58 THIERRY COQUAND, HENRI LOMBARDI & CLAUDE QUITTÉ
d’idéaux de type fini. Nous montrons que l’espace spectral défini par Heitmann pour sa notion
de dimension correspond au treillis formé par les idéaux qui sont radicaux de Jacobson d’idéaux
de type fini. Ceci nous permet d’obtenir une définition constructive élémentaire de la dimension
définie par Heitmann (que nous notons Jdim). Nous introduisons une autre dimension, que nous
appelons dimension de Heitmann (et que nous notons Hdim), qui est (( meilleure )) en ce sens que
Hdim ≤Jdim et qu’elle permet des preuves par récurrence naturelles.
Nous obtenons alors des versions constructives de certains théorèmes classiques importants, dans
leur version non nœthérienne (en général due à Heitmann).
Les versions constructives de ce ces théorèmes s’avèrent en fin de compte plus simples, et parfois
plus générales, que les versions classiques abstraites correspondantes.
En particulier nous rappelons les versions non nœthériennes des théorèmes de Swan et de Serre
(splitting off) obtenues récemment pour la première fois dans [5].
Naturellement, le principal avantage que nous voyons dans notre traitement est son caractère
tout à fait élémentaire. En particulier nous n’utilisons pas d’hypothèses (( non nécessaires )) comme
l’axiome du choix et le principe du tiers exclu, inévitables pour faire fonctionner les preuves clas-
siques antérieures.
Enfin, le fait de s’être débarrassé de toute hypothèse nœthérienne est aussi non négligeable, et
permet de mieux voir l’essence des choses.
En conclusion cet article peut être vu pour l’essentiel comme une mise au point constructive de
la théorie des espaces spectraux via celle des treillis distributifs, avec une insistance particulière
sur la dimension de Heitmann et quelques applications marquantes en algèbre commutative.
Remarque. — Nous avons résolu de la manière suivante un problème de terminologie qui se pose en
rédigeant cet article. Le mot (( dualité )) apparaît a priori dans le contexte des treillis distributifs
avec deux significations différentes. Il y a d’une part la dualité qui correspond au renversement
de la relation d’ordre dans un treillis. D’autre part il y a la dualité entre treillis distributifs et
espaces spectraux, qui correspond à une antiéquivalence de catégorie. Nous avons décidé de réserver
(( dualité )) pour ce dernier usage. Le terme (( treillis dual )) a donc été systématiquement remplacé
par (( treillis opposé )). De même on a remplacé (( la notion duale )) par (( la notion renversée )) ou
par (( la notion opposée )), et (( par dualité )) par (( par renversement de l’ordre )).
1. Treillis distributifs
Les axiomes des treillis distributifs peuvent être formulés avec des égalités universelles concernant
uniquement les deux lois ∧et ∨et les deux constantes 0T(l’élément minimum du treillis distri-
butif T) et 1T(le maximum). La relation d’ordre est alors définie par a≤Tb⇔a∧b=a. On
obtient ainsi une théorie purement équationnelle, avec toutes les facilités afférentes. Par exemple
on peut définir un treillis distributif par générateurs et relations, la catégorie comporte des limites
inductives (qu’on peut définir par générateurs et relations) et des limites projectives (qui ont pour
ensembles sous-jacents les limites projectives ensemblistes correspondantes).
Un ensemble totalement ordonné est un treillis distributif s’il possède un maximum et un mini-
mum. On note nun ensemble totalement ordonné à néléments, c’est un treillis distributif si n6= 0.
Le treillis 2est le treillis distributif libre à 0 générateur, et 3celui à un générateur.
Pour tout treillis distributif T, si on remplace la relation d’ordre x≤Typar la relation sy-
métrique y≤Txon obtient le treillis opposé T◦avec échange de ∧et ∨(on dit parfois treillis
dual).