REVUE DE PRESSE Étude AMANDYSK : effet de l’arrêt de l’amantadine chez des patients parkinsoniens dyskinétiques La physiopathologie des dyskinésies induites par la lévodopa dans la maladie de Parkinson implique des mécanismes dopaminergiques et non dopaminergiques. L’amantadine est le seul traitement ayant montré son utilité dans la prise en charge des dyskinésies de milieu de dose (LID). Néanmoins, certaines études ont suggéré que le bénéfice de l’amantadine ne se maintenait que pendant quelques mois et d’autres, que ce traitement n’avait pas démontré sa supériorité sur le placebo dans un essai de sevrage en amantadine. L’objectif de cette étude française était d’évaluer le bénéfice à long terme d’un traitement par amantadine sur les LID. Il s’agit d’une étude de wash-out, réalisée sur 3 mois, multicentrique, randomisée, en double aveugle contre placebo et en groupes parallèles, ayant inclus 56 patients parkinsoniens traités depuis au moins 6 mois par amantadine (200 mg/j). Selon une randomisation centralisée, un groupe “poursuivant” (n = 27) continuait l’amantadine à la même dose, et l’autre groupe “arrêt” (n = 29) stoppait progressivement l’amantadine (réduction de 100 mg tous les 2 jours) et passait sous placebo. Les résultats montrent que 29 patients ont terminé l’étude avant les 3 mois, 21 en raison d’une aggravation majeure des dyskinésies ; la plupart de ces patients appartenaient au groupe “arrêt” (18 sur 21). Cinquante-deux pour cent ont arrêté au cours de la première semaine et 28 % durant la deuxième semaine de l’étude. Le sous-score des items 32 et 33 de la sous-partie IV de l’UPDRS (critère principal de jugement) augmente davantage et significativement dans le groupe “arrêt” comparativement au groupe “poursuivant” (+ 1,7 versus + 0,2, respectivement [p = 0,003]). Cette différence reste significative après ajustement pour la sévérité des dyskinésies, l’âge et la dose du traitement dopaminergique. Par ailleurs, 138 événements indésirables sont rapportés, la plupart liés à l’aggravation des dyskinésies. Les autres événements indésirables sont une aggravation du syndrome parkinsonien (n = 5) dans le groupe “arrêt” et des troubles du contrôle des impulsions (n = 1) ainsi qu’une aggravation de la marche (n = 1) dans le groupe “poursuivant”. Cette étude montre que l’arrêt de l’amantadine s’accompagne dans les jours qui suivent d’une aggravation majeure des dyskinésies, et supporte ainsi l’hypothèse que le bénéfice de l’amantadine sur les LID se maintient après plusieurs années de traitement. Commentaire L’amantadine est parfois mal tolérée par certains patients en raison d’œdèmes des membres inférieurs, d’un livedo reticularis ou de troubles psychiques. Les résultats de cette étude ne sont donc adaptés que pour des patients ayant un bénéfice suffisant de l’amantadine pour le poursuivre à long terme, sans problème de tolérance. L’absence d’aggravation des symptômes moteurs à l’arrêt de l’amantadine laisse suggérer que ce traitement n’aurait pas d’effet majeur sur les signes cardinaux de la maladie à un stade évolué (la durée moyenne d’évolution de la maladie des patients inclus est de 13,6 ans), mais il est possible qu’un effet symptomatique soit présent à un stade plus précoce ou bien que cet effet soit plus long à disparaître que la réponse antidyskinétique. Enfin, il est possible que l’amantadine ait un bénéfice sur des symptômes non moteurs comme l’apathie ou la fatigue mais cela nécessitera d’autres études. Référence bibliographique Ory-Magne F, Corvol JC, Azulay JP et al. Withdrawing amantadine in dyskinetic patients with Parkinson disease: the AMANDYSK trial. Neurology 2014;82(4):300-7. I. Benatru, Poitiers Du nouveau dans le syndrome des jambes sans repos ? Les agonistes dopaminergiques sont le traitement de référence dans le syndrome des jambes sans repos (SJSR), affection touchant 2 à 3 % de la population. Néanmoins, sous ce traitement, peut survenir une aggravation des symptômes qui deviennent plus intenses et plus fréquents y compris au cours de la journée. Ce phénomène est appelé le “syndrome d’augmentation”, dont l’origine semble être plutôt iatrogène que liée à l’évolution naturelle de l’affection. Cette étude avait pour objectif de répondre aux questions concernant l’efficacité d’une alternative thérapeutique par un traitement non dopaminergique (la prégabaline dont l’efficacité a récemment été montrée dans le SJSR), et le mécanisme iatrogénique ou La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014 | 137 REVUE DE PRESSE dirigée par le Pr T. Moreau non du syndrome d’augmentation. Il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle, sur 52 semaines, ayant inclus 719 patients présentant un SJSR modéré à sévère, et randomisés pour recevoir pendant 12 semaines soit 0,25 mg/j de pramipexole, soit 0,5 mg/j de pramipexole, soit 300 mg/j de prégabaline, soit un placebo. Au terme de ces 12 semaines, les patients sous placebo étaient randomisés dans l’un des 3 bras de traitements actifs pour les 40 semaines restantes. Après la période de 12 semaines et par rapport au placebo, les patients sous prégabaline et pramipexole 0,5 mg/j avaient une réduction significative de la sévérité du SJSR. Dans une évaluation de non-infériorité, une amélioration plus importante a été observée sous prégabaline que sous pramipexole 0,25 mg/j et 0,5 mg/j, à 12 et à 52 semaines de suivi. Sur la période de 40 ou 52 semaines de traitement, le syndrome d’augmentation a été significativement moins fréquent sous prégabaline que sous pramipexole à la dose de 0,5 mg/j (2,1 % versus 7,7 % [p = 0,001]), mais pas à la dose de 0,25 mg/j (2,1 % versus 5,3 % [p = 0,08]). Ainsi, plus la durée d’exposition au traitement dopaminergique est prolongée, plus la fréquence du syndrome d’augmentation augmente. Les effets indésirables sont pour la plupart légers à modérés : sous prégabaline, vertiges, somnolence, fatigue, céphalées ; sous pramipexole, nausées, céphalées et fatigue. Onze cas d’idées suicidaires ont été rapportés : 6 sous prégabaline, 3 sous pramipexole 0,25 mg et 2 sous pramipexole 0,5 mg. Commentaire Cette étude montre que le syndrome d’augmentation semble plutôt d’origine iatrogénique, s’aggravant avec les traitements dopaminergiques (une aggravation liée à l’évolution naturelle du SJSR devrait survenir à la même fréquence dans tous les groupes de traitement, ce qui n’est pas le cas dans cette étude). D’autre part, plus le traitement dopaminergique est prolongé et à forte dose, plus la fréquence du syndrome d’augmentation augmente. La prégabaline semble être une alternative thérapeutique efficace, mais il faut rester prudent vis-à-vis de ses effets indésirables éventuels, en particulier le risque suicidaire. Enfin, l’efficacité de la prégabaline laisse suggérer que des mécanismes autres que dopaminergiques semblent impliqués dans la physiopathologie du SJSR. Référence bibliographique Allen RP, Chen C, Garcia-Borreguero D et al. Comparison of pregabalin with pramipexole for restless legs syndrome. N Engl J Med 2014;370(7):621-31. I. Benatru, Poitiers Risque familial de SEP à partir des registres suédois Cette étude a été menée à partir de plusieurs registres suédois : le registre multigénération comprenant les parents biologiques et adoptifs de toute personne née en Suède depuis 1932 et résidant en Suède depuis 1961 ; le registre des jumeaux suédois ; le registre des SEP suédoises (11 949 SEP) ; le registre national des hospitalisations (27 078 SEP). Afin de calculer des risques relatifs (RR), chaque patient atteint de SEP a été apparié à 10 sujets témoins sur l’âge et le sexe. Les apparentés des sujets témoins étaient appariés sur ceux du patient atteint de SEP selon l’âge et le sexe et, si possible, selon la relation maternelle/ paternelle avec le sujet index. Le RR de SEP était estimé par un modèle de Cox. Le risque de SEP ajusté sur l’âge le plus important était pour les sœurs de frères atteints de SEP. Pour les demi-frères et sœurs, les demi-sœurs maternelles avaient le risque de SEP le plus élevé. Parmi les apparentés de second degré et cousins, le risque était inférieur à 1 %, à l’exception des tantes maternelles. Par rapport à des sujets témoins appariés pour lesquels la prévalence de la SEP est plus faible chez les hommes, des estimations similaires de risque entre les apparentés femmes et hommes du sujet index ont été trouvées. Parmi les enfants de patients malades, les filles avaient un risque légèrement plus faible que les fils ; pour les pères, les risques des filles et des fils étaient différents avec un risque plus important pour ces derniers. Le risque global plus élevé était pour les paires frère/frère sans chevauchement avec les paires mère/fille ou père/fille qui avaient toutes 2 un risque plus faible. Parmi les cousins, la seule relation significative était avec les cousines du côté paternel. Parmi les enfants adoptés, le faible effectif (2 SEP parmi les 497 enfants adoptés et 1 jumeau atteint de SEP parmi les 65 jumeaux adoptés) conduisait à des résultats non significatifs par manque de puissance. L’héritabilité de la SEP était estimée en utilisant 74 757 paires de jumeaux dont la zygotie était connue, dont 315 paires affectées par la SEP. L’héritabilité estimée était de 0,64 (IC95 : 0,36-0,76) et le composant environnemental commun estimé était de 0,01 (IC95 : 0,00-0,18). A. Fromont, Dijon 138 | La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014 Commentaire Cette étude trouve un risque de récurrence familiale de SEP plus faible qu’habituellement rapporté dans la littérature. La mise en évidence d’une transmission père/fils plus forte que celle mère/ fils suggère une plus forte transmission du sexe le moins prévalent à sa descendance. Un effet “Carter” − selon lequel le sexe le moins prévalent a besoin d’un plus grand nombre de gènes de prédisposition pour développer la maladie − est évoqué. Référence bibliographique Westerlind H, Ramanujam R, Uvehag D et al. Modest familial risks for multiple sclerosis: a registry-based study of the population of Sweden. Brain 2014;137(Pt 3):770-8. REVUE DE PRESSE Le citalopram calme l’agitation dans la maladie d’Alzheimer L’agitation est un symptôme fréquent dans la maladie d’Alzheimer (MA) au stade démentiel. Les antipsychotiques atypiques sont efficaces, mais ils peuvent engendrer des effets secondaires. Cet essai thérapeutique avait pour objectif de tester l’efficacité du citalopram, un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine, sur l’agitation chez des patients atteints de MA. En tout, 186 malades ont été inclus et randomisés entre 1 groupe sous placebo et 1 groupe sous citalopram à la dose initiale de 10 mg/j, progressivement augmentée jusqu’à 30 mg/j selon la tolérance et la réponse au traitement. Un bénéfice du traitement a été observé sur l’agitation après 9 semaines, ainsi que sur le stress des accompagnants. Le bénéfice pharmacologique était meilleur que l’approche psychosociale seule. À partir de la dose de 30 mg/j, un allongement de l’intervalle QT sur l’ECG a été observé pour les doses élevées. Commentaire Le citalopram améliore l’agitation des patients souffrant de MA. Il est recommandé de rester à une dose de 20 mg/j pour éviter les risques cardiaques (allongement du QT). Référence bibliographique Porsteinsson AP, Drye LT, Pollock BG et al. Effect of citalopram on agitation in Alzheimer disease: the CitAD randomized clinical trial. JAMA 2014;311(7):682-91. Trial registration: clinicaltrials.gov Identifier: NCT00898807. M. Sarazin, Paris Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts. IMAGE TEST Réponse: 4 et 5 : Il s’agit d’une malformation de Chiari type II. Le clivus est de petite taille et le foramen magnum large. Il existe une anomalie de la charnière cervico-occipitale, avec une descente du bulbe, des amygdales cérébelleuses et du IVe ventricule dans le foramen magnum. Il faut réaliser rapidement une IRM pan-médullaire à la recherche d’une syringomyélie, complication fréquente de cette malformation. À lire Dans ce livre, Philippe Damier (service de neurologie, CHU de Nantes) a voulu explorer les bases neuronales de la décision. C’est un domaine dans lequel les connaissances se sont considérablement développées ces 10 dernières années. Ce champ de recherche intéresse les neuroscientifiques mais aussi de plus en plus les décideurs économiques ou politiques. De nombreux biais de jugement ont été identifiés : stéréotypes, excès de confiance, biais de disponibilité pour citer les plus fréquents. Leurs bases commencent à être comprises. Il en est de même pour les décisions prises par un groupe, même si, dans ce domaine, les données sont encore souvent balbutiantes. Des conseils concrets concluent chaque chapitre pour aider à optimiser ses propres prises de décision. La Lettre du Neurologue • Vol. XVIII - no 4 - avril 2014 | 139