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DOSSIER
Revue Marocaine de Rhumatologie
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CAS CLINIQUE
L’algodystrophie chez l’enfant pour ses aspects cliniques
et psychologiques semble souvent méconnue. Une grande
partie des services de pédiatrie ont une expérience limitée
sur cette affection. Comme chez l’adulte, les sportifs sont
particulièrement exposés aux micro- ou macrotraumatismes
à l’origine des algodystrophies. A partir de cette observation
et d’une revue bibliographique, nous allons illustrer les
principales caractéristiques de l’algodystrophie de l’enfant
et revoir l’efficacité de ses traitements chez l’enfant.
OBSERVATION
Il s’agit d’une fille âgée de 15 ans, lycéenne, sans
antécédents pathologiques particuliers. Son père est
décédé quand elle avait l’âge de 9 ans. Elle présente
depuis un mois une douleur au niveau de la main droite et
au niveau de l’avant bras droit d’apparition brutale suite à
l’échec de sa sœur dans l’examen de baccalauréat. Après
un intervalle libre de quelques jours, la douleur réapparait
paroxystique, d’intensité croissante, avec hyperesthésie,
allodynie, recrudescence nocturne, suivie de troubles
vasomoteurs et d’un enraidissement du poignet et des
doigts donnant un aspect en griffe (Figure 1 et Figure
2). Le bilan biologique ne montre pas de syndrome
inflammatoire. Les radiographies standard des mains et
des poignets sont normales. Une scintigraphie osseuse
pratiquée après 30 jours du début de la symptomatologie
a montré une hyperfixation au niveau de la main
Algodystrophie de l’enfant et de l’adolescent : Quoi de neuf ?
Complex regional pain syndrome in child and adolescent : What’s new ?
Mahbouba Jguirim1, Amira Mhenni1, Walid Mnari2, Ahmed Zrig2, Mohamed El Ayeb1,
Saoussen Zrour1 , Mohamed Younes1, Ismail Bejia1, Mongi Touzi1, Naceur Bergaoui1.
1 Service de Rhumatologie, EPS Fattouma Bourguiba, Université de Monastir, Monastir - Tunisie.
2 Service de Radiologie, EPS Fattouma Bourguiba, Université de Monastir, Monastir - Tunisie.
Résumé
L’algodystrophie en pédiatrie est actuellement
une entité clinique bien individualisée. Elle
est souvent méconnue par les pédiatres et
les dermatologues. La clinique est fruste,
atypique et peut être pseudo-ischémique.
L’algodystrophie touche plus volontiers les
enfants surinvestis par leurs parents dans le
domaine scolaire, sportif ou familial.
Le taux des récidives est mal précisé. Nous
présentons le dossier d’une patiente âgée de
15 ans qui a présenté une algodystrophie de
la main droite avec extension vers l’épaule
homolatérale et vers le côté controlatéral avec
inecacité des traitements proposés.
Mots clés : Pédiatrie; Algodystrophie; Terrain
psychologique; Pronostic; Traitement.
Abstract
The reex sympathetic dystrophy in pediatrics
is currently well-individualized clinical entity.
It is often overlooked by pediatricians and
dermatologists. The clinical picture is so
frustrated, atypical and may be pseudo-
ischemic. The dystrophy more willingly
aects overinvested children by their parents
in the school, sports or family eld. The rate
of recurrence is incorrectly specied. We
present the case of a patient aged 15 years who
had presented a pain syndrome of the right
hand with extension toward the homolateral
shoulder and toward the controlateral side with
ineectiveness of proposed treatments.
Key words : Pediatrics; Pain syndrome;
Psychological eld; Prognosis; Treatment.
Correspondance à adresser à : Dr. M. Jguirim
Rev Mar Rhum 2015; 33: 32-5
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Revue Marocaine de Rhumatologie
pathologique (Figure 3). Le diagnostic d’algodystrophie
de la main est posé. Elle est alors hospitalisée dans un
service de rhumatologie. Un traitement antalgique est
associé à un traitement par tonocalcin®. La prise en
charge kinésithérapique, strictement infra-douloureuse,
associe balnéothérapie et immobilisation passive. Les
bains écossais ont été utilisés durant toute la durée
d’hospitalisation et à domicile. L’évolution après un mois
était marquée par l’apparition d’une douleur avec limitation
de la mobilisation de l’épaule homolatérale et le diagnostic
d’un syndrome épaule main a été retenu. Une semaine
après, apparait une douleur de la main controlatérale.
La patiente est alors réhospitalisée. Les bilans biologique
et radiologique restent normaux. Un scanner thoracique
effectué pour rechercher une pathologie intrathoracique
sous-jacente est revenu normal.
Une nouvelle scintigraphie osseuse est réalisée deux mois
après la première et retrouve, une hyperfixation précoce
et tardive multifocale. Le diagnostic d’une algodystrophie
multifocale a été retenu. En plus des antalgiques, des bains
écossais, de la kinésithérapie, un traitement antidépresseur
et un suivi psychologique ont été prescrits. Tout le long
du suivi de notre patiente, il est important de souligner le
comportement de la maman qui était très anxieuse. Cette
anxiété pathologique l’a emmené à consulter plusieurs
médecins. Deux mois après, la patiente a récupéré la
mobilité de son épaule droite avec une diminution de la
flexion des doigts et disparition des troubles vasomoteurs
et un suivi psychologique est entrepris.
Algodystrophie de l’enfant et de l’adolescent : Quoi de neuf ?
Figure 1 : Troubles vasomoteurs et l’hypersudation au niveau de la main droite.
Figure 2 : Flexion irréductible des doigts donnant un aspect en griffe
Figure 3 : Scintigraphie osseuse: hyperfixation au niveau de la main
pathologique.
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Revue Marocaine de Rhumatologie
DISCUSSION
Notre patiente est âgée de 15 ans au moment du
diagnostic. L’algodystrophie est une affection douloureuse
d’une ou de plusieurs régions articulaires en relation avec
un dérèglement du système neurovégétatif qui affecte aussi
bien l’adulte et l’enfant. L’algodystrophie chez l’enfant pour
ses aspects épidémiologiques, cliniques, psychologiques
semble souvent sous estimée [1]. L’âge de survenue est
très variable allant de deux ans à l’âge adulte avec un pic
de fréquence se situant entre 11 et 13 ans et une nette
prédominance féminine. Cette prédominance féminine
n’a pas été confirmée chez l’adulte. L’algodystrophie de
l’enfant et de l’adolescent constitue 10 % de l’ensemble
des algodystrophies [2]. Elle se présente, comme celle de
l’adulte, comme une maladie secondaire à des causes
variées. Les facteurs psychologiques jouent ici un rôle
important dans la survenue d’algodystrophie. Dans notre
cas, on retrouve certains des traits développés dans la
littérature : l’échec scolaire de sa sœur, le décès de son
père et la personnalité anxieuse de leur maman. Chez
la plupart de ces enfants atteints d’algodystrophie, on
retrouve un conflit parental, une personnalité anxieuse ou
dépressive, des troubles de l’humeur et du caractère. Ces
enfants ont des difficultés d’adaptation à des situations
nouvelles, comme un changement de résidence, un deuil,
des problèmes scolaires, une inquiétude face aux devoirs
et un besoin de sécurisation extrême [1].
C’est pour ces raisons que l’hospitalisation est souvent
utile pour mettre en place un traitement psychothérapique
intensif et éloigner le patient de son environnement familial.
La physiopathologie est similaire à celle de l’adulte. La
sémiologie clinique varie en fonction du stade évolutif
de la maladie. En général, les signes apparaissent deux
à six semaines après un traumatisme réel ou invoqué,
physique et/ou psychologique. Le début peut être brutal
ou progressif. L’évolution en plusieurs stades est moins
classique chez l’enfant que chez l’adulte et le tableau
typique est donc celui de la forme ischémique froide.
Plus rarement, on retrouve un aspect pseudo inflammatoire
avec un gonflement diffus du membre atteint, un aspect
lisse et brillant de la peau comme c’était le cas chez notre
patiente.
L’algodystrophie de l’enfant siège dans plus de la moitié
des cas au niveau des régions articulaires inférieures avec
une atteinte préférentielle du pied, de la cheville et du
genou [3].
La localisation au membre supérieur est beaucoup plus
rare. L’atteinte de l’épaule ou de la hanche est rarissime.
Les formes bilatérales sont aussi rares. L’état général est
conservé et il n’y a pas de perturbation biologique. Dans
plus de la moitié des cas, il n’existe aucune anomalie
radiologique au début de la maladie comme c’était le cas
pour notre patiente.
Lorsqu’elles sont présentes, les anomalies radiologiques
se caractérisent par une déminéralisation en bandes
horizontales métaphysaires ou une déminéralisation
légère, homogène, prédominante dans les régions
sous-chondrales [4]. Plus rarement, on notera une
déminéralisation hétérogène d’allure mouchetée comme
chez l’adulte.
La grande différence entre la pathologie de l’adulte et
celle de l’enfant réside essentiellement dans l’aspect
scintigraphique puisqu’il semble que chez l’enfant,
l’hypofixation osseuse isotopique soit prédominante. Elle
apparait d’emblée et durant toute l’évolution et représente
un des éléments les plus particuliers de l’algodystrophie
de l’enfant [5]. Il existe bien évidemment quelques cas
d’hyperfixation mais ils sont rares et semblent coïncider
avec le tableau clinique de la forme chaude de la
pathologie qui est exceptionnelle chez les sujets jeunes
comme le cas de notre patiente.
L’évolution se différencie de celle de l’adulte par une durée
moins longue de la maladie et par un meilleur pronostic
sans séquelles. La guérison est obtenue dans des délais
très variables allant de quelques semaines à plusieurs
années. Cette évolution peut donc être longue, émaillée de
récidives locales ou d’apparitions des mêmes symptômes
sur d’autres site (membre supérieur ou inférieur, homo
latéral ou controlatéral).
Le traitement a pour but de lutter contre la douleur, les
anomalies vasomotrices, et de prévenir l’installation
d’éventuelles rétractions capsulaires, synoviales,
tendineuses ou aponévrotiques [6]. Il ne semble pas
exister de spécificité dans le traitement de l’algodystrophie
de l’enfant. Le traitement habituellement rapporté dans
la littérature associe : physiothérapie, kinésithérapie,
calcitonine, blocs sympathiques périphériques ou
centraux, antidépresseurs tricycliques et psychothérapie.
Le traitement par calcitonine a été essayé dans
l’algodystrophie de l’enfant. Le problème réside dans sa
mauvaise tolérance locale. Le traitement dure environ trois
semaines chez l’enfant, la posologie allant de 3 à 5 Ul/Kg/j
en intra musculaire pendant une semaine puis une dose
d’entretien avec deux injections par semaine pendant deux
CAS CLINIQUE M. Jguirim et al.
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Revue Marocaine de Rhumatologie
Algodystrophie de l’enfant et de l’adolescent : Quoi de neuf ?
semaines [6]. Les bisphosphonates comme le pamidronate
par voie intraveineuse, l’alendronate, le clodronate ont
été proposés mais n’ont pas d’autorisation de mise sur le
marché dans l’indication algodystrophie [7,8].
Les analogues de la prostacycline ont été essayés avec
succès dans la forme de l’enfant [9]. Les blocs sympathiques
périphériques ou centraux, les antidépresseurs tricycliques
et la corticothérapie ont été utilisés et les résultats étaient
différents selon les auteurs [6]. La gestion psychologie
et l’élaboration d’une thérapie psycho-comportementale
et/ou de soutien fait partie intégrante du traitement de
ces patients : une évaluation des scores d’anxiété et de
personnalité doit faire partie du bilan initial pour permettre
une prise en charge spécifique en parallèle avec les
traitements antalgique et physiques [10].
Les thérapeutiques physiques comprennent de nombreuses
possibilités toujours utiles dans la prise en charge d’un
patient algodystrophique : physiothérapie à visée
circulatoire (bains écossais, à adapter selon la tolérance,
dont l’action antalgique et anti-œdémateuse est surtout
bénéfique à la phase chaude), hydrokinésithérapie
antalgique et facilitatrice, massage de drainage de
l’œdème, mobilisation kinésithérapique douce, active,
assistée, analytique, luttant contre la raideur [11,12].
CONCLUSION
A partir de cette observation et d’une revue de la
littérature, nous avons illustré les caractéristiques cliniques
et para cliniques de l’algodystrophie de l’enfant. La
clinique est souvent fruste et peut être pseudo-ischémique.
Les radiographies standard sont normales dans la
moitié des cas et l’hypofixation scintigraphique est de
règle. L’algodystrophie touche plus volontiers les enfants
surinvestis par leurs parents dans le domaine scolaire,
sportif ou familial. Les traitements sont identiques à ceux
utilisés chez l’adulte. II semble intéressant d’hospitaliser
l’enfant à la phase précoce du traitement pour l’extraire de
son milieu familial et pratiquer un bilan psychologique et/
au psychiatrique pour prévenir les récidives de la maladie.
DÉCLARATION D’INTÉRÊT
Les auteurs déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt.
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