Q u e s t i o n s d e c o n s u ltat i o n sur le vif Hémorroïdes : traitements, complications, récidives... primum non nocere “Autre (remède), pour faire guérir l’anus quand il est douloureux : moelle épinière de taureau : 1 ; partie-soug de la graisse sèche : 1 ; lie de vin. (Ce) sera mis sous la forme d’un suppositoire pour l’homme et pour la femme.” (Papyrus Ebers : Eb. 162 (33, 13-15). In : Bardinet T. Les papyrus médicaux de l’Égypte pharaonique. Paris : Fayard, 1995 : 272) Structures anatomiques normales, les hémorroïdes sont connues de longue date et leur pathologie représente un motif fréquent de consultation. Pourtant, de nombreuses incertitudes demeurent concernant leur physiopathologie, leur histoire naturelle et, de fait, leur traitement. Cela étant dit, la littérature des quinze dernières années a permis de préciser la place des principales thérapeutiques. La pathologie hémorroïdaire interne Elle se manifeste par des saignements et/ou un prolapsus déclenché(s) par les selles. L’existence de douleurs doit faire rechercher une fissure associée. La stratégie thérapeutique repose sur les traitements médico-instrumentaux, le plus souvent suspensifs, et le traitement chirurgical, radical et définitif. Le traitement médical vise essentiellement à régulariser le transit par un régime enrichi en fibres alimentaires et des laxatifs. L’efficacité des topiques (suppositoires, pommades, crèmes), scientifiquement peu documentée, est probablement liée à leur effet lubrifiant facilitant l’évacuation des selles. Les veinotoniques ont fait l’objet de bien peu d’études rigoureuses et leur apport est souvent modeste. En pratique, le traitement médical est en général envisagé en première intention. Il est en effet bien toléré et suffit souvent à Correspondances en médecine - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2002 faire cesser les saignements. Cependant, la récidive est fréquente après l’arrêt. Les traitements instrumentaux sont réalisés au cabinet médical, en ambulatoire, sans préparation préalable. Ils détruisent le tissu hémorroïdaire par un effet chimique (injection sclérosante), thermique (photocoagulation infrarouge, congélation ou électrocoagulation) ou mécanique (ligature élastique) et laissent une cicatrice fibreuse, adhérante au plan profond, qui fixe la muqueuse à l’intérieur du canal anal. En France, on utilise surtout la sclérose, les infrarouges et la ligature. Une à quatre séances, espacées de 7 à 28 jours selon la technique, sont en général nécessaires. En pratique, les traitements instrumentaux sont en général proposés après échec du traitement médical. Ils s’avèrent efficaces chez 70 à 90 % des patients. Cependant, leur effet bénéfique se détériorerait dans un cas sur deux en cinq à dix ans, amenant à les répéter ou à envisager la chirurgie. En outre, les possibles complications (douleur, malaise vagal, hémorragie, infection, etc.) incitent à peser leur indication dans les situations à risque (sujet immuno-déprimé, troubles de l’hémostase et/ou de la coagulation, etc.). Le traitement chirurgical consiste en une hémorroïdectomie tripédiculaire dont les diverses variantes ont des résultats équivalents. Son but est de réséquer l’essentiel du tissu hémorroïdaire et de réduire sa vascularisation par la ligature des trois pédicules artériels principaux. Le geste est réalisé au bloc opératoire, sous anesthésie générale ou locorégionale, avec une antibioprophylaxie systématique. Les suites sont difficiles en raison des douleurs et des soins locaux qui sont primordiaux pour assurer la cicatrisation. Ces contraintes impliquent en général une hospitalisation de trois à cinq jours et un arrêt de travail d’une à trois semaines. En pratique, la chirurgie est envisagée en dernier recours et serait nécessaire chez 10 % des patients. Les indications sont les échecs ou les contre-indications du traitement médico-instrumental, le prolapsus 47 Q u e s t i o n s d e c o n s u ltat i o n sur le vif permanent et/ou l’anémie par saignements chroniques. Les résultats sont excellents si le geste est effectué par un praticien expérimenté. Les complications (bactériémie, rétention d’urines, hémorragie, fécalome, retard de cicatrisation, sténose, incontinence, etc.) sont peu fréquentes. Les récidives sont exceptionnelles et celles rapportées (“mes hémorroïdes ont repoussé”) sont surtout liées à des résections du seul paquet gênant (mono-hémorroïdectomies). À part, la technique de Longo (ou anopexie rectale), mise au point en Italie au début des années 90, consiste en une résectionsuture circulaire, à l’aide d’une pince mécanique, du prolapsus muqueux rectal qui accompagne les hémorroïdes internes, ces dernières étant simplement réintégrées dans le canal anal. Elle est réalisée au bloc opératoire, sous anesthésie locorégionale ou générale. Elle fait l’objet d’un engouement extraordinaire en Europe en raison de ses avantages : discrétion des douleurs postopératoires, absence de plaie et de soins locaux, brièveté de l’hospitalisation (un à deux jours), reprise rapide de l’activité professionnelle. Cependant, elle expose également à des complications (hémorragie, infection, sténose rectale, lésion du sphincter, etc.) et ses résultats à long terme ne sont pas connus, en particulier concernant le taux de récidive. En pratique, cette technique “instrumentochirurgicale” semble surtout intéressante dans les prolapsus intermittents sans pathologie hémorroïdaire externe associée, l’hémorroïdectomie restant indiquée dans les autres situations ou en cas d’échec. spontanée est toujours favorable (régression des douleurs avec résorption de l’œdème et du caillot). Les antalgiques périphériques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (voire les corticoïdes en cas de grossesse) sont indiqués dans les formes hyperalgiques, l’éventualité d’une marisque séquellaire devant être expliquée au patient qui pourrait croire à la persistance d’une “hémorroïde externe”. L’excision sous anesthésie locale est contre-indiquée en cas d’œdème prédominant (car inefficace) et ne doit être envisagée qu’en cas d’échec et/ou de contre-indication des médicaments (situation rare), ou en cas d’ulcération cutanée responsable de saignements gênants. La simple incision expose à la récidive. Dans les thromboses à répétition, certains suppriment les éventuels facteurs déclenchants (constipation, consommation d’épices, de café, d’alcool, etc.) mais l’hémorroïdectomie est la solution la plus satisfaisante. Pour finir, l’abstention thérapeutique est justifiée chez les patients considérant leurs symptômes hémorroïdaires comme négligeables (après avoir vérifié la normalité du cadre colique chez le sujet de plus de 40-45 ans). En outre, leur rappeler qu’il s’agit d’une pathologie purement fonctionnelle n’exposant à aucun risque démontré de dégénérescence suffit souvent à les rassurer. Primum non nocere... Vincent de Parades, service de proctologie médico-chirurgicale La pathologie hémorroïdaire externe Elle se manifeste par des thromboses (“crises hémorroïdaires”) dont l’évolution hôpital des Diaconesses, Paris N’hésitez pas à proposer des questions de consultation au comité de rédaction de Correspondances en médecine. 48 Correspondances en médecine - n° 2, vol. III - avril/mai/juin 2002