U
ne patiente a fait une
chute. Malgré les séances
de kinésithérapie, le redé-
marrage est douloureux et va en
s’empirant. L’articulation du poignet
devient gonflée et rouge, accompa-
gnée d’une sudation inhabituelle,
d’une raideur et d’une douleur au
mouvement. Le chirurgien recon-
sulté diagnostique une algodystro-
phie. Celle-ci survient typiquement
après un traumatisme important, à
type de fracture, de luxation ou
d’entorse, ou encore au décours
d’une immobilisation plâtrée. En
fait, le traumatisme causal est sou-
vent insignifiant mais les algodystro-
phies du poignet et du pied sont
presque toujours post-trauma-
tiques. À l’épaule, elles surviennent
notamment après une fracture du
trochiter. On en rapproche les algo-
dystrophies survenant après un
geste chirurgical, généralement une
intervention sur une articulation des
membres (après méniscectomie
ou arthroscopie, notamment). Mais
tout type d’intervention (thoracoto-
mie, par exemple) peut être res-
ponsable d’une algodystrophie.
Physiologie, étiologie
L’algodystrophie touche indifférem-
ment les patients des deux sexes.
Rare chez l’enfant, elle atteint
l’adulte plutôt âgé. Parmi les fac-
teurs retrouvés de son déclenche-
ment, le principal est donc le trau-
matisme. Ce dernier peut toucher
directement l’articulation atteinte
ou être situé à distance d’elle. On
peut ainsi observer une algodystro-
phie du poignet après une fracture
du coude. Le deuxième facteur est
une intervention chirurgicale. En-
suite, tout acte direct sur l’articula-
tion comme une ponction, une
infiltration peuvent en être la cause.
Les symptômes apparaissent le
plus souvent dans un climat psy-
chologique particulier. Le patient
est de tendance anxieuse, avec une
gestion du stress assez mauvaise et
une nette tendance à l’exagération.
Il est ainsi fréquent, dans le courant
de la vie de ces patients, de noter
plusieurs épisodes itératifs d’algo-
dystrophie. Cette prédisposition
psychologique au sein d’une per-
sonnalité narcissique est donc tou-
jours à prendre en compte dans la
prise en charge de l’affection.
Le mécanisme de la maladie, lui
même, est mal connu. C’est le
résultat de la stimulation de l’action
des ostéoclastes par l’action directe
du système neurovégétatif qui
semble prouvé. Or, le renforcement
de l’activité ostéoclastique signifie
résorption osseuse augmentée,
donc douleur. Les régions les plus
souvent atteintes sont la main, le
pied, l’épaule et le genou. Cepen-
dant, toutes les articulations peu-
vent être touchées.
Diagnostic
Après un traumatisme avec, mais
aussi sans fracture, peut donc appa-
raître cette pathologie, plusieurs
semaines plus tard (3 à 4 en géné-
ral). Le diagnostic est essentielle-
ment clinique. Malheureusement,
la clinique est pauvre.
Classiquement trois stades évolutifs
sont cependant notés :
Le stade I est celui de la phase
chaude : la douleur, présente en
permanence, est accentuée par la
mobilisation articulaire. C’est le
signe le plus précoce et qui doit
alerter. L’impotence fonctionnelle
qui en découle peut aboutir à un
véritable enraidissement. Cette
La neuroalgodystrophie représente une affection survenant majori-
tairement dans les suites d’un traumatisme mettant en jeu l’appareil
osseux. Cette pathologie est due à une décalcification osseuse, prin-
cipalement au niveau des membres.
L’algodystrophie
Une évolution souvent longue
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
phase est dite chaude, car les
signes inflammatoires sont pré-
sents : rougeur et chaleur locales
liées à un œdème, à une hypersu-
dation, donnant une peau luisante.
À ce stade, un épanchement articu-
laire est possible.
Le stade II ou phase froide voit
une peau qui s’atrophie devenant
pâle, froide, marbrée, parfois cyano-
tique. Une perte des poils et une
hypertrichose sont possibles. Cette
phase peut rarement être initiale
(15 % des cas), elle fait le plus sou-
vent suite à la phase chaude après
plusieurs semaines, plusieurs mois
d’évolution.
Le stade III ou phase de stabilisa-
tion est la période de récupération
totale des fonctionnalités articu-
laires. Un diagnostic doit être fait le
plus rapidement possible sur les
signes cliniques, car les examens
complémentaires ne sont pas signi-
ficatifs. La vs et le dosage de pro-
téine C réactive sont normaux. La
radiographie standard est normale
tout au moins au début. L’aspect de
décalcification n’est noté que tardi-
vement sur les radios classiques,
plus précocement sur la scintigra-
phie osseuse.
Infos ...
Pronostic
La gravité
d’une
algodystrophie est
liée au risque de
séquelles (raideur
articulaire, rétractions
aponévrotiques...).
Avec l’ensemble
des traitements,
la guérison totale
survient
habituellement en
quelques semaines
à quelques mois
(3 à 6 mois en
moyenne) et elle est
d’autant plus rapide
et meilleure que
la thérapeutique
a été plus précoce.
Actualité Santé
10
Formes topographiques
L’algodystrophie du genou se
présente comme une arthropa-
thie douloureuse. À l’identique,
celle du pied peut conduire à des
rétractions tendineuses ou apo-
névrotiques séquellaires.
Dans l’atteinte du genou comme
de la hanche peuvent être signa-
lées des lésions d’ostéoné-
croses, confirmées par la scinti-
graphie.
La possibilité de voir le rachis
touché est envisageable, avec un
diagnostic rendu encore plus dif-
ficile par l’absence de manifesta-
tions évidentes. Lexistence d’une
hypertransparence vertébrale ou
de tassements osseux est alors
un argument.
La scintigraphie osseuse
Quelles sont les indications, le prin-
cipe, la technique de la scintigra-
phie osseuse ? Elle permet de
rechercher une atteinte osseuse ou
articulaire comme une algodystro-
phie, mais aussi une métastase
néoplasique. Cela est permis par
l’injection de produits radioactifs
marqués au technétium 99 qui
révèlent, en cas de lésions
osseuses, l’existence de zones
d’hyperfixation.
Pour sa réalisation, ne sont néces-
saires ni une hospitalisation ni
d’être à jeun. L’injection du produit
se fait par voie intraveineuse.
Deux à trois heures après, sont
réalisées des cartographies du
squelette durant entre une demi
et une heure, par la gamma
caméra.
Les résultats sont fournis sous
forme de photos polaroïd ou de
film, le praticien peut indiquer ses
conclusions. Mais au total on se
retrouve devant une absence de
preuves, un faisceau d’arguments
seulement qui doivent suffire à
faire engager un traitement.
Traitement
Le traitement comporte avant tout
la mise au repos du segment du
membre atteint. Plus que les
antalgiques classiques comme le
paracétamol ou les associations
comprenant paracétamol-codéine-
caféine, les dérivés morphiniques,
d’autres traitements sont efficaces
actuellement, mais à une condi-
tion : les débuter tôt.
On pratiquera des injections sous-
cutanées de calcitonine, hormone
permettant la fixation de calcium
au niveau des zones, et dont le
manque fait souffrir. Pendant
15 jours, les injections sont quoti-
diennes, puis ensuite alternées en
fonction de l’évolution des signes
cliniques, la douleur étant le princi-
pal. Les injections ne sont pas
douloureuses, mais peuvent indis-
poser le patient. Il est donc
conseillé de les faire après avoir
fait prendre un repas, sinon, au
moins un café ou un thé. Il faut
conseiller de rester allonger
quelques minutes après la piqûre.
Le médecin pourra aussi associer
dans la prescription injectable un
médicament anti-émétique qui
aidera à mieux supporter l’admi-
nistration de calcitonine.
La calcitonine mais aussi les vaso-
dilatateurs et les anesthésies loco-
régionales par blocage nerveux
sympathique sont fréquemment
utilisés pour hâter la guérison.
Cependant, les symptômes, tout
en cédant de façon spontanée, ne
disparaissent qu’après 6 ou 18
mois. C’est d’ailleurs cette lente
évolution qui rend l’affection plus
douloureuse.
En phase chaude, la rééducation
sera ou déconseillée ou employée
avec une grande douceur. Les
conseils physiothérapiques sont
utiles à ce stade avec :
mise en repos du membre en
position surclive ;
soulagement du membre atteint
grâce à des cannes, par exemple ;
- port d’attelles la nuit ;
- mobilisation ne devant pas
dépasser le seuil douloureux ;
- galvanothérapie.
L’emploi de bains chauds et froids
successifs active les réactions vaso-
motrices bénéfiques.
En phase froide, les techniques
utilisées seront à la fois actives et
passives, fondées sur l’obtention
d’un gain d’amplitude. Elles
seront accompagnées de ma-
nœuvres musculaires destinées à
redonner une ampliation articu-
laire correcte. Le rodage articulaire
et l’activation sensitivomotrice
complètent cette rééducation.
Pour les personnes qui raisonnent
en traitement homéopathique, la
douleur liée à l’algodystrophie
peut être soulagée en prenant
toutes les semaines une dose
d’arnica montana 15 CH, 3 gra-
nules 3 fois par jour d’Hypericum
perforatum 7 ch.
Malgré tout, une certaine raideur
peut persister à titre de séquelle
définitive, et lorsque l’algodystro-
phie touche la main, une rétraction
définitive des doigts survient dans
les cas plus graves.
JB
Professions Santé Infirmier Infirmière N° 62 • mars-avril 2005
Actualité Santé 11
Infos ...
Définitions
L’algodystrophie (ou
neuroalgodystrophie)
est un syndrome
douloureux régional
touchant en général
une articulation ou
une extrémité de
membre, y compris
les tissus adjacents
(jusqu’à la peau)
avec œdème,
phénomènes
vasculaires et surtout
douleur.
L’algodystrophie est
souvent post-
traumatique ou
survient à la suite
d’une prise de
certains
médicaments ou
d’une hémiplégie ou
d’autres maladies
neurologiques.
Brèves ...
Le dépistage du cancer colo-
rectal bientôt généralisé
Philippe Douste-Blazy a annoncé,
samedi 19 mars, la généralisation
prochaine du dépistage du cancer
colorectal. Cette maladie touche,
chaque année en France,
35 000 personnes et est à l’origine
de 16 000 morts prématurées.
Soutenu par l’Association nationale
pour le dépistage du cancer colorec-
tal, un malade âgé de 63 ans souf-
frant depuis 4 ans d’un cancer colo-
rectal a engagé une action en justice
devant le tribunal administratif de
Paris contre le ministère de la Santé,
car il estime avoir été la victime de
l’incurie de la direction générale de
la santé en charge de la politique de
dépistage des maladies qui peuvent
l’être. Ce dépistage sera généralisé
en 2007 et pourrait éviter 3 000
décès par an.
L’utilisation de l’implant
contraceptif en progrès
De plus en plus de femmes en
France ont maintenant recours à
un implant pour ne pas avoir d’en-
fant. 300 000 femmes l’ont adopté,
soit 2 à 3 % des femmes sous
contraception mais un chiffre enco-
re très éloigné des 60 % d’utilisa-
trices de la pilule.
Source Medec
Génétique et chromosome X
Une équipe de 285 généticiens,
œuvrant dans 21 institutions euro-
péennes et américaines, annoncent
dans la revue Nature avoir réussi la
première analyse complète du chro-
mosome humain X. Les auteurs de
cette publication expliquent notam-
ment être parvenus à réaliser le
séquençage de 99,3 % des
1 098 gènes présents au sein du
chromosome X. Le chromosome X,
que les femmes possèdent en
double, très riche en gènes inactivés
pourrait protéger la femme contre
certaines des pathologies liées à des
anomalies du chromosome X.
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