situations, l’évaluation rend de grands servi-
ces (sélection, classement, organisation, éche-
lonnement, bilan, etc.), et s’associe volontiers
avec des paramètres contrôlables. Lorsque l’é-
valuation porte sur des dimensions subjecti-
ves, moyennement contrôlables, le paradig-
me d’intervention change, faisant changer du
même coup le paradigme de l’évaluation.
L’objet d’évaluation devient plus important
que les résultats associés : l’individu représen-
te alors le centre d’attention, il devient sujet
et, à ce titre, peut intervenir dans la démar-
che d’évaluation. Ce phénomène est très sou-
vent lié à la recherche de motivation chez la
personne que l’on évalue. Le management et
les ressources humaines ont récemment com-
pris cet enjeu et les entreprises accordent de
plus en plus de place à l’autoévaluation et à
la coévaluation, en soutien à des mesures
pures de performances. De même, l’école
cherche à contrebalancer l’évaluation dite
sommative (faire la somme des erreurs/des
réponses justes pour établir un score) par des
approches centrées sur l’apprenant, où
l’autoévaluation et le feed-back sont perma-
nents (évaluation dite formative).
Pourquoi ne pas imaginer que chaque personne
malade, dès lors qu’elle est en contact avec un
expert, peut conserver une intégrité lui per-
mettant d’évaluer, de manière objective, sub-
jective, raisonnée, ou de manière irrationnel-
le, le phénomène qui la touche : est-il possi-
ble de consulter un médecin sans avoir la
moindre idée, sans la moindre hypothèse dia-
gnostique (grippe ? ulcère ? cancer ?…) ? Est-
il possible d’adapter plus ou moins bien son
traitement sans avoir conscience des risques
encourus, sans peser le pour et le contre ?
Tricher nécessite de connaître
parfaitement les règles ! Il n’y a pas de
fatalité…, au pire des lacunes de connaissan-
ces ou des difficultés de communication.
L’évaluation des facteurs positifs d’observance
met, en outre, en évidence la qualité de la
relation et des interactions avec les profes-
sionnels de référence. Pour quelle raison les
études de la non-observance ne disent-elles
rien de la compétence (incompétence) des
soignants d’accompagner les personnes
malades dans une gestion individualisée et
acceptable du traitement ? La place de la
concession, de la marge de manœuvre est
réfutée, car l’idéal clinique est fait du respect
scrupuleux des guidelines internationaux. La
confrontation entre le rationnel désincarné
et le subjectif quotidien bat son plein… Les
personnes malades sont au centre et subis-
sent les contraintes de l’évaluation, sans en
percevoir le moindre bénéfice, le tout en
silence…, signe de celui qui attend le verdict !
DÉVELOPPER UNE APPROCHE ÉDUCATIVE
Lorsque certaines personnes malades s’offus-
quent de la notion d’éducation du patient, ils
ont, dans le contexte actuel de leur expérien-
ce clinique, bien raison, si l’on considère que
l’un des seuls stigmates pédagogiques connus
relève de l’évaluation (questionnaires, échel-
les, observations, carnet de contrôle, etc.). Il
est temps de reprendre à la base la question
de l’interaction thérapeutique, principale-
ment dans les maladies incurables, où il y a à
penser un réel partenariat. Or, il n’y pas de
formation sans évaluation… mais il reste à
définir le cadre d’action et l’identité propre
de cette approche : apprendre est un phéno-
mène totalement individuel, possiblement
soutenu de l’extérieur, mais qui nécessite le
respect de l’intégrité propre de l’individu.
Évaluer représente, en termes de nomencla-
ture d’objectifs, le degré maximal de com-
plexité et d’aboutissement dans l’apprentissa-
ge. Si l’on souhaite développer des apprentis-
sages de gestion thérapeutique chez les per-
sonnes malades, il s’agit d’accepter de parta-
ger le droit d’évaluer, et de les stimuler aussi
souvent que possible à faire part de leurs
options et de leurs choix, tout en raisonnant
ensemble sur leurs conséquences (avantages,
limites). Cette option pédagogique, enraci-
née dans la noblesse de l’acte d’évaluation
(recherche de valeurs, identification de res-
sources “naturelles”), favorise non seulement
des apprentissages opératoires (didactique),
mais augmente le niveau de compétences qui
seront nécessaires pour un réel partenariat.
Adopter une telle posture ne revient en
aucun cas à devoir tout accepter de la part
des personnes malades ; bien au contraire, il
s’agit de construire réellement un système
d’attribution de valeur pour les comporte-
ments spontanés, les croyances de santé, les
représentations cognitives, la dimension
affective, afin de travailler avec le matériel
naturel de la personne. L’évaluation pourra
alors, sous ces conditions de recentrage et
d’abandon de la mesure du vide, redevenir un
véritable outil thérapeutique et éducatif.
Contrairement à l’expérience scolaire qui
place l’évaluation en fin de processus, l’édu-
cation thérapeutique s’appuie dès le départ
sur une approche compréhensive (évaluation
“diagnostique”), et permet à l’apprenant de
renforcer sa capacité d’analyse face à des pro-
blématiques issues de ses propres choix, en
interaction avec la lecture permanente du soi-
gnant-éducateur (évaluation “formative”). Il
semble évident que cela ne sera possible
qu’au travers d’une réelle formation pédago-
gique des soignants, voire même à la modifi-
cation des procédures d’évaluation utilisées
en formation initiale (faculté de médecine,
école d’infirmières, etc.). L’enjeu est de
taille… tout comme la problématique de la
non-observance, sur laquelle il ne faut pas se
tromper lorsque l’on cherche à identifier les
causes majeures de ce phénomène. Cherchez
le type d’évaluation, vous trouverez un acteur
de pouvoir. ■
P
OUR EN SAVOIR PLUS
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santé et maladie. Presses Universitaires de
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Vol.1 - n° 2 - oct.-nov.-déc. 2000
Évaluation et prise en charge
de l’observance thérapeutique