L
es études publiées s’intéressant à la comparaison entre
les résultats obtenus par le coro-scanner et la corona-
rographie conventionnelle soulignent la très bonne
valeur prédictive négative du coro-scanner pour éliminer une
atteinte coronarienne. En revanche, lorsque le coro-scanner objec-
tive une ou des sténoses coronaires, il paraît actuellement néces-
saire de réaliser une coronarographie conventionnelle. Le cas cli-
nique suivant illustre le danger potentiel de déroger à cette règle.
Monsieur B.E., âgé de 54 ans, en excellent état général, présente
une insuffisance mitrale volumineuse par prolapsus de la petite
valve sur rupture de cordage. Il est asymptomatique. Compte tenu
de l’importance de la fuite mitrale, de la majoration de la dilata-
tion auriculaire gauche (sur les échographies itératives), du dia-
mètre ventriculaire gauche et de la possibilité de pratiquer une
plastie mitrale, une intervention chirurgicale est programmée.
Les facteurs de risque du patient comprennent une dyslipidémie
traitée par simvastatine.
Dans le cadre du bilan préopératoire, une tomodensitométrie des
coronaires, c’est-à-dire un coro-scanner, est pratiquée. Elle est
jugée de bonne qualité. L’examen montre un tronc commun per-
méable sans sténose. L’artère interventriculaire antérieure (IVA)
présente un premier segment infiltré, sans sténose significative,
une plaque calcifiée non sténosante sur son deuxième segment
jugé d’interprétation plus difficile, et un troisième segment de
petit calibre, mais perméable. Les deux diagonales sont per-
méables, non infiltrées. L’artère circonflexe est de petit calibre
et présente une plaque ostiale calcifiée entraînant une sténose
estimée à 50 %, jugée significative avant le départ d’une margi-
nale latérale gauche. La coronaire droite présente des calcifica-
tions sans sténose significative. L’intervention chirurgicale à type
de plastie mitrale et de pontage mammaire interne gauche-laté-
rale est réalisée. Cependant, en sortie de circulation extracorpo-
relle, le patient présente une insuffisance ventriculaire gauche
massive alors qu’il n’y a plus d’insuffisance mitrale. L’électro-
cardiogramme (ECG) montre l’apparition d’un bloc de branche
gauche et l’échographie montre une akinésie antérieure.
Le patient est transféré en urgence en salle de cardiologie inter-
ventionnelle. Une contre-pulsion par ballon intra-aortique est
mise en place. La coronarographie montre une coronaire droite
dominante, très discrètement infiltrée, sans sténose. La mam-
maire interne gauche implantée sur l’artère latérale est per-
méable sans sténose. En revanche, il existe une sténose serrée
calcifiée de l’ordre de 90 % de la distalité du tronc commun de
la coronaire gauche. Cette plaque d’athérome de la distalité du
tronc commun intéresse également les deux ostia de l’IVA et
surtout de la circonflexe avec un degré de rétrécissement éva-
lué entre 50 et 70 %. Le patient est réadmis au bloc chirurgical
où il est pratiqué un pontage à partir de l’artère mammaire
interne droite sur l’IVA. Il est ensuite mis en place une assis-
tance circulatoire, le patient étant sous dobutamine 10 γ/kg/mn,
noradrénaline 3 mg/h, adrénaline 2 mg/h. L’évolution et la
bonne récupération du ventricule gauche permettent le sevrage
de l’assistance circulatoire à J4 et le sevrage de la contre-pul-
sion par ballon intra-aortique à J5. Cependant, une défaillance
multiviscérale, dans le cadre d’un choc septique avec instabi-
lité hémodynamique, oligo-anurie et syndrome de détresse res-
piratoire aiguë (SDRA), justifie le passage en réanimation médi-
cale à J6. L’amélioration est progressive en 5 jours avec une
possibilité d’arrêter les catécholamines à J16. Une trachéoto-
mie est pratiquée à J10 devant la persistance du SDRA malgré
l’antibiothérapie adaptée. La décanulation est pratiquée à J30.
Le patient est transféré en service de réadaptation cardiaque.
Ce cas clinique met en relief l’insuffisance du coro-scanner pour
remplacer de manière fiable la coronarographie conventionnelle.
Ce serait bien entendu une erreur de tirer des conclusions hâtives
à partir d’un cas clinique isolé. Néanmoins, il permet de s’inter-
roger sur la fiabilité du coro-scanner dans la détection de sténoses
coronaires significatives.
L’engouement provoqué par la nouvelle imagerie représentée
par l’angioscanner coronaire s’explique par la remarquable qua-
lité iconographique des images en 3D obtenue par la vertigi-
neuse vitesse d’acquisition des images et par le caractère appa-
remment non invasif de cet examen. Mais il ne faut pas oublier
que le coro-scanner nécessite une exposition aux rayons X et
impose l’utilisation de produits de contraste iodés avec les
risques d’irradiation, d’allergie et de néphro-toxicité tout comme
la coronarographie. De surcroît, un coro-scanner suivi d’une
coronarographie nécessite une double administration de produit
de contraste, ce qui majore potentiellement le risque de néphro-
toxicité.
La Lettre du Cardiologue - n° 395 - mai 2006
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ÉDITORIAL
G. Helft, J.P. Metzger*
* Institut de cardiologie, groupe hospitalier de la Pitié-Salpêtrière, Paris.
Le coro-scanner : est-il déjà fiable ?
ICT coronary angiography: already reliable?
La Lettre du Cardiologue - n° 395 - mai 2006
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Que nous enseigne la littérature la plus récente concernant le
coro-scanner ? Une publication dans le Journal of the American
Medical Association (mai 2005) s’étant intéressée au coro-scan-
ner et à l’angiographie coronaire, a montré des résultats impres-
sionnants du coro-scanner en termes de sensibilité, de spécifi-
cité, de valeur prédictive positive et négative respectivement de
95 %, 98 %, 87 % et 99 % pour la détection des sténoses supé-
rieures à 50 % en comparant les coronaires segment par segment
avec la coronarographie conventionnelle (1). Mais ces résultats
ne doivent pas masquer, reconnaissent les auteurs, que le coro-
scanner, n’est pas encore prêt à concurrencer la coronarographie
conventionnelle, car la couverture complète de l’arbre coronaire
n’était réalisée que dans 73 % des cas. De plus, les patients sten-
tés (qui sont de plus en plus nombreux parmi nos patients coro-
nariens…) étaient exclus de cette étude comme des autres études
similaires en raison des artefacts entraînés par le grillage du stent.
Par conséquent, pour répondre à la question de savoir si “le coro-
scanner est déjà fiable ?”, ce que l’on peut écrire clairement à la
date d’aujourd’hui est que le coro-scanner n’est pas un examen
de substitution et ne peut remplacer à ce jour la coronarographie.
Il n’en demeure pas moins vrai que l’excellente valeur prédic-
tive négative du coro-scanner est très attractive. Lorsque la pré-
valence de la maladie coronaire est faible, et que le coro-scanner
ne montre pas d’anomalie, on peut raisonnablement surseoir à
une coronarographie conventionnelle. L’excellente valeur pré-
dictive négative du coro-scanner ne doit pas pour autant conduire
à un élargissement des indications de l’imagerie coronaire au-
delà de celles qui sont définies pour la coronarographie par les
sociétés savantes. D’autre part, le caractère anormal d’un coro-
scanner doit, sauf contre-indication absolue, mener à une coro-
narographie conventionnelle pour confirmer ou infirmer l’ano-
malie du coro-scanner.
Les années à venir devraient être marquées par la poursuite de l’amé-
lioration technologique des scanners, par l’expérience et la colla-
boration croissantes des cardiologues et des radiologues, tout cela
devant amener à l’amélioration de la fiabilité du coro-scanner.
Bibliographie
1. Hoffmann MH, Shi H, Schmitz BL et al. Noninvasive coronary angiography
with multislice computed tomography. JAMA 2005;293:2471-8.
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