LES FONDEMENTS PHILOSOPHIQUES DE L’ÉDUCATION À LA CITOYENNETÉ EN HAÏTI – « LES TÂCHES DE L’ÉDUCATEUR POLITIQUE »
MÉMOIRE MARDIF 2006-2008: IIème année
Promotion FREINET
Nous partons de la considération selon laquelle la naissance de la République
d’Haïti met fin à la colonisation française dans la partie occidentale de l’île de Saint-
Domingue, ex-colonie de la métropole française durant environ trois siècles. La
proclamation de l’indépendance d’Haïti fut la création d’une nation formée d’anciens
libres renfermant majoritairement des métis et quelques esclaves noirs à talents, de
nouveaux libres regroupant les anciens esclaves noirs indigènes et les quelques derniers
venus d’Afrique, puis de quelques anciens maîtres blancs protégés pour leurs
compétences. Avec cette population, la citoyenneté haïtienne fut à inventer. L’identité est,
en principe, celle englobant « l’indigène » et le « sujet » devenu libre et indépendant de
toute sujétion extraterritoriale, quelque soit l’appartenance raciale : nègre, métisse et
même blanche. Nous admettons le postulat selon lequel, l’indépendance d’Haïti signe son
entrée dans la liste des États-Nations selon la définition que donne Tzvetan Todorov de
l’État-nation, dans « La peur des barbares - Au-delà du choc des civilisations » 1, comme
une conjonction de deux conditions, d’une part « un pouvoir attribué à l’ensemble des
citoyens », d’autre part « un groupe humain ayant même langue et mêmes traditions (dont
la religion), ce qu’on appelle parfois une ethnie. » Haïti, dès l’indépendance, émerge avec
la langue maternelle et vernaculaire des indigènes, le créole avec la religion vodou, donc
une seule ethnie comme mélange syncrétique des ethnies d’origine africaine fondues dans
le moule colonial français. Quoiqu’il a fallu attendre deux cents ans, après
l’indépendance, pour voir le créole et le vodou accéder finalement à égalité et
conjointement avec la langue française et la religion catholique romaine comme langues
et religions officielles de l’État d’Haïti. Au moment de l’indépendance, l’État d’Haïti
adopta le français comme unique langue officielle, et le catholicisme romain comme
unique religion officielle, laissant en sourdine le créole, langue de la majorité du peuple,
et le vodou, pratique religieuse du plus grand nombre et moteur de la révolution
triomphante. Considérant que la nation est une « âme », selon Renan, un principe
spirituel constitué de deux éléments : la possession d’un riche legs de souvenirs et le
consentement ou désir de vivre ensemble; considérant par ailleurs le constat de l’échec
1 TODOROV Tzvetan, (2008), La peur des barbares - Au-delà du choc des civilisations, Robert Laffont,
France, p.103.