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Les indications de l’ablation
dans la fibrillation atriale ont-elles changé ?
Indication of atrial fibrillation ablation: what changes?
● J.Y. Le Heuzey*
es indications de l’ablation dans la fibrillation atriale
ont-elles changé ? Oui, de toute évidence, mais il faut
garder la tête froide en ce domaine ! Il y a environ
750 000 personnes en France qui ont ou ont eu de la fibrillation
atriale et il est bien évident que ce type de technique ne s’adressera toujours qu’à une minorité de ces patients.
Plusieurs types de méthodes ablatives peuvent être proposés dans
la fibrillation atriale. L’ablation du nœud auriculoventriculaire,
qui entraîne un bloc auriculoventriculaire complet et qui nécessite la mise en place d’un stimulateur cardiaque, ne peut être
qu’un pis-aller et une solution de dernier recours, lorsque toutes
les autres se sont avérées être des échecs. Les patients atteints de
fibrillation atriale peuvent également justifier d’une ablation, dans
l’oreillette droite, de l’isthme cavotricuspide, s’il s’y associe du
flutter auriculaire. Cela a toutes les chances de débarrasser le
patient de son flutter, mais pas de la fibrillation atriale. De même,
quelques flutters ablatés vont récidiver sous forme de fibrillation
atriale, qui est parfois mieux supportée chez certains de ces
patients.
L’essentiel des modifications récentes des indications de l’ablation concerne l’ablation de tissu des veines pulmonaires. La
découverte de M. Haissaguerre et de son équipe a ouvert de larges
voies dans ce domaine. L’expérience de chaque équipe est très
différente et les bons résultats qui ont été publiés ou présentés
récemment par H. Oral et F. Morady d’une part, C. Pappone
d’autre part, ne peuvent être généralisés à toutes les équipes. La
technique comporte de toute façon les risques d’un cathétérisme
transseptal ainsi que des risques thromboemboliques dans la
mesure où la procédure d’ablation est thrombogène et que l’on
travaille ici dans l’oreillette gauche.
On peut schématiser les indications de la façon suivante : d’une
part, il n’y a aucune indication chez les patients asymptomatiques ; d’autre part, chez les patients ayant une fibrillation atriale
paroxystique et se plaignant de palpitations, on peut discuter une
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* Hôpital européen Georges-Pompidou, Paris.
La Lettre du Cardiologue - n° 396 - juin 2006
ablation en fonction de l’âge, des traitements antérieurs et de
leurs effets indésirables. Il est capital de bien expliquer au patient
les tenants et les aboutissants de cette technique et de ne pas lui
cacher les risques potentiels. Enfin, contrairement à ce que l’on
pensait auparavant, les patients en insuffisance cardiaque peuvent également être considérés comme des candidats éventuels.
La récente publication de L. Hsu, P. Jaïs et M. Haissaguerre l’a
confirmé. Chez ce type de patients, une ablation linéaire sera toujours associée à l’ablation de l’ostia des veines pulmonaires. Cette
indication peut concerner des fibrillations paroxystiques ou persistantes responsables de poussées d’insuffisance cardiaque ou
des fibrillations permanentes ayant coïncidé avec le début de la
dégradation de la fonction ventriculaire gauche, mais les résultats semblent, dans la plupart des équipes, toujours moins bons
en cas de fibrillation permanente.
Reste enfin un cas particulier à envisager : celui des patients qui
ont une indication opératoire, principalement valvulaire. Il peut
être très intéressant dans ce cas de figure de demander au
chirurgien de faire une intervention à visée rythmologique,
qu’il s’agisse d’une fibrillation paroxystique ou permanente.
Quoi qu’il en soit, les indications de l’ablation de la fibrillation
atriale, même si elles sont plus larges actuellement, ne s’entendent pas pour le moment comme une thérapie de première intention. Les recommandations ACC, AHA et ESC qui dataient de
2001 viennent d’être remises à jour et vont être publiées incessamment. Comme on le voit dans la figure, l’indication n’est à
retenir qu’après la preuve de l’échec des médicaments antiarythmiques : antiarythmiques de classe I en cas de fibrillation
sur cœur sain, sotalol ou amiodarone chez les patients ayant une
insuffisance coronaire ou une insuffisance cardiaque. S’il n’y a
pas de cardiopathie sous-jacente, le premier choix reste un antiarythmique de classe I ou le sotalol. L’ablation est proposée dans
ces recommandations comme alternative possible à l’amiodarone. En cas d’hypertension artérielle, le schéma est le même s’il
n’y a pas d’hypertrophie ventriculaire gauche. S’il y en a une, le
choix doit se porter sur l’amiodarone et l’ablation ne s’envisage
qu’en cas d’échec. Pour l’insuffisance coronaire, le premier choix
est constitué par le sotalol, avec ensuite alternative possible entre
amiodarone ou ablation. En cas d’insuffisance cardiaque, la seule
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Maintien du rythme sinusal
Aucune cardiopathie,
ou minimale
Hypertension
Flécaïnide
Propaténone
Sotalol
Hypertrophie ventriculaire gauche
Non
Amiodarone
Ablation
Insuffisance cardiaque
Amiodarone
Sotalol
Oui
Flécaïnide
Propaténone
Sotalol
Amiodarone
Insuffisance coronaire
Ablation
Amiodarone
Amiodarone
Ablation
Ablation
Ablation
Figure. Algorithme proposé (recommandations ACC/AHA/ESC de 2006) pour le maintien du rythme sinusal chez les patients ayant été en fibrillation atriale.
possibilité médicamenteuse est constituée par l’amiodarone,
l’ablation n’étant proposée qu’en cas d’échec. La version originale de ces recommandations retient également la possibilité
d’utiliser le dofétilide, qui n’est pas commercialisé en France.
On remarquera donc, finalement, que l’ablation n’est proposée,
dans tous les cas, que s’il y a eu échec d’au moins un médicament antiarythmique, et jamais en première intention.
Globalement, les indications d’ablation se sont élargies, mais il
faut bien garder à l’esprit le rapport bénéfice/risque de la tech-
nique, qui reste modeste dans la plupart des équipes, et exclure
les patients asymptomatiques, paucisymptomatiques ou même
ceux chez qui la symptomatologie, qui peut être bruyante, est
surtout liée à un retentissement psychologique exagéré. C’est ce
type de patients qui risque d’avoir des difficultés à supporter une
séance d’ablation longue et pénible, voire souvent plusieurs
séances. Bien expliquer tous ces facteurs au patient est indispensable avant de poser l’indication, en fait assez souvent récu■
sée en pratique après une discussion approfondie.
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vous souhaite un bel été et vous remercie
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Le prochain numéro paraîtra en septembre 2006
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La Lettre du Cardiologue - n° 396 - juin 2006
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