revue de presse d e s p u b l i c at i o n s i n t e r n e s ■ G. Mégret Les articles cités dans cette revue de presse sont disponibles in extenso sur notre site Internet : h t t p : / / w w w. v i v a c t i s - m e d i a . c o m PAS DE FUMÉE SANS FEU ? Le débat, après avoir avorté suite à un avis négatif de la Cour de justice européenne (décembre 2004), pourrait bien rebondir rapidement sous la pression d’éminents experts. Dès les années 1980, un épidémiologiste britannique, R. Peto, avait pourtant affirmé que, si les fumeurs passaient au “tabac sans fumée”, on pouvait escompter une baisse de 90 % de la mortalité liée au tabac. Les “Snus”, ou tabacs sans fumée à faible concentration en nitrosamines spécifiques du tabac (low TSNA smokeless tobacco), ne sont actuellement acceptés de manière légale dans l’Union européenne qu’en Suède. Ce pays où les Snus sont ancrés dans l’usage a en effet réussi à négocier cette exception à la directive bruxelloise lors de son entrée dans la Communauté européenne. Mais, en dépit de la décision défavorable, la lutte pour la levée de l’interdiction a trouvé en la personne de C. Bates (ancien directeur de l’ASH : Action on Smoking and Health) un leader convaincu. La longue liste d’arguments pro-Snus qu’il avance mérite une lecture attentive, et nous n’en relèverons que quelques-uns : la Suède a un taux de cancers, en particulier celui du poumon, faible lié en grande partie à la diffusion du Snus chez l’homme ; peu de pays ont réussi à réduire la prévalence des fumeurs au-dessous de 20 %. Or, la Suède a le chiffre le plus bas du monde. Le Snus ne provoque ni tabagisme passif, ni incendie, etc. Bien entendu, les anti-Snus n’ont pas désarmé, même si le poids de leurs arguments paraît modeste. Manque d’essais comparatifs, réalité de la réduction du risque due au Snus, absence d’études sur le plan du risque cardiovasculaire et augmentation possible des cancers du cavum ont, entre autres, été invoqués. C. Bates 92 réfute bien sûr un à un ces arguments contraires et ne se prive pas de stigmatiser la mésaventure survenue à K. Fagerström, inventeur du test de dépendance universelle. Ayant voulu proposer une étude comparative avec l’aide d’une firme de tabac, il s’est rapidement vu exclure d’une organisation antitabagique et démettre de sa fonction de président de la branche européenne de la SRNT (Society for Research on Nicotine and Tabacco). Difficile après cela de ne pas craindre de sévères luttes d’influence entre multinationales du tabac, pouvoirs publics et industrie pharmaceutique. Et la santé, dans tout cela ? ❒ Molimard R. Le tabac sans fumée ou Snus, une réduction des risques liés au tabagisme. Le Courrier des Addictions 2005;2(7):52-5. TRITHÉRAPIE ANTIRÉTROVIRALE ET CORONAROPATHIES Le HAART (Highly Active Antiretroviral Therapy), apparu en 1996, a marqué l’histoire thérapeutique du VIH : cette trithérapie a transformé le pronostic d’une affection gravissime en en faisant le plus souvent – au moins dans les pays industrialisés – une maladie chronique. Pour autant, les désordres métaboliques engendrés par ces drogues associées (dyslipidémie, insulinorésistance, lipodystrophie) ont favorisé l’émergence de complications cardiovasculaires, et en particulier des coronaropathies, chez des sujets n’ayant pas dépassé 50 ans. Cependant, en dehors de l’impact délétère de ces médicaments, d’autres facteurs participent chez le patient VIH à un processus d’accélération de l’athérosclérose. Les éventuels facteurs de risque cardiovasculaire préexistants, tout Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. III - n° 3 - juillet-août-septembre 2005 d’abord, puis la production de cytokines pro-inflammatoires, la dysfonction endothéliale secondaire à la dyslipidémie, les troubles de l’hémostase, la toxicité pariétale artérielle directe du virus, soit autant d’éléments qui rendent compte des lésions coronaires constatées au cours des vérifications post mortem, à savoir l’athérosclérose banale associée à une artérite inflammatoire. La clinique de ces accidents coronariens n’a rien de spécifique chez ces malades VIH par rapport à ceux de la population générale : entrée dans la maladie le plus souvent par un infarctus du myocarde (IDM) avec sus-décalage. Une étude observationnelle multicentrique française est en cours (PACS : Prognosis of Acute Coronary Syndrome in AIDS Patients) afin d’évaluer le pronostic du syndrome coronarien aigu (SCA) chez les patients infectés ou non par le VIH. Le traitement, comme chez le non-VIH, comporte aussi une éventuelle thrombolyse et/ou une angioplastie coronaire avec pose de stent. Mais, alors que les autres traitements médicamenteux du post-IDM (inhibiteur de l’enzyme de conversion [IEC], aspirine, ticlopidine, bêtabloquants) sont acceptables malgré la trithérapie, il n’en est pas de même pour les statines : on note une interaction possible du cytochrome P450 3A4 et de l’antiprotéase. Aux ÉtatsUnis, on recommande l’atorvastatine à faibles doses (10 mg/j) en surveillant régulièrement la créatine phosphokinase (CPK) et la tolérance clinique. Enfin, le sevrage tabagique est impératif, car il semble que l’association antiprotéase et tabac soit particulièrement péjorative, d’autant plus s’il y a dyslipidémie. Il reste que, malgré cette apparente augmentation de la fréquence et de la précocité des accidents coronaires, le bénéfice escompté du HAART en termes de survie joue largement en faveur de cette trithérapie. ❒ Boccara F, Cohen A. Maladie coronaire et infection par le VIH. La Lettre du Cardiologue 2005;386:24-7. LA BENFOTIAMINE À L’ASSAUT DES PRODUITS DE MAILLARD La prospective émise par l’OMS de devoir traiter vers 2025 plus de 300 000 000 diabétiques conduit à explorer toutes les pistes thérapeutiques, non seulement pour contrôler strictement la glycémie, mais aussi pour agir au plus près des déséquilibres biochimiques cellulaires conduisant aux complications de la maladie. Le rapport délétère entre l’hyperglycémie et la formation des “produits de Maillard” n’est désormais plus contesté. Ces molécules, appelées AGE (advanced glycation end-products), sont issues de réactions non enzymatiques entre les amines libres des acides aminés, des protéines et des acides nucléiques, les sucres réducteurs, les produits d’oxydation de la vitamine C ou les peroxydes lipidiques. On a ainsi pu mettre en évidence la présence excessive de certains AGE sur des échantillons biologiques (plasma, peau, cristallin, etc.) chez les sujets diabétiques. La pentosidine, un Correspondances en Risque CardioVasculaire - Vol. III - n° 3 - juillet-août-septembre 2005 des marqueurs spécifiques de la réaction de Maillard, se trouve ainsi en forte concentration dans le collagène cutané des diabétiques. Au-delà de ces données physiopathologiques, l’objectif principal étant de mettre au point une stratégie de prévention des complications du diabète, la lutte contre les effets péjoratifs des produits de Maillard se justifie pleinement. Parmi les diverses stratégies proposées, la benfotiamine, allithiamine liposoluble de la vitamine B1, semble une voie thérapeutique très prometteuse. On l’utilise déjà largement dans le traitement des neuropathies diabétiques ou alcooliques ou dans le syndrome de Wernicke-Korsakoff. Pour ce qui est de sa capacité à diminuer les complications du diabète, des travaux expérimentaux sur le rat diabétique ont montré que l’administration orale de benfotiamine supprimait l’apparition d’une rétinopathie. De plus, il semblerait que, outre cette aptitude à prévenir l’accumulation des produits de Maillard, elle pourrait bloquer simultanément trois voies biochimiques impliquées dans les complications du diabète, limitant ainsi l’accumulation d’intermédiaires de la glycolyse. La benfotiamine étant prescrite depuis plus de 10 ans en Allemagne sans incident notable, l’optimisme est de rigueur, et on attend beaucoup des études cliniques sur la prescription au long cours chez les sujets diabétiques. ❒ Tessier FJ. Rôle de la benfotiamine dans la prévention des complications du diabète. Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition 2005;3(IX):88-93. 93