GUIDEPEDAGOGIQUE « Outre ciel » La frontière entre la Terre et l’outre ciel fut continuellement déplacée : d’un monde sublunaire, elle recula aux confins du système solaire pour finalement englober l’univers et en définitive seulement signifier la progression infime de l’homme dans un domaine plus vaste qu’il ne pouvait le concevoir. De cette frontière qui ne démarque aucune limite avec un autre monde mais qui indique seulement la progression d’un désir, quelles nouvelles devons-nous en attendre ? Depuis 1930, date de sa découverte, Pluton semblait être la neuvième et dernière planète de notre système solaire. L’observation récente du corps céleste baptisé Sedna (flèche) repousse encore cette limite à 90 fois la distance Terre-Soleil. © NASA/Caltech/M. Brown Vingt huit ans ont été nécessaires aux sondes Voyager pour atteindre la frontière du système solaire nommée «héliopause». C’est à cette ultime limite, bien au delà des planètes connues, que cesse le vent de particules solaires exposant ainsi ces petites sondes spatiales aux radiations interstellaires omniprésentes. © NASA D’autres systèmes planétaires, existants ou en formation, constituent eux aussi de lointaines frontières. Cette observation, réalisée grâce au Very Large Telescope, nous révèle un monde lointain dans lequel une planète massive (b) gravite autour de la jeune étoile GQ Lupi (A), située à 400 années lumière de notre Terre. © ESO Cette image du télescope spatial Hubble, montrant «l’univers profond», constitué de multiples galaxies, restera sans doute la première représentation de l’ultime frontière de notre Univers. © NASA GUIDEPEDAGOGIQUE Suggestions d’écriture Plusieurs sondes interplanétaires traversent le système solaire ; leurs ordinateurs échangent des nouvelles... Suite à un article d’interprétation, jugé fantaisiste, des observations réalisées avec un télescope spatial, une série de lettres publiées dans le courrier des lecteurs d’un magazine scientifique lance le débat... Sources documentaires L’EPOPEE DES SONDES VOYAGER : Depuis le lancement de la sonde Luna 1 en 1959, de très nombreuses sondes d’exploration planétaire ont été lancées et sont à l’origine de formidables découvertes et avancées de notre connaissance du système solaire. Les sondes les plus lointaines sont aujourd’hui Voyager 1 et Voyager 2, lancées en 1977. Elles ont depuis quelques mois franchi la frontière du système solaire pour pénétrer dans une vaste région turbulente et inconnue, là où l’influence du soleil prend fin (héliopause) et où commence l’espace interstellaire…. Le carnet de route ci-après donne les dates auxquelles ces sondes sont passées au plus près des planètes. - Jupiter le 5 mars 1979 pour Voyager 1 et le 9 juillet 1979 pour Voyager 2 - Saturne le 12 novembre 1980 pour Voyager 1 et le 26 août 1981 pour Voyager 2 - Uranus le 24 janvier 1986 par Voyager 2 - Neptune le 25 août 1989 par Voyager 2 - 1er août 2002 : Voyager 1 a franchi l’onde de choc terminale de la magnétosphère - janvier 2003 : Voyager 1 est sortie du système solaire. UNE MOISSON D’INFORMATIONS : Les sondes Voyager 1 et 2 ont fourni, et continuent de transmettre, des centaines de milliers de clichés et informations scientifiques. Elles ont transmis des quantités énormes de données jusqu’à leur survol de Neptune, l’équivalent de 6000 volumes de l’Encyclopedia Universalis ! Néanmoins, les plus importantes découvertes faites grâce à la transmission de ces données sont : - découverte des magnétosphères d’Uranus et Neptune - découverte de 22 nouveaux satellites : 3 pour Jupiter, 3 pour Saturne, 10 pour Uranus et 6 pour Neptune - Découverte de volcans en activité sur un des satellites de Jupiter, Io tandis que d’autres données conduisent à penser qu’un océan souterrain d’eau salée se trouve sur Europe. - Découvertes de zones aurorales sur Jupiter, Saturne et Neptune - Découverte d’anneaux autour de Jupiter, et de deux nouveaux anneaux autour d’Uranus et de Neptune - Orages sur Neptune Les responsables du programme Voyager estiment qu’ils recevront des données jusqu’en 2020 environ, date à laquelle ces sondes se trouveront à une distance de 20 milliards de kilomètres du soleil. Leurs calculs prévoient que Voyager 1 atteindra l’étoile AC+ 73.3888 de la Constellation de la Girafe dans 40 000 ans (située à 17 années lumière) alors que Voyager 2 pourrait croiser l’étoile naine Ross 248 d’Andromède (située à 10.3 années lumière)…. SIGNALER UNE DECOUVERTE ASTRONOMIQUE : Si vous êtes convaincu d’avoir découvert quelque chose dans le ciel, vous avez plusieurs solutions pour avertir la communauté astronomique. Mais attention, si vous n’avez pas encore fait vos preuves en tant que « découvreur expérimenté », il est fortement recommandé de soumettre vos observations à des astronomes amateurs ou professionnels capables de les vérifier. En France, vous pouvez communiquer vos résultats à l’Institut de Mécanique céleste (77, avenue Denfert-Rochereau, 75014 Paris) ou demander une vérification par l’intermédiaire d’une liste électronique réunissant des observateurs chevronnés. S’il se confirme que vous avez toutes les chances d’avoir réellement découvert une comète, un astéroïde ou une supernova (!), le moyen le plus rapide pour l’annoncer officiellement est d’adresser un courrier électronique à l’Union astronomique internationale. L’adresse électronique de Brian G. Marsden, l’astronome LES SURPRISES RADIO : En 1962 Cyril Hazard, un astronome anglais, employa une nouvelle méthode pour trouver la position exacte d’un astre bleu (3C273). de la constellation de la Vierge, invisible à l’oeil nu mais discernable avec un petit télescope amateur standard. Il fut observé pour la première fois sur les ondes radio au début des années 60. En pointant le radiotélescope de 64 m de Parkes, en Australie, sur la radiosource au moment où la Lune était sur le point de l’occulter, Hazard réussit à calculer le moment exact où le signal disparaissait. La position de la Lune étant connue à tout instant avec une grande précision, Hazard en déduisit la place exacte de 3C273. Il découvrit que la source se divisait en fait en deux, l’une coïncidant avec la position d’une étoile bleue, l’autre semblant liée à une mince traînée de gaz sortant d’une autre étoile. Cette observation conduisit l’astronome américain Maarten Schmidt à scruter 3C273 avec le télescope de 5 m du mont Palomar, en Californie. L’objet était si brillant qu’il surexposa son film. En analysant le spectre de la lumière, Schmidt fut à même de déterminer que le rayonnement était émis par un corps constitué d’éléments normaux. Il s’éloignait cependant de la Terre à une vitesse égale à environ 16 pour cent de celle de la lumière. Selon la loi de Hubble, fondamentale en astronomie, des vitesses de récession de cet ordre sont dues à l’expansion de l’univers, et la vitesse d’un objet est proportionnelle à son éloignement de la Terre. Les distances calculées qui centralise toutes les découvertes au niveau mondial, est [email protected]. Dans tous les cas, un rapport de découverte ne peut être pris au sérieux s’il ne contient au minimum les indications suivantes : - l’instrument utilisé, - les lieux, dates et heures (TU) précises des observations, - la position ou les positions successives en ascension droite et déclinaison de l’objet (en précisant l’équinoxe 1950 ou 2000), - le mouvement propre en ascension droite et déclinaison le cas échéant, - la magnitude estimée, - une description physique. S’il s’agit d’une découverte photographique ou CCD, une seconde image de contrôle doit être réalisée pour s’assurer qu’il ne s’agit pas d’un artefact. Il faut en outre indiquer la nature du film ou de la caméra CCD, le temps de pose, la taille du champ et la magnitude limite. par Schmidt plaçaient 3C273 à plus de deux milliards d’années-lumière, ce qui en faisait à cette époque l’objet connu le plus éloigné de la Terre. Ce n’était ni une étoile, ni même une galaxie normale : elles auraient été à l’époque à peine décelables avec la technologie disponible. C’était, par sa magnitude, la plus puissante source de rayonnements du ciel tout entier. La découverte de Schmidt secoua l’astronomie. On trouva un nom pour décrire le phénomène : radiosource quasi stellaire, en abrégé quasar. Les chercheurs du monde entier se lancèrent à la découverte d’objets similaires avec succès. Vues de quasars réalisées par le télescope spatial Hubble © NASA/J. Bahcall/M. Disney Réflexions LES ANNEES-LUMIERE : Tiré de Cosmicomics de Italo Calvino, traduction de Jean Thibaudeau pour les éditions du Seuil. Italo Calvino base sa nouvelle sur la loi de Hubble. En astronomie, cette loi énonce que les galaxies s’éloignent les unes des autres et que leurs vitesses d’éloignement sont proportionnelles à leurs distances. Autrement dit, plus une galaxie est loin de nous, plus elle semble nous fuir. « Une nuit, j’observais comme d’habitude le ciel avec mon télescope. Je remarquai que d’une galaxie distante de cent millions d’années-lumière se détachait une pancarte. Dessus, il était écrit : JE T’AI VU. Je fis rapidement le calcul : la lumière de la galaxie avait mis cent millions d’années pour me joindre, et comme de là-bas ils voyaient ce qui se passait ici avec cent millions d’années de retard, le moment où ils m’avaient vu devait remonter à deux cents millions d’années. Avant même de contrôler sur mon agenda pour savoir ce que j’avais fait ce jour-là, je fus pris d’un pressentiment angoissant : juste deux cents millions d’années auparavant, pas un jour de plus ni de moins, il m’était arrivé quelque chose que j’avais toujours essayé de cacher. […] Naturellement, j’étais capable d’expliquer tout ce qui était arrivé, et comment cela avait pu arriver, et je pouvais faire comprendre, sinon justifier vraiment, ma façon d’agir. J’eus l’idée de répondre tout de suite moi aussi avec une pancarte, en employant une formule de défense comme ATTENDEZ QUE JE VOUS EXPLIQUE ou encore J’AURAIS VOULU VOUS Y VOIR, mais cela n’aurait pas suffi, et l’explication à donner aurait été trop longue pour une inscription synthétique qui fut lisible de si loin. Et par-dessus tout, je devais prendre garde à ne pas commettre de faux pas ou, si vous voulez, ne pas authentifier implicitement ce à quoi le JE T’AI VU se contentait de faire allusion. En somme, avant de me laisser aller à une quelconque déclaration, il aurait fallu que je susse exactement ce qu’ils avaient pu voir de cette galaxie et ce qu’ils n’avaient pas vu ; et pour cela, il n’y avait qu’à le leur demander avec une pancarte du genre : MAIS TU AS TOUT VU, OU SEULEMENT UN PEU? ou encore : VOYONS SI TU DIS BIEN LA VÉRITÉ : QU’EST-CE QUE JE FAISAIS ? puis attendre tout le temps qu’il leur fallait pour, d’où ils étaient, voir mon inscription, et le temps tout aussi long pour que je visse leur réponse et pusse pourvoir aux nécessaires rectifications. Le tout aurait pris deux cents autres millions d’années, et même quelques millions d’années en plus, parce que, pendant que les images allaient et venaient à la vitesse de la lumière, les galaxies continuaient à s’éloigner les unes des autres ; et ainsi cette constellation-là à présent n’était plus déjà là où moi je la voyais, mais un peu plus loin, et l’image de ma pancarte devait lui courir après. En somme, c’était un système peu rapide, qui m’aurait obligé à discuter de nouveau, plus de quatre cents millions d’années après, des événements que j’aurais voulu faire oublier dans le plus bref délai possible. La meilleure ligne de conduite était de ne faire mine de rien, de minimiser la portée de ce qu’ils avaient pu apprendre. C’est pourquoi je me dépêchai de placer bien en vue une pancarte sur laquelle j’avais simplement écrit : ET ALORS ? Si les gens de la galaxie avaient cru me mettre dans l’embarras avec leur JE T’AI VU, mon calme les déconcerterait, et ils se convaincraient qu’il n’y avait pas à s’appesantir sur l’épisode. Si au contraire ils n’avaient pas en leur possession d’éléments qui puissent m’être défavorables, une expression indéterminée comme ET ALORS ? Me permettrait d’enquêter prudemment sur les limites à donner à leur affirmation : JE T’AI VU. La distance qui nous séparait (de son quai, à cent millions d’années-lumière, la galaxie s’était déjà éloignée d’un million de siècles en s’enfonçant dans l’obscurité) devait rendre moins évident que mon ET ALORS ? Répondait à leur JE T’AI VU, vieux de deux cents millions d’années, mais il ne me parut pas opportun de noter sur ma pancarte des références plus explicites, parce que si le souvenir de cette journée, au bout de trois millions de siècles, s’était un peu effacé, je ne voulais pas le rafraîchir moi-même.»