INTRODUCTION La Maladie de décompression désigne l'ensemble des manifestations traduisant les phénomènes anormaux de décompression, avec des manifestations polymorphes et variées : paresthésies, malaise général, gène respiratoire, toux, expectoration parfois sanglante, céphalées, asthénie intense, vertiges, voire état de choc, hypovolémie... ça peut aller de simples manifestations bénignes à des tableaux plus sévères ; cela traduit le processus de décompression anormal et peut être le prélude à une évolution vers un accident de type médullaire ou vestibulaire ou neurologique central. La classification physiopathologique habituellement utilisée pour les accidents de plongée n’est pas adaptée à la situation pré hospitalière, car pour un seul symptôme plusieurs mécanismes physiopathologiques peuvent exister, Un diagnostic le plus précis possible permettra au mieux d'orienter le malade et de lui proposer un traitement adapté. Il existe une classification descriptive, qui respecte des critères morphologiques, cliniques, étiopathologiques, chronologiques, et évolutives, peut être plus adaptée à notre situation. A. LA CLASSIFICATION PHYSIOPATHOLOGIQUE : 1. LES BAROTRAUMATISMES - Sinus sang dans le masque céphalées - O.R.L. : Oreille moyenne : otalgie, hypoacousie de transmission, Oreille interne : hypoacousie, vertige rotatoire - Digestif : rupture gastrique - La surpression pulmonaire : Hémoptysie, emphysème sous-cutané sus-claviculaire, du cou, du visage ; pneumothorax - Toxicité des gaz 2. LES ACCIDENTS DE DECOMPRESSION - les signes cutanés puces : piqûres vives et prurigineuses moutons : érythèmes douloureux, œdèmes cutanées et sous cutanées - les signes osteo articulaires bend : atteinte mono articulaire - Les signes neurologiques : médullaire : coup de poignard dorsal, paresthésie, puis paraplégie flasque, SD de brown sequard selon localisation vestibulaire : vertige rotatoire, SD vestibulaire harmonieux périphérique cérébraux : polymorphisme - les signes pulmonaires dyspnée avec polypnée - les signes cardiaques IDM B. LA CLASSIFICATION DESCRIPTIVE Une classification simple, à usage clinique immédiat, selon les recommandations du jury de la 2e conférence européenne de consensus. Pour poser le bon diagnostic de prime abord, il faut répondre à 3 questions, qui semblent cruciales : · Derrière les symptômes principaux, quels sont les signes cliniques associés ? · A quelle phase de la plongée sont apparus ces symptômes ? · Existe-t-il un contexte à risque ? Pour illustrer cela voici quelques exemples : 1 - LES MANIFESTATIONS CUTANEES Les manifestations cutanées sont le plus souvent attribuées aux incidents bénins de décompression type I, mais il faut guetter les signes annonciateurs d’évolution vers un ADD grave : asthénie inexpliquée, malaise, lipothymie, angoisse, agitation, nausée, pâleur, toux, céphalées... Les « moutons » de grande étendue avec crépitation neigeuse à la palpation sont également à considérer comme élément de gravité. L’emphysème sous-cutané du cou ou de la face doit orienter de principe vers la surpression pulmonaire. Et il ne faut pas confondre « puces » et paresthésies des membres inférieurs ou de l’hémicorps. Le moindre doute justifie une surveillance hospitalière à proximité du caisson hyperbare. 2 - LA DOULEUR MUSCULAIRE, OSSEUSE OU ARTICULAIRE La même méfiance s’impose devant la douleur musculaire, osseuse ou articulaire. Les bends sont le plus souvent de localisation mono-articulaire, ou concerne un seul membre, alors qu’une symptomatologie douloureuse hémicorporelle ou des deux membres inférieurs doit faire suspecter un accident neurologique. D’ailleurs la douleur des bends est majorée à la mobilisation, ce qui n’est pas le cas des dysesthésies de l’ADD neurologique. Si le diagnostic différentiel pose problème – avec notion de traumatisme ou douleur préexistante – il sera toujours prudent d’opter pour l’épreuve thérapeutique hyperbare. Une piqûre ou morsure venimeuse peut provoquer une douleur violente. 3. LA DOULEUR La douleur en coup de poignard rachidien est à rechercher activement dans l’histoire de maladie, elle est signe prémonitoire de l’ADD médullaire. La douleur thoracique en plongée fait penser aux chokes dans le cadre d’un accident de décompression sévère ou à la surpression pulmonaire lors d’une remontée à risque. Devant la douleur épigastrique le barotraumatisme gastrique est à craindre ; en conséquence la surveillance hémodynamique et la recherche d’un pneumopéritoine s’impose. Mais les gastralgies peuvent également être signe d’hypercapnie. 4. LES CEPHALEES Les céphalées s’intègrent dans le tableau clinique du barotraumatisme des sinus avec notion de sang dans le masque du plongeur ; mais elles peuvent annoncer une hypercapnie quand elles sont associées à l’essoufflement. 5. L’OTALGIE L’otalgie oriente vers le barotraumatisme de l’oreille. L’otorragie extériorisée confirme la perforation tympanique. Est-ce qu’il y a une atteinte cochléaire – donc de l’oreille interne ? Encore plus que l’otoscope, c’est le diapason qui est utile à la recherche d’une surdité de perception : l’épreuve de latéralisation de Weber est de réalisation rapide et facile ; la latéralisation dans l’oreille saine, contre latérale, plaide pour le barotraumatisme de l’oreille interne, et signe l’indication d’OHB. Les vertiges ne sont pas typiques dans ce contexte ; il s’agit donc classiquement d’une atteinte cochléaire pure. 6. Les vertiges Au lieu de conclure trop vite à un banal «mal de mer » devant l’existence de vertiges, de nausées et de vomissements, il faut plutôt penser à l’ADD de l’oreille interne, Rechercher un nystagmus, et objectiver des troubles d’équilibre : la déviation des index, la latéro-pulsion au Romberg, les troubles de la marche. Le syndrome vestibulaire périphérique ainsi réalisé est complet et harmonieux, c’est à dire toutes les déviations lentes se font dans le même sens. Les signes d’accompagnement sont la pâleur, les sueurs, et la bradycardie ; une surdité peut être associée. 7. LES SIGNES NEUROLOGIQUES Un grand effort doit être fait quant à l’examen neurologique. Il s’agira d’un véritable dépistage minutieux et systématique de tout signe médullaire ou cérébral. Une observation neurologique type peut être utile dans ce contexte. Ce dépistage doit inclure la recherche des signes suivants : · paresthésie des membres, déficit sensitif partiel : différenciation au piqué touché, sensibilité à la vibration, orientation positionnelle, sensation localisée de chaud, · troubles sphinctériens, rétention urinaire, reflex anal, hypoesthésie périnéale, · graduation de la force musculaire de 0 à 5 (score ASIA), état des réflexes, · signes cérébelleux, ataxie, · déficit visuel, nystagmus, asymétrie des paires crâniennes, · troubles de langage, mnésiques, de la vigilance, du comportement. Même quand l’examen neurologique est normal, la moindre notion d’un déficit transitoire – disparu – doit faire considérer le diagnostic d’ADD neurologique, qui est l’urgence hyperbare par excellence. L’examen clinique exhaustif ne doit retarder ni la mise en route du traitement ni l’évacuation du patient. 8. LA PERTE DE CONNAISSANCE La P.C. est souvent dramatique en plongée, elle peut survenir dans bon nombre de circonstances (tab. 2). Il incombe de rechercher des symptômes de surpression pulmonaire et de noyade. 9. LES AUTRES SIGNES D’autres signes associés sont d’une grande valeur pour le diagnostic d’accident de plongée. D’une part les signes généraux comme l’état de choc, d’autre part les signes respiratoires sont des arguments en faveur d’un accident grave tel que la surpression pulmonaire ou l’ADD neurologique avec chokes. Il faut systématiquement rechercher des signes de surpression pulmonaire : l’hémoptysie, le pneumothorax, et l’emphysème sous-cutané du cou. En cas de prise en charge plus tardive, l’apparition de troubles hémodynamiques opte pour l’évolution d’ADD en MDD. Les "shokes" est un terme anglo-saxon qui désigne les manifestations pulmonaires de la décompression anormale avec un engorgement du système droit par les bulles circulantes et htap, gène au retour veineux etc... ça se traduit par un essoufflement , une gêne respiratoire, des quintes de toux , des expectorations sanglantes ( pré- oap), parfois des signes de cœur droit etc... le risque est alors le débordement des capacités cardiopulmonaires, l'ouverture de shunts droits-gauches pulmonaires avec embolisation dans le système artériel, et l'engorgement d'amont avec stase au niveau notamment de la circulation de retour des plexus veineux médullaires... C. LES PHASES DE LA PLONGEE Savoir à quel moment les signes sont apparus – par rapport au déroulement de la plongée – est d’une importance primordiale. En déduction de leur physiopathologie, une classification chronologique des accidents en fonction des phases de la plongée peut être proposé. 1. LES CEPHALEES - à la descente orientent vers le barotraumatisme des sinus - ceux apparus au fond feront suspecter l’hypercapnie en particulier - en fin de palier ou après la plongée les céphalées vont faire craindre un ADD cérébral débutant. 2. Le vertige, - déclenché par stimulation calorique asymétrique à l’immersion, - est signe toxique lié à la pression partielle d’un gaz quand il apparaît au fond, - peut être transitoire plutôt en début de remontée dans le cadre du vertige alternobarique, - apparaît beaucoup plus en fin de palier – voire après la plongée – quand il s’agit de l’ADD vestibulaire. - Quand le vertige est constaté dans le bateau, il est beaucoup trop souvent pris pour un mal de mer. 3. LE POLYMORPHISME DES SIGNES NEUROLOGIQUES CENTRAUX peut rendre le diagnostic difficile : - apparus au fond ils sont conséquence directe de la pression d’un gaz - alors que provoqués en fin de remontée il faut penser à la surpression pulmonaire - Dans le cadre de l’ADD cérébral ils débutent en fin de palier de décompression ou après l’émersion. 4. LA PERTE DE CONNAISSANCE : - L’hydrocution est une P.C. à l’immersion - la syncope hyperalgique à la descente est plutôt barotraumatique - Responsable d’accident mortel « inexpliqué » au fond la P.C. dépend encore de la toxicité d’un gaz, qui est fonction de la profondeur de la plongée. - Mais il faut la craindre surtout lors d’une remontée rapide – signant la surpression pulmonaire jusqu’à preuve du contraire.. D. LES CONTEXTES A RISQUE Le diagnostic des accidents de plongée est plus aisé si un contexte favorisant est reconnu. A ce propos il est particulièrement utile de savoir, si une plongée est saturante ou non. Pour calculer les paliers de décompression, les tables de la MN 90 font référence. En utilisant ces tables il peut être définie une courbe de sécurité, grâce à laquelle on peut distinguer par un simple coup d’œil la plongée qui nécessite des paliers de décompression – qui est donc saturante – de celle qui ne l’est pas. Il suffit de connaître la profondeur P en mètres et la durée T en minutes pour situer le point correspondant. Le caractère saturant d’une plongée expose au risque d’ADD. Il est statistiquement prouvé qu’un plongeur, qui – au contraire – ne dépasse pas la profondeur de 30 mètres et qui reste au dessus de la courbe de sécurité, court 6 fois moins le risque d’ADD par rapport à la moyenne des plongeurs. Quant à l’effort pendant la plongée, il favorise l’apparition des bends ; le membre atteint est souvent celui qui est le plus sollicité lors de l’effort. Nous avons déjà souligné le rôle de la dysfonction équipressive de la trompe d’Eustache dans la genèse des barotraumatismes de l’oreille. La notion de forcing tubaire au début de la descente rend donc probable l’étiologie barotraumatique d’un vertige ; et en cas de céphalées, les pathologies O.R.L. préexistantes aident à orienter vers l’origine sinusienne. E. LA PRISE EN CHARGE PRE HOSPITALIERE 1 Evaluation clinique : · Recherche d’une détresse vitale · Recherche systématique de signes évocateurs de surpression pulmonaire · Se méfier des « petits » signes de noyade · Hémorragie extériorisée · faire un dextro, prendre la température, la saturation, fréquence respiratoire + pouls + tension artérielle Chercher morsure ou piqûre, moutons de grande étendue, tester l’arthralgie vraie, qui se majore à la mobilisation = bends. · dépistage neurologique minutieux : · bilan O.R.L. : · interrogatoire des coéquipiers, du moniteur pour avoir les paramètres de la plongée : l’heure de l’immersion, la durée en minutes, la profondeur en mètres, la durée des paliers de décompression, l’heure de la sortie de l’eau du plongeur A quelle phase de la plongée les signes sont-ils apparus ? Est-ce que la plongée est saturante ? Est-ce qu’il existe un profil de plongée à risque : plongée successive, consécutive, « yo-yo », hors table ? Comment peut-on expliquer la survenu de l’accident d’après l’entourage ? C’est la recherche de circonstance favorisante et de facteurs de risque 2. LE TRAITEMENT ANTI-ADD : - Oxygène 15 litres /minute au masque à haute concentration, - VVP : Ringer lactateÒ 1 litre /1 heure (pas de soluté glucosé) - ElohesÒ 500 ml si choc, renouvelable, < 33 ml /kg /j. - AspégicÒ 500 mg IVD si non donné, - Prévention de l’hypothermie : sécher le plongeur, couverture de survie, - RivotrilÒ 1 mg IVD ou IM si convulsions, - Pro-dafalganÒ 2 g IVL si fièvre. - Le traitement de la noyade : 1) l’oxygénation est le principe de base, il faut assurer la liberté des voies aériennes, intubation facile, 2) le pneumothorax est à craindre constamment, désadaptation du respirateur, avec désaturation ? L’exsufflation au CathlonÒ peut suffire dans l’ambulance, avec un robinet à 3 voies, 3. BILAN ET EVACUATION : BILAN Caisson : - donner un bilan clinique - profil de plongée Passer soit par le SAMU ou le standard du CHU : EVACUATION - ou ? - Comment ? · L’intervention en hélicoptère : 1 en cas de problème d’accessibilité par la route, 2 se méfier des pathologies évolutives : noyade, hypothermie, surpression pulmonaire, ADD cérébral évolutif, instabilité hémodynamique malgré remplissage à intubation, ventilation artificielle, stabilisation du patient, 3 pneumothorax : drainage thoracique avec bonne fixation du drain, cousu sans jeu, et valve anti-retour de Heimlich en place.