121 n° L’ L’insomnie comorbide

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V. Cochen De Cock*, Y. Dauvilliers*
n° 121
fiche
technique
Sous la responsabilité de ses auteurs
L’insomnie comorbide
aux maladies neurologiques
L’
Un entretien clinique structuré, un agenda du sommeil, une
échelle de sévérité de l’insomnie (2) voire une actimétrie seront
nécessaires pour évaluer son phénotype, sa sévérité, et permettre
ensuite d’envisager un suivi évolutif. Un enregistrement du
sommeil sera rarement indiqué, sauf pour éliminer une pathologie du sommeil associée.
L’insomnie comorbide avec une pathologie neurologique est
très fréquemment retrouvée, mais reste le plus souvent sousestimée (3, 4). Sa présence peut être secondaire à la pathologie
neurologique par lésion des circuits impliqués dans la régulation
de la veille et du sommeil. Par exemple, dans l’insomnie fatale
familiale, pathologie extrêmement rare, la dégénérescence
thalamique bilatérale par accumulation de la protéine prion
mutée, entraîne une disparition du sommeil lent profond.
L’insomnie peut aussi être la conséquence d’autres facteurs
associés à la pathologie neurologique comme la douleur, le
syndrome des jambes sans repos (sensation désagréable qui
entraîne un besoin urgent de bouger les membres inférieurs,
le soir ou la nuit générant un retard à l’endormissement et des
difficultés de maintien du sommeil), voire la prise de certains
psychotropes. Le plus souvent, l’insomnie est mixte dans les
maladies neurologiques (3, 4), à la fois lésionnelle et liée
aux facteurs associés à la pathologie, y compris les facteurs
>>>
* Centre de référence national narcolepsie et hypersomnie idiopathique, unité des troubles du sommeil et de l’éveil, hôpital Gui-de-Chauliac, Montpellier ; et Inserm U1061, UM1,
Montpellier.
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insomnie chronique se définit cliniquement par des difficultés à instaurer ou à maintenir le sommeil, des éveils
précoces, et/ou une impression de sommeil non réparateur avec
des conséquences sur la qualité de la veille, persistant pendant
plus d’un mois (1). L’insomnie comorbide est caractérisée par la
présence d’une insomnie associée à une pathologie médicale
connue pour favoriser l’insomnie. Son apparition et ses fluctuations coïncident avec celles de la pathologie sous-jacente. Elle
ne peut pas être expliquée par un autre trouble du sommeil, un
trouble psychiatrique ou une cause iatrogène (1).
La Lettre du Neurologue • Vol. XVII - n° 4 - avril 2013 | 137
Type d’insomnie
Tableau II. Facteurs impliqués dans l’insomnie comorbide à la maladie
d’Alzheimer.
Type d’insomnie
Insomnie de maintien surtout
Réveil précoce
Insomnie d’endormissement parfois
Insomnie de maintien surtout
Réveil précoce
Insomnie d’endormissement parfois
Causes
• Psychiatriques
• Liées à d’autres
troubles du sommeil
• Liées à l’âge
Conséquences
Fatigue
Somnolence
Attaques de sommeil (accidentologie)
Dépression
Troubles cognitifs
Altération de la qualité de vie
Causes
• Lésionnelles
• Iatrogènes
• Psychiatriques
• Liées à des troubles
du sommeil autres
• Liées à l’âge
• Génétiques
• Comportementales
Noyau suprachiasmatique
Noyau basal de Meynert
Traitements sédatifs en journée
Inhibiteurs de l’acétylcholinestérase
Anxiété
Dépression
Troubles de la ventilation nocturne
Somnolence en journée
Mouvements périodiques des jambes
Changements du rythme circadien
Allèle ApoE4 favoriserait les troubles ventilatoires
nocturnes
Diminution de l’activité physique
Diminution de l’exposition à la lumière en journée
Conséquences
Agressivité
Dépression
Troubles cognitifs
Institutionnalisation
iatrogènes et psychiatriques. La présence d’une insomnie
chronique mal prise en charge pourra aussi avoir des conséquences négatives sur les fonctions cognitives, physiques et
psychiques des patients avec notamment un fort risque de
dépression associée. C’est particulièrement vrai au cours de la
maladie de Parkinson (tableau I) et de la maladie d’Alzheimer
(tableau II).
l’insomnie survenant au cours des accidents vasculaires
cérébraux et de la maladie de Parkinson (3, 4). La mélatonine
et la lumino­thérapie stabilisent les troubles du rythme veille/
sommeil associés aux démences et à la maladie de Parkinson.
Enfin, la thérapie cognitivo-comportementale peut être efficace
pour traiter les symptômes de l’insomnie dans la plupart des
maladies neurologiques (4).
La première étape pour la prise en charge de l’insomnie
comorbide est d’optimiser le traitement de la pathologie
neurologique sous-jacente. Un traitement par hypnotique
peut ensuite être recommandé sur une courte durée. Certains
anti­dépresseurs sédatifs semblent être utiles pour traiter
En conclusion, l’insomnie comorbide aux maladies neurologiques
est un problème fréquent, souvent négligé qui mérite une prise
en charge raisonnée avec cependant la nécessité de réaliser des
études randomisées de large envergure pour prouver l’efficacité
de certaines stratégies thérapeutiques.
■
3. Dauvilliers Y. Insomnia in patients with neurodegenerative conditions. Sleep Med
2007;8(Suppl. 4):S27-34.
4. Mayer G, Jennum P, Riemann D et al. Insomnia in central neurologic diseases: occurrence and management. Sleep Med Rev 2011;15(6):369-78.
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1. American Academy of Sleep Medicine. The international classification of sleep disorders. 2nd ed. Westchester, IL, 2005.
2. Bastien CH, Vallières A, Morin CM. Validation of the Insomnia Severity Index as an
outcome measure for insomnia research. Sleep Med 2001;2(4):297-307.
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Références bibliographiques
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• Douloureuses
Modifications neurochimiques
Traitements dopaminergiques
Traitements sédatifs en journée
Inhibiteur de l’acétylcholinestérase
Symptômes moteurs de la maladie : tremblements,
akinésies, dyskinésies, dystonie, rigidité
Syndrome des jambes sans repos
Douleur
Anxiété, dépression
Troubles de la ventilation nocturne
Somnolence en journée
Mouvements périodiques des jambes
Troubles du comportement en sommeil paradoxal
Changements du rythme circadien
Démence
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• Lésionnelles
• Iatrogènes
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Tableau I. Facteurs impliqués dans l’insomnie comorbide à la maladie
de Parkinson.
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