R É U N I O N S 5e Congrès international sur la prophylaxie des infections (CIPI)* CONTRÔLE DE LA RÉSISTANCE AUX ANTIBIOTIQUES PAR DES CONTRÔLES DE LA PRESCRIPTION (K.S. Thomson) Si les bactéries s’adaptent aux antibiotiques et deviennent résistantes à cause de la pression de sélection que ceux-ci exercent, les politiques de lutte contre l’infection nosocomiale (infection control) peuvent entraîner une réversibilité de la résistance aux antibiotiques. L’auteur a présenté une illustration du lien entre les habitudes de prescription et le type de résistance (tableau I). Tableau I. Antibiotiques prescrits et type de résistance. Pays DCI Principale BLSE France États-Unis C3G Ceftazidime Tem-3 Tem-10, Tem-26 Il cite ensuite une publication espagnole (Pena et coll., Antimicrob Agents Chemother 1998 ; 42 : 53-8). L’auteur y a rapporté une épidémie survenue à Barcelone, à l’issue de laquelle la diminution de l’utilisation de la ceftazidime et de la ceftriaxone a entraîné une diminution des résistances des entérobactéries responsables (K. pneumoniae, E. coli). Une autre étude a ensuite été citée (Urban et coll., Antimicrob Agents Chemother), rapportant l’utilisation intensive de ceftazidime à New York sur 432 souches de Klebsiella cefta-R. L’auteur a conclu que quelques-uns des isolats ont perdu plusieurs de leurs bêtalactamases quand elles ont été stockées en l’absence de ceftazidime, résultant en la diminution du nombre de K. pneumoniae résistantes. Dans une étude finlandaise (N Engl J Med 1997 ; 337 : 441-6) dans laquelle ont été examinées les doses journalières d’érythromycine prescrite sur du streptocoque A, la diminution de la prescription de 2,40 à 1,38 (en dose/1 000 habitants/j) de 1992 à 1996 a entraîné une décroissance régulière de la résistance de ce pathogène de 16,5 % en 1992 à 8,6 % en 1996. Enfin, K.S. Thomson illustre la politique de contrôle de la prescription des antibiotiques par le schéma suivant (figure 1) et conclut à l’importance de politiques antibiotiques spécifiques. * Nice, 6-7 mai 1998 La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 Céfépime ± aminoglycoside Anti-Pseudomonas pénicilline ± inhibiteur de bêtalactamase ± aminoglycosides Carbapénème ± aminoglycosides Figure 1. Exemple de cycle d’antibiothérapie empirique pour réduire les résistances de bactéries nosocomiales. À qui reprocher les résistances bactériennes : les bactéries ne sont pas stupides, les hommes si ! (H. Richet) H. Richet a souligné que le contrôle de l’utilisation des antibiotiques pourrait ne pas être le meilleur moyen de diminuer les résistances bactériennes. Pour lui, d’autres facteurs, sousestimés, influencent l’augmentation des résistances bactériennes, comme : ● Les facteurs liés à l’hôte. À Nantes, sur une étude ayant inclus 507 patients, il retrouve comme facteur de risque de la résistance aux antibiotiques les thérapeutiques immunosuppressives ou l’antibiothérapie administrées antérieurement au patient (avec pour chacun de ces facteurs de risque un oddsratio significatif à 1,6). Ces deux facteurs sont compilés en index 1 (aucun des deux), index 2 (un des deux) et index 3 (deux facteurs), et leur relation avec le pourcentage d’infections est indiquée dans la figure 2 ( page 400). ● Les caractéristiques de la population. On a, par exemple, montré l’effet de l’âge ou du lieu d’hébergement sur la résistance aux antibiotiques de coliformes fécaux chez des cochons non exposés aux antibiotiques. ● Le fonctionnement de l’établissement de soins. Dans une étude cas témoins réalisée à Nantes sur 94 605 patients, il a été montré que les 426 patients infectés par du SAMR avaient beaucoup plus “circulé” dans et en dehors de l’hôpital que les autres, comme le montre la figure 3 (page 400). 399 R É U N I O 100 87 90 80 % d’infections 70 60 55 50 40 37,5 30 20 10 0 1 3 2 Index Figure 2. Relations entre administration préalable d’antibiotiques et/ou de thérapeutiques immunosuppressives et résistance. N S tions d’infection nosocomiale utilisées sont celles du CDC. Sur une année de surveillance, les taux de pneumonies sur ventilateur (VAP) sont de 3,2 %, et le taux d’incidence est de 17,2 pneumonies/1 000 jours de respirateurs. Les germes le plus souvent responsables de ces pneumopathies sont P. aeruginosa et S. aureus. Les résultats retrouvés pendant cette année de surveillance sont très comparables à ceux publiés par le système NNI (CDC). La comparabilité des taux étant une question importante, ces derniers doivent être si possible ajustés sur des facteurs de risque d’acquisition de ces pneumopathies. Dans une analyse multivariée, l’auteur retrouve comme facteur de risque significativement associé aux VAP, le SAPS II (score de sévérité), le type d’admission (le plus fort taux pour les admissions urgentes) et la nutrition parentérale. Ces résultats suggèrent que les facteurs de risque extrinsèque (ventilation artificielle) doivent être pris en compte si l’on veut comparer des taux de pneumonie, ainsi que d’autres facteurs de risque (intrinsèques), c’est-à-dire plus étroitement liés au patient. O. Keita-Perse, Nice ATELIER SUR LES INFECTIONS NOSOCOMIALES : VERS UNE MAÎTRISE DE L’INFECTION 19 % Autre hôpital Service d’hospitalisation 30 % (mortalité 19 %, durée d’hospitalisation Autre service ➚ 22 %) 11 % 16 % 51 % 32 % Domicile (28 % d’hospitalisations récentes) Figure 3. Relation entre SAMR et circuit du patient à l’hôpital. H. Richet a conclu que l’utilisation judicieuse des antibiotiques, si elle est réalisable, ne résoudra pas per se l’augmentation des résistances, et qu’un effort doit être fait pour identifier la situation clinique et le cheminement des patients. Par ailleurs, il a présenté le programme sur lequel il travaille actuellement au CDC : INSPEAR (International Nosocomial Surveillance Program for Emerging Antimicrobial Resistance). ● UNITÉS DE SOINS INTENSIFS Pneumonies nosocomiales en unités de soins intensifs : résultats du réseau de surveillance belge (1996-1997) (C. Suetens) Le système belge de surveillance des infections nosocomiales en soins intensifs repose sur une participation volontaire des unités pendant une période d’au moins trois mois. Les défini400 J. Carlet (Paris, France) a rapporté les résultats de l’enquête de prévalence des infections nosocomiales réalisée en France en juin 1996. Huit cent trente hôpitaux (soit 77 % des hôpitaux français) ont participé à ce travail multicentrique ; sur les 283 000 patients hospitalisés le jour de l’enquête, 6,7 % avaient une infection nosocomiale. À travers ces résultats et ceux obtenus dans l’étude EPIC, il montre combien il est actuellement difficile de comparer les chiffres mis à notre disposition, que ce soit entre différents services de réanimation ou entre les différents hôpitaux français. Seule la combinaison de plusieurs indicateurs permettrait d’obtenir une idée pertinente du phénomène. L’observance des pratiques d’isolement d’un patient porteur d’une bactérie multirésistante a été mesurée dans quarantesept services volontaires de vingt hôpitaux français au cours de l’enquête Hôpital Propre II (M.F. Dumay, Paris, France). Le lavage des mains était respecté dans 72 % des 2 462 observations malgré l’existence de points d’eau correctement équipés dans 96 % des cas et le volontariat des unités participant à l’audit. Cependant, la durée d’une minute préconisée pour un lavage antiseptique n’était observée que très rarement (3 à 16 %). Les principaux obstacles exprimés lors d’entretiens collectifs avec les équipes participantes étaient la charge en soins, les contraintes budgétaires, la notion d’urgence et un management défaillant. M.N. Constantin et S. Thouveneau (Genève, Suisse) ont présenté une analyse des facteurs de mauvaise observance du lavage des mains et les mesures mises en place afin de l’améliorer. Ces facteurs sont l’insuffisance de formation du personnel qui sous-estime le risque pour le patient, le manque de temps (estimation de 17 opportunités de lavage des mains par heure de travail et par patient en réanimation), l’éloignement du point La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 d’eau et la résistance au changement. Un programme institutionnel prenant en compte ces différents paramètres avec formation et sensibilisation du personnel, campagnes d’affichage, observations et la mise à disposition d’une solution hydroalcoolique pour la désinfection des mains, a permis d’améliorer l’observance du lavage des mains, qui est passée de 48 % à 68 % en trois ans. Tableau II. Causes d’infections nosocomiales. F. Rost (Belgique) a montré comment une démarche éducative multidisciplinaire avec élaboration d’un protocole de soin et formation du personnel pour la prévention des infections sur cathéters a fait baisser le nombre de septicémies sur cathéter de 29 à 16 pour 14 330 admissions. Il ressort de cet atelier que pour une meilleure maîtrise de l’infection nosocomiale, au-delà de l’amélioration de la qualité de chaque soin et de l’évaluation des pratiques, l’accent devra être mis sur les aspects organisationnels et sur la formation des personnels hospitaliers. Staphylococcus epidermidis Plusieurs communications étaient consacrées aux staphylocoques à coagulase négative (SCN). D. Pittet (Genève, Suisse) a présenté l’analyse de 45 études retenues dans la littérature entre 1972 et 1993. SCN est le plus fréquent des agents souillant les hémocultures (80 % aux États-Unis, 58 % en Europe). Il existe cependant une réelle augmentation des bactériémies à SCN aussi bien aux États-Unis qu’en Europe (17 études), avec une incidence plus élevée dans les hôpitaux universitaires (0,524,5 épisodes pour 1 000 admissions aux États-Unis, 0,311,16 épisodes pour 1 000 admissions en Europe). Plusieurs hypothèses peuvent se discuter : augmentation de la reconnaissance du phénomène et des travaux sur le sujet, évolution de la définition de deux hémocultures obligatoires vers une seule hémoculture associée à des signes compatibles avec une infection, une modification des pratiques et des techniques d’hémoculture, une augmentation du nombre d’hémocultures réalisées, la prise en charge de pathologies de plus en plus lourdes, l’augmentation de la mise en place des dispositifs vasculaires. A.M. Rogues, Bordeaux PRÉVENTION DE LA TRANSMISSION DES INFECTIONS ENTRE PATIENTS ET SOIGNANTS Infections nosocomiales cachées : la partie invisible de l’iceberg (P. Francioli, Lausanne, Suisse) L’auteur a d’abord présenté un tableau dans lequel il exposait les causes possibles d’infection nosocomiale cachée et des exemples (tableau II). Cause Exemple Maladies asymptomatiques CMV, VHB, VHC Incubation longue VIH, VHB, VHC, mycobactéries, prions Diagnostic impossible ou difficile Champignons, certains virus, Legionella Durée d’hospitalisation courte Infections du site opératoire Transmission nosocomiale possible Pneumocystis carinii Difficultés pour différencier forme nosocomiale et communautaire Influenza, Rotavirus Colonisation Micro-organismes multirésistants Tableau III. Transmission du VHB aux soignants. Domaine d’activité Source Nombre de patients infectés Lieu et année de l’étude Odontologie Dentiste 1/1 640 (0,06 %) États-Unis 1991 Chirurgie cardiaque 1 chirurgien 19/144 (13 %) États-Unis 1992 (N Engl J Med 1996) Obstétrique 4 chirurgiens 5/216 (2,3 %) GrandeBretagne 1997 (N Engl J Med 1997) Chirurgie odontologique ? 330/ ? CDC Tableau IV. Transmission du VHC aux soignants. Domaine d’activité Nombre de patients infectés Lieu et année de l’étude Chirurgie cardiaque 5/222 Espagne 1997 Transfusion sanguine 37/114 France Hémodialyse 6 Grèce Par ailleurs, l’auteur a rappelé l’estimation du nombre de piqûres accidentelles par infirmière et par an : de 0,09 (enquête AJIC 1992 ; 20 : 53-7) à 2,50 (enquête de prévalence). Le risque de transmission du personnel de soins au patient après une exposition sanguine accidentelle nécessite que le professionnel de santé soit infecté, et qu’un objet piquant ait été en contact avec le sang de ce professionnel puis en contact avec le patient. Cela concerne avant tout les procédures chirurgicales et odontologiques, et varie en fonction de : ● Prévalence de l’infection chez les chirurgiens Il a présenté ensuite deux tableaux dans lesquels il résumait les risques de transmission des virus des hépatites B et C des professionnels de santé aux patients (tableaux III et IV). La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 – Le VHB a diminué en raison de la vaccination, et 1 % des chirurgiens américains sont porteurs chroniques de l’Ag HBs (CDC, Harpaz, 1996). 401 R É U N I O – Le VHC a la même prévalence chez les professionnels de santé que dans la population générale dans les mêmes tranches d’âge : estimée à 1 % des professionnels de santé par Alter (1995) ou à 0,3 % des professionnels de santé avec exposition au sang accidentelle par Domart (1995). – Le VIH a une prévalence de 0,006 à 0,5 % des professionnels de santé américains (Philips, 1994) ou de 0,1 % des chirurgiens de réserve de l’armée américaine. ● La blessure. Dentistes : 3,5 blessures percutanées /dentiste/an ; chirurgiens : 0,4-10 blessures percutanées/chirurgien/an. Les blessures sont plus fréquentes en cas d’opération d’une durée supérieure à 3 heures, de pertes sanguines > 300 ml, de palpation des aiguilles “à l’aveugle”, d’utilisation d’aiguilles et de doigts dans un site mal visualisé (gynécologie, chirurgie vasculaire et cardiaque). ● Re-contact avec l’aiguille. Les blessures percutanées concernent en moyenne 6 % des procédures (1,3 % Gerberding-15 % Tokars CDC). ● Re-contact avec le corps du patient : 24-32 %. Compte tenu de toutes ces données et du risque moyen d’infectiosité du virus (0,3 % pour le VIH, 3 % pour le VHC, 30 % pour le VHB), le risque de contaminer un patient est estimé, pour un chirurgien infecté par le VIH, à 1/42 000 à 1/420 000 opérations. Dans une étude faite par le CDC en 1995 sur 22 171 patients ayant été soignés par 51 professionnels de santé infectés par le VIH, 113 patients étaient infectés par le VIH, parmi lesquels, après enquête, 85 ne l’étaient pas auparavant. Un dentiste au stade sida a transmis le virus à 6 patients (CDC 1990), et un chirurgien à un patient sur 1 332 opérés. La transmission du VHB pendant les procédures invasives se fait généralement par groupes, en cas de non-respect des règles de prévention universelles, et concerne les types de chirurgie suivants : stomatologie, cardiothoracique, colorectale, gynécologique. Pour un chirurgien porteur de l’Ag Hbe, le risque est estimé à 1/420 à 1/4 200 opérations (ce qui est d’ailleurs peu, comparé au risque de complication mortelle encouru lors d’une intervention chirurgicale, estimé à 1/750 !). Pour le VHB, les infections documentées rapportées concernent quarante-deux chirurgiens, qui ont transmis le VHB à 375 patients (Bell, 1995). La transmission de VHB sans blessure percutanée a été décrite pour un chirurgien à 19 de ses 170 patients : elle serait due à la lacération de la pulpe du doigt par le fil de suture. Pour le VHC, il est rapporté le cas d’un chirurgien cardiothoracique ayant transmis le virus à un de ses 300 patients, et un autre à 5 de ses 84 patients, sans notion de blessure transcutanée. E. Bouvet (Paris, France) a rapporté ensuite le cas d’un chirurgien français qui a transmis le VIH à un de ses patients. En mai 1983, il a subi des accidents d’exposition au sang avec deux patients polytransfusés. Un mois plus tard, ce chirurgien pré- ● 402 N S sentait un syndrome d’allure virale, sévère, étiqueté “mononucléose”. Il a continué d’opérer jusqu’à ce qu’il tombe malade en octobre 1993 (3 865 interventions). En mars 1994, une toxoplasmose cérébrale faisait découvrir sa séropositivité pour le VIH. Une sérologie a pu être réalisée sur 968 patients parmi les 3 004 patients opérés. Un patient avait été infecté (séronégatif avant l’intervention de juin 1992). Il avait subi trois interventions orthopédiques sur la hanche, dont l’une était la mise en place d’une prothèse qui avait duré plus de dix heures. La souche VIH du patient était très proche de celle du chirurgien (identification Pasteur). Y. Yazdanpanah (Paris, France) a présenté une estimation du risque de transmission du VHC à un chirurgien par un patient infecté. Tenant compte du nombre d’actes réalisés par le chirurgien, de la probabilité de blessure pendant l’acte et du risque de transmission du VHC en cas d’effraction cutanée, cette probabilité a été calculée de 4,2 x 10-5 à 4,2 x 10-4 par acte, suivant la prévalence du VHC dans la population considérée. Ce calcul aboutit à un risque professionnel de transmission du VHC pour 1/1 000 à 1/10 000 chirurgiens chaque année, représentant un total cumulé d’infection chez 0,3 % à 3,1 % des chirurgiens après trente ans d’exercice. Malgré l’efficacité conférée par le port de gants, deux à vingt chirurgiens pourraient être chaque année nouvellement contaminés par le VHC en France au cours de l’exercice de leur profession. E. Bouvet a commenté une revue des risques de transmission d’agents infectieux sanguins du personnel soignant vers le patient. Le risque de transmission du VHB diminue avec la vaccination du personnel soignant. Des cas isolés de transmission de dentistes ou de chirurgiens à leurs patients ont été documentés avec le VHB, le VHC et le VIH. Le risque, inférieur à celui existant dans le sens patient à personnel soignant, est difficilement évalué. Ce risque, plus important avec les virus VHB et VHC, varie en fonction de la prévalence de l’infection considérée chez les soignants, la fréquence de survenue d’une effraction cutanée, le type de blessure, la fréquence de re-contact avec les tissus du patient, et la charge virale du soignant au moment de l’acte. En conclusion, des mesures de prévention sont recommandées (CDC MMWR 91, RR8 : 1-9) : – vaccination contre l’hépatite B ; – prévention contre les accidents d’exposition au sang : protection personnelle (deux paires de gants, sarrau), détection des micro-trous dans les gants, utilisation des matériels de sécurité, éviter la palpation directe ; – connaissance du statut sérologique du patient vis-à-vis du VHB, du VIH et duVHC ; – traitement d’une infection connue ; – adaptation de la pratique à l’infection connue du patient ; – expertise de tout cas décrit. ANTIBIOPROPHYLAXIE D. Monnet a présenté une étude pilote européenne sur l’antibioprophylaxie chirurgicale. Il s’agit d’un projet coordonné par .../... La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 R É U N I O .../... le National Centre for Hospital Hygiene à Copenhague (Statens Serum Institut) et financé par la Commission européenne. Il a débuté en septembre 1996, durera trois ans, et inclut cinq pays européens (Belgique, Danemark, Allemagne, Espagne, Suède) et un pays invité, la Lituanie. Les objectifs du projet sont d’examiner les pratiques en termes d’antibioprophylaxie chirurgicale, l’antibioprophylaxie et l’antibiothérapie probabiliste en unité de soins intensifs, d’établir des références pour l’antibioprophylaxie à partir de revues de la littérature, et d’identifier des indicateurs de “bonne” ou “mauvaise” antibioprophylaxie en milieu chirurgical et en soins intensifs. Des données étaient réunies sur les chirurgies suivantes : côlon ou rectum, cholécystectomie, cure de hernie inguinale ou prothèse totale de hanche. Par ailleurs, des informations étaient recueillies sur les procédures et recommandations disponibles, ainsi que sur les formations offertes aux médecins responsables de l’antibioprophylaxie. Les données présentées sont celles recueillies jusqu’au mois de mars 1998 à propos de l’antibioprophylaxie de 1 178 patients chirurgicaux de 17 unités, et à propos de l’antibiothérapie probabiliste chez 492 patients dans 9 unités de soins intensifs. Pour la chirurgie du côlon/rectum, 90 à 100 % des patients ont reçu une antibioprophylaxie systémique. En revanche, les variations entre unités sont beaucoup plus importantes pour la cure de hernie inguinale, l’antibioprophylaxie parentérale concernant de 0 à 83,3 % des patients. En examinant les protocoles en place dans ces services, les enquêteurs ont noté que l’antibioprophylaxie était préconisée pour tous les patients, et parfois uniquement pour ceux pour lesquels du matériel prothétique devait être utilisé. Cette observation a conduit les auteurs à examiner la littérature sur ce sujet. Leur conclusion est qu’il n’y a aucune preuve qu’il faille utiliser une antibioprophylaxie systémique pour les cures de hernie inguinale. Les auteurs ont montré ensuite des résultats préliminaires sur le moment d’administration de l’antibioprophylaxie. Sur les dix-sept services de chirurgie qui participent à l’étude, 0 à 100 % en fonction de l’unité prescrivent une antibioprophylaxie dans les deux heures précédant l’intervention. Les deux unités dans lesquelles moins de 30 % des patients recevaient une antibioprophylaxie n’avaient pas de protocole écrit la concernant. Par ailleurs, dans les unités restantes, toutes sauf deux avaient des protocoles écrits, mentionnant en particulier les horaires corrects d’administration, et pourtant, le pourcentage de patients recevant l’antibioprophylaxie au bon moment variait de 54 à 100 %. En unités de soins intensifs, 339/492 patients (68,9 %) ont reçu une antibiothérapie prophylactique ou empirique, ce qui représentait 612 prescriptions, pour décontamination digestive sélective (7,7 %), prophylaxie systémique (45,4 %) et antibiothérapie probabiliste (46,9 %). En conclusion, les auteurs de cette étude ont constaté de larges variations dans la pratique de l’antibioprophylaxie en milieu chirurgical et en soins intensifs. Ils souhaitent pouvoir identifier et tester des indicateurs de bon et mauvais choix dans l’antibioprophylaxie. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 N S ÉTUDE SUR LA CONTAMINATION (ENDOGÈNE OU EXOGÈNE) PAR PSEUDOMONAS AERUGINOSA (PA), BURKHOLDERIA CEPACIA (CEP) ET STENOTROPHOMONAS MALTOPHILIA (MAL) DES PATIENTS VENTILÉS (Ph. Berthelot et coll., Saint-Étienne, France) Les auteurs ont étudié l’origine de la contamination et le mode de transmission en déterminant la chronologie de la colonisation et de l’infection, et en pratiquant un typage moléculaire pour mieux caractériser les souches. Par ailleurs, ils ont décidé d’estimer la prévalence de la colonisation et de l’infection par ces germes dans l’unité de soins intensifs du CHU de SaintÉtienne (dix lits). L’étude était prospective et a duré six mois. Ont été inclus les patients de plus de 18 ans pour lesquels une ventilation supérieure à 4 jours était prévisible. Des prélèvements systématiques ont été effectués chez les patients à l’admission, au cours de l’extubation ou lors du décès éventuel (selles, estomac, gorge, crachat), et au niveau de l’environnement (respirateur, lavabos). Les résultats sont les suivants : 38 patients ont été inclus (âge moyen 64,5 ans, SAPS 2 moyen = 41,9 ± 11,6). La durée moyenne de ventilation était de 22,8 ± 23,5 jours. Le nombre de décès a été de 12 (31,6 %). Les patients colonisés ou infectés étaient au nombre de 15, ainsi répartis : PA : quatre pneumonies, huit colonisations ; CEP : une colonisation ; MAL : quatre colonisations. Les typages réalisés ont mis en évidence 9 sérotypes différents de PA et 12 profils moléculaires différents (électrophorèse en champ pulsé, AP-PCR). Les patients n’avaient pas été hospitalisés à la même période. Pendant l’épidémie, la souche de PA étudiée était de sérotype O11 imip-R cipro-S, profil moléculaire 4, et a été retrouvée dans les lavabos des chambres de 12 patients. En revanche, cette souche n’a été retrouvée dans aucun prélèvement clinique des patients. Dans l’analyse univariée, le seul facteur de risque significativement associé à l’acquisition de PA était la durée de séjour. Au cours de la discussion, Ph. Berthelot a fait remarquer que l’origine de PA a été principalement endogène (4 pneumonies : 3 d’origine endogène ; 8 colonisations : 6 d’origine endogène). Par ailleurs, les auteurs ont des arguments en faveur de la transmission d’une souche épidémique de PA initialement isolée dans le lavabo du patient. L’étude confirme donc l’origine le plus souvent endogène de PA chez les patients ventilés de soins intensifs. Par ailleurs, des lavabos contaminés peuvent être un réservoir de PA et la nécessité d’assurer un contrôle strict de l’environnement hydrique des hôpitaux, déjà démontrée dans la littérature (Cobben et coll., J Hosp Infect 1996), est remise en exergue dans cette étude. INFECTIONS EN MILIEU HOSPITALIER PSYCHIATRIQUE J. Kohler-Boudet a présenté les résultats d’une étude sur la prévalence des infections nosocomiales dans les hôpitaux psychiatriques de Picardie réalisée en mai et juin 1996. Cette étude a concerné 903 patients en Picardie (sur 18 255 patients 405 R É U N I O dans toute la France, soit 7,7 % de tous les patients). Il s’agissait d’une enquête un jour donné et les définitions d’infection nosocomiale utilisées étaient celles du CCLIN Paris-Nord. Les deux hôpitaux comptaient respectivement 312 et 591 patients d’âge moyen 46 ± 16 ans. Les infections, au nombre de 59, ont été retrouvées chez 54 patients, ce qui représente une prévalence de patients infectés de 6 % (IC 95 % : 4,4-7,6), et une prévalence des infections nosocomiales de 6,5 % (IC 95 % : 4,9-8,1). Les infections nosocomiales se répartissent ainsi : infections cutanées 32 %, infections du tractus respiratoire 22 %, infections urinaires 21 %, autres 25 %. Les auteurs ont retrouvé des différences significatives entre les patients infectés et non infectés en ce qui concerne la présence d’une immunodépression (p < 0,05), d’escarres (p < 0,001) ou la durée de séjour (p < 0,005). Conclusion. Les infections nosocomiales en milieu psychiatrique sont différemment réparties : elles concernent la peau en premier lieu. Cela est probablement lié au fait qu’il y a peu de procédures invasives. Il y a, par ailleurs, des difficultés à déterminer si les infections sont réellement nosocomiales ou communautaires, dans la mesure où de nombreux patients sont admis à l’hôpital pour des séjours courts mais répétés. L’auteur a conclu que le problème essentiel en secteur psychiatrique semble être le manque d’hygiène individuelle et/ou collective. N S connaître les patients les plus à risque pouvant relever d’un traitement préventif. Un bilan systématique pré-transplantation doit permettre de retenir certaines indications pour commencer un traitement antifongique systémique : une positivité des prélèvements nasaux, des crachats, des anomalies compatibles avec le diagnostic d’aspergillose au niveau du scanner sinusien ou thoracique, une recherche d’antigènes aspergillaires ou une PCR positive. Des essais randomisés permettront de mieux connaître les molécules à utiliser et la durée de traitement. Dès que le diagnostic d’aspergillose invasive est suspecté, sur des critères cliniques ou radiologiques, un traitement antifongique efficace doit être mis en route, l’évolution étant aussi péjorative que l’infection ait été documentée histologiquement ou non (J.P. Brion, Grenoble, France). D. Pittet a présenté une revue des traitements médicamenteux préventifs des candidoses disséminées nosocomiales. Plusieurs études ont prouvé l’efficacité de la prévention des infections fongiques chez des patients greffés, neutropéniques, en unité de soins intensifs, ou en cas de chirurgie à haut risque, comme en cas de perforation gastro-intestinale. Cependant l’émergence de souches résistantes de Candida (C. krusei, C. glabrata, C. lusitaniae) limite l’emploi prophylactique de dérivés azolés comme le fluconazole. L’utilisation des traitements préventifs doit donc être limitée aux patients identifiés comme le plus à risque de développer une candidose disséminée. O. Keita-Perse, Nice VACCINATIONS PRÉVENTION DES INFECTIONS FONGIQUES L’aspergillose des sujets transplantés de moelle, qui est fréquente (5 à 15 %) et grevée d’une lourde mortalité (plus de 85 %) malgré un traitement précoce, doit être au mieux prévenue, et traitée avant le stade du diagnostic. N. Milpied (Nantes, France) a présenté une revue de l’ensemble des mesures préventives. Les facteurs de risque sont bien identifiés, et ont été analysés dans une large cohorte de patients ayant présenté une aspergillose invasive après greffe de moelle (J Infect Dis 1997 ; 175 : 1459-66). Ces facteurs de risque associent les lésions muqueuses, la neutropénie, la réaction de greffon contre hôte, l’utilisation de drogues immunodépressives (ciclosporine et corticoïdes). L’environnement protégé par chambres à flux laminaire est efficace, mais il faut éviter les ruptures : réalisation d’un examen externe, contamination à la sortie du patient, en particulier lors de travaux de bâtiment. La réduction de durée de la neutropénie fait appel aux facteurs de croissance hématopoïétiques et à l’administration de cellules souches autologues du sang périphérique, plutôt qu’à une greffe de moelle osseuse classique. Les tentatives de chimioprophylaxie par spray nasal ou aérosols, faibles doses d’amphotéricine B par voie intraveineuse, itraconazole, ou amphotéricine B liposomale n’ont jusqu'à présent jamais fait la preuve de leur efficacité. Devant ces différents échecs, il semble préférable d’analyser les risques relatifs de développer une aspergillose afin de 406 L’apport du vaccin atténué anti-varicelle (souche OKA) a été présenté par T. Vesikari (Tampere, Finlande). La nouvelle formulation Varilrix, contenant un titre de 10 000 UFP/ml, est stable à 4° C pendant deux ans. L’efficacité dépend du titre vaccinal, atteignant 85 % chez l’enfant sain. Des réactions cutanées peuvent survenir chez moins de 5 % des sujets vaccinés. Après contage varicelleux, les sujets vaccinés restent asymptomatiques dans deux tiers des cas, ou développent une discrète symptomatologie de varicelle dans un tiers des cas, mais pas de forme grave. Une vaccination universelle permettrait une protection des sujets vaccinés, une protection indirecte des sujets non vaccinés à haut risque, une élimination graduelle de la varicelle. De plus, les études suggèrent une moindre fréquence de zona chez les sujets vaccinés par rapport à l’immunisation naturelle. À l’inverse, les limites du vaccin sont les suivantes : la durée inconnue de l’immunité, la perspective d’une nécessité de rappels ultérieurs pour maintenir la protection, et l’impossibilité d’éradiquer le zona. Alors que plusieurs pays européens utilisent le vaccin chez l’enfant sain, avec un espoir de couverture supérieure à 60 %, d’autres pays comme la France ne l’utilisent que chez les sujets à haut risque. Le risque de décès par hépatite A est de 0,1 % avant 14 ans, 0,3 % entre 15 et 39 ans et de 2,1 % après 40 ans. Le vaccin peut être utilisé dans le cadre d’une politique vaccinale ciblée en cas de haut risque, ou d’une vaccination universelle chez l’enfant dans une perspective d’éradication, en théorie possible (S. Ashkenazi, Tel Aviv, Israël). Selon les recommandations de l’ACIP (MMWR décembre 1996), le vaccin doit au moins La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 pouvoir être administré aux voyageurs en zone d’endémie, aux hémophiles, aux homosexuels, et aux porteurs d’une hépatopathie chronique en raison du risque accru d’hépatite fulminante. J.Z. Mrukowicz (Cracovie, Pologne) a développé les avantages apportés par la vaccination contre le rotavirus. Les diarrhées à rotavirus sont responsables de plus de 800 000 décès annuels dans le monde, la plupart survenant avant l’âge de 24 mois. Aux États-Unis un taux d’hospitalisation de 13,7 pour 10 000 enfants est observé annuellement (J Infect Dis 1998 ; 177 : 13-7). Plusieurs sérotypes, déterminés sur la protéine de surface VP7, sont impliqués, en particulier quatre sérotypes majeurs G1, G2, G3 et G4. Le nouveau vaccin rhésus rotavirus tétravalent (RRV-TV) est un vaccin atténué vivant obtenu par incorporation au rotavirus rhésus du gène de la protéine de surface VP7 du rotavirus humain. Efficace sur les quatre sérotypes majeurs et bien toléré, il s’administre en trois prises orales à l’âge de 2, 4 et 6 mois, sans interférence significative avec les autres vaccins. Il permet de diminuer la sévérité des diarrhées liées au rotavirus et le nombre d’hospitalisations, à la fois dans les pays développés et sous-développés. Plusieurs études ont rappelé les risques de transmission de l’hépatite B, ainsi que la prévalence notable du portage de l’antigène HBs (2,7 à 3,5 %) chez les sujets hospitalisés en milieu psychiatrique. Soixante-quatre pour cent des entrants en milieu psychiatrique n’ont aucun marqueur de l’hépatite B décelable (M. Eveillard, Épinay-sur-Orge, France) et sont à risque de contracter l’infection. Le portage de l’antigène HBs apparaît plus fréquent chez les patients qui ne quittent jamais l’institution, par opposition aux patients qui en sortent régulièrement (Z. Kadi, Amiens, France). La vaccination par Genevac B® a permis de conférer une bonne réponse immune chez 15 sujets parmi 106 présentant un retard mental, et qui étaient peu répondeurs à une vaccination classique par Engerix B® (V. Neman-Simha, Hyères, France). Par ailleurs, une étude réalisée chez 1 468 soignants en milieu psychiatrique ne retrouve pas, malgré une immunisation antérieure par au moins trois doses de vaccin anti-hépatite B, d’anticorps HBs chez 16 % d’entre eux (J. Lebiniguer, Amiens, France). Y. Gérard, Tourcoing Symposium sur la pression de sélection des antibiotiques et l’émergence de résistances en pratique hospitalière H. Drugeon (Nantes, France) a décrit les méthodes biologiques permettant d’observer la sélection de souches résistantes. Les questions sont les suivantes : quels sont les antibiotiques sélectionnants, quel type de résistance induisent-ils, quelles sont les concentrations sélectives et quelle est la posologie optimale ? Des tests biologiques in vitro et in vivo permettent de répondre à ces interrogations. Les deux modèles in vitro sont les suivants : ● Détermination de la fréquence de mutation en une étape. Un inoculum lourd est ensemencé sur un milieu contenant l’antibiotique; après incubation de 24 heures, on dénombre le nombre de colonies résistantes. Lorsque le taux de mutation est élevé (ex. : 10-5), il existe un risque important de sélection in vivo (ex. : rifampicine et staphylocoque, C3G et Enterobacter cloacae). Lorsque le taux est faible (ex. : 10-9), le risque de sélection in vivo diminue, mais ne devient pas nul. Le test est limité par le choix théorique de la concentration sélective d’antibiotique et la taille de l’inoculum (qui doit être d’autant plus élevée que les mutations sont rares). ● Passages sériés en milieu liquide. Cette méthode permet, par repiquages successifs, de sélectionner des mutants résistants pour des concentrations d’antibiotique voisines de la CMI afin de savoir si l’on peut obtenir des mutants résistants de haut niveau. Le résultat de ce test s’exprime en nombre de repiquages nécessaires pour atteindre une CMI élevée préétablie. L’auteur souligne le caractère aléatoire du test, dont la méthodologie est similaire à celle de Luria et Delbrück, car les mutations décelées ne sont pas retrouvées systématiquement lorsqu’on le répète plusieurs fois. Il permet donc simplement d’obtenir des mutants résistants de haut niveau et d’observer dans cette situation l’existence de résistances croisées entre antibiotiques. Il ne permet pas de comparer les antibiotiques entre eux. La méthode des passages sériés est possible en milieu solide : il s’agit de la méthode du gradient de Szybalsky, qui est qualitative, ou de celle de Pechère et Marchou, qui est quantitative. La préférence de H. Drugeon pour explorer la capacité d’un antibiotique à sélectionner des mutants résistants repose sur une approche pharmacodynamique in La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 vitro. Des comparaisons entre antibiotiques sont alors possibles. Pour illustrer cette position, il rapporte les résultats d’une étude évaluant trois quinolones (sparfloxacine, ciprofloxacine et ofloxacine) sur Streptococcus pneumoniae. Par la méthode in vitro des passages sériés, le nombre de repiquages pour obtenir un mutant résistant pour lequel la CMI atteint deux à seize fois la CMI initiale est faible pour la sparfloxacine (entre 2 et 5), plus élevé pour la ciprofloxacine (entre 2 et 10) et beaucoup plus pour l’ofloxacine (entre 12 et 15). L’obtention de mutants résistants de haut niveau est donc plus rapide avec la sparfloxacine. Or, ces résultats ne sont pas retrouvés sur un modèle dynamique in vitro. Lors d’une simulation d’un traitement sur 48 heures par ces trois quinolones, l’auteur n’a pas observé de mutants avec la sparfloxacine ni avec l’ofloxacine donnée en deux prises par jour, contrairement à la ciprofloxacine donnée en deux prises par jour. Cela montre les limites de la méthode en passages sériés (tableau I). Les modèles in vivo expérimentaux sur l’animal et les études cliniques permettent d’aborder des questions plus complexes comme l’influence de l’an407 R É U Antibiotique Posologie Sparfloxacine N I O N S log10 UFC/ml à 48 heures CMI vis-à-vis des mutants sélectionnés 200 mg 1/j <1 pas de mutant Ofloxacine 200 mg 2/j <1 pas de mutant Ciprofloxacine 500 mg 2/j 5,6 4 µg/ml tibiotique sur la flore intestinale et oropharyngée, et de répondre aux questions suivantes : un antibiotique à demi-vie longue sélectionne-t-il davantage qu’un à demi-vie courte ? Quelle est l’influence de l’élimination biliaire sur la flore intestinale ? De nouveaux modèles sont actuellement développés, notamment chez l’animal et chez l’homme, mettant à profit l’approche pharmacodynamique. Tableau I. Sélection dans un modèle dynamique in vitro de mutants résistants en fonction des différentes fluoroquinolones utilisées. encore sensibles à la trovafloxacine car son activité intrinsèque est très élevée, contrairement à celle de la ciprofloxacine et de l’ofloxacine (passage des CMI respectivement de 1 à 8 µg/ml et de 2 à 4 µg/ml). D’autres études ont montré que la lévofloxacine a, à la fois, des CMI basses sur le pneumocoque (0,5 - 1 µg/ml) et un faible pouvoir de sélection de mutants résistants. ● La prise en compte des niveaux disso- La forte utilisation des fluoroquinolones en pratique clinique induit un risque majeur d’apparition de résistance. Afin de restreindre ce phénomène, K.S. Thomson (États-Unis) plaide pour l’identification des quinolones les moins susceptibles de sélectionner des résistances dans une situation donnée. Trois facteurs aident à répondre à cette question : ● Le profil pharmacocinétique. L’auteur pense qu’il faut limiter l’usage des quinolones qui ont un faible taux tissulaire comme la norfloxacine, la loméfloxacine et l’enrofloxacine, car elles peuvent provoquer l’émergence de mutants résistants, comme par exemple pour le staphylocoque au niveau de la flore cutanée. ● L’activité intrinsèque de l’antibiotique. L’auteur illustre cette idée en rapportant les résultats d’une étude sur la trovafloxacine. La CMI de la fluoroquinolone vis-à-vis de mutants de Streptococcus pneumoniae résistants obtenus après une étape de sélection augmente d’un facteur 4 (de 0,06 à 0,25 µg/ml), mais ces souches restent ciés de résistance. Dans une étude de 1994, des isolats de Staphylococcus aureus ont été mis en présence de grépafloxacine, de ciprofloxacine et d’ofloxacine à des concentrations excédant la CMI de chaque fluoroquinolone (respectivement 1, 1 et 2 µg/ml). L’auteur montre que des souches mutantes de S. aureus obtenues après deux étapes de sélection restaient sensibles à la grépafloxacine mais étaient résistantes à la ciprofloxacine et à l’ofloxacine. Les mutants obtenus après trois étapes de sélection étaient résistants aux trois molécules, mais la quinolone la plus affectée en termes d’augmentation de la CMI était la grépafloxacine, car le facteur d’augmentation était de 256 au lieu de 8 pour la ciprofloxacine et l’ofloxacine (tableau II) (1). Les mécanismes de résistance impliqués n’affectent donc pas de manière égale toutes les quinolones. On parle de résistances dissociées, qui sont propres à cette classe d’antibiotiques. Rappelons que les cibles des quinolones sont des topo-isomérases bactériennes, et que deux types ont été identifiés : l’ADN-gyrase (topoisomérase de type II) et l’ADN topo-iso- mérase de type IV. Il peut y avoir une mutation sur un ou plusieurs gènes codant pour ces enzymes, amenant à une résistance spécifique et différenciée pour l’espèce bactérienne et pour la fluoroquinolone. Une augmentation de la CMI peut également apparaître en cas de mutation sur un gène codant pour les protéines impliquées dans les pompes à efflux. Cette dernière notion est récente. Les pompes à efflux sont capables d’excréter activement une fraction de l’antibiotique ayant pénétré dans la bactérie. Elles ne sont pas spécifiques des fluoroquinolones. Les gènes impliqués dans l’apparition de résistances à ces molécules sont différents selon le pathogène et les mutations observées, entraînant des niveaux de résistance variables en fonction des quinolones. Ainsi, l’auteur rapporte les travaux de Fournier et Hooper testant la ciprofloxacine, la norfloxacine et la sparfloxacine sur S. aureus (2). Des mutations sur les gènes codant pour la gyrase n’affectent pas les quinolones testées, cette enzyme n’étant pas la cible primaire pour ce pathogène. Concernant la topo-isomérase de type IV, seule la sparfloxacine n’est pas affectée. Lorsque les mutations sont multiples et touchent les deux enzymes, gyrase et topoisomérase de type IV, les CMI augmentent pour les trois molécules, mais proportionnellement davantage pour la sparfloxacine. Les mêmes observations sont faites pour la grépafloxacine. L’augmentation des CMI est donc liée à un mécanisme dépendant de mutations très spécifiques pour une espèce donnée. CMI en µg/ml (facteur d’augmentation) S. aureus Grépafloxacine Ciprofloxacine Ofloxacine Mutant de la 2 étape de sélection 0,25 16 4 Mutant de la 3e étape de sélection 64 (256) 128 (8) 32 (8) e 408 Tableau II. Résistance dissociée à trois fluoroquinolones pour des souches mutantes de S. aureus. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XIII - n° 8 - octobre 1998 Pathogène Forte augmentation des CMI Augmentation modérée des CMI Staphylocoques Cipro, lomé, grépa* Spar, oflox, lévo, trova, grépa* Pneumocoques Cipro Oflox, lévo Entérobactéries Cipro Oflox, grépa, spar BGN non fermentaires Cipro Oflox, spar Cipro : ciprofloxacine ; lomé : loméfloxacine ; grépa : grépafloxacine ; spar : sparfloxacine ; oflox : ofloxacine ; lévo : lévofloxacine ; trova : trovafloxacine. L’auteur a également étudié ces phénomènes sur un large panel de souches issues des États-Unis, d’Australie, d’Europe et d’Asie. Il définit, en fonction du pathogène, les molécules qui sont peu ou très affectées selon le mécanisme de résistance en cause (tableau III). Notons que certaines souches de staphylocoques, bien que non majoritaires, peuvent être résistantes à la grépafloxacine. En commentaires, J. Acar (Paris, France) a précisé que l’on retrouve spécifiquement dans chaque hôpital certaines bactéries endémiques et qu’il serait intéressant, en fonction du contexte écologique local, de déterminer les fluoroquinolones à choisir préférentiellement. Il remarque aussi que certains antiseptiques comme les ammoniums quaternaires interfèrent avec le système à efflux, ce qui n’est pas sans conséquence sur la conservation de la sensibilité des pathogènes aux antibiotiques. Les pathogènes résistants sont fréquemment sélectionnés au sein des flores intestinale, buccale ou vaginale. A. Andremont (Paris, France) a traité de l’impact de certaines bêtalactamines sur la flore digestive. L’auteur souligne que l’accumulation de bactéries potentiellement pathogènes dans l’intestin favorise d’une part des infections secondaires, notamment par translocation, mais aussi un risque non négligeable de transmission nosocomiale (à l’hôpital ou, plus hypothétiquement, au sein même de l’entourage proche). L’action sur la flore intestinale peut être directe via la fraction non métabolisée et non absorbée de l’antibiotique, et indirecte via la fraction excrétée dans la bile, voire dans les sécrétions intestinales. L’excrétion biliaire qui existe, que l’administration soit orale ou parentérale, semble jouer un rôle important, suggéré par des études chez l’animal et chez l’homme. Pour ce dernier, l’auteur présente les résultats de deux études randomisées et contrôlées, comparant l’impact d’une dose unique de céfotaxime et de ceftriaxone sur la flore fécale (3, 4). Dans les deux études, une dose de 2 g de l’une ou l’autre de ces deux céphalosporines a été donnée en prophylaxie à des femmes subissant une chirurgie gynécologique. Une croissance plus importante de levures, de Enterococcus faecium et de bactéries aérobies et anaérobies résistantes a été observée dans les selles des femmes ayant reçu la ceftriaxone. L’excrétion biliaire plus importante de la ceftriaxone (45 %) par rapport au céfotaxime (5 %) pourrait en être la cause. Les choses sont en fait plus compliquées, car l’effet des bêtalactamines sur la flore intestinale varie selon l’individu. A. Andremont reprend les résultats d’une étude menée chez 6 volontaires sains recevant 1 g/jour pendant 5 jours de ceftriaxone et chez qui la flore intestinale a été étudiée avant et après la prise du traitement (5). Deux groupes s’individualisent : chez deux volontaires, il n’y avait pas d’activité bêtalactamase dans les selles et la ceftriaxone y était retrouvée ; en parallèle, la quantité de bacilles anaérobies chutait et celle des levures augmentait. Chez les quatre autres volontaires, l’activité bêtalactamase était importante pendant le traitement et l’antibiotique n’était pas détecté dans les selles. La flore digestive n’était pas modifiée ici. Ce phénomène est lié à l’hydrolyse intraintestinale de la ceftriaxone par des bêtalactamases produites par des bactéries anaérobies, notamment Bacteroides. Ces résultats ont été confirmés sur un modèle Tableau III. Effets de la résistance sur l’élévation des CMI des différentes fluoroquinolones en fonction du germe, de l’espèce ou du groupe bactérien. * La grépafloxacine entraîne en général une augmentation modérée des CMI, mais qui parfois peut être forte. animal. On remarquera qu’une telle hétérogénéité sur un petit groupe de personnes présage des différences importantes qui devraient être observées en ce domaine sur la population générale. Il serait souhaitable que des études contrôlées soient développées dans ce sens. X. de La Tribonnière (Tourcoing), Y. Péan (Paris) R ÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Thomson K.S., Sanders C.C. Dissociated resistance among fluoroquinolones. Antimicrob Agents Chemother 1994 ; 38 : 2095-100. 2. Fournier B., Hooper D.C. 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