ÉDITORIAL Ablation de la fibrillation atriale : le verre à moitié vide et le verre à moitié plein . a possibilité d’une ablation percutanée de la fibrillation atriale, technique dont le pionnier a été Michel Haïssaguerre à Bordeaux, représente un progrès considérable de la cardiologie moderne. Cette technique permet d’obtenir, dans certains cas, une véritable guérison de la fibrillation atriale, surtout lorsqu’elle est utilisée chez des sujets jeunes dont la fibrillation atriale n’est pas trop ancienne et qui n’ont pas de maladie structurelle avancée du myocarde, de l’oreillette gauche, notamment. Les résultats à long terme de cette technique restaient néanmoins relativement mal connus jusqu’à la publication récente de 2 séries les évaluant à 5 ans ; la principale d’entre elles est précisément la série de l’équipe de Bordeaux (Weerasooriya R et al. J Am Coll Cardiol 2011;57(2):160-6) et la seconde, celle de l’équipe de Hambourg, en Allemagne (Ouyang F et al. Circulation 2010;122(23):2368-77). L’équipe de M. Haïssaguerre a décrit le devenir à 5 ans des 100 premiers patients référés pour ablation de fibrillation atriale. Les résultats obtenus par cette équipe, qui a littéralement “inventé” la technique, sont détaillés dans cet article passionnant, qui mérite une lecture attentive, et peuvent être vus suivant 2 angles. L’optimiste soulignera que les taux de succès sont élevés, le maintien de la survie sans arythmie atteignant les 63 % à 5 ans, au prix d’un nombre médian de procédures d’ablation de 2 par patient. Les complications sont rares, le taux de complications majeures étant de 3 %. La plupart des récidives de fibrillation atriale sont survenues dans la première année et étaient associées, secondairement, à un déclin modeste mais linéaire du maintien du rythme sinusal. L’optimiste sera conforté par les résultats d’une série allemande portant sur l’ablation chez 161 patients souffrant de fibrillation atriale paroxystique (Ouyang F et al. Circulation 2010;122(23):2368-77), où 46,6 % des patients sont restés en rythme sinusal après la première procédure d’ablation avec un recul médian de 4,8 ans, et où, après répétition des procédures lorsque nécessaire, le taux de maintien du rythme sinusal a atteint les 79,5 % avec un suivi médian de 4,6 ans. Les pessimistes noteront que le taux de survie sans arythmie après une seule procédure d’ablation n’est que de 29 % à 5 ans. Ils observeront que, pour obtenir un taux de succès de 66 %, il faut réaliser un nombre médian de 2 procédures par patient et que ces procédures sont lourdes et longues ; que le taux d’attrition du rythme sinusal au-delà de la première année est d’environ 9 % par an, sans signe d’atteinte d’un plateau. Le pessimiste notera également que ces résultats ont été obtenus par le centre le plus expert au monde et sur une population de malades sélectionnés comme particulièrement jeunes, ayant des fibrillations atriales relativement récentes, une prévalence faible de l’obésité et des oreillettes gauches de relativement petite taille. Bien que la technique d’ablation ait elle-même fait des progrès ces dernières années, ces résultats ne sont certainement pas généralisables à l’ensemble des patients en fibrillation atriale. La conclusion que l’on peut en tirer sur le plan pratique, c’est que l’ablation est une technique merveilleuse de traitement de la fibrillation atriale chez certains patients jeunes triés sur le volet, et lorsque la technique est effectuée par une équipe experte, mais qu’elle n’est pas, et ne sera pas, le traitement universel de la fibrillation atriale. Celle-ci est souvent le reflet d’altérations structurelles déjà marquées du myocarde, et à ce stade, les traitements sont bien souvent palliatifs (prévention des accidents thromboemboliques artériels, ralentissement de la fréquence cardiaque). C’est probablement un traitement plus précoce et plus efficace de l’hypertension artérielle qui permettrait de prévenir la fibrillation atriale, plutôt que d’avoir à la guérir. Pr P.G. Steg Hôpital Bichat-Claude Bernard, Paris La Lettre du Cardiologue • n° 443 - mars 2011 | 5