LA REVUE DU PRATICIEN 2002, 52
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AUTOPSIE
terrain, pour les levées de corps et les
ressources matérielles et en personnel
à leur disposition. Paradoxalement, il
n’en est malheureusement rien et, jus-
qu’à une date récente, la discipline
médico-légale ne disposait d’aucun
document institutionnel autre que ceux
établis en ordre dispersé par les socié-
tés savantes nationales ou internatio-
nales auxquelles elles pouvaient se
référer pour, sinon exiger, au moins sol-
liciter un minimum d’harmonisation en
la matière. Cette situation paradoxale
est désormais révolue depuis l’adop-
tion, le 2 février 1999 par le Comité des
ministres du Conseil de l’Europe, de la
recommandation n° R (99) 3 relative
à l’harmonisation des règles en matière
d’autopsies médico-légales.1Cette dis-
position, qui n’a pas de valeur contrai-
gnante en soi, a le mérite de consti-
tuer le premier document « officiel »
et consensuel de référence quant «aux
principes et règles relatifs aux procé-
dures d’autopsies médico-légales».
Dans cette logique, nous nous confor-
merons aux principes et règles édic-
tés par cette recommandation, au texte
de laquelle nous renvoyons le lecteur
pour plus de précisions.
Indications de l’autopsie
médico-légale
Les indications sont précisément
décrites dans la recommandation euro-
péenne. Il s’agit de tous les cas de mort
suspecte, c’est-à-dire dont le caractère
naturel n’est pas évident, et ce quel que
soit le délai écoulé entre le décès et
l’événement à l’origine de celui-ci. On
retiendra notamment les décès:
– par homicide ou suspicion d’homi-
cide;
– par mort subite, y compris celle du
nourrisson;
– par suicide ou suspicion de suicide;
– dans toute situation évoquant une
possible violation des droits de
l’homme;
– par accident de transport, de travail
ou domestique;
– en rapport avec une maladie profes-
sionnelle, supposée ou non;
– consécutifs aux catastrophes;
– en détention ou associés à des actions
de police ou militaires;
– susceptibles d’être imputables à une
faute médicale;
– des corps non identifiés ou décou-
verts à l’état de restes squelettiques.
La décision de faire pratiquer une
autopsie médico-légale est dans la très
grande majorité des pays du ressort de
l’autorité judiciaire, à qui il revient
donc d’apprécier au cas par cas le bien-
fondé d’une telle investigation.
Levée de corps
La levée de corps ou l’examen sur les
lieux de la découverte du corps ne fait
pas véritablement partie de la procé-
dure d’autopsie. Elle en constitue néan-
moins le prérequis indispensable, au
moins en cas d’homicide ou de décès
suspect.
Le médecin légiste appelé sur les lieux
doit alors agir de concert avec les
enquêteurs, à qui revient la charge de
noter l’identité des personnes présentes
sur place, de photographier le corps
en l’état, de relever les indices, de récu-
pérer toutes les pièces à conviction
telles qu’armes ou projectiles, de
recueillir les informations permettant
l’identification du corps, d’alimenter
le dossier de l’enquête, et, enfin, de pré-
server l’intégrité des lieux.
Le médecin légiste, quant à lui, devrait
sans délai être informé des circonstances
relatives à la mort, s’assurer que les pho-
tographies du corps ont été prises de
façon appropriée, noter la position du
corps et sa compatibilité avec l’état des
vêtements, évaluer le degré de la rigi-
dité post mortem, relever la couleur, la
localisation et le caractère fixé ou non
des lividités cadavériques (taches cada-
vériques habituellement de couleur
rouge violacé liées à la congestion pas-
sive post mortem des capillaires cutanés
sous l’effet de la pesanteur), ainsi que
l’état de décomposition éventuelle du
corps, puis procéder à un examen pré-
liminaire de celui-ci, noter la tempéra-
ture rectale et la température ambiante,
afin d’estimer l’heure du décès en tenant
compte des constatations post mortem
précédemment indiquées, et enfin s’as-
surer que le corps sera ensuite transporté
et conservé en l’état dans une chambre
froide sécurisée.
Autopsie proprement dite
L’autopsie médico-légale est un acte
médical2qui doit être pratiqué par un
médecin, et si possible 2, dont l’un au
moins devrait être spécialisé en méde-
cine légale.
L’autopsie est en effet, «un acte diffi-
cile, minutieux, nécessitant pour son
interprétation une compétence non seu-
lement clinique mais aussi anatomo-
pathologique ».3Comme pour tout acte
médical et plus encore en matière d’au-
topsie médico-légale, compte tenu des
enjeux judiciaires, on ne saurait trop
insister sur l’indispensable expérience
requise; expérience, que le terme d’ex-
pert conféré au médecin effectuant de
tels actes reconnaît implicitement,
signifiant que la technique est parfai-
tement maîtrisée, fondée sur une pra-
tique régulière et une mise à jour conti-
nue des connaissances scientifiques
dans ce domaine. Cette pratique néces-
site en outre un environnement adéquat,
tant matériel que scientifique.4À cet
effet, le médecin légiste doit pouvoir
disposer d’une salle d’autopsie cor-
rectement équipée, avec une chambre
froide pour entreposer les corps et des
équipements de stockage au froid des
prélèvements, une installation de radio-
graphie, la possibilité d’effectuer des
photographies, y compris sous forme
de gros plans, et d’une manière géné-
rale toute facilité lui permettant d’ef-
fectuer ses missions au calme, à l’abri
de toute sollicitation extérieure, dans
des conditions d’hygiène acceptables
pour lui-même et par respect de la
dignité de la personne décédée. Le
médecin légiste doit avoir aussi la pos-
sibilité de s’appuyer sur des compé-
tences scientifiques en cas de besoin,
notamment en matière d’anatomie
pathologique, de toxicologie, de méde-
cine interne et d’analyses de laboratoire
(chimie clinique, microbiologie, bio-
logie moléculaire…). L’environnement
hospitalo-universitaire tel que celui
offert par un institut universitaire de
médecine légale est certainement la
solution la plus favorable.
Une autopsie mal conduite au départ
est extrêmement difficile à rattraper
ultérieurement, même par les experts
les plus chevronnés. L’autopsie médico-
légale peut revêtir un caractère d’ur-
gence, non seulement pour des raisons
liées au besoin de diligence de l’en-
quête mais aussi pour le constat de cer-
taines lésions rapidement masquées par
les processus lytiques post mortem et