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•L’incontinence anale, beaucoup plus rarement évoquée par les
patientes et par les médecins, qui semblent encore peu la prendre
en considération, embarrassés sur les solutions à proposer,
concerne une primipare sur dix. Un quart seulement des jeunes
mères souffrant de cette incontinence s’en plaignent, par pudeur
souvent, mais aussi parce que les symptômes sont intermittents
ou modérés, et donc relégués au deuxième plan, tant le bébé
accapare leur temps. C’est dire qu’elle est fréquente et grave, car
elle se traduit par des pertes involontaires des selles dans la moi-
tié des cas. Il faudrait immédiatement y penser en cas d’extrac-
tion instrumentale par forceps, déchirure périnéale, deuxième
période de travail prolongé, épisiotomie médiane, maladie
inflammatoire de l’intestin (il semblerait que ces accidents
d’incontinence concernent près de deux tiers des patientes pré-
sentant un syndrome de l’intestin irritable). Certaines lésions sont
immédiatement identifiées, car les plaies et les déchirures sont
visibles ; d’autres (deux tiers des cas), infracliniques, restent
occultes, et donc préoccupantes. Elles touchent majoritairement
le sphincter anal externe (20 à 45 % des femmes auront une
lésion anatomique), et ne s’accompagnent pas toujours de symp-
tômes d’incontinence qui, de toute façon, dans la moitié des cas,
s’améliorent ou disparaissent dans les mois qui suivent l’accou-
chement. L’endosonographie permet d’évaluer la nature de ces
lésions pelviennes occultes.
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•Les hémorroïdes et leurs complications sont très fréquentes
dans les jours, voire les heures, qui suivent l’accouchement :
thromboses multiples avec réaction œdémateuse marquée. Il faut
parfois intervenir. Dans les cas simples, crèmes, mousses et com-
primés soulagent les douleurs.
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•La fissure anale atteint 10 % des parturientes au cours des
trois premiers mois suivant l’accouchement. Elle est commissu-
rale antérieure deux fois sur trois. La constipation multiplie son
risque de survenue. Les traitements médicamenteux en viennent à
bout dans la majorité des cas.
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•Bref, l’attention de toutes celles qui se sentent ainsi “blessées”
se focalise sur cette région du corps, qui non seulement perd tout
caractère érogène, mais en plus devient intouchable. Cet état est,
bien évidemment, transitoire, mais il semble s’éterniser pour cer-
taines, source de sentiments de dévalorisation et de culpabilité.
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•Par ailleurs, la silhouette s’est modifiée sous l’effet du poids et
de la distension du ventre, resté encore mou, marqué parfois de
vergetures, séparé par une ligne blanche pigmentée. Le phéno-
mène est d’autant plus important que la prise de poids est consé-
quente. La femme, sur le plan vestimentaire, se situe dans une
zone charnière désagréable et mal vécue si elle se prolonge : trop
mince pour porter à nouveau ses robes de grossesse et trop grosse
pour entrer dans ses tenues précédentes.
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•Quant aux seins, même en l’absence d’allaitement, ils restent
un certain temps volumineux et déformés, puis parfois flasques.
C’est, pour certaines femmes, l’heure des déceptions : après la
plénitude de la grossesse, le vide ; après la rondeur, le plat. Si
elles allaitent, ils pourront être à l’origine de multiples soucis,
petits et grands : mamelons rétractés ou trop petits, engorgement
mammaire, lymphangite avec fièvre, voire abcès. Bref, ils ont
perdu momentanément leur pouvoir érotique et leurs capacités
érogènes. La peau, elle, a perdu de sa tonicité et peut être mar-
quée de vergetures.
Ainsi, toutes les zones habituellement dévolues au plaisir sont
transformées en lieux de souffrances et rendent caresses et rap-
ports problématiques. Or, pour avoir envie de rapports, la femme
doit se sentir bien dans son corps.
Ce tableau n’est guère réjouissant, et il est heureux que
l’immense majorité des femmes sur le point d’accoucher ne le
lisent pas, d’autant plus qu’il n’existe aucune prévention, hormis
la césarienne. Cela dit, il semblerait que, même césarisées, les
femmes connaissent une défaillance identique de leur appétence
sexuelle. Un peu d’inconscience ne nuit pas.
Et pourtant, le miracle se produit presque à chaque fois : la nature
répare les dégâts occasionnés, tant bien que mal, parfois seule-
ment en partie. À nous de savoir dépister les lésions pour mieux
les prendre en charge, et surtout de rechercher le problème
“ailleurs” pour éviter à nos patientes une sexualité gâchée.
L’asthénie associée au manque de sommeil est réelle et visible,
même si elle est souvent masquée par un sentiment profond de
bonheur qui fait passer au deuxième plan toutes ces misères cor-
porelles.
LES MODIFICATIONS PHYSIOLOGIQUES NE CONTRIBUENT
GUÈRE À FAVORISER L’APPÉTIT SEXUEL
C’est dans cette période particulière qu’intervient en force la
prolactine, hormone de l’“antidésir” par excellence. Chez celle
qui allaite, les taux de prolactine restent élevés quelques mois,
faisant baisser notablement ceux des estrogènes et autres hor-
mones et neuromédiateurs, avec toutes les conséquences bien
connues : inhibition de la libido, atrophie vulvo-vaginale,
absence de lubrification vaginale, sensibilité accrue aux infec-
tions opportunistes, seins gonflés de lait prompt à couler… Pour
les autres, la prise de Parlodel®(habituellement 15 jours) amé-
liore la libido, mais cette amélioration ne se fait pas sans effets
secondaires : nausées, sensations vertigineuses, malaise général.
Par ailleurs, on note une prolongation des saignements pendant
environ un mois et une reprise lente des cycles. Le retour de
couches se fait souvent attendre, parfois dans l’inquiétude. La
micropilule prise par certaines entretient le climat d’atrophie
vaginale, mais elle a l’avantage de minimiser la violence du
retour de couches et d’assurer une contraception. Chez certaines
apparaissent une aménorrhée prolongée, qui devra faire l’objet de
toute l’attention du médecin.
QUEL EST L’ÉTAT D’ESPRIT D’UNE FEMME
QUI VIENT D’ACCOUCHER ?
Une fois le moment d’euphorie passé, les douleurs des blessures
locales apaisées, l’immense fatigue partiellement résorbée, la
femme reprend théoriquement une vie “normale” et active avec
une personne en plus à la maison, et quelle personne ! Un tout
petit bébé totalement dépendant d’elle, de sa nourriture, de sa ten-
dresse, de sa voix et de ses expressions. Il capte toute son atten-
tion et son amour. Elle lui consacre son temps disponible.
Il n’est pas inutile de rappeler que la femme d’aujourd’hui a en
moyenne 29 ans au moment de la naissance de son premier
enfant. Elle en avait envie déjà depuis quelques années, mais,
pour diverses raisons, elle différait son projet. C’est un enfant
DOSSIER
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La Lettre du Gynécologue - n° 267 - décembre 2001