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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
tion du risque de cancer prostatique (10). L’IGF1 agit sur la
prolifération et la différenciation cellulaires. C’est également
un inhibiteur puissant de l’apoptose. Il accélère la progression
des modifications précancéreuses en lésions invasives. Une
diminution de son taux pourrait réduire le risque de cancer
prostatique, notamment dans les familles à haut risque. La
suramine, inhibiteur de divers facteurs de croissance, diminue
sa production. Des stratégies utilisant un déoxynucléotide anti-
sens sont en cours de développement thérapeutique dans
d’autres tumeurs (astrocytomes).
Pour Chan et al. (11), les taux circulants d’IGF1 et d’IGFBP3
pourraient être prédictifs du risque d’avoir un cancer de stade
avancé, mais ils n’auraient pas d’intérêt dans le dépistage des
patients.
HER2
Le rôle de la protéine HER2 dans la pathogénie des cancers de
prostate reste incertain. Sa surexpression est liée à la progres-
sion vers l’hormonodépendance, comme l’a suggéré l’étude de
Signoretti publiée dans le Journal of the National Cancer Ins-
titute (12) retrouvant une augmentation de la fréquence de la
surexpression entre des tumeurs primaires traitées par chirur-
gie seule (17 sur 67), des tumeurs traitées par castration avant
chirurgie (20 sur 34) et des tumeurs androgénorésistantes (14
sur 18). En revanche, il faut noter qu’aucune amplification par
FISH n’a été retrouvée, quel que soit le stade de la maladie.
La fréquence de la surexpression et de l’amplification dans les
cancers androgéno-indépendants n’est pas bien établie. Une
surexpression forte d’HER2 semble peu fréquente, ainsi que
l’a montré une étude en immunohistochimie dont le but était
de sélectionner des patients pouvant être traités par un proto-
cole docétaxel-trastuzumab (13). Sur 62 patients screenés,
4présentaient une surexpression cotée 1+ et un seul une surex-
pression classée 2+. Une étude par FISH a été réalisée dans 12
cas ; 5 fois, le résultat n’était pas interprétable du fait d’arte-
facts ; 7 fois, il s’est avéré négatif. Dans une autre étude (14),
sur 38 patients en échec biochimique après prostatectomie
radicale, avec la technique d’immunohistochimie agréée par la
FDA, seule une tumeur présentait une surexpression 2+ (pas
de 3+). Aucune tumeur n’avait d’amplification génique déce-
lable par FISH.
Dépistage
Le Scandinavian Prostatic Cancer Group vient de publier les
résultats d’une large étude randomisée (15) ayant inclus
695 patients présentant une tumeur de stade T1b, T1c ou T2 et
comparant prostatectomie radicale versus attitude attentiste
(watchful waiting). Avec une médiane de suivi de 6,2 ans, si la
prostatectomie radicale réduit significativement la mortalité
spécifique (16 sur 347 décès versus 31 sur 348, p = 0,02), il n’a
pas été retrouvé de différence significative en termes de survie
globale (53 sur 347 décès versus 62 sur 348, p = 0,31). Il existe,
en ce qui concerne le risque de métastases, une différence de
14 % à 8 ans en faveur du bras prostatectomie (p = 0,03). Les
cinq premières années, les différences entre les deux groupes
sont minimes. Cela confirme qu’il faut attendre de nombreuses
années avant qu’un bénéfice en survie puisse apparaître…
Le Norwegian Urological Cancer Group (NUCG) a décidé de
ne pas participer à la European Randomised Study on Scree-
ning for Prostate Cancer (ERSPC) (16). Il était prévu, en Nor-
vège, une étude sur une population de 75 000 hommes âgés de
50 à 65 ans (25 000 dépistés, 50 000 témoins). Les raisons
ayant motivé ce choix sont multiples : doute sur le pouvoir sta-
tistique de l’étude, implications éthiques du screening d’une
importante population sans symptômes (la détection et la pro-
bable curabilité d’un cas de cancer de prostate justifient-elles
que 15 ou 16 hommes subissent une biopsie prostatique dont
ils ne vont sans doute pas tirer bénéfice ?), problèmes posés
par les dosages non contrôlés “sauvages” de PSA et, surtout,
anticipation du fait que la contribution de la Norvège à une
étude débutée en 1994 dans plusieurs pays européens (Bel-
gique, Finlande, Italie, Pays-Bas, Suède, Espagne, Suisse)
n’allait pas apporter des résultats cliniques importants (les
auteurs ont estimé qu’il y aurait seulement 220 décès en Nor-
vège pour la première analyse de suivi prévue en 2008). Les
coordinateurs de l’ERSPC (inclusions prévues : 196 000
hommes) ont regretté cette décision, argumentant leur point de
vue dans une réponse publiée également dans le Lancet Onco-
logy (17).
Une détection précoce du cancer de la prostate est recommandée
chez les hommes ayant un antécédent familial du premier degré.
L’impact des antécédents familiaux a été évalué dans le Finnish
Prostate Cancer Screening Trial (18). Sur 20 716 participants
randomisés dans le groupe des dépistés, 964 avaient un antécé-
dent familial, et 105 (11 %) présentaient un PSA 4 ng/ml.
Vingt-neuf tumeurs ont été diagnostiquées, soit un taux de
détection de 3 % (29 sur 964) et une valeur prédictive positive
de 28 % (29 sur 105). Sur les 19 347 participants sans antécé-
dent familial, 1 487 (8 %) avaient un PSA 4 ng/ml. Le taux de
détection a été de 2,4 % (462 sur 19 347), la valeur prédictive
positive de 31 % (462 sur 1 487). Les auteurs ont conclu à
l’absence de différences entre les deux populations.
En développant un modèle de simulation informatique de
détection par le dosage de PSA et de mort par cancer de pros-
tate dans une cohorte hypothétique de 2 millions d’hommes
âgés de 60 à 84 ans en 1988, et en comparant l’incidence du
modèle projeté avec les données des registres SEER (Sur-
veillance, Epidemiology, and Ends Results) du National Can-
cer Institute sur la période 1988-1998, Etzioni et al. (19) ont
calculé un taux de surdiagnostic lié au dosage systématique du
PSA d’approximativement 29 % chez les hommes blancs et de
44 % chez les hommes noirs (c’est-à-dire le pourcentage de
sujets dont le diagnostic n’aurait été établi qu’à l’autopsie).
Selon les auteurs, ces résultats suggèrent que la majorité des
malades dépistés auraient eu une présentation clinique de leur
maladie et que seule une minorité des cancers retrouvés à
l’autopsie auraient été détectés par le dosage du PSA.
Hormonothérapie néoadjuvante
Soloway a rapporté les résultats négatifs à 5 ans de l’étude
contrôlée d’hormonothérapie néoadjuvante (3 mois de leupro-
lide et flutamide) du Lupron Depot Neoadjuvant Group avant
prostatectomie (20). Il n’a pas été retrouvé de différence à