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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
TUMEURS UROLOGIQUES
CANCER DE PROSTATE
Prévention
Une vaste étude prospective américaine (47 365 participants,
période d’enregistrement des cancers de prostate entre 1986 et
1998) a confirmé que la consommation fréquente de produits à
base de tomate est associée à un moindre risque de cancer de
prostate (2).
Biologie
TIG1, un nouveau gène suppresseur de tumeur dans le can-
cer de prostate ? (3)
TIG1 (tazarotene-induced gene 1) est un gène dont la diminu-
tion d’expression pourrait contribuer au développement et à la
progression du cancer de prostate ; c’est ce que suggèrent les
travaux expérimentaux de Jing et al. (4) montrant que l’expres-
sion de l’ARNm de TIG1, détectée par technique d’hybridation
in situ, était présente dans les 10 cas de tissu prostatique nor-
mal, dans les 51 cas d’hyperplasie analysés et seulement dans
4 cas de cancer de prostate sur 51 testés. Quand TIG1 était
transfecté dans une lignée de cancer de prostate n’exprimant
pas ce gène naturellement, la restauration de son expression
n’altérait pas son taux de croissance in vitro mais diminuait la
capacité d’invasion des cellules tumorales et la taille des
tumeurs greffées chez la souris nude. Ce gène, situé sur le bras
court du chromosome 3, code pour une protéine de 228 AA
qui pourrait fonctionner comme une molécule d’adhésion cel-
lulaire (CAM).
EZH2
Un nouveau marqueur de mauvais pronostic dans le cancer de
prostate a été identifié par la technique de micro-arrays (5).
L’étude du profil d’expression génétique de patients a montré
qu’une synthèse élevée d’une protéine appelée EZH2 était asso-
ciée à un risque élevé d’évolution métastatique. Parmi 53 gènes
surexprimés dans le cancer de prostate métastatique, EZH2
(enhancer of zeste homolog 2) semble un des plus importants.
EZH2 est l’homologue humain d’une protéine de la drosophile,
faisant partie des PcG (polycomb group proteins) impliquées
dans la répression de l’expression de gènes homéotiques, et il
n’est pas surprenant que la dérégulation du système de “mainte-
nance transcriptionnelle” puisse conduire à la malignité.
Récepteur d’androgènes
Parmi tous les événements moléculaires qui conduisent à
l’hormonorésistance, certains touchent directement le récep-
teur aux androgènes (mutations, amplifications du gène), et
d’autres, indirectement (coactivateurs, facteurs de croissance
peptidiques ou cytokines…). Une revue générale très complète
a récemment rappelé l’ensemble des connaissances actuelles
concernant le sujet (6).
IGF1
On porte actuellement un intérêt grandissant au rôle, dans la
carcinogenèse, de la famille des insulin-like growth factors
(IGF), notamment de l’IGF1, de son récepteur (IGF1-R) et des
IGF-binding proteins (IGFBP1-6). Plusieurs revues générales
récentes (7-9) ont fait le point sur les connaissances actuelles.
Des taux sériques élevés d’IGF1 sont associés à une augmenta-
vant d’aborder une analyse de la littérature de l’année pour chaque localisation, signalons en intro-
duction que les cancers urologiques représentent plus de 20 % de tous les cancers aux États-Unis.
Une revue générale a résumé les recommandations actuelles concernant la surveillance de ces
tumeurs en fonction du stade (1).
A
Prise en charge des tumeurs urologiques :
avancées diagnostiques et thérapeutiques en 2002
P. Beuzeboc*
* Institut Curie, Paris.
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La Lettre du Cancérologue - volume XI - n° 6 - novembre-décembre 2002
tion du risque de cancer prostatique (10). L’IGF1 agit sur la
prolifération et la différenciation cellulaires. C’est également
un inhibiteur puissant de l’apoptose. Il accélère la progression
des modifications précancéreuses en lésions invasives. Une
diminution de son taux pourrait réduire le risque de cancer
prostatique, notamment dans les familles à haut risque. La
suramine, inhibiteur de divers facteurs de croissance, diminue
sa production. Des stratégies utilisant un déoxynucléotide anti-
sens sont en cours de développement thérapeutique dans
d’autres tumeurs (astrocytomes).
Pour Chan et al. (11), les taux circulants d’IGF1 et d’IGFBP3
pourraient être prédictifs du risque d’avoir un cancer de stade
avancé, mais ils n’auraient pas d’intérêt dans le dépistage des
patients.
HER2
Le rôle de la protéine HER2 dans la pathogénie des cancers de
prostate reste incertain. Sa surexpression est liée à la progres-
sion vers l’hormonodépendance, comme l’a suggéré l’étude de
Signoretti publiée dans le Journal of the National Cancer Ins-
titute (12) retrouvant une augmentation de la fréquence de la
surexpression entre des tumeurs primaires traitées par chirur-
gie seule (17 sur 67), des tumeurs traitées par castration avant
chirurgie (20 sur 34) et des tumeurs androgénorésistantes (14
sur 18). En revanche, il faut noter qu’aucune amplification par
FISH n’a été retrouvée, quel que soit le stade de la maladie.
La fréquence de la surexpression et de l’amplification dans les
cancers androgéno-indépendants n’est pas bien établie. Une
surexpression forte d’HER2 semble peu fréquente, ainsi que
l’a montré une étude en immunohistochimie dont le but était
de sélectionner des patients pouvant être traités par un proto-
cole docétaxel-trastuzumab (13). Sur 62 patients screenés,
4présentaient une surexpression cotée 1+ et un seul une surex-
pression classée 2+. Une étude par FISH a été réalisée dans 12
cas ; 5 fois, le résultat n’était pas interprétable du fait d’arte-
facts ; 7 fois, il s’est avéré négatif. Dans une autre étude (14),
sur 38 patients en échec biochimique après prostatectomie
radicale, avec la technique d’immunohistochimie agréée par la
FDA, seule une tumeur présentait une surexpression 2+ (pas
de 3+). Aucune tumeur n’avait d’amplification génique déce-
lable par FISH.
Dépistage
Le Scandinavian Prostatic Cancer Group vient de publier les
résultats d’une large étude randomisée (15) ayant inclus
695 patients présentant une tumeur de stade T1b, T1c ou T2 et
comparant prostatectomie radicale versus attitude attentiste
(watchful waiting). Avec une médiane de suivi de 6,2 ans, si la
prostatectomie radicale réduit significativement la mortalité
spécifique (16 sur 347 décès versus 31 sur 348, p = 0,02), il n’a
pas été retrouvé de différence significative en termes de survie
globale (53 sur 347 décès versus 62 sur 348, p = 0,31). Il existe,
en ce qui concerne le risque de métastases, une différence de
14 % à 8 ans en faveur du bras prostatectomie (p = 0,03). Les
cinq premières années, les différences entre les deux groupes
sont minimes. Cela confirme qu’il faut attendre de nombreuses
années avant qu’un bénéfice en survie puisse apparaître…
Le Norwegian Urological Cancer Group (NUCG) a décidé de
ne pas participer à la European Randomised Study on Scree-
ning for Prostate Cancer (ERSPC) (16). Il était prévu, en Nor-
vège, une étude sur une population de 75 000 hommes âgés de
50 à 65 ans (25 000 dépistés, 50 000 témoins). Les raisons
ayant motivé ce choix sont multiples : doute sur le pouvoir sta-
tistique de l’étude, implications éthiques du screening d’une
importante population sans symptômes (la détection et la pro-
bable curabilité d’un cas de cancer de prostate justifient-elles
que 15 ou 16 hommes subissent une biopsie prostatique dont
ils ne vont sans doute pas tirer bénéfice ?), problèmes posés
par les dosages non contrôlés “sauvages” de PSA et, surtout,
anticipation du fait que la contribution de la Norvège à une
étude débutée en 1994 dans plusieurs pays européens (Bel-
gique, Finlande, Italie, Pays-Bas, Suède, Espagne, Suisse)
n’allait pas apporter des résultats cliniques importants (les
auteurs ont estimé qu’il y aurait seulement 220 décès en Nor-
vège pour la première analyse de suivi prévue en 2008). Les
coordinateurs de l’ERSPC (inclusions prévues : 196 000
hommes) ont regretté cette décision, argumentant leur point de
vue dans une réponse publiée également dans le Lancet Onco-
logy (17).
Une détection précoce du cancer de la prostate est recommandée
chez les hommes ayant un antécédent familial du premier degré.
L’impact des antécédents familiaux a été évalué dans le Finnish
Prostate Cancer Screening Trial (18). Sur 20 716 participants
randomisés dans le groupe des dépistés, 964 avaient un antécé-
dent familial, et 105 (11 %) présentaient un PSA 4 ng/ml.
Vingt-neuf tumeurs ont été diagnostiquées, soit un taux de
détection de 3 % (29 sur 964) et une valeur prédictive positive
de 28 % (29 sur 105). Sur les 19 347 participants sans antécé-
dent familial, 1 487 (8 %) avaient un PSA 4 ng/ml. Le taux de
détection a été de 2,4 % (462 sur 19 347), la valeur prédictive
positive de 31 % (462 sur 1 487). Les auteurs ont conclu à
l’absence de différences entre les deux populations.
En développant un modèle de simulation informatique de
détection par le dosage de PSA et de mort par cancer de pros-
tate dans une cohorte hypothétique de 2 millions d’hommes
âgés de 60 à 84 ans en 1988, et en comparant l’incidence du
modèle projeté avec les données des registres SEER (Sur-
veillance, Epidemiology, and Ends Results) du National Can-
cer Institute sur la période 1988-1998, Etzioni et al. (19) ont
calculé un taux de surdiagnostic lié au dosage systématique du
PSA d’approximativement 29 % chez les hommes blancs et de
44 % chez les hommes noirs (c’est-à-dire le pourcentage de
sujets dont le diagnostic n’aurait été établi qu’à l’autopsie).
Selon les auteurs, ces résultats suggèrent que la majorité des
malades dépistés auraient eu une présentation clinique de leur
maladie et que seule une minorité des cancers retrouvés à
l’autopsie auraient été détectés par le dosage du PSA.
Hormonothérapie néoadjuvante
Soloway a rapporté les résultats négatifs à 5 ans de l’étude
contrôlée d’hormonothérapie néoadjuvante (3 mois de leupro-
lide et flutamide) du Lupron Depot Neoadjuvant Group avant
prostatectomie (20). Il n’a pas été retrouvé de différence à
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5ans en termes de rechute biologique : le PSA était inférieur à
0,4 ng/ml chez 64,8 % des 138 patients traités par hormono-
thérapie, versus 67,6 % dans le groupe prostatectomie seule
(p = 0,663).
Prostatectomie
Prostatectomie par cœlioscopie
L’équipe de l’Institut mutualiste Montsouris (21) a publié une
évaluation prospective des complications péri-opératoires
observées durant trois années d’expérience de la prostatecto-
mie par cœlioscopie (567 patients, 468 sans curage ganglion-
naire). Il faut relever 21 complications sévères (3,7 %) ayant
nécessité une réintervention et 83 complications mineures
(14,6 %). Une conversion chirurgicale par voie rétropubienne
a été nécessaire dans 7 cas (1,2 %). Le taux de transfusion a
été de 4,9 %.
Prostatectomie et tumeurs de haut grade
Mian et al. (22) ont analysé le devenir des patients présentant
une tumeur de prostate de Gleason 8 traités par prostatecto-
mie radicale dans une série rétrospective du MD Anderson de
188 patients présentant ce critère sur 1 199 patients traités par
prostatectomie radicale entre avril 1987 et octobre 1998
(médiane de suivi 60 mois). Cent huit (57 %) avaient des
marges négatives. Les patients avec des marges négatives
avaient une survie sans récidive à 5 ans statistiquement
meilleure (84 % versus 50 %, p < 0,0001).
L’équipe de la Mayo Clinic (23) a de même évalué le devenir
à long terme de 407 patients avec une tumeur de Gleason 8
(48 %), 9 (49 %) ou 10 (3 %), traités par prostatectomie (sur
un total de 6 419 patients prostatectomisés entre 1987 et 1996).
Un traitement complémentaire a été utilisé chez 45 % des
patients : 38 % ont notamment eu une hormonothérapie adju-
vante. La distribution en stades était la suivante : pT2 (26 %),
pT3 (48 %) et pTx N+ (27 %). Les survies globale et sans pro-
gression à 10 ans étaient respectivement de 67 % et 36 %. En
analyse multivariée, le grade histologique (p = 0,02), le PSA
préopératoire (p < 0,0001), le traitement adjuvant (p < 0,0001)
et le stade pathologique (p = 0,036) étaient des facteurs pro-
nostiques indépendants de la survie sans progression.
On peut conclure de ces deux études qu’une survie à long
terme peut être obtenue pour des tumeurs intracapsulaires et à
marges négatives dans cette population. Les facteurs prédictifs
de récidive sont les mêmes que ceux établis pour les autres
grades.
Place de la radiothérapie
L’intérêt d’une radiothérapie postopératoire après prosta-
tectomie quand les marges sont positives n’est toujours pas
démontré. Choo et al. (24) ont analysé rétrospectivement le
devenir de 125 patients présentant des marges positives et/ou
une tumeur pT3 avec un PSA indétectable après prostatecto-
mie, 73 patients étant traités par radiothérapie postopératoire
(médiane : 3,4 mois) et 52 sans radiothérapie. Si aucune diffé-
rence en survie globale n’a été retrouvée à 5 ans (94 % versus
95 %), en revanche, le taux de survie sans rechute biologique à
5 ans (PSA 0,2 ng/ml) était significativement supérieur dans
le groupe traité par radiothérapie adjuvante (88 % versus 65 %,
p= 0,0013). Dans une autre série (25) de 423 patients pT3N0
(médiane de suivi 7 ans) traités par radiothérapie après prosta-
tectomie, les taux de survie globale à 5 et 10 ans étaient, res-
pectivement, de 92 % et 73 %, et les taux de survie sans réci-
dive (PSA < 0,05 ng/ml) de 69 % et 51 %.
Le recours à la radiothérapie de rattrapage se discute d’autant
plus dans la pratique quotidienne que ses résultats, en cas de
récidive locale ou biologique, paraissent limités (26).
Dans l’actualisation de l’essai de l’EORTC ayant inclus
415 patients, Bolla et al. (27) ont confirmé les bénéfices en
survie à long terme d’une suppression androgénique de trois
ans associée à la radiothérapie locorégionale par rapport à la
même radiothérapie utilisée seule dans les cancers de prostate
localement avancés. La survie sans récidive clinique à 5 ans
est de 40 % dans le groupe radiothérapie seule (IC 95 % : 32-
48) versus 74 % (67-81) dans le groupe combiné (p = 0,0001).
Les survies globales à 5 ans sont, respectivement, de 62 % (52-
72) et 78 % (72-84) (p = 0,0002), et les survies spécifiques à
5ans de 79 % (72-86) et 94 % (90-98).
Association hormonothérapie et rétinoïde
L’acide 13-cis rétinoïque ayant montré en préclinique une acti-
vité antiproliférative sur des cellules de cancer de prostate,
Ferrari et al. (28) ont testé son intérêt potentiel lors du traite-
ment initial de cancers avancés hormonodépendants dans un
essai de phase II randomisé comparant un blocage complet
avec ou sans acide 13-cis rétinoïque, sans que soit retrouvé de
modification de la courbe de décroissance du PSA.
Intérêt du docétaxel dans les cancers métastatiques en
échappement hormonal
Petrylak (29) et Coppur (30) avaient rapporté, dans deux
études de phase II testant des associations de docétaxel et
d’estramustine, des taux de réponse biologique de 74 % et
76 %. Sinibaldi (31) a publié les résultats d’un autre essai de
phase II ayant inclus 42 patients, retrouvant un taux de réponse
biologique de 45 % (IC 95 % : 29-62 %).
Les résultats de l’étude de phase II randomisée CP-2000-01
comparant deux schémas d’association de docétaxel et d’estra-
mustine à la combinaison de mitoxantrone et de prednisone de
l’AMM ont été présentés en session orale à l’ASCO (32) et à
l’ESMO 2002 (33). Le docétaxel était administré tous
les 21 jours à la dose de 70 mg/m2(bras A), ou selon un frac-
tionnement J1-J8 (bras B) à la dose de 35 mg/m2. Le phosphate
d’estramustine était débuté la veille du docétaxel et délivré
ensuite pendant 4 jours à la dose orale de 280 mg x 3/jour. Sur
les 127 patients analysables, les deux combinaisons de docé-
taxel-estramustine ont montré une plus grande efficacité que le
schéma de référence de Tannock en termes de taux de réponse
biologique de baisse du PSA 50 % (67 % et 62 % versus
17 % ; p = 0,00001), d’amélioration de l’index de la douleur
(79 % et 56 % versus 41 % ; p = 0,007) ou de l’index de per-
TUMEURS UROLOGIQUES
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formance (79 % et 59 % versus 35 % ; p = 0,001) et d’aug-
mentation du bénéfice clinique (70 % et 50 % versus 32 % ;
p=0,009). La durée médiane sans progression du PSA était
supérieure dans les bras A et B par rapport au bras C (9,1 et
9,5 mois versus 1,7 mois ; p = 0,00001). Au plan de la tolé-
rance, il convient de remarquer l’absence de neutropénie de
grades 3-4 pour le schéma fractionné B contre, respectivement,
37 % (16 sur 43) et 48 % (20 sur 42) pour les bras A et C. Il
n’a été rapporté aucune neutropénie fébrile avec le docétaxel.
Malgré la “couverture” de coumadine, il faut noter 7 % de
complications thromboemboliques dans les bras A et B. C’est
la première fois qu’une étude randomisée montre un avantage
en termes de survie par rapport au schéma de référence
(18,6 et 18 mois versus 11,6 mois ; p = 0,002).
Trastuzumab (Herceptin®)
Une étude réalisée au MSKCC de New York et publiée dans le
Journal of Clinical Oncology (34) a pu seulement montrer
l’absence d’intérêt du trastuzumab pour les tumeurs n’expri-
mant pas HER2 et a conduit ses auteurs à conclure qu’il ne
peut y avoir de développement sans une identification fiable et
reproductible des tumeurs HER2+ qui pourrait permettre de
sélectionner les patients pouvant potentiellement bénéficier de
ce traitement. Le test utilisé dans cette étude était
l’Herceptest®, trop sensible : il était retrouvé 42 % de positivité
dans les tumeurs androgénorésistantes, avec un IC 95 %
variant de 14 à 60 %…
Insistons, comme nous l’avions rapporté préalablement, sur le
fait qu’il n’est pas retrouvé, en règle générale, d’amplification
génique par les différentes équipes (la FISH est constamment
négative).
Intérêt des biphosphonates dans le traitement des méta-
stases osseuses
Le zolédronate (Zometa®), biphosphonate de troisième généra-
tion, vient d’obtenir son AMM dans les cancers de prostate
avec métastases osseuses, au vu des résultats d’une étude ran-
domisée (35), en double aveugle (zolédronate 4 mg toutes les
3semaines en perfusion de 15 mn : 214 patients) contre pla-
cebo (208 patients) montrant une réduction significative du
nombre de patients présentant au moins un événement osseux
(33 % versus 43 %, p = 0,02), un retard à l’apparition du pre-
mier événement osseux (p = 0,011), une diminution du score
de douleur (à 9 mois : 0,38 versus 0,78, p = 0,03). En
revanche, la survie n’est pas modifiée.
Tumeurs neuro-endocrines
Les tumeurs à composante neuro-endocrine représentent une
entité clinique à part, caractérisée par une hormonodépendance
courte, une dissociation entre un volume tumoral prostatique
important, des taux faibles de PSA, des localisations ganglion-
naires souvent prédominantes, des localisations viscérales pul-
monaires, hépatiques et cérébrales. Elles répondent à une chi-
miothérapie de type étoposide-cisplatine (36). L’association de
doxorubicine à cette combinaison de référence n’est source que
d’une importante toxicité surajoutée, sans manifestement
apporter de bénéfice supplémentaire, comme le montre une
étude de phase II menée au MD Anderson (37) sur 38 patients
inclus entre 1992 et 1998 et présentant un carcinome à petites
cellules métastatique bien caractérisé, pur ou associé à de l’adé-
nocarcinome. Le taux de réponse objective observé a été de
61 %, avec des médianes de temps jusqu’à progression et de
survie globale respectivement de 5,8 mois et de 10,5 mois. Les
effets secondaires ont été majeurs, avec 100 % de neutropénies,
66 % de thrombopénies de grades 3-4 et 3 décès toxiques.
Une large étude scandinave comparant prostatecto-
mie totale et “wait and see” publiée dans le New
England Journal of Medicine n’a pas retrouvé de diffé-
rence significative en termes de survie globale, avec
une médiane de suivi de 6,2 ans, malgré une diminution significa-
tive de la mortalité spécifique, remettant en cause l’intérêt du
dépistage.
À contre-pied, l’Association française d’urologie insiste sur le
devoir d’information en rappelant que le diagnostic précoce, qui
repose sur le PSA et le toucher rectal, offre le maximum de chances
de guérir de la maladie.
Il faut insister, surtout, sur les importantes avancées biologiques
fondamentales et, notamment, sur les premières données des
micro-arrays, qui devraient orienter rapidement vers de nouveaux
axes thérapeutiques...
Les résultats de l’étude française de phase II rando-
misée, montrant un net avantage en faveur de l’asso-
ciation docétaxel-phosphate d’estramustine, consti-
tuent la première étape vers de nouvelles pratiques
détrônant l’association, actuellement de référence, mitoxantrone-
prednisone dans les cancers hormonorésistants.
CANCER DE VESSIE
Chez les sujets jeunes
Les données du MSKCC de New York (38) sur 74 patients
âgés de 40 ans et moins n’ont pas montré de différence quant à
la distribution en stades et à l’histoire naturelle par rapport à
une population plus âgée (de 65 ans et plus). Elles suggèrent
qu’une partie de ces sujets jeunes traités par cystectomie pré-
sentent des tumeurs particulièrement agressives de mauvais
pronostic en raison d’un fort potentiel métastatique (il n’a pas
été retrouvé, en revanche, de différence en termes de récidive
locale).
Morbidité de la cystectomie chez les sujets âgés (> 75 ans)
Soulié et al. (39) ont rapporté l’expérience multicentrique de
73 cystectomies (51 dérivations externes, 22 néovessies
iléales) réalisées entre 1995 et 2000. L’âge médian était de
77,3 ans (75-89 ans). La durée médiane d’intervention a été de
263 minutes, la mortalité périopératoire de 2,7 %, le taux de
complications précoces et tardives postopératoires de 46,5 %
et 16,4 %. Trois réinterventions ont été nécessaires. Les com-
plications précoces les plus fréquentes ont été les pyéloné-
phrites (12,3 %), les désorientations (10,9 %), les pneumopa-
r
é
f
l
e
x
i
o
n
action
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thies (8,2 %), les iléus prolongés (12,3 %) ; pour les complica-
tions tardives, il s’agit des sténoses urétérales anastomotiques
(5 cas) et des hernies (3 cas). À condition d’une bonne sélec-
tion et d’une approche médicale multidisciplinaire, il est pos-
sible d’envisager une cystectomie chez des sujets âgés avec
une morbidité périopératoire acceptable.
Importance de la qualité du curage ganglionnaire
Herr et al. (40) ont évalué la relation entre le nombre de gan-
glions enlevés lors du curage et le risque de récidive locale
dans une série de 322 patients traités par cystectomie et curage
bilatéral. Dans les stades pN0 et pN1, une amélioration de la
survie était associée à une augmentation du nombre de gan-
glions prélevés. Les auteurs concluaient qu’il fallait au moins
9 ganglions examinés pour définir correctement le statut gan-
glionnaire. Cette information est nécessaire non seulement
pour le traitement et le pronostic, mais aussi pour identifier les
patients pouvant bénéficier d’un traitement adjuvant.
Traitements combinés avec préservation de vessie
Gospodarowicz, dans un éditorial du Journal of Clinical Onco-
logy (41), a fait le constat de la place limitée, dans les pra-
tiques, des essais de préservation d’organe. Les associations
radio-chimiothérapie après résection transurétrale dans les can-
cers de vessie restent marginales malgré les données, mainte-
nant à long terme aux États-Unis, de l’équipe de Shipley et, en
Europe, des équipes allemandes (42, 43). Pourquoi ? L’expé-
rience internationale en a pourtant confirmé les bons résultats
en termes de contrôle local et de survie pour les tumeurs T2-3a
de moins de 5 cm localisées au dôme, totalement réséquées et
sans CIS. La modification des attitudes devrait venir d’une
meilleure coopération entre les différents acteurs concernés. Il
est important de noter que des améliorations sont aussi atten-
dues des progrès de l’imagerie, de la radiothérapie conforma-
tionnelle et de la découverte de nouveaux paramètres biolo-
giques pronostiques pour mieux cibler les patients pouvant
bénéficier de ces traitements.
Chimiothérapie néoadjuvante dans le cancer de vessie localisé
R. Hall (44) a présenté l’actualisation à 7 ans de l’essai du
MRC comparant, dans les cancers invasifs, trois cycles de
CMV néoadjuvant avant le traitement local (qui pouvait faire
appel soit à une cystectomie, soit à une radiothérapie exclu-
sive) au seul traitement local. Cette étude, publiée en 1999
dans le Lancet, constitue à ce jour la plus large étude néoadju-
vante en termes de nombre de patients, avec 976 patients
inclus (491 dans le bras chimiothérapie versus 485). La diffé-
rence en survie globale de 6 % en faveur du traitement néoad-
juvant se maintient à 7 ans.
Chimiothérapie de première ligne métastatique
Un essai conduit par l’ECOG (45) s’est intéressé spécifique-
ment à des patients présentant une insuffisance rénale (créati-
nine comprise entre 16 et 40 mg/l). Avec une association de
paclitaxel (225 mg/m2) et de carboplatine (AUC 6) reprise
toutes les trois semaines, il a été obtenu, chez 37 patients en
première ligne métastatique, un taux de réponse de 24,3 %
(IC 95 % : 11,9-41,7 %). Les médianes de survie sans progres-
sion et de survie globale étaient, respectivement, de 3 mois et
de 7,1 mois. Le même groupe a initié une étude d’association
de paclitaxel (100 mg/m2) et de gemcitabine (600-800 mg/m2)
J1, J8, J15 tous les 28 jours.
Deuxième ligne de chimiothérapie dans les cancers de vessie
avancés
Il n’existe pas de standard.
Avec un schéma ambulatoire associant, toutes les deux
semaines, gemcitabine (2 500-3 000 mg/m2) et paclitaxel
(150 mg/m2), C. Sternberg (46) a rapporté 24 répondeurs sur
41 patients ayant déjà reçu une première ligne de chimiothéra-
pie à base de platine en phase métastatique, adjuvante ou
néoadjuvante, soit un taux de réponse de 60 % ( IC 95 % : 45-
75 %). La médiane de durée de réponse a été de 6,4 mois et la
médiane de survie, de 14,4 mois. Trente-deux pour cent des
patients ont développé une neutropénie de grades 3-4 et 7 %
une neutropénie fébrile.
Dans une étude de phase II (47) ayant inclus 51 patients préala-
blement traités par une ou deux lignes de chimiothérapie, l’asso-
ciation de cisplatine (30 mg/m2), gemcitabine (800 mg/m2) et
ifosfamide (1 g/m2) délivrée à J1 et répétée à J8 et J15 en cas de
tolérance hématologique acceptable a permis d’obtenir un taux
de réponse objective de 40,8 % (IC 95 % : 27-56 %). Quarante-
huit patients (94,1 %) ont eu une toxicité hématologique dose-
limitante à J8 ou J15 permettant de conclure que ce schéma
d’administration n’est pas applicable. Les auteurs recomman-
dent seulement deux injections espacées toutes les 4 semaines.
Avec du Taxol®hebdomadaire (80 mg/m2en perfusion d’une
heure), il a été rapporté, dans une étude de phase II (48) ayant
inclus 31 patients en deuxième ligne de chimiothérapie, un
taux de réponse objective modeste de 10 % (IC 95 % : 0-
20 %), avec un temps médian jusqu’à progression de 2,2 mois.
HER2
Dans deux publications récentes (49, 50), un pourcentage
élevé de tumeurs de vessie métastatiques (respectivement
67 % et 71 %) présentent une surexpression d’HER2 et pour-
raient être candidates à des traitements ciblés par le trastuzu-
mab (Herceptin®) ou par des inhibiteurs de tyrosine kinase. En
immunohistochimie, cette surexpression, au contraire de celle
des cancers du sein, est souvent hétérogène, avec des secteurs
pouvant présenter une forte surexpression et d’autres, aucune
fixation pour l’anticorps anti-HER2 utilisé. Il existe une bonne
corrélation entre l’expression d’HER2 au niveau de la tumeur
primitive et celle au niveau des métastases.
Il ne faut pas oublier les indications bien ciblées de la
tentative de préservation de la vessie par une asso-
ciation de résection transurétrale et de radio-chimio-
thérapie dans les cancers invasifs. Ces pratiques res-
tent marginales, tant en France qu’aux États-Unis, par rapport à ce
qu’elles pourraient être. Les progrès viendront du développement
de la multidisciplinarité.
TUMEURS UROLOGIQUES
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