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Revue Marocaine de Rhumatologie
DISCUSSION
Notre patiente est âgée de 15 ans au moment du
diagnostic. L’algodystrophie est une affection douloureuse
d’une ou de plusieurs régions articulaires en relation avec
un dérèglement du système neurovégétatif qui affecte aussi
bien l’adulte et l’enfant. L’algodystrophie chez l’enfant pour
ses aspects épidémiologiques, cliniques, psychologiques
semble souvent sous estimée [1]. L’âge de survenue est
très variable allant de deux ans à l’âge adulte avec un pic
de fréquence se situant entre 11 et 13 ans et une nette
prédominance féminine. Cette prédominance féminine
n’a pas été confirmée chez l’adulte. L’algodystrophie de
l’enfant et de l’adolescent constitue 10 % de l’ensemble
des algodystrophies [2]. Elle se présente, comme celle de
l’adulte, comme une maladie secondaire à des causes
variées. Les facteurs psychologiques jouent ici un rôle
important dans la survenue d’algodystrophie. Dans notre
cas, on retrouve certains des traits développés dans la
littérature : l’échec scolaire de sa sœur, le décès de son
père et la personnalité anxieuse de leur maman. Chez
la plupart de ces enfants atteints d’algodystrophie, on
retrouve un conflit parental, une personnalité anxieuse ou
dépressive, des troubles de l’humeur et du caractère. Ces
enfants ont des difficultés d’adaptation à des situations
nouvelles, comme un changement de résidence, un deuil,
des problèmes scolaires, une inquiétude face aux devoirs
et un besoin de sécurisation extrême [1].
C’est pour ces raisons que l’hospitalisation est souvent
utile pour mettre en place un traitement psychothérapique
intensif et éloigner le patient de son environnement familial.
La physiopathologie est similaire à celle de l’adulte. La
sémiologie clinique varie en fonction du stade évolutif
de la maladie. En général, les signes apparaissent deux
à six semaines après un traumatisme réel ou invoqué,
physique et/ou psychologique. Le début peut être brutal
ou progressif. L’évolution en plusieurs stades est moins
classique chez l’enfant que chez l’adulte et le tableau
typique est donc celui de la forme ischémique froide.
Plus rarement, on retrouve un aspect pseudo inflammatoire
avec un gonflement diffus du membre atteint, un aspect
lisse et brillant de la peau comme c’était le cas chez notre
patiente.
L’algodystrophie de l’enfant siège dans plus de la moitié
des cas au niveau des régions articulaires inférieures avec
une atteinte préférentielle du pied, de la cheville et du
genou [3].
La localisation au membre supérieur est beaucoup plus
rare. L’atteinte de l’épaule ou de la hanche est rarissime.
Les formes bilatérales sont aussi rares. L’état général est
conservé et il n’y a pas de perturbation biologique. Dans
plus de la moitié des cas, il n’existe aucune anomalie
radiologique au début de la maladie comme c’était le cas
pour notre patiente.
Lorsqu’elles sont présentes, les anomalies radiologiques
se caractérisent par une déminéralisation en bandes
horizontales métaphysaires ou une déminéralisation
légère, homogène, prédominante dans les régions
sous-chondrales [4]. Plus rarement, on notera une
déminéralisation hétérogène d’allure mouchetée comme
chez l’adulte.
La grande différence entre la pathologie de l’adulte et
celle de l’enfant réside essentiellement dans l’aspect
scintigraphique puisqu’il semble que chez l’enfant,
l’hypofixation osseuse isotopique soit prédominante. Elle
apparait d’emblée et durant toute l’évolution et représente
un des éléments les plus particuliers de l’algodystrophie
de l’enfant [5]. Il existe bien évidemment quelques cas
d’hyperfixation mais ils sont rares et semblent coïncider
avec le tableau clinique de la forme chaude de la
pathologie qui est exceptionnelle chez les sujets jeunes
comme le cas de notre patiente.
L’évolution se différencie de celle de l’adulte par une durée
moins longue de la maladie et par un meilleur pronostic
sans séquelles. La guérison est obtenue dans des délais
très variables allant de quelques semaines à plusieurs
années. Cette évolution peut donc être longue, émaillée de
récidives locales ou d’apparitions des mêmes symptômes
sur d’autres site (membre supérieur ou inférieur, homo
latéral ou controlatéral).
Le traitement a pour but de lutter contre la douleur, les
anomalies vasomotrices, et de prévenir l’installation
d’éventuelles rétractions capsulaires, synoviales,
tendineuses ou aponévrotiques [6]. Il ne semble pas
exister de spécificité dans le traitement de l’algodystrophie
de l’enfant. Le traitement habituellement rapporté dans
la littérature associe : physiothérapie, kinésithérapie,
calcitonine, blocs sympathiques périphériques ou
centraux, antidépresseurs tricycliques et psychothérapie.
Le traitement par calcitonine a été essayé dans
l’algodystrophie de l’enfant. Le problème réside dans sa
mauvaise tolérance locale. Le traitement dure environ trois
semaines chez l’enfant, la posologie allant de 3 à 5 Ul/Kg/j
en intra musculaire pendant une semaine puis une dose
d’entretien avec deux injections par semaine pendant deux
CAS CLINIQUE M. Jguirim et al.