L Cas clinique Myxœdème prétibial éléphantiasique, exophtalmie et euthyroïdie

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Cas clinique
Le piège
Myxœdème prétibial éléphantiasique,
exophtalmie et euthyroïdie
au cours d’une maladie de Basedow
Elephantiasic pretibial myxedema, exophthalmia
and euthyroidism in Graves’ disease
Myxœdème prétibial • Maladie
de Basedow • Hyperthyroïdie.
Pretibial myxedema • Graves’
disease • Hyperthyroidism.
A. Toulon, E. Marinho, E. Larger, B. Crickx, V. Descamps
(Services de dermatologie, d’anatomopathologie et d’endocrinologie, hôpital Bichat, Paris)
L
a maladie de Basedow est une pathologie auto-immune dont la manifestation clinique la plus fréquente est l’hyperthyroïdie. Elle peut s’associer à une
ophtalmopathie, une dermopathie (myxœdème prétibial [MPT]) et une acropathie thyroïdienne. Le MPT apparaît en général après une longue évolution de la
maladie ou peut survenir avant, pendant ou après le début du traitement. Alors
qu’il est bien établi que les auto-anticorps antirécepteurs à la thyrotropine (antiRTSH) sont directement responsables de l’hyperthyroïdie dans la maladie de
Basedow, la physiopathologie des manifestations extrathyroïdiennes est moins
bien élucidée. Nous rapportons ici l’observation d’un patient présentant une
maladie de Basedow avec manifestations extrathyroïdiennes prédominantes.
Observation
Un homme âgé de 38 ans d’origine malienne se présente en consultation pour une
tuméfaction d’aspect tumoral de la face antérieure de la jambe droite évoluant depuis
deux ans. Cette plaque est ferme mais non dure et avait un aspect en peau d’orange
(figures 1 et 2). Le patient signale une altération de l’état général avec amaigrissement de 8 kg en deux mois qui a initialement fait orienter le diagnostic vers une
pathologie tumorale ou infectieuse. Mais l’examen clinique retrouve également un
goitre modéré (figure 4), une exophtalmie (figure 3) et un pouls à 120/mn.
L’histologie cutanée de la lésion de la jambe droite met en évidence d’importants
dépôts de mucine intradermique après coloration au bleu Alcian, sans mucinose folliculaire, qui confirme le diagnostic de MPT éléphantiasique unilatéral (figure 5).
Biologiquement, la TSH est normale, les anticorps anti-RTSH sont positifs à 3,4 UI/l
(normal < 1,5UI/l). L’échographie thyroïdienne montre un parenchyme hypoéchogène
hétérogène.
L’examen ophtalmologique est normal, si ce n’est l’exophtalmie bilatérale et symétrique sans rétraction palpébrale. Cette exophtalmie est mesurée à 5,4 mm par un
scanner des orbites.
Le diagnostic de maladie de Basedow étant confirmé, le patient est traité par
bêtabloquant pour la tachycardie et par dermocorticoïdes pour la lésion de la jambe.
Discussion
Légendes
Figure 1. Plaque infiltrée prétibiale unilatérale.
Le MPT survient chez 0,5 à 4,3 % des patients atteints de maladie de Basedow, mais
il peut également survenir en cas d’hypothyroïdie primaire ou de maladie de Hashimoto. La topographie des manifestations extrathyroïdiennes est particulière (tissu
rétro-orbitaire et tissu membres inférieurs), marquée par l’accumulation de glycosaminoglycanes.
Figure 2. Aspect de peau d’orange.
Notre observation est inhabituelle de par l’importance des manifestations extrathyroïdiennes, consistant en une atteinte cutanée prédominante à l’origine d’un
éléphantiasis unilatéral, associées à une fonction thyroïdienne normale.
Figure 5. Présence de mucine après coloration au bleu Alcian (x 10).
L’origine de ces manifestations extrathyroïdiennes reste discutée. Les fibroblastes
des tissus rétro-orbitaires et du derme expriment les RTSH. Cependant, la sévérité
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Figure 3. Exophtalmie confirmée au scanner
orbitaire (flèche).
Figure 4. Petit goitre thyroïdien.
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de l’exophtalmie n’est pas corrélée classiquement au titre des auto-anticorps antiRTSH ou au taux de la TSH. D’autres antigènes communs non encore caractérisés
(ou avec une parenté moléculaire) pourraient être présents sur ces différents tissus
thyroïdiens, rétro-orbitaires et dermiques cibles d’une réaction auto-immune. Le rôle
de facteurs de croissance ou de cytokines est aussi discuté (IGF-1, somatostatine).
D’autres travaux soulignent le rôle de facteurs locaux tels que l’œdème (insuffisance
veineuse ou lymphatique) et les traumatismes parfois rapportés comme facteurs
déclenchants. Le traitement du MPT est difficile et n’est pas codifié. Récemment a été
signalé à propos de deux cas cliniques l’intérêt de l’association de la corticothérapie
locale (propionate de clobétasol ou triamcinolone en injection) et de la pentoxifylline
(Torental®) par voie générale.
La présentation éléphantiasique unilatérale est une forme clinique de MPT à
connaître, les manifestations d’hyperthyroïdie pouvant être au deuxième plan.
II
Pour en savoir plus
• Rapoport B, Alsabeh R, Aftergood D, McLachlan SM. Elephantiasic pretibial myxedema: insight into
and a hypothesis regarding the pathogenesis of the extrathyroidal manifestations of Graves’ disease.
Thyroid 2000;10:685-92.
• Pineda AM, Tianco EA, Tan JB, Casintahan FA, Beloso MB. Oral pentoxifylline and topical clobetasol propionate ointment in the treatment of pretibial myxoedema, with concomitant improvement of
Graves’ ophthalmopathy. J Eur Acad Dermatol Venereol 2007;1:1441-3.
• Engin B, Gümüşel M, Ozdemir M, Cakir M. Successful combined pentoxifylline and intralesional
triamcinolone acetonide treatment of severe pretibial myxedema. Dermatol Online J 2007;13:16.
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