponibles des données relatives au risque de torsades de pointes
par rapport à d’autres antibiotiques (22).
✓ Données de pharmacovigilance internationale. Aux États-Unis,
l’analyse des 25 cas de torsades de pointes associés à la prise
de fluoroquinolones enregistrés par la FDA entre 1996 et 2001
a montré que la moxifloxacine n’était jamais en cause (13 cas
étaient liés à la lévofloxacine, 8 à la gatifloxacine, 2 à la ciprofloxacine et 2 à l’ofloxacine) [23]. De façon plus récente, le dernier
rapport de pharmacovigilance mondiale de la moxifloxacine,
publié en 2004, a permis d’estimer l’incidence des torsades de
pointes liée au produit à 4 pour 10 millions de prescriptions, soit
un taux inférieur à celui observé dans la population générale
(8,6 cas pour 10 millions d’individus) [22, 24]. Par ailleurs, tous les
cas rapportés (n = 12) étaient survenus chez des patients présentant des facteurs de risque et ont été d’évolution favorable (24).
✓ Données de l’étude observationnelle française IMMEDIAT.
L’étude IMMEDIAT, réalisée à la demande de l’Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé, a permis d’évaLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
luer la tolérance cardiaque de la moxifloxacine grâce au suivi
de 13 578 patients adultes traités en pratique de ville pour
une infection aiguë des voies respiratoires, conformément aux
indications et à la posologie du libellé d’AMM (5). Parmi tous
ces patients, âgés en moyenne de 51 ans, 54,2 % étaient traités
par moxifloxacine pour une sinusite aiguë, 37,3 % pour une
exacerbation aiguë de bronchite chronique et 7,7 % pour une
pneumonie communautaire. Au cours de l’étude, les médecins
investigateurs devaient colliger tous les événements indésirables spontanément rapportés par les patients ou détectés à l’interrogatoire. La durée d’observation de chaque patient incluait
la période sous traitement (5 à 10 jours pour une exacerbation
aiguë de bronchite chronique, 10 jours pour une pneumonie
communautaire, 7 jours pour une sinusite aiguë) et les trois
jours suivant son arrêt. Certains des événements indésirables
enregistrés étaient identifiés comme événements “critiques”,
car pouvant correspondre à une manifestation d’un trouble
du rythme ventriculaire consécutif à un allongement de l’intervalle QT. Leur identification était réalisée à partir d’une liste
pré-établie, dont les investigateurs n’avaient pas connaissance
afin d’éviter tout biais de documentation. Une fois reconnus,
les événements indésirables critiques étaient analysés par un
comité scientifique, afin de statuer sur leur origine potentiellement cardiaque et leur lien de causalité avec le traitement
par moxifloxacine. L’étude IMMEDIAT a fait état d’un total de
1 046 événements indésirables (concernant 678 patients, soit
5 %), parmi lesquels 189 ont été considérés comme “critiques”.
Après analyse par le comité scientifique, 154 événements
indésirables critiques ont été classés d’origine non cardiaque
et 35 d’origine cardiaque. Parmi les 35 événements critiques
d’origine cardiaque, 25 (concernant 19 patients, soit 0,14 %)
ont été attribués au traitement par moxifloxacine (figure 2).
compte-rendu de la littérature
c ompte-rendu de la littérature
13 578 patients évalués
1 046 EI*
(678 patients ; 5 % de la population)
189 EI* “critiques”, pouvant correspondre à un trouble du rythme ventriculaire
consécutif à un allongement de l’intervalle QT
(159 patients ; 1,2 % de la population)
154 EI* “critiques”
d’origine non cardiaque
1 d’origine cardiaque
documentée**
non lié à la moxifloxacine
(aggravation d’une
insuffisance cardiaque)
35 EI* “critiques”
d’origine cardiaque
9 d’origine cardiaque
25 d’origine cardiaque
non documentée**
non documentée**
non liés à la moxifloxacine
liés à la moxifloxacine
(19 patients ; 0,14 % de la population),
tous transitoires et d’évolution favorable
* EI : événement indésirable
** Origine cardiaque documentée : confirmation électrophysiologique/examens complémentaires
disponibles ; origine cardiaque non documentée : présomption clinique forte, mais absence de confirmation
électrophysiologique/examens complémentaires.
Figure 2. Tolérance cardiaque de la moxifloxacine dans l’étude
observationnelle française post-AMM IMMEDIAT (5).
163
compte-rendu de la littérature
c ompte-rendu de la littérature
Il s’agissait de 13 cas de palpitation, 4 de tachycardie, 3 de
malaise, 3 de vertiges, un de pâleur et un de syncope, secondairement reclassé en probable malaise. Tous les événements
cardiaques attribués à la moxifloxacine ont été transitoires et
d’évolution favorable (5). Les résultats de l’étude IMMEDIAT
ont ainsi permis de conclure à la bonne tolérance cardiaque
de la moxifloxacine dans les conditions d’usage de la pratique
de ville, comme l’avaient déjà fait plusieurs autres études
observationnelles post-AMM réalisées aux États-Unis ou en
Allemagne (5, 25-27).
✓ Données comparatives. Dans un travail récent, le risque de
torsades de pointes lié aux différents antibiotiques susceptibles
d’allonger l’intervalle QT, notamment aux fluoroquinolones, a été
évalué en tenant compte des données précliniques et cliniques
disponibles pour chacun des produits et pour d’autres médicaments (22). Les données précliniques analysées comportaient
le degré d’inhibition in vitro des canaux cardiaques potassiques
impliqués dans l’allongement de l’intervalle QT (canaux HERG),
et l’existence d’une éventuelle capacité d’interaction avec le
cytochrome P450 (pouvant majorer le risque d’allongement
du QT en cas d’interaction médicamenteuse). Les données
cliniques étaient les cas de torsades de pointes rapportés par
des observations isolées, dans les études cliniques et dans les
études de surveillance post-AMM. Cinq niveaux de risque ont
été définis : le niveau I correspondant au risque le plus élevé
(> 1 %), et le niveau V à un risque mal établi ou minime. Dans
cette classification, la moxifloxacine a été considérée comme
comportant un risque minime de torsades de pointes (niveau IV)
inférieur à celui associé à la clarithromycine ou à l’érythromycine
(niveau III) [figure 3] (22).
Niveau I : risque le plus élevé (> 1 %)
Inhibition puissante des canaux potassiques HERG
Dofétilide
Sotalol
Cisapride
Terfénadine
Clarithromycine
Érythromycine (IV > PO)
Sparfloxacine
Itraconazole
Kétoconazole
Pentamidine
Gatifloxacine
Gémifloxacine*
Lévofloxacine
Fluconazole
Moxifloxacine
Voriconazole*
Grépafloxacine
Télithromycine*
Niveau II : risque significatif, surtout en cas
de coadministration avec des inhibiteurs du CYP**
Inhibition relativement puissante des canaux potassiques HERG
Niveau III : risque décrit
Inhibition des canaux potassiques HERG,
surtout en cas de coadministration avec
des inhibiteurs du CYP**
Niveau IV : risque minimal
Observations isolées
Faible inhibition des canaux potassiques HERG
Interactions possibles avec le CYP**
Niveau V : risque douteux/minime
Azithromycine
Cotrimoxazole
Ciprofloxacine
* Antibiotiques nouveaux sur le marché ou encore à l’étude, données post-marketing limitées ou absentes ;
en fonction des données complémentaires, les produits pourront être reclassés à un niveau plus élevé ou plus bas.
** CYP = cytochrome P450.
Figure 3. Classification de quelques molécules, dont des antibiotiques et des antifongiques, responsables d’un allongement de
l’intervalle QT en fonction du risque de torsades de pointes (22).
164
✓ En pratique, quelle place pour l’évaluation ECG de la tolérance
cardiaque ? Sur l’ECG de surface, l’intervalle QT correspond en
rythme sinusal au temps séparant le début de l’onde Q, qui
marque celui de dépolarisation ventriculaire, et la fin de l’onde T,
qui témoigne de celle de la repolarisation ventriculaire (30).
L’intervalle QT est un paramètre difficile à interpréter du fait
de sa variabilité. Sa durée dépend en effet du sexe, de l’âge,
du tonus du système nerveux autonome et de la fréquence
cardiaque (22). Elle varie également d’un battement cardiaque
à l’autre, au cours du nychtémère et d’un jour à l’autre (22). Un
allongement de l’intervalle QT est un marqueur imparfait du
risque d’arythmie ventriculaire (21). Le risque de torsades de
pointes n’est pas corrélé de façon linéaire à la durée de l’intervalle QT ni à l’importance de son allongement (21). Pour la
moxifloxacine, par exemple, parmi 787 patients inclus dans des
études de phase III disposant d’un ECG basal et après 3 jours de
traitement, 2,7 % ont présenté un allongement du QT significatif, mais aucun n’a présenté d’arythmie ventriculaire (3). De la
même façon, il est également démontré que deux médicaments
entraînant un allongement identique du QT peuvent exposer à
un risque de torsades de pointes différent (22). En conséquence,
la réalisation d’un ECG de surveillance lors d’un traitement
par fluoroquinolone n’est en principe pas justifiée dès lors
que les contre-indications et les précautions d’emploi de type
cardiaque concernant le produit sont respectées (31).
autres données de tolérance
Dans l’étude IMMEDIAT, 4 % des patients (n = 565/13 578) ont
présenté un effet indésirable non cardiaque considéré comme
lié à la moxifloxacine (5). Comme dans d’autres études, il s’agissait le plus souvent de troubles gastro-intestinaux (nausées,
vomissements, douleurs abdominales, diarrhées, chez 2,45 %
des patients) [3, 5]. Les effets indésirables extracardiaques
globalement observés dans l’étude ont été dans 91 % des cas
(511/564) d’intensité légère ou modérée et n’ont conduit à
un arrêt prématuré de traitement que chez 2 % des patients
(310/13 578) [5]. Aucun décès lié à la moxifloxacine n’a par ailleurs
été enregistré (5).
éventuels problèmes écologiques microbiens
causés par l’utilisation clinique du produit
sensibilité du pneumocoque
À la fin des années 1990 et au début des années 2000,
des études menées au Canada et à Hong Kong ont mis en
exergue la possibilité d’une évolution préoccupante de la
résistance du pneumocoque aux fluoroquinolones (32-34).
D’autres études, réalisées sur plusieurs milliers de souches
de pneumocoques, indiquent en réalité une situation actuellement rassurante dans la plupart des régions du monde,
avec, hormis dans certains pays d’Asie, des taux de résistances inférieures à 1,8 % (35). En France, le dernier rapport
d’activité du Centre national de référence des pneumoLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
coques concernant des souches recueillies en 2004 montre
également que la fréquence des souches résistantes aux
fluoroquinolones respiratoires est faible, de seulement
0,6 % pour la lévofloxacine (1 252 souches étudiées) ainsi
que pour la moxifloxacine (1 061 souches étudiées) [36]. Le
rapport précise également que moins de 1,5 % des souches
(17/1 252) cataloguées comme sensibles à la lévofloxacine
(CMI de 1 à 2 mg/ml) et à la moxifloxacine (CMI de 0,125
à 0,25 mg/ml) sont porteuses d’un mécanisme de résistance
les prédisposant à une résistance effective (36).
Sensibilité des entérobactéries
Plusieurs études observationnelles (études de cohorte, castémoins, de corrélation ou avant-après) ont montré l’existence
d’une relation entre la consommation de fluoroquinolones
et l’émergence de souches d’Escherichia coli résistantes (37,
38). En France, une étude utilisant un modèle statistique a,
par ailleurs, révélé que l’augmentation de la consommation
d’ofloxacine, de ciprofloxacine et de nofloxacine était significativement liée à l’augmentation du taux de résistance d’E. coli à
l’ofloxacine (étude sur 9 338 souches d’E. coli urinaires isolées
entre janvier 1997 et septembre 2003) [37]. Ces résultats incitent à respecter de façon scrupuleuse les règles de bon usage
des fluoroquinolones respiratoires, même si la preuve d’un lien
spécifique entre leur utilisation et l’émergence de résistances
chez E. coli via une action sur la flore bactérienne digestive n’est
actuellement pas faite. Il convient en particulier de respecter
le cadre de leurs indications, de discuter leur utilisation lorsqu’une alternative antibiotique est possible et de veiller à ne
pas les prescrire chez les patients déjà traités par quinolones
dans les mois précédents (6, 7, 39).
Problèmes liés à une éventuelle tuberculose non diagnostiquée
Les fluoroquinolones ont une excellente activité in vitro sur
Mycobacterium tuberculosis, le principal agent de la tuberculose (40, 41). De ce fait, leur administration chez des patients
porteurs d’une tuberculose pulmonaire diagnostiquée par
erreur comme une pneumopathie bactérienne peut être
responsable d’un retard au diagnostic de tuberculose et à
la mise en route du traitement antituberculeux, ce qu’ont
montré plusieurs études (41-42). D’autres données suggèrent également que leur utilisation en monothérapie chez
des patients tuberculeux non diagnostiqués peut induire
l’apparition de résistances de M. tuberculosis, notamment
en cas d’infection par le VIH (41, 43). Dans une étude ayant
évalué la sensibilité de M. tuberculosis aux fluoroquinolones
chez des patients atteints d’une tuberculose nouvellement
diagnostiquée (n = 55), deux cas de résistance concernant des
patients VIH positif antérieurement traités par fluoroquinolone
ont été observés (43). L’ensemble de ces données invite à
une utilisation prudente des fluoroquinolones respiratoires
chez les patients présentant un tableau clinique d’infection
broncho-pulmonaire pour lequel une origine tuberculeuse
n’est pas formellement écartée, en particulier dans le contexte
d’une infection par le VIH (41).
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
Données issues de l’expérience acquise
avec la moxifloxacine intraveineuse
La moxifloxacine par voie intraveineuse (i.v.) n’est actuellement
pas disponible en France, mais l’est dans d’autres pays (3, 4). L’expérience acquise à ce jour en termes d’efficacité et de tolérance
concerne essentiellement son utilisation dans le traitement des
pneumopathies communautaires hospitalisées, selon un schéma
d’administration séquentielle comportant un relais possible par
la moxifloxacine orale (44-46).
Étude CAPRIE
✓ Méthodologie. L’étude CAPRIE est une étude multicentrique
prospective randomisée en double aveugle ayant comparé un
traitement séquentiel par moxifloxacine i.v./moxifloxacine orale
ou lévofloxacine i.v./lévofloxacine orale chez 401 patients âgés
de 65 ans ou plus, hospitalisés pour pneumopathie communautaire (44, 45). Les traitements étaient administrés pendant 7 à
14 jours, à la posologie de 400 mg par jour pour la moxifloxacine (n = 197) et de 250 ou 500 mg par jour pour la lévofloxacine – en fonction de la clairance de la créatinine – (n = 204).
Dans les deux groupes de traitement, le relais par la voie orale
pouvait être pris après au moins deux jours de traitement i.v. si
l’état des patients était amélioré, s’ils avaient été apyrétiques
pendant au moins 8 heures et s’ils pouvaient tolérer la prise
orale de nourriture, de boisson et de médicaments. Le critère
principal d’efficacité était le taux de guérison clinique (disparition ou amélioration de la symptomatologie sans nécessité
d’une modification de l’antibiothérapie) 5 à 21 jours après la
fin du traitement (44). L’évaluation de la tolérance des traitements incluait une surveillance cardiaque par holter continu
pendant les trois premiers jours de l’étude. Le critère principal
de tolérance cardiaque, évalué d’après les enregistrements
holter, était la survenue de troubles du rythme ventriculaire,
incluant les torsades de pointes (45).
✓ Durée de traitement. La durée moyenne de l’antibiothérapie
a été de 10 jours dans les deux groupes de traitement. La voie
i.v. a été utilisée en moyenne pendant 3,7 jours dans le groupe
moxifloxacine et pendant 3,8 jours dans le groupe lévofloxacine
(non significatif) [44].
✓ Résultats d’efficacité. Dans la population cliniquement évaluable
(n = 281), le taux de guérison clinique 5 à 21 jours après la fin du
traitement a été comparable dans le groupe moxifloxacine et dans
le groupe lévofloxacine (92,9 % versus 87,9 %, non significatif). Trois
à cinq jours après le début du traitement, il existait, en revanche, un
pourcentage de patients considérés comme guéris significativement
plus important dans le groupe moxifloxacine que dans le groupe
lévofloxacine (97,9 % versus 90 %, p = 0,01) [44].
✓ Résultats concernant la tolérance cardiaque. Des données
d’enregistrement holter ont été disponibles pour 387 patients,
dont 192 appartenant au groupe moxifloxacine et 195 au groupe
lévofloxacine (45). L’incidence des événements cardiaques à
type d’arythmie ventriculaire a été comparable dans le groupe
moxifloxacine et dans le groupe lévofloxacine (8,3 % versus
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5,1 %, non significatif). Un cas de torsades de pointes a été enregistré dans le groupe lévofloxacine et aucun dans le groupe
moxifloxacine (45).
Étude MOTIV
✓ Méthodologie. L’étude MOTIV est une étude multicentrique
multinationale prospective randomisée en double aveugle,
ayant comparé un traitement séquentiel par moxifloxacine i.v./
moxifloxacine orale ou par ceftriaxone i.v. + lévofloxacine i.v./lévofloxacine orale chez des patients adultes hospitalisés pour une
pneumopathie communautaire sévère (46). Après évaluation en
fonction de l’index de sévérité de la pneumopathie, 738 patients
ont été randomisés entre les groupes moxifloxacine i.v./
moxifloxacine orale (n = 371) et ceftriaxone i.v. + lévofloxacine i.v./
lévofloxacine orale (n = 367). La moxifloxacine i.v./moxifloxacine
orale était administrée à la posologie de 400 mg une fois par
jour, la ceftriaxone i.v. à la posologie de 2 g une fois par jour et
la lévofloxacine i.v./lévofloxacine orale à celle de 500 mg deux
fois par jour (avec adaptation en cas d’insuffisance rénale). La
durée de traitement était de 7 à 14 jours, avec un traitement i.v.
continu ou un relais possible par la voie orale en cas d’apyrexie
depuis au moins 24 heures avec numération des globules blancs
normale, état hémodynamique stable, clairance de la créatinine
supérieure ou égale à 20 ml/mn et tolérance à la prise orale de
nourriture ou de médicaments. Le critère principal d’efficacité
était le taux de guérison clinique 4 à 14 jours après la fin du
traitement. La tolérance cardiaque des traitements était évaluée
d’après des électrocardiogrammes réalisés aux 1er et 3e jours
et d’après les événements cardiaques cliniques recensés par
des observateurs indépendants, aveugles aux traitements à
l’étude (46).
✓ Durée de traitement. Dans la population per protocole
(n = 291), la durée moyenne du traitement a été de 11,2 jours
chez les patients du groupe moxifloxacine i.v./ moxifloxacine orale
(n = 291) et de 11,6 jours chez ceux du groupe ceftriaxone i.v.
+ lévofloxacine i.v./lévofloxacine orale (n = 278) [46]. La voie i.v.
a été utilisée en moyenne pendant 6,1 jours dans le groupe
moxifloxacine et pendant 6,6 jours dans le groupe ceftriaxone/
lévofloxacine (46).
✓ Résultats d’efficacité. Le pourcentage de patients cliniquement
guéris 4 à 14 jours après la fin du traitement a été de 86,9 %
(253/291) dans le groupe moxifloxacine et de 89,9 % (250/278)
dans le groupe ceftriaxone/lévofloxacine, sans différence significative entre les deux groupes (résultats dans la population per
protocole) [46]. La moxifloxacine et l’association ceftriaxone/lévofloxacine ont également permis d’obtenir des taux de guérison
clinique comparables lorsque les résultats étaient analysés en
fonction de l’index de sévérité de la pneumopathie (46).
✓ Résultats concernant la tolérance cardiaque. Un allongement
de l’intervalle QT a été observé chez 13 patients (3,5 %) du groupe
moxifloxacine et chez 10 patients (2,7 %) du groupe ceftriaxone/
lévofloxacine. L’incidence des événements cardiaques électrocardiograhiques (fibrillation auriculaire essentiellement) a été comparable
dans les deux groupes de traitement (25 cas dans chaque groupe).
Aucun décès lié aux traitements n’a été rapporté (46).
Conclusion
La moxifloxacine est une fluoroquinolone dont les bénéfices
par voie orale sont bien établis dans le traitement des sinusites
aiguës bactériennes documentées, des exacerbations aiguës de
bronchite chronique et des pneumopathies communautaires
non sévères (4, 8-10). Dans les exacerbations aiguës de bronchite chronique, elle permet en particulier de retarder de façon
significative la survenue d’une récidive comparativement à une
antibiothérapie classique (9). Pour l’ensemble des indications,
son schéma posologique est simple, en une prise par jour. Par
voie intraveineuse, elle a par ailleurs démontré son intérêt dans
le traitement des pneumopathies communautaires hospitalisées,
selon un schéma d’administration séquentielle comportant un
relais possible par la voie orale (44-46).
La moxifloxacine possède également un profil de tolérance
favorable, si l’on respecte les contre-indications, les mises en
garde et précautions d’emploi et les règles d’associations médicamenteuses dont elle fait l’objet. Elle se caractérise par une
phototoxicité minimale ou absente, un très faible risque de tendinopathies et une bonne tolérance cardiaque (1, 5, 11, 18, 19, 22).
Dans l’étude observationnelle post-AMM IMMEDIAT conduite
chez 13 578 patients traités pour une infection respiratoire dans
les conditions habituelles de la pratique de ville, l’incidence des
événements cardiaques cliniques liés à la moxifloxacine a été
de 0,14 % (19 patients), et tous les événements rapportés (n = 25)
ont été transitoires et d’évolution favorable (5).
Enfin, comme pour toute autre fluoroquinolone, la prescription
de la moxifloxacine doit être envisagée en tenant compte d’éventuels problèmes écologiques concernant, d’une part, l’émergence
de résistances chez les pneumocoques et les entérobactéries, et,
d’autre part, un éventuel retard au diagnostic de tuberculose si
le traitement est administré par erreur pour un tableau clinique
étiqueté pneumopathie bactérienne non tuberculeuse (6, 7, 37,
39, 41). Pour le pneumocoque, les données sont rassurantes,
puisqu’en 2004, 99,4 % des souches recueillies par le Centre
national de référence étaient cataloguées comme sensibles (36).
Pour les entérobactéries, le risque doit être pris en compte, car
plusieurs études ont établi un lien entre consommation des fluoroquinolones et émergence de souches d’E. coli résistantes (37,
38). Quant au problème d’une éventuelle méconnaissance d’une
tuberculose pulmonaire, il invite à une utilisation prudente du
produit chez les patients se présentant avec un tableau infectieux
broncho-pulmonaire pour lequel un diagnostic de tuberculose
n’est pas écarté (41).
Comme pour tout autre médicament, la connaissance du rapport
bénéfice/risque constitue pour le clinicien un élément de décision important lors du choix d’un traitement par fluoroquinolone.
Pour la moxifloxacine, les données actuellement disponibles
permettent de conclure à un rapport bénéfice/risque favorable
(1). Pour utiliser le produit avec un maximum de sécurité et
préserver son bon rapport efficacité/tolérance, il reste néanmoins indispensable de respecter les recommandations de
son bon usage.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXII - n° 4 - juillet-août 2007
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